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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3851/2018

ATA/136/2019 du 12.02.2019 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; DÉTENU ; MESURE DISCIPLINAIRE ; DROIT DISCIPLINAIRE ; PROPORTIONNALITÉ ; MAXIME INQUISITOIRE ; MENACE(EN GÉNÉRAL) ; FAUTE
Normes : LPA.60.al1.letB; Cst.29.al2; RRIP.42; RRIP.44; RRIP.45; RRIP.47.al1; RRIP.47.al2; RRIP.47.al3; Cst.5.al2; CP.180.al1
Résumé : Rejet du recours contre une décision de placement d'un détenu de trois jours en cellule forte pour trouble à l'ordre de la prison et menaces envers le personnel, ainsi que refus d'obtempérer. Recours recevable, bien que le recourant ait déjà subi sa sanction, il conserve un intérêt actuel à agir, un nouveau placement en cellule forte étant à nouveau possible. Compte tenu des circonstances et de son comportement, la sanction disciplinaire prononcée à son encontre se justifiait et était proportionnée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3851/2018-PRISON ATA/136/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 février 2019

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______


contre


PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1. Monsieur A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon
(ci-après : la prison) depuis le 20 avril 2018 en détention provisoire.

2. Un incident l'impliquant est survenu le 23 octobre 2018 à 17h10. À teneur du rapport établi le même jour, lors du service des repas, M. A______ avait demandé à un gardien stagiaire s'il pouvait faire un échange de cigarettes. Lorsqu'il lui avait été répondu par la négative, il avait commencé à s'énerver et à se montrer agressif verbalement. Afin d'apaiser la situation, un autre gardien était intervenu et avait demandé à l'intéressé de regagner sa cellule. M. A______ avait refusé, indiquant se sentir menacé par les propos du gardien. Face au refus de l'intéressé d'obtempérer, le gardien avait été dans l'obligation de l'accompagner jusqu'à sa cellule. M. A______ lui avait alors dit : « T'inquiète pas, j'habite à Genève, je vais te retrouver dehors et on verra si tu fais toujours le malin comme ça. Tu fais le malin parce que tu as un uniforme mais dehors tu n'es personne, donne-moi ton matricule, tu vas voir ce qu'il va t'arriver ». Le gardien avait alors refermé la porte et l'intéressé avait donné plusieurs coups de pied dans celle-ci.

3. M. A______ a été placé en cellule forte le jour même à 17h35.

4. Il a été entendu par le gardien-chef adjoint le 24 octobre 2018 à 09h50. Une sanction de trois jours de cellule forte pour menace envers le personnel, refus d'obtempérer et trouble à l'ordre de l'établissement lui a été signifiée oralement à 10h10.

La sanction lui a également été notifiée par écrit le même jour à 18h30. La décision était exécutoire immédiatement, nonobstant recours, et était signée par le directeur et le sous-chef cellulaire de la prison.

5. Par acte daté du 29 octobre 2018, mis à la poste le 2 novembre 2018,
M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre « la sanction disciplinaire du 23.10.2018 ».

Les auditions réalisées par le gardien chef n'étaient pas objectives. L'agent en formation avait été entendu, alors qu'il avait lui-même rédigé le rapport « avec le gardien en question ». Il avait en revanche refusé d'entendre ses deux codétenus.

Les images de la vidéosurveillance lui donnaient raison. Le gardien avait commis une faute en lui agrippant le bras, en voulant l'empêcher de manger et en tenant à son égard des propos inadéquats. Les images démontraient que le gardien était venu lui parler à trois reprises, « s'embrouillant dans ses paroles ». À sa dernière venue à la porte de la cellule, le gardien l'avait informé, devant quatre autres gardiens, qu'il n'y aurait pas de rapport, alors qu'il y en avait finalement eu un.

En tout état, il n'avait prononcé aucune menace. Il avait tout de suite regagné sa cellule et avait accepté de ne pas manger. Il n'avait créé aucun trouble, à l'inverse du gardien qui lui en avait créé.

6. Le 13 décembre 2018, le directeur de la prison a conclu au rejet du recours, « avec suite de frais ».

La constatation des faits, telle qu'opérée par l'intimée, devait être confirmée. Le rapport d'incident avait été établi par un agent de détention assermenté, complété par les images de vidéosurveillance, et ne laissait aucun doute quant aux faits qui s'étaient déroulés. Lesdites images démontraient notamment que le recourant, suite au refus de l'agent de détention stagiaire, était énervé et agité. Il n'avait d'ailleurs pas obtempéré aux injonctions de l'agent de détention qui avait été contraint de le raccompagner jusqu'à sa cellule.

Le droit d'être entendu du recourant n'avait pas été violé. La sanction disciplinaire avait été prise après l'avoir entendu. L'intimée n'avait pas eu besoin de procéder à des investigations supplémentaires, notamment l'audition d'autres détenus, puisqu'elle détenait tous les éléments nécessaires au prononcé de la sanction.

Le recourant avait adopté un comportement contraire au règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du
30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04) en refusant de regagner sa cellule et en tenant à l'égard de l'agent de détention les propos qui ressortaient du rapport d'incident. La sanction infligée était justifiée par un intérêt public. Il était indispensable de sanctionner les violations règlementaires, notamment les menaces envers le personnel. La sanction était par ailleurs nécessaire et adéquate, au regard du comportement menaçant et agressif du recourant.

7. Le 4 janvier 2019, M. A______ a répliqué, persistant dans sa précédente argumentation.

Au surplus, il contestait avoir refusé d'aller en cellule ou d'avoir tenu les propos qu'on lui reprochait. Il n'avait jamais tutoyé le gardien. Les auditions des autres détenus étaient nécessaires pour clarifier les propos échangés. Il avait été placé à l'isolement avant même d'avoir été entendu et alors même qu'il ne présentait aucun risque physique pour qui que ce soit. Il était surprenant que le gardien-chef base ses observations sur les images de vidéosurveillance, en omettant toutefois de constater le geste parfaitement visible du gardien.

Un incident grave était survenu à la fin du mois de décembre entre un autre détenu et ce même gardien, ce qui confirmait « un mode opératoire similaire de la part de ce gardien, c’est-à-dire provocation avec contact physique et saisie du bras. Les tensions sur l'étage entre les prisonniers et ce gardien [étaient] croissantes ». À l’opposé, durant les six ans de prison qu’il avait déjà effectués, il n’avait jamais proféré de menaces.

Il souhaitait « une confrontation avec accès à la vidéo, ainsi que l'identité du gardien dans le cas où [il devrait] déposer plainte ».

8. Le 10 janvier 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 60 al. 1 RRIP).

2. a. La sanction ayant déjà été exécutée, il convient d’examiner s’il subsiste un intérêt digne de protection à l’admission du recours (art. 60 let. b LPA).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid 1.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 459 n. 1367 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1).

b. En l’occurrence, le recourant dispose d’un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui. La légalité de celle-ci doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, puisque cette sanction a déjà été exécutée. Cette situation pourrait se présenter à nouveau dès lors que rien dans le dossier ne laisse à penser que le détenu ait quitté l’établissement à ce jour (ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2b ; ATA/156/2018 du 20 février 2018 consid. 2 ; ATA/1135/2017 du 2 août 2017 consid. 5b et la jurisprudence citée).

Le recours est donc recevable à tous points de vue.

3. Le recourant sollicite l'audition de deux codétenus afin de permettre, selon lui, de clarifier les propos échangés avec le gardien qu’il aurait prétendument menacé. À teneur de sa réplique, il semble également solliciter la tenue d’une audience de « confrontation » avec le gardien en cause.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).

b. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

c. Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

d. En l'occurrence, le recourant a eu l’occasion de se déterminer par écrit devant la juridiction de céans, au moyen de deux écritures, et la prison a produit le rapport établi le 23 octobre 2016 par le gardien présent lors de l’incident ayant conduit à la sanction disciplinaire contestée, lequel relate précisément le déroulement des faits, soit notamment le refus du recourant de retourner en cellule et les propos menaçants qu’il aurait tenu à son égard. Par ailleurs, les images de vidéosurveillance ont été versées à la procédure. Nonobstant les autres incidents évoqués par le recourant entre le gardien qui indique avoir été menacé et d’autres détenus lesquels ne sont ni étayés ni prouvés , il ne ressort pas du dossier qu’un antécédent entre ledit gardien et le recourant permettrait d’établir l’existence de tensions entre eux et donc de penser que l’agent de détention aurait eu une quelconque raison de souhaiter le prononcé d’une sanction contre le recourant, en ne reproduisant pas les véritables termes prononcés par ce dernier. L’audition du recourant ou du gardien ayant établi le rapport ne serait dès lors pas susceptible d’apporter des éléments nouveaux. Pour le surplus, on ne voit pas quels éléments supplémentaires l'audition des codétenus pourrait apporter, en ce sens qu’aucun élément au dossier ne permet de considérer qu’ils aient entendu les propos échangés entre le gardien et le recourant, étant précisé que seuls le recourant, le gardien ayant établi le rapport d’incident et un gardien stagiaire apparaissent sur les images de vidéosurveillance au moment où auraient été proférées les menaces. La chambre administrative considère dès lors qu’elle dispose des éléments nécessaires pour statuer sans donner suite aux mesures d'instruction sollicitées par le recourant.

4. Selon l'art. 61 LPA, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (al. 1 let. a), ainsi que la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Elle ne peut ainsi pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse
(al. 2).

5. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs – la faute étant une condition de la répression – qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

6. a. Le RRIP régit le statut des personnes incarcérées à la prison.

b. Les détenus doivent respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire et les ordres du directeur et du personnel pénitentiaire (art. 42 RRIP). Ils doivent en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).

Selon l'art. 45 RRIP, il est interdit notamment aux détenus, et d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (let. h).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). À teneur de l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur, ou, en son absence, son suppléant, est compétent pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g).

7. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/502/2018 du 22 mai 2018 consid. 5 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP -
F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6).

8. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

9. a. L'art. 180 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) réprime le comportement de celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne.

Sur le plan objectif, cette infraction suppose la réalisation de deux conditions : il faut que l'auteur ait émis une menace grave, soit une menace objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime (ATF 122 IV 97
consid. 2b ; 99 IV 212 consid. 1a), et que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_578/2016 du 19 août 2016 consid. 2.1 ; 6B_871/2014 du 24 août 2015 consid. 2.2.2). Enfin, le contexte dans lequel des propos sont émis est un élément permettant d'en apprécier le caractère menaçant ou non (arrêts du Tribunal fédéral 6B_593/2016 du 27 avril 2017 consid. 3.1.3 ; 6B_307/2013 du 13 juin 2013 consid. 5.2).

b. Dans sa casuistique, la chambre de céans a retenu que la sanction de trois jours de cellule forte pour avoir notamment menacé les gardiens par ces termes :
« je vais trouver toutes vos adresses et je vais vous retrouver dehors » était justifiée (ATA/670/2015 du 23 juin 2015). Il en allait de même d’une sanction de deux jours de cellule forte fondée sur la menace faite à un employé « fais attention à ta femme et tes enfants, quand je sortirai je m'en occuperai » (ATA/13/2015 du 6 janvier 2015). Le fait d’avoir fait mine, par deux fois, de tirer en direction d’une surveillante a également été considéré comme une menace justifiant une sanction (réduite à deux jours de détention en cellule forte par la chambre de céans ; ATA/238/2016 du 15 mars 2016).

Dans un autre arrêt, les propos suivants : « Il fait trop le bonhomme, il ne sait pas qui je suis », suivis de : « Tu verras, tu me connais pas et tu ne sais pas de quoi je suis capable » ont été considérés comme étant à la limite de la punissabilité au vu de leur contenu (ATA/156/2018 du 20 février 2018).

Récemment, la chambre administrative a retenu que l'exclamation « Je vous préviens (…). Le pied contre la porte et les coups (de pieds donnés au chariot ou de pieds donnés par le codétenu dans la porte), c’est aussi pour vous ! » et les phrases « Je ne suis pas détenu ici. Je ne suis pas malade. Vous devez arrêter le cigare ! Vous allez voir » n’atteignaient pas une intensité telle qu’elles pouvaient constituer une menace objectivement de nature à alarmer ou à effrayer un ou des agents de détention. Les éléments constitutifs objectifs de l’infraction faisant défaut, l’existence d’une menace ne pouvait pas être retenue (ATA/731/2018 du 10 juillet 2018).

De même, elle a retenu que l'expression : « Genève, c'est petit » ne constituait pas, d’un point de vue objectif, une menace grave au sens de
l’art. 180 al. 1 CP (ATA/1242/2018 précité consid. 9).

10. En l’occurrence, le recourant conteste avoir menacé un gardien, avoir refusé de retourner dans sa cellule et avoir créé un trouble.

Compte tenu de la jurisprudence précitée portant sur la valeur probante des constatations figurant dans un rapport établi par des agents assermentés, la chambre administrative retiendra que l’incident s’est déroulé conformément à ce qui est décrit dans le rapport du 23 octobre 2018, rien ne permettant de s’en écarter. Le recourant se limite à opposer sa propre version des faits à celle constatée et vécue par l’agent de détention. Il ressort en particulier des images de vidéosurveillance que le recourant a refusé de regagner sa cellule, obligeant le gardien à l’y accompagner en le tenant par le bras. L’intéressé apparaît par ailleurs énervé et assez agressif dans ses échanges avec le gardien ayant rédigé le rapport d’incident. S’agissant des propos: « T'inquiète pas, j'habite à Genève, je vais te retrouver dehors et on verra si tu fais toujours le malin comme ça. Tu fais le malin parce que tu as un uniforme mais dehors tu n'es personne, donne-moi ton matricule, tu vas voir ce qu'il va t'arriver », on ne voit pas ce qui aurait amené le gardien à les mentionner s’ils n’étaient pas avérés. Or, ceux-ci atteignent une intensité telle qu’ils peuvent constituer une menace objectivement de nature à alarmer ou à effrayer un agent de détention.

Au vu de ces éléments, le recourant a adopté un comportement enfreignant le RRIP, à savoir qu’il a adopté une attitude incorrecte à l'égard du personnel pénitentiaire (art. 44 RRIP) et a troublé l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP).

Dans ces conditions et compte tenu du pouvoir d'examen limité de la chambre administrative (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1242/2018 précité consid. 10), la direction de la prison n’a ni abusé ni excédé son pouvoir d’appréciation, ni violé le principe de la proportionnalité, en prononçant le placement du recourant en cellule forte pour trois jours.

11. S'agissant enfin de la conclusion relative à la communication, au recourant, de l'identité du gardien avec lequel il avait eu une altercation, elle est exorbitante au litige - en plus d'être tardive -, dès lors qu'elle n'a pas de lien direct avec la sanction disciplinaire qui fait l'objet du recours, et sera donc déclarée irrecevable.

12. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté, dans la mesure où il est recevable.

13. Vu la nature du litige et son issue, aucun émolument ne sera perçu
(art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette,  dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 2 novembre 2018 par
Monsieur A______ contre la décision de la direction de la prison de
Champ-Dollon du 29 octobre 2018 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à la prison de
Champ-Dollon.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :