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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1998/2009

ATA/596/2009 du 17.11.2009 sur DCCR/813/2009 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : ; AVANCE DE FRAIS ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; RESTITUTION DU DÉLAI ; FORCE MAJEURE
Normes : LPA.16.al1 ; LPA.16.al2 ; LPA 16.al.3; LPA.86
Résumé : L'avance de frais n'ayant pas été réglée dans le délai imparti, c'est à juste titre que la CCRA a déclaré le recours irrecevable. La négligence du mandataire dans la gestion de la demande d'avance de frais ne saurait en aucun cas être assimilée ni à un cas de force majeure ni au fait d'avoir été empêché, sans sa faute, d'agir.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1998/2009-PE ATA/596/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 17 novembre 2009

dans la cause

 

 

Madame S______et Madame D______
représentées par Me Christophe Zellweger, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 1er septembre 2009 (DCCR/813/2009)


EN FAIT

1. Madame S______ exploite un institut de beauté à la rue du Prince.

2. Madame D______, de nationalité vietnamienne, est arrivée à Genève le 18 mars 2002. Dès le mois de mai 2002, elle a travaillé en qualité d'esthéticienne dans l'institut de beauté précité. Son mari étant membre d'une mission diplomatique, elle a été mise au bénéfice d'une carte de légitimation, puis d'un permis "CI" dès le 27 août 2002. Ce permis est arrivé à échéance le 30 mars 2009, suite à la fin du mandat de son époux.

3. Le 9 mars 2009, Mme S______ a déposé une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative, soit un permis "B", en faveur de Mme D______, qu'elle voulait engager comme employée.

4. Le 6 mai 2009, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l'autorisation sollicitée.

5. Le 5 juin 2009, Mesdames S______ et D______, toutes deux représentées par un avocat, en l'étude duquel elles avaient fait élection de domicile, ont recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA). Elles ont conclu à l'annulation de la décision.

6. Par pli recommandé daté du 9 juin 2009, envoyé pour les deux recourantes à leur domicile élu, la CCRA a invité les intéressées à s'acquitter de l'avance de frais requise, sous peine d'irrecevabilité du recours, dans le délai fixé mentionné sous "conditions de paiement" de la facture remise en annexe.

Etait jointe une facture adressée à Mme S______ en son domicile élu pour la procédure relative au recours déposé par elle-même et par Mme D______ avec un bulletin de versement de CHF 500.-.

7. Ce pli recommandé a été réceptionné par le conseil des intéressées le 10 juin 2009.

8. Le 11 juin 2009, cet avocat a écrit sous pli simple à l'une de ses deux mandantes, Mme S______, en l'invitant à payer la somme de CHF 500.- et à procéder au règlement de cet émolument d'ici le 9 juillet 2009.

L'avance de frais n'a pas été versée dans ce délai.

9. L'autorité intimée a répondu au recours le 6 août 2009.

10. Par pli du 12 août 2009, envoyé aux deux recourantes à leur domicile élu, la CCRA a transmis les écritures de l'intimé du 6 août 2009.

11. Le 1er septembre 2009, la CCRA a déclaré irrecevable le recours des intéressées, l'avance de frais de CHF 500.- n'ayant pas été payée dans le délai précité. Un émolument de CHF 250.- a été mis à charge des recourantes, prises conjointement et solidairement.

12. Le 4 septembre 2009, le conseil des recourantes a adressé à la CCRA une requête en restitution de délai, fondée sur l'art. 16 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), à teneur duquel la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé. L'avocat constitué indiquait avoir fait suivre immédiatement à l'une des deux recourantes la demande d'avance de frais et sa cliente était d'ordinaire extrêmement organisée et ponctuelle. Elle lui avait toutefois assuré qu'elle n'avait jamais reçu sa lettre du 11 juin 2009 et qu'elle n'avait pu, dans ces conditions, s'acquitter du versement qui lui était demandé. Elle avait en revanche payé la somme de CHF 500.- le 4 septembre 2009 comme l'attestait le récépissé postal annexé. Sa cliente ayant été empêchée d'observer le délai imparti sans faute de sa part et sans celle du mandataire qu'il était, il requérait une restitution de délai, la constatation que l'avance de frais versée le même jour avait été réglée, la rétractation de la décision d'irrecevabilité prise le 1er septembre 2009 par la CCRA et la constatation que la procédure irait son cours. Du fait qu'il avait reçu l'écriture responsive de l'OCIRT du 6 août 2009, il en avait déduit que l'avance de frais avait été payée en temps utile.

Considérant cette requête comme un recours, la CCRA l'a transmise le 9 septembre 2009 au Tribunal administratif.

13. Le 11 septembre 2009, le juge délégué a prié le conseil des recourantes de déposer un recours conforme aux exigences de l'art. 65 LPA et de produire la décision attaquée.

Le 2 octobre 2009, les recourantes ont conclu à l'annulation de la décision en question et à l'octroi d'une restitution de délai en constatant que le paiement effectué le 4 septembre 2009 l'avait été en temps utile.

Le 5 octobre 2009, une demande d'avance de frais de CHF 400.- a été adressée par le tribunal de céans aux recourantes en leur domicile élu, avec prière de s'acquitter de ce montant d'ici le 4 novembre 2009, sous peine d'irrecevabilité. Ce montant ayant été payé le 8 octobre 2009, la CCRA et l'autorité intimée ont été invitées le 15 octobre 2009 à transmettre leurs éventuelles observations et leur dossier, respectivement d'ici le 30 octobre et le 16 novembre 2009.

14. Le 19 octobre 2009, la CCRA a transmis son dossier.

15. L'OCIRT a fait valoir le 29 octobre 2009 que l'art. 16 al. 3 LPA ne trouvait pas application, les recourantes elles-mêmes ou par les actes de leur mandataire, ayant fait preuve de négligence. Il ne s'agissait pas d'un empêchement non fautif, raison pour laquelle la décision de la CCRA du 1er septembre 2009 devait être confirmée.

16. Cette écriture a été transmise le 2 novembre 2009 avec l'indication que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a LPA).

2. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la LOJ ainsi que plusieurs dispositions de la LPA, notamment l'art. 86 de cette loi. Ces modifications sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009.

Selon cette dernière disposition, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et émolument présumables et elle en fait dépendre l'examen du recours. Elle fixe à cet effet un délai suffisant. Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable.

Ainsi, la novelle du 18 septembre 2008 fait désormais du paiement de l'avance de frais une condition de recevabilité du recours (ATA/476/2009 du 29 septembre 2009).

3. La CCRA ayant statué et déclaré irrecevable le recours des intéressées au motif que l'avance de frais n'avait pas été payée dans le délai venant à expiration le 9 juillet 2009, elle n'avait pas à entrer en matière sur une demande de restitution de délai mais bien à transmettre, comme elle l'a fait en application de l'art. 64 al. 2 LPA, cette demande comme valant recours au tribunal de céans. Aussi, le juge délégué a-t-il prié le conseil des recourantes de déposer un acte conforme à l'art. 65 LPA, ce qui a été fait dans le délai de recours.

4. Selon l'art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16. al. 1 LPA).

La restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé. La demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (art. 16. al. 3 LPA). Pour examiner si l'intéressé a été "empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé", la jurisprudence procède par analogie avec les cas susceptibles de constituer des cas de force majeure au sens de l'art. 16 al. 1 LPA précité. Selon une jurisprudence constante, tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/294/2009 du 16 juin 2009 ; SJ 1999 I p. 119 ; RDAF 1991 p. 45 et les références citées ; T. GUHL, Das Schweizerische Obligationenrecht, 9ème éd., 2000, p. 229).

Ont été considérés comme tels le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai-ci, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité pénale ; ce cas de force majeure donnait lieu à restitution de délai (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009).

Il en était de même pour le recourant qui se voyait impartir par la CCRA, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question étant de sept jours, il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du 29 septembre 2009).

5. En revanche, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l'ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009).

6. En l'espèce, il est établi par les pièces, que la demande d'avance de frais expédiée par la CCRA au conseil des recourantes, par pli recommandé, a été réceptionnée par celui-ci le 10 juin 2009. Un délai au 9 juillet 2009 qui peut, au regard des dispositions légales précitées, être considéré comme suffisant, avait été fixé pour le paiement de l'avance de frais. En écrivant à l'une de ses mandantes, sous pli simple, le conseil des recourantes a pris le risque que celle-ci ne reçoive pas son courrier. Il lui appartenait soit de s'assurer de la réception de celui-ci soit de l'expédier par pli recommandé. En tout état, les recourantes sont responsables des actes de leur mandataire (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_307/2008 du 22 août 2008 ; ATA/480/2008 du 16 septembre 2009) et cette négligence ne saurait en aucun cas être assimilée ni à un cas de force majeure ni au fait d'avoir été empêché, sans sa faute, d'agir.

7. Constatant que l'avance de frais n'avait pas été effectuée, la CCRA devait en application de l'art. 86 LPA, déclarer irrecevable le recours interjeté devant elle. Elle aurait pu se dispenser d'en commencer l'instruction en sollicitant une réponse de l'OCIRT. Le fait que cette dernière ait été transmise au conseil des recourantes et que celui-ci en ait conclu que l'avance de frais de ses clientes avait été versée est irrelevant, puisqu'en tout état l'écriture de l'OCIRT datant du 6 août 2009, le délai pour le paiement de l'avance de frais était échu, le versement effectué le 4 septembre 2009 ne suppléant pas celui qui devait être effectué avant le 9 juillet 2009.

8. En tout point mal fondé, le recours sera rejeté (ATA/562/2009 du 3 novembre 2009).

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement. Il ne leur sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 octobre 2009 par Mesdames S______ et D______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 1er septembre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christophe Zellweger, avocat des recourantes, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a. i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :