Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1251/2009

ATA/477/2009 du 29.09.2009 sur DCCR/393/2009 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : ; AVANCE DE FRAIS ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; FORMALISME EXCESSIF
Normes : LPA.86
Résumé : Recours admis. Un délai de 15 jours, pour régler le paiement de l'avance de frais, n'est pas suffisant. Le délai de 15 jours net court dès la date de l'invitation à payer envoyée au justiciable par pli recommandé. En tenant compte du délai de garde de 7 jours, il ne reste qu'une petite semaine au justiciable pour s'exécuter.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1251/2009-LCR ATA/477/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 septembre 2009

 

dans la cause

 

Monsieur P______
représenté par Me Jacques Emery, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 7 mai 2009 (DCCR/393/2009)


EN FAIT

1. Par décision du 7 mai 2009, la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) a déclaré irrecevable le recours interjeté le 6 avril 2009 par Monsieur P______ contre une décision du 5 mars 2009 de l’office cantonal des automobiles et de la navigation (ci-après : OCAN) lui retirant son permis de conduire pendant une durée de douze mois.

L’avance de frais de CHF 400.-, sollicitée le 7 avril 2009, n’avait pas été payée dans le délai imparti, mais en date du 29 avril 2009.

La commission a mis à charge de M. P______ un émolument de CHF 250.-.

2. M. P______ a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée par acte du 12 juin 2009.

Son épouse avait subi en août 2008 un avortement thérapeutique à l'hôpital cantonal suite à une trisomie 21 diagnostiquée par choriocentèse. Elle avait accouché d'un bébé mort, ce qui l'avait profondément traumatisée. Il exploitait une entreprise de serrurerie à Meyrin et confiait à son épouse le soin du règlement des factures. Il avait donc confié à celle-ci le soin de donner suite au courrier du 9 avril 2009 de son avocat le priant d’effectuer le paiement de l’avance de frais réclamée par la commission au plus tard le 22 avril 2009. Il était persuadé que cela avait été fait. Ce n'était qu'à l'occasion d'un entretien téléphonique avec son conseil qu'il avait appris, le 29 avril 2009, que tel n'avait pas été le cas. Il avait fait le versement le jour même à la poste. Par courrier du 7 mai 2009, son conseil avait sollicité de la commission une restitution de délai au 29 avril 2009.

Il conclut à l'annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause à la commission pour statuer sur le fond.

3. Le 22 juillet 2009, la commission a déposé son dossier sans observation, duquel on retiendra les éléments suivants :

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 avril 2009, la commission a invité M. P______ a s'acquitter « dans le délai fixé mentionné sous « conditions de paiement » de la facture remise en annexe, de l'avance de frais au moyen du bulletin de versement ci-joint, sous peine d'irrecevabilité du recours ». La facture jointe est libellée comme suit : « Condition de Paiement : 15 jours net à compter du 07-AVR-09 ». Le courrier a été acheminé au domicile élu de M. P______.

Le paiement est intervenu le 29 avril 2009.

Le 7 mai 2009, le conseil de M. P______ a sollicité de la commission une restitution de délai pour effectuer l'avance de frais au 29 avril 2009.

4. Le 28 juillet 2009, l’OCAN a déposé son dossier sans observations.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil a modifié la LOJ d’une part ainsi que plusieurs dispositions de la LPA, notamment l’art. 86 LPA. Aux termes de cette disposition légale, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et émoluments présumables, et en fait dépendre l'examen du recours. Elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

Ainsi, la novelle du 18 septembre 2008 fait désormais du paiement de l’avance de frais une condition de recevabilité du recours.

Ce souci d'harmoniser le mode de procéder des différentes juridictions administratives ressort notamment du rapport du 18 septembre 2008 de la commission ad hoc Justice 2010 chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire du 1er septembre 2008, PL 10 253-A p. 53, dans lequel, l'auteur de l'amendement de la disposition précitée a souligné que « certaines juridictions (exigeaient) des avances de frais en laissant entendre aux recourants que leur versement (était) impératif, alors que dans la pratique, elles n'(avaient) pas la compétence de déclarer un recours irrecevable lorsque l'avance de frais n'(était) pas payée ». Il était dès lors nécessaire « d'introduire une disposition donnant clairement la compétence aux juridictions administratives de déclarer un recours irrecevable lorsque le recourant n'(avait) pas procédé dans le délai imparti à l'avance de frais qui lui (avait) été demandée ». Entendu à ce sujet, le président du Tribunal administratif a indiqué être « favorable à un système qui fasse dépendre l'examen du versement de l'avance de frais ».

3. a. A rigueur de texte, la disposition légale précitée ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. Cela étant, la référence au « délai suffisant » de l’al. 1 ouvre la porte à une certaine marge d’appréciation de la part de l’autorité judiciaire. L’on pourrait en effet admettre, sur cette base, qu’un recourant sollicite la prolongation du délai en argumentant que celui-ci n’est précisément pas suffisant pour lui permettre de réunir les fonds demandés.

b. La législation genevoise ne comportant pas de règle plus précise quant à la procédure à suivre pour la fixation du montant de l'émolument et du délai de paiement, les juridictions administratives sont a priori libres de s'organiser pour la mise en pratique de cette disposition légale, dans le respect cependant des garanties constitutionnelles de nature procédurale qui sont rappelées ci-après.

c. Dans les procédures mises en place pour l'application de l'art. 86 LPA les principes constitutionnels de la bonne foi et de la confiance tirés de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) doivent être d'autant plus respectés que l'absence de paiement de l'avance de frais dans les délais est lourd de conséquence pour le justiciable puisqu'il peut conduire à l'irrecevabilité de son recours. Les juridictions administratives doivent donc communiquer d'une manière claire quel est le montant de l'avance à payer, le délai dans lequel cela doit être fait et les conséquences d'un défaut de paiement ou d'un paiement hors délai. De même, la possibilité de requérir l'assistance juridique en cas d'impossibilité de payer le montant réclamé doit être rappelée.

4. Récemment, le Tribunal administratif a jugé que pour qu’il puisse être admis que l’avance de frais requise par la loi eût été valablement sollicitée par la commission, il importait que cette juridiction communique - au moins une fois dans l’un ou l’autre des courriers adressés aux justiciables - la date limite de paiement. Cette exigence s’imposait d’autant plus si la commission entendait fixer le délai de paiement de l’avance de frais en s’écartant des préceptes des art. 17 al. 1 et 63 al. 3 LPA (ATA/356/2009 du 28 juillet 2009).

5. a. La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 Cst. et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.), le principe de l’interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (Arrêt du Tribunal fédéral 1C 218/2007 du 16 octobre 2007 consid. 5.1  ; ATA/617/2008 du 9 décembre 2008 consid. 2). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 p. 253 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183 ; 128 II 139 consid. 2a p. 142 et les arrêts cités). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave ou disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATA/356/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/473/2004 du 25 mai 2004 consid. 3 ; ATA/561/2003 du 23 juillet 2003 consid. 6 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2e éd., Berne 2002 , p. 230 ss n. 2.2.4.6 et les réf. citées ;).

b. En l’espèce, la commission a fixé un délai de 15 jours net pour effectuer le paiement de l’avance de frais alors que dans les autres matières, notamment en droit de la construction ou en droit des étrangers, elle fixe un délai de 30 jours net.

Si des délais différents peuvent en soi se concevoir (par exemple : lorsqu’il s’agit d’effet suspensif) ou dans des matières où il convient de faire preuve de célérité (droits politiques ou marchés publics) rien ne semble justifier de traiter différemment les recours LCR de ceux des autres matières ordinaires. La commission n’étaye d’ailleurs pas cette différence de traitement. Ce faisant, la commission viole le principe de l’interdiction du déni de justice formel tel que décrit ci-dessus.

c. Mais il y a plus.

En effet, la question peut se poser, de savoir si un délai de 15 jours est compatible avec le délai « suffisant » prévu à l’art. 86 al. 1 LPA.

Vu la manière dont ce délai est fixé et tenant compte en particulier du mode pour le moins audacieux de computation des délais pratiqué par la commission (cf. consid. 4 supra), la réponse à cette question ne peut qu’être négative.

En effet, ce délai de 15 jours net court dès la date de l’invitation à payer envoyée au justiciable par pli recommandé. Il convient donc de tenir compte du délai de garde de 7 jours de sorte qu’il reste une petite semaine au justiciable pour s’exécuter. La situation n’est pas beaucoup moins drastique dans l’hypothèse d’un domicile élu puisqu’alors le mandataire doit porter à la connaissance de son mandant le délai dans lequel l’avance de frais doit être effectuée, ce qui raccourcit d’autant le temps à disposition du justiciable pour s’exécuter. Ces considérations s’imposent d’autant plus en l’espèce où le délai de 15 jours fixé par la commission comprend les féries de Pâques (11 et 12 avril 2009).

6. Il résulte du dossier que l’avance de frais a été effectuée le 29 avril 2009, soit dans un délai de 30 jours dès l’invitation au paiement qui date du 7 avril 2009.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal administratif constate que cette avance est intervenue en temps utile et dans un délai compatible avec celui de l’art. 86 al. 1 LPA. Le recours sera donc admis et le dossier retourné à la commission pour qu’elle reçoive le recours et statue sur le fond.

7. Aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA). En revanche, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant qui y a expressément conclu, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 al. 2 LPA

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 juin 2009 par Monsieur P______ contre la décision du 7 mai 2009 de la commission de cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision DCCR/393/2009 de la commission cantonale de recours en matière administrative du 7 mai 2009 ;

retourne la cause à la commission cantonale de recours en matière administrative pour qu’elle statue sur le fond ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur P______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Emery, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l'office cantonal des automobiles et de la navigation, ainsi qu'à l'office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Dumartheray juges, M. Bonard, juge suppléant.

 

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :