Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/698/2011

ATA/744/2012 du 30.10.2012 sur JTAPI/313/2012 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/698/2011-ICCIFD ATA/744/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2012

1ère section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame X______

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mars 2012 (JTAPI/313/2012)


EN FAIT

1. Durant l’année 2009, Madame X______, domiciliée en France, exerçait une activité lucrative dépendante à Genève et y a été soumise à l’impôt à la source.

2. Une attestation-quittance concernant l’impôt à la source 2009 a été remplie et datée par son employeur le 11 février 2010.

3. Par pli déposé le 12 juillet 2010 au guichet de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), Mme X______ a demandé à celle-ci de rectifier son imposition, en prenant en compte la déduction de ses cotisations au 3ème pilier A versées au cours de l'année 2009.

4. Le 1er février 2011, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable, cette dernière n’ayant pas été présentée dans les délais légaux.

5. Par acte du 28 février 2011, Mme X______ a interjeté recours contre la décision sur réclamation précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Elle n'avait pu élever réclamation dans les délais légaux car elle venait d'accoucher de son premier enfant, qui était né le 16 mars 2010. Durant cette période, son époux était fréquemment absent pour des raisons professionnelles. Elle s'était donc rendue personnellement au guichet de l'AFC-GE le 12 juillet 2010 pour expliquer ce retard. Elle joignait à son recours l'acte de naissance de son fils.

6. Par jugement du 9 mars 2012, le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour qu’elle entre en matière sur le fond de la réclamation.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_601/2010 du 21 décembre 2010), le contribuable était fondé à contester une retenue excessive de son impôt à la source, même après le 31 mars de l’année concernée. Une telle retenue devait pouvoir être modifiée sans formalisme et de manière simplifiée tant par l’autorité de taxation que par le débiteur de la prestation imposable.

7. Par acte déposé le 18 avril 2012, l’AFC-GE a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre le jugement précité, concluant à son annulation.

Les art. 137 et 139 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) ainsi que les art. 23 al. 2 et 21 al. 3 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales, du 23 septembre 1994 (LISP - D 3 20), ne permettaient pas de contester le montant de la retenue d’impôt après le 31 mars de l’année suivant celle pour laquelle l’impôt était dû. La contribuable avait demandé tardivement l’octroi de déductions supplémentaires et ne se prévalait pas d’un motif justificatif légal. La jurisprudence invoquée par le TAPI n’était pas applicable dans le cas d’espèce, car elle concernait une erreur de barème et non une demande tardive de déduction.

La contribuable n'avait contesté son attestation-quittance 2009 qu'en date du 12 juillet 2010, si bien que sa réclamation était tardive.

8. Le 23 avril 2012, le TAPI a transmis son dossier sans émettre d’observations.

9. Le 23 mai 2012, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a conclu à l'admission du recours.

Le Tribunal fédéral n'avait encore jamais eu l'occasion d'examiner une demande de restitution d'impôt à la source lorsque le trop-perçu était lié à une déduction supplémentaire que le contribuable n'avait pas fait valoir dans le délai de l'art. 137 LIFD.

Les travaux préparatoires relatifs à cette disposition légale montraient que les chambres fédérales avaient estimé nécessaire d'introduire, contrairement à ce que prévoyait le projet du Conseil fédéral, une limite temporelle au droit de demander la restitution d'une retenue excessive.

10. Invitée à se déterminer sur le recours avant le 27 mai 2012, Mme X______ ne s'est pas manifestée.

11. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 8 juin 2012.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Dans un arrêt récent (ATA/284/2012 du 8 mai 2012), la chambre administrative a tranché la question faisant l’objet du présent litige, de sorte qu’il convient de se référer à cet arrêt.

Le système de l’impôt à la source est défini par les art. 83 ss LIFD pour l’impôt fédéral direct et aux art. 32 ss de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14, en relation avec l’art. 36 al. 1 let. a LHID), 1 ss LISP et 1 ss du règlement d’application de la LISP, du 12 décembre 1994 (RISP - D 3 20.01). Il a pour fonction de se substituer aux impôts fédéral, cantonal et communal perçus selon la procédure ordinaire (art. 32 al. 1 LHID et 17 LISP). La déduction des cotisations périodiques versées en vue de l’acquisition des droits aux prestations dans le cadre de la prévoyance professionnelle est ainsi comprise dans le forfait (art. 86 al. 1 LIFD, 33 al. 3 LHID et 4 al. 1 LISP).

Le contribuable peut demander la déduction de versements à une institution de prévoyance professionnelle pour le rachat d’années d’assurance et la finance d’entrée, ainsi qu’à une institution reconnue de prévoyance individuelle liée, au sens et dans les limites admises par le droit fédéral et cantonal en matière de prévoyance (3ème pilier A), selon l’art. 23 LISP.

3. Selon l'art. 137 LIFD, lorsque le contribuable ou le débiteur d’une prestation imposable conteste le principe même ou le montant de la retenue d’impôt, il peut, jusqu’à la fin mars de l’année qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité de taxation rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement.

L’art. 23 al. 2 LISP, qui est le pendant au plan cantonal de l'art. 137 LIFD, précise que le contribuable qui conteste le montant de la retenue à la source peut déposer une réclamation écrite et motivée auprès de l’administration si l’attestation tenant lieu de quittance a été remise avant le dernier jour du mois de février de l’année qui suit celle pour laquelle l’impôt a été retenu jusqu’au 31 mars de cette même année ; ou si l’attestation a été remise ultérieurement, dans les trente jours qui suivent cette remise, mais au plus tard le 31 décembre de l’année qui suit celle pour laquelle l’impôt a été retenu.

4. Le TAPI se fonde sur l’ATF 135 II 274 et l’Arrêt du Tribunal fédéral 2C_601/2010 précité pour admettre que la réclamation du contribuable n’est pas tardive, s’écartant ainsi de la jurisprudence de la chambre administrative.

a. Dans le premier arrêt, l'employeur du contribuable avait appliqué un barème fiscal pertinent, mais un taux d'imposition inadéquat, et le contribuable n'aurait pu s'apercevoir de l'erreur qu'en se procurant lui-même le barème fiscal applicable, ce que l'on ne pouvait pas exiger de lui, compte tenu de sa profession.

On ne pouvait pas reprocher au contribuable une violation de ses devoirs de diligence.

Les art. 137 et 138 LIFD devaient être interprétés en ce sens qu'après l'échéance du délai à fin mars, il n'était plus possible de soulever des contestations relatives à l'assujettissement fiscal. Demeurait la possibilité de critiquer la somme de la retenue d'impôt, et cela soit en faveur du fisc, soit en faveur du contribuable. L'art. 138 LIFD devait ainsi être considéré comme une lex specialis par rapport à l'art. 137 LIFD, limité aux problèmes qui se posaient dans le cas d'une retenue excessive ou insuffisante. L'art. 138 al. 2 LIFD permettait à l'administration et au contribuable d'exiger de manière simplifiée, même après l'échéance du délai, le paiement, respectivement la restitution des impôts à la source retenus.

Cette interprétation s'imposait au regard du titre marginal de l'art. 138 LIFD (« paiement complémentaire et restitution d'impôt ») et par rapport à l'art. 16 de l'ordonnance sur l'imposition à la source du 19 octobre 1993 (OIS - RS 642.118.2).

b. Dans le second arrêt, le Tribunal fédéral a considéré que la recourante avait un droit à ce que sa situation fiscale soit examinée et à ce que sa taxation soit adaptée d'office en tenant compte du fait qu'elle devait être taxée comme personne seule avec un enfant à charge, après la séparation d'avec son époux, et ce même si la réclamation avait été déposée après le 31 mars de l'année qui suivait l'échéance de la prestation.

Malgré des demandes répétées, les instances précédentes n'avaient pas pris position sur la situation de la recourante.

Le Tribunal fédéral a jugé que cette absence de prise de position à l'encontre du montant de l'imposition de la recourante constituait un déni de justice formel, et considéré que les principes découlant de ses précédentes jurisprudences étaient applicables au cas de figure litigieux.

c. De son côté, la chambre administrative a considéré que, lorsque le contribuable dispose de tous les éléments pertinents pour adresser sa réclamation dans le délai de l’art. 23 al. 2 LISP, il lui incombe - conformément au principe de la bonne foi entre administration et administré qui exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale - de la formuler dans le délai légal (ATA/284/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/547/2011 du 30 août 2011).

5. A la lecture de ces jurisprudences, il apparaît que le Tribunal fédéral ne s'est jamais exprimé sur une demande de restitution d'impôt à la source lorsque le trop-perçu est lié à une déduction supplémentaire, connue du contribuable au cours de l’année fiscale considérée, mais qu’il n'a pas fait valoir dans le délai de l'art. 137 LIFD.

Contrairement à ce qui prévalait dans les jurisprudences fédérales invoquées, il n’y a pas eu en l’espèce de retenue excessive liée à une erreur d’un tiers - l’employeur - justifiant une protection particulière du contribuable.

6. La contribuable a déposé sa réclamation le 12 juillet 2010 en sollicitant la déduction d'une somme dont il avait eu connaissance durant l’année 2009.

Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1, 1ère phrase LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4 ; ATA/266/2009 du 26 mai 2009 consid. 2). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/779/2011 du 20 décembre 2011 ; ATA/547/2011 du 30 août 2011 ; ATA/712/2010 du 19 octobre 2010 et les références citées).

La recourante seule connaissait l’existence et le montant de ses versements effectués au titre de cotisations au 3ème pilier A, et était en mesure de transmettre à l’AFC-GE les documents y afférents en temps utile.

Dans ces circonstances, le délai prévu par l'art. 137 LIFD s’applique. Il serait contraire à la sécurité du droit et au principe de la bonne foi de permettre aux contribuables d'informer les administrations des éléments nécessaires à l'établissement de leur situation fiscale au-delà du délai prévu (contra : A. BERTHOUD, Réclamations en matière d'impôt à la source - A la recherche du délai perdu, RF 66/2011 p. 410).

Toute autre solution serait contraire aussi au principe de l’égalité de traitement entre les contribuables, qui sont tenus de respecter les délais imposés par la loi. Une exception à ce principe ne peut être admise que si les éléments fondant la réclamation ne sont pas entièrement connus du contribuable avant le terme du délai, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

En conséquence, la réclamation déposée par l’intéressée le 12 juillet 2010 au guichet de l'AFC-GE était tardive.

7. Il convient néanmoins d'examiner si un cas de force majeure permet au contribuable de justifier l'inobservation du délai.

Selon l'art. 41 al. 3 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17 - par renvoi de l'art. 27A LISP), une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu'il l'a déposée dans les trente jours après la fin de l'empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n'a pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007, consid. 3.2 et jurisprudence citée). Celui-ci peut résulter d'une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/38/2011 du 25 janvier 2011 ; D. YERSIN/Y. NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2007, ad art. 133, n. 14 et 15, p. 1283).

Pour établir l'existence d'un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l'assujetti (ATA/50/2009 du 28 janvier 2009 et les références citées ; M. DUSS, op. cit., p. 102). La maladie n'est admise comme motif d'excuse que si elle empêche le contribuable d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/587/2009 du 10 novembre 2009 ; ATA/532/2000 du 29 août 2000 ; H. MASSHARDT/F. GENDRE, Commentaire IDN, 1980, p. 418 ; M. DUSS, Verfahrensrecht in Steuersachen, Winterthur 1987, p. 102).

La contribuable indique ne pas avoir pu respecter les délais légaux en raison de son accouchement, le 16 mars 2010, et des absences fréquentes de son mari à cette période.

Or, la réclamation a été déposée le 12 juillet 2010, soit près de quatre mois après la naissance de son fils. De plus, la circonstance alléguée n'empêchait pas la contribuable de confier à un tiers - pas nécessairement son époux - de s'occuper d'une telle démarche administrative. On ne peut dès lors considérer qu'un cas de force majeure l'a empêchée de procéder dans les délais légaux.

8. Au vu de ce qui précède, le recours de l'AFC-GE sera admis, le jugement du TAPI annulé et la décision sur réclamation prise par l’AFC-GE le 1er février 2011 rétablie. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la contribuable, dont la contestation de la décision précitée est à l’origine de la présente procédure dans laquelle elle n’obtient pas gain de cause (art. 87 al. 1 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2012 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mars 2012 ;

 

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mars 2012 ;

rétablit la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 1er février 2011 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame X______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame X______ , à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance ;

 

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :