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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4508/2015

ATA/294/2016 du 05.04.2016 sur JTAPI/157/2016 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4508/2015-TAXE ATA/294/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 avril 2016

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Monsieur Kim H. Nguyên, conseil fiscal, mandataire

contre

VILLE DE GENÈVE, TAXE PROFESSIONNELLE COMMUNALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2016 (JTAPI/157/2016)


EN FAIT

1. A______ SA (ci-après : la société) est une société anonyme soumise à la taxe professionnelle communale en Ville de Genève (ci-après : la ville).

2. Par décision sur réclamation du 23 novembre 2015, la commission de réclamation en matière de taxe professionnelle communale a rejeté la réclamation de la société relative au bordereau de taxation définitive 2014 et de taxation reconduite 2015.

3. Le 22 décembre 2015, la société a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée.

4. Le 6 janvier 2016, le TAPI a adressé sous pli recommandé un courrier l’invitant à verser une avance de frais de CHF 500.- d’ici au 5 février 2016, sous peine d’irrecevabilité du recours.

5. Il ressort de la consultation du site internet de La Poste relatif au suivi des envois (consultable sur : www.laposte.ch) que le pli recommandé précité a été présenté pour distribution le 7 janvier 2016 à l’adresse du mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) de la société, auprès duquel celle-ci faisait élection de domicile, mais qu’il n’a pas pu être distribué ce jour-là, si bien qu’un avis pour retrait a été déposé dans la boîte aux lettres de celui-ci. Cependant, à l’échéance du délai de garde, soit le 15 janvier 2016, le pli a été retourné au TAPI avec la mention « non réclamé ».

6. Par jugement du 16 février 2016, le TAPI a déclaré irrecevable le recours de la société pour défaut de paiement de l’avance de frais, mettant à sa charge un émolument de CHF 350.-.

7. Par acte posté le 17 mars 2016, la société a interjeté recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 16 février 2016 précité, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour qu’il entre en matière sur le fond du recours. Le frère du MPQ, domicilié à B______-Ville au Viêtnam, avait vu son état de santé s’aggraver en décembre 2015 et avait été hospitalisé. Le 7 janvier 2016, le MPQ avait dû prendre l’avion pour se rendre au chevet de son frère. L’invitation à retirer à La Poste l’envoi contenant la demande d’avance de frais avait été déposée le même jour dans sa boîte aux lettres, après son départ de l’aéroport. Il n’avait donc pas pu prendre connaissance de ce document. Concernant les personnes qui vivaient sous son toit, sa compagne l’accompagnait au Viêtnam tandis que son fils était parti au Japon depuis le 28 décembre 2015 et devait y rester jusqu’au 22 mars 2016 suivant. Sa compagne était revenue à Genève le 24 janvier 2016. Il avait un deuxième fils qui vivait séparément à Genève mais il n’avait pu lui demander de relever son courrier que plusieurs jours après son arrivée au Viêtnam, soit aux environs du 13 janvier 2016. Ce dernier, qui exerçait la profession de médecin aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) n’avait pu venir relever le courrier avant le week-end des 16 et 17 janvier 2016. Il n’avait donc été informé de l’existence de l’invitation à retirer l’envoi à La Poste qu’après le 14 janvier 2016 et n’avait pu retirer le courrier recommandé. Après son retour en Suisse le 7 février 2016, il avait demandé à la société si elle avait reçu un courrier en rapport avec l’invitation à retirer un envoi de La Poste mais sa réponse avait été négative. Il n’avait pas pu obtenir du service de La Poste chargé de la gestion des envois recommandés et des colis l’identité de l’expéditeur de la lettre recommandée, ceci en raison du secret postal. Dans ces circonstances, il avait été victime d’un empêchement non fautif. Selon un arrêt du Tribunal fédéral de 1957, l’absence à l’étranger pouvait constituer un empêchement non fautif lorsque cette absence durait pendant toute la durée de la période correspondant au délai de retrait d’un pli ou qu’elle survenait inopinément au cours de la période et se prolongeait jusqu’à l’échéance du délai.

8. Par pli du 24 mars 2016, le TAPI a transmis son dossier.

9. Sur ce la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1077/2015 du 6 octobre 2015 consid. 2 ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2a et la jurisprudence citée).

b. Selon l’art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l’avance de frais n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

c. Les juridictions administratives disposent d'une grande liberté d’organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/916/2015 précité consid. 2b et la jurisprudence citée).

d. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l’al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d’appréciation à l’autorité judiciaire saisie (ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a).

e. à l’instar du non-respect d’un délai fixé par la loi, le non-respect du délai imparti par le juge pour effectuer l’avance de frais en raison de l’inactivité du mandataire ou du représentant est opposable au mandant ou au représenté (ATA/453/2012 du 30 juillet 2012).

3. a. Le cas de force majeure peut cependant conduire à une restitution de délai. Selon la jurisprudence, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute de verser l’avance de frais dans le délai fixé (ATA/916/2015 précité consid. 2c et la jurisprudence citée). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 précité consid. 3d ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4b ; ATA/40/1998 du 27 janvier 1998 consid. 3a).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu’un détenu, qui disposait d’un délai de recours de trois jours, n’ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu’il ne pouvait le poster lui-même et qu’en outre ce pli avait été soumis à la censure de l’autorité (ATA/515/2009 précité consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s’acquitter d’une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu’il ne restait qu’une semaine au justiciable pour s’exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5). En revanche, n’ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l’ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d’excuse que si elle empêche le recourant d’agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

b. Pour établir l'existence d'un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l'assujetti (ATA/544/2013 du 27 août 2013 et les références citées).

c. Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant à son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 précité ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; ATA/744/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/38/2011 du 25 janvier 2011 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2007, ad art. 133, n. 14 et 15 p. 1283).

Selon la jurisprudence, la maladie ou un accident peut être considérée comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, si elle met l'administré ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/234/2014 du 8 avril 2014 consid. 10 ; Hugo CASANOVA/Martin ZWEIFEL, Steuerverfahrensrecht Direkte Steuern, 2008, p. 65). La désorganisation de la vie privée suite au décès d’un proche a été considérée comme pouvant constituer un empêchement non fautif d’agir à temps et justifier une restitution de délai s’il survient peu avant l’échéance de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 1C_293/2010 du 21 juin 2010 consid. 2).

En l’occurrence, il est établi que l’empêchement ayant conduit au non-versement de l’avance de frais dans le délai imparti est consécutif à l’absence du représentant de la recourante lorsque l’avis de retrait du pli recommandé a été déposé dans la boîte aux lettres de son domicile ainsi que pendant la période où courait le délai de retrait dudit pli. Cela étant, la recourante et son mandataire n’établissent pas qu’en raison du départ de ce dernier et de son épouse pour le Viêtnam, celui-ci s’est trouvé dans l’impossibilité d’organiser le suivi de la réception du courrier se rapportant au mandat de représentation qu’il conduisait avec élection de domicile, de façon à pouvoir être tenu au courant des développements de la procédure de recours. D’une part, l’aggravation de l’état de santé du frère du MPQ est antérieure et il appartenait à celui-ci de prendre toute disposition en cas de départ précipité pour assurer le suivi de ses affaires. D’autre part, le MPQ avait encore la possibilité, lorsque son fils avait pris connaissance de l’avis de retrait, même postérieurement au 15 janvier 2016, de s’enquérir auprès du TAPI, soit par téléphone, soit en demandant à son mandant d’effectuer cette démarche en son absence, de vérifier si le pli recommandé en question, ne concernait pas le suivi du recours qui venait d’être interjeté. La recourante ne peut se prévaloir de la jurisprudence du Tribunal fédéral de 1957 qu’elle cite dans ses écritures (ATF 81 I 363 = RDAF 1957 1983). Dans cet arrêt, qui concerne une question de restitution de délai pour former une réclamation, sous l’égide de l’ancien droit fiscal fédéral, le Tribunal fédéral avait évoqué, comme cas pouvant conduire à reconnaître un empêchement, le fait que les quatre employés responsables d’une société mandataire soient absents simultanément. Il avait cependant constaté que tel n’avait pas été le cas et rejeté le recours avant même d’examiner dans quelle mesure l’empêchement était ou n’était pas imputable au contribuable ou à son mandataire. En tout état, on ne peut admettre que le départ, même inopiné du MPQ, l’aurait empêché de prendre des mesures lui permettant d’avoir connaissance du délai qui courait, eu égard notamment aux moyens de communication performants qui permettent d’agir à distance (téléphonie, internet) pour prendre toute disposition utile, afin d’assurer la recevabilité du recours et cette carence peut être opposée à la recourante.

4. En l’absence de situation relevant de la force majeure, le TAPI était en droit de déclarer le recours irrecevable lorsqu’il a constaté, le 16 février 2016, qu’aucune avance de frais n’avait été effectuée dans le délai raisonnable qui avait pourtant été imparti à la recourante pour le faire.

5. Le recours sera rejeté, étant manifestement mal fondé, ceci sans qu’il y ait nécessité d’ouvrir une instruction (art. 72 LPA).

6. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mars 2016 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur Kim H. Nguyên, conseil fiscal, mandataire de A______ SA, à la Ville de Genève, taxe professionnelle communale, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :