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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2918/2010

ATA/881/2010 du 14.12.2010 sur DCCR/1486/2010 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : ; RESTITUTION DU DÉLAI ; CIRCONSTANCE EXTRAORDINAIRE ; AVANCE DE FRAIS ; PAIEMENT ; RETARD
Normes : LPA.16.al1 ; LPA.16.al3 ; LPA.86
Résumé : Le paiement tardif de l'avance de frais à la commission cantonale de recours en matière administrative en raison d'une mauvaise lecture du délai imparti par l'avocat du recourant constitue une négligence qui ne saurait en aucun cas être assimilée à un cas de force majeure ni au fait d'avoir été empêché, sans sa faute, d'agir. Dès lors, les conditions d'une restitution de délai ne sont pas remplies.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2918/2010-LCR ATA/881/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 14 décembre 2010

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 13 octobre 2010 (DCCR/1486/2010)


EN FAIT

1. Le 2 juin 2010, Monsieur A______, domicilié à Genève, a passé l'épreuve pratique du permis de conduire un bateau à moteur.

2. Par décision du 28 juillet 2010, l'office cantonal des automobiles et de la navigation (ci-après : l'OCAN) a confirmé à M. A______ l'indication orale qui lui avait été communiquée : il avait échoué à l'épreuve pratique à laquelle il s'était présenté.

3. Le 27 août 2010, M. A______, agissant par la plume d'un avocat, a saisi la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) d'un recours contre la décision précitée.

4. Le 31 août 2010, la commission a imparti à l'OCAN un délai, échéant le 12 octobre 2010, afin de transmettre le dossier de la procédure.

5. Le 1er septembre 2010, la commission a invité M. A______ à verser, avant le 1er octobre 2010, une avance de frais de CHF 400.-.

L'invitation à verser cette avance de frais était mentionnée dans la lettre d’accompagnement, alors que le délai de paiement apparaissait, en toutes lettres, sur le bulletin de versement auquel renvoyait ladite lettre.

6. Par décision du 13 octobre 2010, la commission a déclaré le recours irrecevable. L'avance de frais avait été effectuée le 7 octobre 2010.

7. Le 22 novembre 2010, M. A______, agissant toujours par la plume d'un avocat, a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée.

L'avocat en question avait mal lu les courriers que lui avait adressés la commission, et la date du 1er octobre 2010 était devenue le 7 octobre 2010.

Il était incontestable que la commission avait indiqué de façon précise la date limite du paiement. Elle avait toutefois fait preuve d'un formalisme excessif dès lors que le retard, de six jours seulement, provenait d'une confusion, et qu'un délai nettement plus long, avait été accordé à l'autorité intimée pour produire son dossier.

8. Le recours a été transmis, pour information, à l'OCAN.

9. Le 29 novembre 2010, le conseil de M. A______ a écrit au Tribunal administratif. Il cessait d'occuper et révoquait l'élection de domicile faite en son étude.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile et auprès de la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63. al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L'avocat constitué pour M. A______ a indiqué au Tribunal administratif qu'il cessait d'occuper.

Selon l'art. 78 let. f LPA, l'instruction du recours est notamment suspendue par la démission de l'avocat. Cette disposition reprend les termes de l'art. 113 let. f. de la loi de procédure civile du 10 avril 1987 (LPC - E 3 05). Par les mots « démission de l’avocat constitué », il faut entendre la radiation du barreau de cet avocat par suite de démission, non pas la résiliation du mandat qui le lie à son client (SJ 1950 p. 209; BERTOSSA, GAILLARD, GUYET et SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, Genève, 1989, ad. art. 113, ch. 4, let. f)).

La présente cause n'a dès lors pas à être suspendue en application de cette disposition.

3. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil a modifié la LOJ ainsi que plusieurs dispositions de la LPA, notamment l’art. 86 LPA. Aux termes de cette disposition légale, à réception d'un recours, la juridiction administrative saisie invite le recourant à s'acquitter d'une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et émoluments présumables et en fait dépendre l’examen du recours. Elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l’avance de frais n’est pas faite dans le délai imparti, le recours est déclaré irrecevable (al. 2).

Ainsi, la novelle du 18 septembre 2008 fait désormais du paiement de l’avance de frais une condition de recevabilité du recours.

4. a. A rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. Cela étant, la référence au « délai suffisant » de l’al. 1 ouvre la porte à une certaine marge d’appréciation de la part de l’autorité judiciaire. Un recourant pourrait ainsi être admis, dans les conditions de l'art. 16 al. 2 LPA, à solliciter la prolongation du délai imparti en argumentant que celui-ci n’est précisément pas suffisant pour lui permettre de réunir les fonds demandés, voire, après l'échéance de celui-ci, à en requérir la restitution en faisant valoir des circonstances exceptionnelles au sens de l'art. 16 al. 3 LPA, selon lequel " la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé. La demande motivée doit être présentée dans les 10 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé" .

b. Pour examiner si l’intéressé a été "empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé", la jurisprudence procède par analogie avec les cas susceptibles de constituer des cas de force majeure au sens de l’art. 16 al. 1 LPA précité. Selon une jurisprudence constante, tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/294/2009 du 16 juin 2009 ; SJ 1999 I p. 119 ; RDAF 1991 p. 45 et les références citées ; T. GUHL, Das Schweizerische Obligationenrecht, 9ème éd., 2000, p. 229).

A été considéré comme tel le fait qu’un détenu, qui disposait d’un délai de recours de trois jours, n’ait pu expédier son recours dans ce délai-ci, du fait qu’il ne pouvait le poster lui-même et qu’en outre ce pli avait été soumis à la censure de l’autorité pénale ; ce cas de force majeure donnait lieu à restitution de délai (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009).

Il en était de même pour le recourant qui se voyait impartir par la commission, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s’acquitter d’une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question étant de sept jours, il ne restait qu’une semaine au justiciable pour s’exécuter (ATA/477/2009 du 29 septembre 2009).

c. En revanche, n’ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l’ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d’excuse que si elle empêche le recourant d’agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009).

5. Selon la jurisprudence, un justiciable doit se laisser opposer les erreurs commises par son mandataire ou ses auxiliaires (ATF 114 Ib 67 ss consid. 2 et 3 p. 69/70 ; 107 Ia 168 consid. 2 p. 169 ss ; ATA/446/2008 du 27 août 2008).

6. En l’espèce, la commission a invité le recourant à s’acquitter d’une avance de frais dans un délai déterminé sans équivoque. Cette demande a été reçue par l'avocat du recourant, qui a prétendument mal lu la date de l'échéance, entraînant le versement tardif de l'avance de frais.

Cette erreur, constitutive d’une négligence ne saurait en aucun cas être assimilée ni à un cas de force majeure ni au fait d’avoir été empêché, sans sa faute, d’agir.

Partant, c'est à juste titre que la commission a déclaré le recours irrecevable.

7. Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé, sera rejeté sans instruction préalable (art. 72 LPA - ATA/260/2010 et ATA/264/2010 du 20 avril 2010). Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de M. A______, qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 novembre 2010 par Monsieur A______ contre la décision du 13 octobre 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 400.-

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à l'office cantonal des automobiles et de la navigation et à l'office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :