Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2440/2015

ATA/211/2017 du 21.02.2017 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; ASSOCIATION PROFESSIONNELLE ; CLASSE DE TRAITEMENT ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : LPA.60.al.1 ; art.1 des statuts; art. 3.2.1 des statuts; LPA.18 ; Cst.29.al2 ; LPA.69 ; LPA.61 ; LPA.4.al4 ; Cst.29.al1 ; LTrait.4 ; LTrait.5 ; LTrait.6 ; RTrait.2 ; RComEF.1.al1 ; RComEF.4 ; RComEF.5 ; RComEF.11.al1 ; RComEF.11.al4 ; fiche n°02.01.01 du MIOPE mis à jour le 15 juillet 2013
Résumé : Le Conseil d'État a commis un déni de justice en refusant d'entrer en matière sur la demande de réévaluation collective de fonction formulée par une association professionnelle. Le projet de révision du système d'évaluation des fonctions de l'administration cantonale n'a toujours pas abouti, alors que les réévaluations sont gelées depuis le 7 décembre 2010, soit il y a plus de six ans, et que ce projet était censé entrer en vigueur le 1er janvier 2013. De plus, l'évaluation en question a dû être effectuée ou être en cours dans le cadre de cette révision. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2440/2015-FPUBL ATA/211/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 février 2017

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

CONSEIL D’ÉTAT



EN FAIT

1. L’A______ (ci-après : A______), constituée sous forme d’association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), ayant son siège à Genève (art. 1 et 2 des statuts de l’A______), a pour but de promouvoir l’éducation physique et le sport dans un cadre sain, protégé et professionnel, de promouvoir l’éducation physique et le sport, comme indispensable à l’équilibre physique, psychique, personnel et social, de promouvoir l’éducation physique et le sport dans un but cognitif, ludique, de loisirs et pour les raisons précitées, et enfin de promouvoir l’éducation physique et le sport afin qu’il soit accessible à toutes et tous (art. 3.1 des statuts de l’A______). L’A______ a également pour but de défendre les intérêts des maîtres d’éducation physique, de défendre des projets sportifs sociaux et égalitaires, de défendre la profession de maître d’éducation physique, et de défendre la place de l’éducation physique dans les cursus scolaires obligatoires et post-obligatoires (art. 3.2 des statuts de l’A______). Elle représente les maîtres-ses d’éducation physique auprès de différentes autorités (art. 3.3.1 des statuts de l’A______). Elle assure que les engagements pris envers les maîtres d’éducation physique par les divers organismes soient tenus (art. 3.4.1 des statuts de l’A______). Enfin, elle sert de plate-forme d’échange entre les maîtres d’éducation physique, les étudiants-es, les retraités et les sympathisants-es (art. 3.5.1 des statuts de l’A______).

Est admis en qualité de membre de l’A______ tout maître d’éducation physique en activité à Genève s’il souscrit à ses buts. Les instituteurs ou enseignants concernés par l’éducation physique peuvent devenir membres sympathisants. Les maîtres d’éducation physique ou enseignants ayant atteint ou pris leur retraite peuvent obtenir le statut d’ancien-ne membre. Ils sont exemptés de cotisation. Les membres ayant rendu des services à l’A______ peuvent être nommés membres d’honneur. Ils sont aussi exemptés de cotisation (art. 5 des statuts de l’A______).

2. Le 15 septembre 2014, l’A______ a écrit à la conseillère d’État en charge du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP ou le département).

Depuis plusieurs mois, relayant en cela des démarches menées depuis près de trente ans, l’A______ avait entrepris de rencontrer la conseillère d’État, afin de lui soumettre un argumentaire précis et détaillé démontrant la nécessité notamment de procéder à une réévaluation de la fonction de maître et maîtresse d’éducation physique à tous les niveaux d’enseignement genevois. Malheureusement, les maîtres d’éducation physique n’avaient à ce jour obtenu que peu de réponses et d’assurances permettant d’avancer utilement dans leurs démarches.

Partant, l’A______ sollicitait qu’une décision au sens de l’art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) soit rendue, de façon à permettre la saisine de l’autorité de recours.

3. Le 6 février 2015, la conseillère d’État a répondu qu’elle n’était pas en mesure de notifier une décision au sens de l’art. 4 LPA à l’attention de l’A______, au vu des éléments en sa possession.

Le recours corporatif supposait que l’entité en cause dispose de la personnalité juridique, que ses statuts la chargent d’assurer la défense des intérêts de ses membres et que la majorité des membres possède, à titre individuel, la qualité pour recourir.

Or, le courrier du 15 septembre 2014 et la lecture des statuts de l’A______ ne lui permettaient pas d’identifier si l’A______ disposait de la qualité pour recourir contre une telle décision. Dans ce contexte, il n’était pas possible de déterminer si l’A______ avait un intérêt digne de protection à recevoir une décision concernant les maîtres et les maîtresses d’éducation physique de matière individuelle et concrète.

4. Le 18 février 2015, l’A______ a précisé à la conseillère d’État du DIP qu’elle représentait les maîtres d’éducation physique enseignant à Genève, comme son nom l’indiquait. Sur cette base déjà, la qualité de partie (et non la qualité pour recourir) lui appartenait de toute évidence, en tant qu’elle regroupait des membres dont la majorité, si ce n’était l’unanimité, aurait pu agir individuellement. En application de la jurisprudence, cela suffisait à lui donner la pleine qualité de partie au sens de la LPA.

De plus, l’art. 2 des statuts de l’A______ retenait notamment pour but celui de défendre les intérêts moraux, matériels et professionnels de l’enseignement de l’éducation physique dans les écoles primaires, secondaires et professionnels, et d’intervenir lorsqu’un membre était lésé ou menacé dans ses intérêts professionnels.

L’A______ mettait en demeure la conseillère d’État du département de rendre une décision sous dix jours.

5. Le 3 mars 2015, la conseillère d’État a relevé que les statuts de l’A______ précisaient que ses membres étaient de quatre ordres, soit : les membres actifs, les membres sympathisants, les membres anciens et les membres d’honneur (art. 3.1.1, 3.1.2, 3.1.3 et 3.1.4 des statuts de l’A______). Or, ces deux dernières catégories de membres ne sauraient avoir la qualité pour recourir contre la décision sollicitée. Elle demandait dès lors à l’A______ de lui préciser le nombre total de ses membres et parmi ceux-ci le nombre de maîtres d’éducation employés au DIP.

6. Le 10 mars 2015, l’A______ a informé la conseillère d’État qu’elle comptait cent trente membres, dont quarante-neuf membres enseignant au primaire, et quatre-vingt-un membres enseignant au secondaire I et II. Une liste avec tous les noms concernés était tenue à sa disposition, si nécessaire.

L’A______ partait dès lors du principe que la qualité de partie lui était désormais reconnue.

7. Par décision du 10 juin 2015, le Conseil d’État a refusé, pour l’heure, d’entrer en matière sur la demande de l’A______.

Depuis octobre 2012, de nombreux échanges avaient eu lieu entre des représentants de l’A______ et le DIP, sous forme de courriers et de séances de travail. L’A______ avait été reçue à plusieurs reprises par les conseillers d’État en charge du département qui s’étaient succédé et elle avait eu la possibilité de faire valoir le point de vue des membres qu’elle représentait.

Le Conseil d’État avait décidé de revoir le système d’évaluation des fonctions de l’administration cantonale en raison de son inadéquation par rapport à l’évolution des métiers. Cet important projet nommé Système Compétences Rémunération Évaluation (ci-après : SCORE) était prévu pour une entrée en vigueur au plus tard au 1er janvier 2017. Pendant les travaux, les réévaluations collectives et/ou sectorielles avaient été bloquées par décision du 7 décembre 2010.

Le Conseil d’État était sensible au fait que l’évaluation de la fonction de maître et maîtresse d’éducation physique de l’enseignement secondaire datait de 1975 et que les requis de formation ainsi que les exigences globales de la fonction en lien avec l’introduction du plan d’études romand (ci-après : PER) avaient été modifiés. Ces éléments étaient d’ailleurs pris en considération dans le cadre des travaux liés au dossier SCORE.

8. Par acte du 13 juillet 2015, l’A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant, préalablement, à ce que soit convoquée une audience de comparution personnelle des parties, principalement, à l’annulation de la décision attaquée, au renvoi de la cause au Conseil d’État afin qu’il entre en matière sur la requête litigieuse, l’instruise, puis statue dans le sens des conclusions prises devant lui par l’A______, « sous suite de frais et dépens ».

La décision du 10 juin 2015 était une décision sujette à recours auprès de la chambre administrative.

L’A______ était partie à la procédure devant le Conseil d’État et le département. Par ailleurs, la décision attaquée ayant écarté ses conclusions, elle était directement touchée par ce « jugement » et avait un intérêt personnel digne de protection à ce qu’il soit modifié. Superfétatoirement, elle remplissait les conditions du recours corporatif, tous ses membres actifs étant touchés par l’objet du litige, étant rappelé qu’était litigieuse l’évaluation de la fonction de maître et maîtresse d’éducation physique à tous les niveaux de l’enseignement genevois. L’A______ avait dès lors la qualité pour recourir.

Le Conseil d’État indiquait dans sa décision attaquée refuser d’entrer en matière sur la base d’une décision interne du 7 décembre 2010, autrement dit sur la base de motifs politiques liés à la – supposée – prochaine entrée en vigueur du système d’évaluation SCORE. Au-delà du fait que la décision interne n’avait jamais été communiquée à l’A______ – qui en sollicitait la production –, force était de constater qu’il n’était pas admissible, au regard des garanties de procédures, dont le déni de justice, se trouvant dans la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), de refuser de traiter « pour l’heure » une requête légitime et relevant à l’évidence des compétences du Conseil d’État pour de tels motifs.

L’entrée en vigueur de SCORE était prévue pour le 1er janvier 2017, soit à une date lointaine imposant aux membres de l’A______ de demeurer rémunérés d’une manière contraire à l’égalité de traitement et à l’interdiction de l’arbitraire pendant une durée anormalement longue, et alors que les intéressés avaient diligemment sollicité leur hiérarchie depuis de longues années déjà. Cette situation se doublait de la sorte d’une violation du principe de la célérité, également couverte par la Cst. et la CEDH. La jurisprudence de la chambre administrative avait d’ailleurs déjà pu relever l’importance que le traitement d’une telle requête pouvait avoir en termes d’entrée en vigueur d’un nouveau traitement.

En refusant de traiter la requête litigieuse, alors qu’elle relevait de sa compétence et portait sur des droits de nature civile des intéressés, le Conseil d’État avait violé les art. 29 al. 1 Cst. et 6 CEDH.

À l’appui de son recours, l’A______ a notamment produit ses statuts du 30 octobre 2014, ainsi qu’une résolution de l’assemblée générale de l’A______ du 24 avril 2013, selon laquelle celle-ci demandait l’ouverture de négociations avec le Conseil d’État visant à garantir l’égalité de traitement salarial entre les maîtres d’éducation physique et les autres enseignants du secondaire.

9. Le 22 juillet 2015, le Conseil d’État et les associations représentatives du personnel ont signé un protocole relatif au processus visant un nouveau système de rémunération (ci-après : le protocole du 22 juillet 2015, consultable sur
le site : http://ge.ch/etat-employeur/actualites/projet-score-systeme-competence-remuneration-evaluation).

Ledit protocole avait pour but de créer un partenariat de travail avec les associations représentatives du personnel pour « contrôler, ajuster et stabiliser le classement relatif de l’évaluation des postes entre eux selon la méthode SCORE, ajuster la courbe salariale » et « prévoir la maintenance et le suivi après la mise en place du nouveau système ».

10. Le 28 août 2015, le Conseil d’État a conclu, préalablement, à la production de la liste complète des membres de l’A______, à la forme, à ce qu’un délai lui soit octroyé afin qu’il puisse se prononcer sur la recevabilité du recours au vu de la liste complète des membres de l’A______, au fond, au rejet du recours, « sous suite de frais ».

Le Conseil d’État devait connaître les noms des membres de l’A______, dans la mesure où certains d’entre eux, plus précisément des maîtres d’éducation physique du secondaire, pourraient être déjà colloqués en classe 20, eu égard à la directive interne du département relative à la « Fixation du traitement pour les maîtres du secondaire exerçant des fonctions classées différemment » du 31 mai 2015 (ci-après : la directive du 31 mai 2015), et n’auraient donc pas d’intérêt propre actuel et pratique à faire trancher le présent contentieux.

Sur le fond, son courrier du 10 juin 2015 constituait une décision prise conformément à l’art. 4 al. 1 let. c LPA. Ainsi, le Conseil d’État avait fait usage du pouvoir discrétionnaire, que lui reconnaissait le droit actuellement en vigueur, en matière de traitement des fonctionnaires. En tout état de cause, le membre du personnel n’avait pas un droit à ce que sa fonction soit évaluée. La décision d’évaluer ou non une fonction restait une prérogative de l’employeur et ainsi un choix politique, dont la chambre administrative ne pourrait revoir l’opportunité. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, il avait accordé une portée prépondérante au bon déroulement du projet SCORE par rapport à l’intérêt des membres de l’A______ à voir leur fonction immédiatement réévaluée et avait rendu une décision en ce sens. Le grief du déni de justice était donc mal fondé.

Bien que les maîtres d’éducation physique genevois dans le secondaire fassent des préparations écrites de leurs cours, ainsi que des fiches sur chaque élève, en règle générale, ils ne faisaient pas systématiquement des corrections de travaux écrits de la même ampleur que celles opérées par les maîtres généralistes enseignant par exemple le français ou les mathématiques, qui occupaient une fonction classée en classe 20. Il existait bel et bien une différenciation objective concernant la correction des travaux, soit des heures hors enseignement, entre ces deux catégories de maîtres. Ladite différenciation était à même de fonder une différence de rétribution, même en cas de similarité des titres requis pour l’exercice des professions en cause. S’agissant des maîtres d’éducation physique – qui font partie du groupe des maîtres des disciplines artistiques et sportives –, la différence avec les maîtres généralistes était encore plus significative, dans la mesure où en substance, le niveau de formation était moindre, ainsi que la responsabilité vis-à-vis du suivi des élèves et qu’ils n’avaient pas de travail de correction d’épreuves ou de devoirs.

Par ailleurs, les maîtres des disciplines d’éducation physique avaient été évalués en 2007.

En outre, l’ampleur de la différence de salaire pour un emploi à plein temps entre une fonction colloquée en classe 20, annuité 0, et celle en classe 17, annuité 0, était de l’ordre de 14,12 % environ. En effet, le salaire annuel brut correspondant à la classe 20, annuité 0, était de CHF 105’938.-, et celui correspondant à la classe 17, annuité 0, de CHF 92’832.- en 2015. Pour l’enseignement primaire, le traitement annuel brut d’un maître généraliste au début de carrière correspondant à la classe 18, annuité 0, était de CHF 97’010.-. Quant à celui d’un maître d’éducation physique, il correspondait à la classe 16, annuité 0, et s’élevait donc à CHF 88’834.- en 2015, soit une différence salariale de 9,2 %.

Compte tenu de la différence existant entre les maîtres d’éducation physique et les maîtres généralistes relative à la correction des travaux écrits, voire à la différence de formation s’agissant des maîtres d’éducation physique, de l’ampleur d’environ 14,12 % (secondaire) et 9,2 % (primaire) de la différence de salaire en cause, et du large pouvoir d’appréciation dont disposait le Conseil d’État en matière de rétribution des enseignants, celui-ci avait considéré que l’A______ n’avait pas démontré dans quelle mesure la différence de traitement dont il était question ne resterait pas dans les limites acceptables du pouvoir d’appréciation lui étant reconnu. Ainsi, la nécessité de réévaluer la fonction de maître et maîtresse d’éducation physique en dépit de la décision de bloquer les réévaluations collectives ou sectorielles, dans le dessein de mener à bien le projet SCORE et de ne pas créer de nouvelles inégalités, ne s’était pas imposée de manière impérieuse.

À l’appui de son écriture, le Conseil d’État a remis la directive du 31 mai 2015, la directive concernant les maîtres secondaires exerçant des fonctions classées différemment, maîtres exerçant en catégories mixtes du 11 novembre 2006 (ci-après : la directive du 11 novembre 2006), un extrait du procès-verbal de la séance du Conseil d’État du 20 juin 2007, le cahier des charges des maîtres d’éducation physique – de l’enseignement primaire du 16 avril 2013, le cahier des charges des maîtres généralistes de l’enseignement primaire – titulaire de classe – du 12 avril 2013, un courrier de l’A______ adressé au département du 13 mai 2013 portant sur l’aménagement de la fin de carrière pour les enseignants de l’éducation physique en possession du diplôme I, un courrier du département du 16 septembre 2013, un argumentaire envoyé à la conseillère d’État en charge du département du 19 mai 2014 pour le maintien d’un temps d’enseignement de
vingt-six périodes face aux élèves et pour le maintien de deux périodes d’activités spécifiques pour la promotion de manifestations sportives et d’activités physiques de qualité, un courrier de la Société pédagogique genevoise (ci-après : SPG) aux ressources humaines (ci-après : RH) du département du 18 décembre 2013 demandant la réévaluation de fonction de maître et maîtresse d’éducation physique, la réponse du département du 27 janvier 2014, un courrier de l’A______ à la conseillère d’État en charge du département du 11 novembre 2014 relative à la demande de réévaluation de fonction de maître et maîtresse d’éducation physique en primaire, un extrait du procès-verbal de la séance du Conseil d’État du 7 décembre 2010 décidant de ne procéder à aucune réévaluation collective ou sectorielle des fonctions à compter du dépôt du projet de budget 2011 et un courrier de l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE) au département du 3 octobre 2013.

11. Le 24 septembre 2015, à la demande de la chambre administrative, l’A______ a remis la liste complète de ses membres avec leur fonction.

12. Le 22 octobre 2015, invité à se déterminer sur cette liste, le Conseil d’État a relevé qu’il en ressortait que quinze membres de l’A______ exerçaient une fonction de maître d’enseignement général, classée en classe 20 sur l’échelle des traitements de l’État de Genève, soit Mmes B______, C______, D______, E______, F______, G______, ainsi que MM. H______, I______, C______, J______, K______, L______, M______, N______ et O______. À cela s’ajoutait que deux membres de l’A______ étaient retraités depuis le 31 août 2015, à savoir MM. P______ et N______ et que deux personnes (Mmes Q______ et R______) n’apparaissaient pas dans la base de données des collaborateurs du département.

Les membres de l’A______ qui se trouvaient en classe 20 avaient acquis les titres universitaires pour enseigner une autre discipline en plus de l’enseignement de l’éducation physique et par conséquent leurs situations étaient régies conformément à la directive du 11 novembre 2006. Celle-ci prévoyait que les maîtres de catégorie statutaire identique exerçant des fonctions différentes,
c’est-à-dire des fonctions classées différemment telles que celles de maître d’éducation physique (classe 17) et maître d’enseignement général (classe 20), étaient rangés dans la fonction supérieure, à condition que la part de l’enseignement dans la fonction la mieux classée soit égale à la moitié du poste occupé.

Quinze membres de l’A______ occupaient une fonction de maître et maîtresse d’enseignement général, classée en classe 20 et non en classe 17 sur l’échelle des traitements de l’État de Genève, et ce pour l’ensemble de leurs taux d’activité. Dès lors, une issue favorable à leurs recours ne serait pas susceptible de leur apporter le succès escompté, soit de faire colloquer leurs fonctions respectives d’une classe 17 à une classe 20, afin de percevoir le salaire y afférent. Ils n’avaient donc aucun intérêt propre, actuel et pratique à faire trancher le présent contentieux tout comme les deux membres ayant pris leur retraite, ainsi que les deux personnes qui n’avaient apparemment pas de lien contractuel avec le département.

Compte tenu de ces éléments, le Conseil d’État se rapportait à justice quant à la recevabilité du recours et maintenait ses conclusions prises au fond dans son écriture du 28 août 2015.

Le Conseil d’État a joint à son écriture un courriel de la directrice des RH du département portant sur le statut des membres de l’A______.

13. Le 30 octobre 2015, le juge délégué a transmis à l’A______ copie du courrier du 22 octobre 2015 du Conseil d’État et son annexe, lui fixant un délai au 2 décembre 2015 pour formuler d’éventuelles observations.

14. Le 2 décembre 2015, l’A______ a persisté dans ses conclusions. Elle relevait plusieurs inexactitudes de la part du Conseil d’État.

Mme B______ se trouvait bien en classe 17. Mmes Q______ et R______ s’étaient récemment mariées, si bien que toujours enseignantes, elles devaient bel et bien figurer dans la base de données du DIP, sous les noms S______ et T______.

Les conditions du recours corporatif étaient réunies.

Le département omettait opportunément de citer le nouveau cahier des charges des maîtres d’éducation physique en vigueur depuis la rentrée 2014, qui imposait deux heures d’enseignements supplémentaires. L’argument en lien avec l’évaluation intervenue en 2007, en soi sans pertinence, était quoi qu’il en fût sans objet. Depuis l’entrée en vigueur du mercredi matin à la rentrée 2014-2015, les maîtres d’éducation physique avaient la responsabilité d’une classe entière pendant deux périodes, avec les déplacements et la gestion des vestiaires.

Les maîtres d’éducation physique connaissaient trois cahiers des charges différents. En rythmique-musique, il y avait une heure de co-enseignement ; en arts visuels, deux heures en demi-classe et enfin, en éducation physique, deux heures pleine avec déplacements (et gestion des vestiaires). Les situations n’étaient pas comparables.

Le Conseil d’État ne disposait pas d’un « pouvoir discrétionnaire (…) en matière de traitement des fonctionnaires ». Que ce fût au regard de la LPA ou de la Cst., le fonctionnaire, à l’instar de n’importe quel administré, avait un droit à voir sa requête traitée en temps raisonnable. L’arrêté du Conseil d’État du 7 décembre 2010 n’avait aucune assise légale susceptible de primer ce droit constitutionnel fondamental. Il ne saurait être question d’opposer le prétendu intérêt « au bon déroulement du projet SCORE » à celui de l’A______ de voir sa requête traitée.

L’A______ a annexé à son courrier un extrait du décompte du salaire mensuel de Mme B______ pour le mois d’octobre 2015.

15. Le 31 janvier 2017, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Selon l’OPE qui représentait le Conseil d’État, le projet de loi concernant les traitements qui remplacerait l’actuelle loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), établi par l’OPE, serait présenté le 22 février 2017 au Conseil d’État par le département des finances, avec entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2018. Dès le 22 février 2017, ce projet serait traité par le Conseil d’État, qui le transmettrait ensuite au Grand Conseil pour adoption. L’OPE espérait que ledit projet pourrait entrer en vigueur au 1er janvier 2018, même s’il n’avait aucun contrôle sur ce qui se passerait au Grand Conseil.

Pour la fixation de l’entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2018, l’OPE était parti de la prémisse que le processus législatif se déroulerait sans heurts, comme cela avait été le cas lors de la suppression de la prime de fidélité et son remplacement par le treizième salaire.

Il était prévu que le Conseil d’État arrête les réévaluations individuelles de fonction dès le 22 février 2017, arrêt qui serait décidé à cette même date. Dès ce jour-là, la fiche « MIOPE » relative aux réévaluations ne serait plus applicable. La base légale était l’art. 4 LTrait. La situation était particulièrement complexe dans le canton de Genève, puisque le projet SCORE concernait environ quarante mille personnes travaillant pour l’administration cantonale et d’autres entités publiques.

Le Conseil d’État n’avait pas pris de nouvelle décision portant sur le même objet que celle du 7 décembre 2010.

b. La cheffe du service des RH de l’OPE a expliqué que les associations représentatives du personnel n’avaient pas voulu se prononcer à l’issue de la première étape des discussions avec elles dans le cadre du projet SCORE. Par la suite, des discussions avaient eu lieu sur des éléments de la courbe salariale, mais lesdites associations n’avaient pas voulu continuer.

Cette participation des associations représentatives du personnel faisait suite au protocole du 22 juillet 2015.

Dans l’hypothèse où le Conseil d’État devait entrer en matière sur la demande de l’A______, une décision ne pourrait pas être rendue avant plusieurs mois. En effet, d’une part le personnel de l’OPE était prioritairement occupé dans le basculement dans le système SCORE au 1er janvier 2018 (que ce soit au niveau des salaires que des processus métier notamment), ce qui lui laisserait peu de temps pour traiter la demande de l’A______. D’autre part, une évaluation sectorielle ou collective de la fonction prenait plus de temps qu’une évaluation individuelle, car le service devait reprendre et examiner toutes les fonctions de la même filière, soit toutes les catégories d’enseignants.

Toutes les demandes de réévaluation individuelles (actuellement en cours d’examen) qui n’auraient pas fait l’objet d’une décision avant le 22 février 2017 seraient dès cette date traitées en application du nouveau système prévu SCORE. Même dans le cadre de SCORE, ces demandes seraient traitées individuellement par le service. Il n’y avait pas de réévaluation collective actuellement en cours.

Les décisions sur réévaluation individuelles ou collectives n’avaient pas d’effet rétroactif et entraient en vigueur le mois qui suivait la décision du Conseil d’État se prononçant sur la réévaluation de fonction.

La décision prise par le Conseil d’État, soit l’extrait du procès-verbal de la séance du 7 décembre 2010, avait été communiquée à toutes les entités étatiques chargées de l’application de la LTrait, y compris au DIP. En principe, ce type de décision était communiqué par la délégation du Conseil d’État aux RH lors d’une de ses rencontres régulières avec les associations du personnel. Elle ignorait si tel avait été le cas pour celle du 7 décembre 2010.

c. La directrice adjointe des RH du DIP a précisé que, dans tous les cas, la décision du Conseil d’État du 7 décembre 2010 avait été communiquée à l’A______ en 2013.

d. D’entente entre les parties, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/775/2016 du 13 septembre 2016 consid. 1 ; ATA/1351/2015 du 15 décembre 2015 consid. 1 ; ATA/806/2013 du 10 décembre 2013 consid. 1).

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 LPA), étant précisé que ni la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), ni la LTrait, ni le règlement instituant une commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions du 7 avril 1982 (RComEF -
B 5 15.04) ne prévoient une autorité judiciaire spéciale susceptible de trancher le présent litige.

3. a. Le recours corporatif suppose que l’entité en cause dispose de la personnalité juridique, que ses statuts la chargent d’assurer la défense des intérêts de ses membres et que la majorité des membres possède, à titre individuel, la qualité pour recourir (ATF 133 V 239 consid. 6 p. 244 ; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C.248/2008 du 25 septembre 2008 consid. 1 ; ATA/742/2010 du 2 novembre 2010 consid. 4a et les arrêts cités ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 2006, p. 727 n. 2051 ss ; Pierre MOORE/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 750-751 n. 5.7.2.4 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 512 et ss).

b. La qualité pour recourir est régie par l’art. 60 let. a et b LPA.

Selon la jurisprudence rendue en application de l’art. 60 let. b LPA, cette dernière condition n’est réalisée que si le recourant est touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés et que l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – se trouve, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération. En application de ces principes, le recours d’un particulier ou d’une association, formé dans l’intérêt de la loi ou d’un tiers, est irrecevable (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; ATF 131 II 587 consid. 2.1 p. 588 ss ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 120 Ib 48 consid. 1 p. 49 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.133/2006 du 4 octobre 2006 consid. 2.1 ; ATA/50/2012 du 24 janvier 2012 consid. 8 ; ATA/13/2009 du 13 janvier 2009 et les arrêts cités). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire. Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; ATA/50/2012 précité consid. 8 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3b et les références citées).

c. En l’espèce, les deux premières conditions sont réalisées. La recourante est constituée en association (art. 1 des statuts de l’A______) et, de ce fait, dispose de la personnalité juridique. De plus, et selon l’art. 3.2.1 de ses statuts, elle a pour but de défendre les intérêts des maîtres d’éducation physique. Il reste à déterminer si les membres qui la composent sont touchés en majorité ou en grand nombre par la décision attaquée et s’ils disposent, à titre individuel, de la qualité pour recourir.

Il ressort de la liste des membres de l’A______ produite par celle-ci que septante membres sont des maîtres d’éducation physique au niveau secondaire et que quarante-huit sont des maîtres d’éducation physique au niveau primaire, soit un total de cent dix-huit maîtres d’éducation physique.

Selon le Conseil d’État quinze membres, maîtres d’éducation physique au niveau secondaire, sont déjà colloqués en classe 20, deux sont retraités et deux autres n’apparaissent pas sur la base de données des collaborateurs du département.

Même si parmi ces dix-neuf membres, il est incontestable que certains ne disposent pas de la qualité pour recourir, à titre individuel, tels que les deux retraités, force est de constater que le Conseil d’État n’a rien eu à redire sur les nonante-neuf autres membres de la recourante. De plus, rien au dossier ne permet de douter de leur qualité pour recourir à titre individuel.

Dans la mesure où ces nonante-neuf membres constituent une large majorité sur un total de cent dix-huit membres et qu’il n’est pas contesté qu’ils disposent de la qualité pour recourir à titre individuel, la chambre de céans considère que la troisième condition est également réalisée.

Les conditions de recevabilité du recours corporatif sont ainsi réunies.

Le recours est donc recevable.

4. À titre de mesure d’instruction, la recourante a sollicité la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties.

Cette demande a été satisfaite dans la mesure où la chambre de céans a tenu une audience le 31 janvier 2017.

5. La chambre administrative applique le droit d’office. Elle ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, sans toutefois être liée par les motifs invoqués (art. 69 LPA) ni par l’argumentation juridique développée dans la décision entreprise (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 300 ss n. 2.2.6.5). Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA) et non réalisée en l’espèce.

6. La recourante soutient que le Conseil d’État a commis un déni de justice formel en refusant de traiter « pour l’heure » sa demande de réévaluation de fonction de maître et maîtresse d’éducation physique à tous les niveaux d’enseignement genevois.

a. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

b. Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_59/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2.1 ; 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1 ; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3 ; ATA/918/2016 du 1er novembre 2016 consid. 4b).

c. Pour déterminer si le Conseil d’État a commis un déni de justice, il convient préalablement d’examiner s’il avait l’obligation de rendre une décision (ATA/1337/2015 du 15 décembre 2015 consid. 2 ; ATA/1186/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/768/2014 du 30 septembre 2014 ; ATA/787/2012 du 20 novembre 2012), cette question étant dépendante de l’examen du fond du litige.

d. À teneur de l’art. 4 LTrait, le Conseil d’État établit et tient à jour le règlement et le tableau de classement des fonctions permettant de fixer la rémunération de chaque membre du personnel en conformité de l’échelle des traitements (al. 1). Dans ce classement, il doit être tenu compte du rang hiérarchique et des caractéristiques de chaque fonction en prenant en considération notamment l’étendue qualitative et quantitative des attributions dévolues et des obligations à assumer, les connaissances professionnelles et aptitudes requises, l’autonomie et les responsabilités, les exigences, inconvénients, difficultés et dangers que comporte l’exercice de la fonction (al. 2). Les règlements et tableaux de classement des fonctions, établis et tenus à jour par d’autres autorités ou organes de nomination dans le cadre de leurs compétences respectives, sont soumis à l’approbation du Conseil d’État (al. 3).

Selon l’art. 5 LTrait, l’autorité ou l’organe de nomination, soit le Conseil d’État en l’espèce (art. 6 LTrait), fixe la rémunération des membres du personnel dans un acte d’engagement ou de nomination, en application de l’échelle des traitements, du tableau de classement des fonctions et des principes posés à l’art. 11 LTrait relatif au traitement initial.

Aux termes de l’art. 2 du règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01), la classe prévue pour la fonction est déterminée par le résultat de l’évaluation des fonctions. La liste des fonctions, mise à jour et approuvée par le Conseil d’État, est à disposition à l’OPE.

À teneur l’art. 1 al. 1 RComEF, une commission de réexamen (ci-après : CREMEF) est instituée. Elle permet aux membres du personnel de l’État et des établissements publics médicaux de demander le réexamen des décisions relatives à l’évaluation des fonctions (rangement, cotation, classification). Sont susceptibles d’opposition toutes les décisions relatives à l’évaluation des fonctions mentionnées à l’art. 1 RComEF à l’exclusion des décisions prises lors de l’engagement (art. 4 RComEF). Peuvent faire opposition les membres du personnel de l’État et des établissements publics médicaux intéressés à titre individuel ou collectif pour la fonction qui les concerne ainsi que le département, l’établissement concerné ou le Grand Conseil, ce dernier étant représenté par son bureau (art. 5 RComEF). Après avoir vérifié la procédure et l’objectivité de l’analyse effectuée par l’office du personnel, la commission se prononce sur la décision contestée en formulant une proposition au Conseil d’État (art. 11
al. 1 RComEF). Le Conseil d’État statue en dernier ressort et communique sa décision à l’intéressé (art. 11 al. 4 RComEF).

e. Selon le mémento des instructions de l’OPE (ci-après : MIOPE ; fiche
n° 02.01.01 intitulée « Évaluation ou révision de classification de fonction »
du 1er février 2000, mise à jour le 15 juillet 2013 - http://ge.ch/etat-employeur/directives-miope/02-remuneration/01-evaluation-fonctions/020101-
evaluation-ou-revision-de-classification-de-fonction, consulté le 6 février 2017), une demande d’évaluation est initiée par les directions de services du département/de l’établissement en référence aux missions et prestations définies par le département/l’établissement notamment lors de l’évolution significative d’une famille professionnelle ou d’un cursus de formation (let. c) et lors de modifications significatives d’un poste (let. d).

Une évaluation de poste/de fonction peut-être demandée par le/la titulaire d’un poste.

Lorsqu’elle concerne une ou plusieurs fonctions d’une famille professionnelle et/ou un nombre important de titulaires, la demande est adressée au service RH de l’OPE (ci-après : SRH OPE) par le service des RH du département. Le SRH OPE procède à l’étude de la demande afin de mettre en exergue les éléments liés aux aspects transversaux de la/des fonction(s) soumise(s) à évaluation. Le SRH OPE transmet le résultat de l’étude au directeur général de l’OPE. Le directeur général de l’OPE présente le résultat de l’étude de la demande faite par le SRH OPE au collège spécialisé ressources humaines
(ci-après : CSRH), lors de la séance mensuelle traitant des affaires de personnel. Sur la base du préavis du CSRH, le collège des secrétaires généraux se prononce quant à la suite à donner à la demande.

Lorsque le département est d’accord avec la proposition de l’OPE, celle-ci devient dès lors une décision de l’OPE. Si le département n’est pas d’accord avec la proposition, il adresse à l’OPE, service d’évaluation des fonctions, une lettre dûment motivée. La décision de l’OPE peut faire l’objet par la suite d’une opposition auprès de la CREMEF. En cas de déclaration de non-opposition, l’OPE établit sans délai un plumitif à l’intention du Conseil d’État pour ratification au moyen d’un extrait de procès-verbal de séance. En l’absence de la déclaration de non-opposition, l’OPE attend l’échéance du délai d’opposition de trente jours pour donner la suite qui convient.

f. La chambre de céans a eu à connaître de litiges concernant des employés de l’État de Genève qui souhaitaient que leurs fonctions soient évaluées (ATA/850/2016 du 11 octobre 2016 ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 ; ATA/722/2015 du 14 juillet 2015 notamment). Dans ces cas, la procédure prévue par les dispositions légales précitées et le MIOPE a été enclenchée, et une décision du Conseil d’État a été prise quant au bien-fondé ou non de leurs demandes respectives.

g. En l’espèce, la cheffe du service RH de l’OPE a précisé que les associations représentatives du personnel n’avaient pas voulu poursuivre les discussions dans le cadre du protocole d’accord du 22 juillet 2015, de sorte qu’on peut partir du principe que ledit protocole n’est plus applicable.

Cela précisé, il ressort du dossier que le processus de demande de réévaluation de la fonction de maître et maîtresse d’éducation physique a été initié il y a plusieurs années.

Dans la décision querellée, le Conseil d’État a refusé d’entrer en matière sur la demande en s’appuyant sur un extrait du procès-verbal de la séance du 7 décembre 2010. Selon ce document, le Conseil d’État, vu que le projet de budget 2011 présentait un déficit, que le système d’évaluation de fonctions était désuet et que la date d’entrée en vigueur du projet SCORE était prévue au
1er janvier 2013, avait décidé de ne procéder à aucune réévaluation collective ou sectorielle des fonctions à compter du dépôt du projet de budget 2011.

Or, au jour du prononcé du présent arrêt, le projet SCORE n’est toujours pas entré en vigueur.

Selon le site internet de l’État de Genève (http://ge.ch/etat-employeur/service-public/score/score-deroulement, consulté le 6 février 2017), l’entrée en vigueur de SCORE devrait se faire pendant la présente législature qui se termine au printemps 2018, ce qu’a d’ailleurs confirmé l’OPE à l’audience du 31 janvier 2017.

Toutefois, on ne peut exclure que son entrée en vigueur ne soit reportée, compte tenu notamment de l’ampleur du projet SCORE et de ses enjeux.

Si on peut comprendre la volonté du Conseil d’État de bloquer, pendant un certain temps, toute réévaluation collective et/ou sectorielle afin de procéder à la révision du système d’évaluation des fonctions de l’administration cantonale en raison de son inadéquation par rapport à l’évaluation des métiers, force est de constater que, plus de quatre ans après l’entrée en vigueur initialement prévue du projet SCORE (1er janvier 2013), cette révision n’a toujours pas abouti.

De plus et compte tenu du fait que le MIOPE accorde un droit au titulaire, et a fortiori, aux titulaires d’un poste de la fonction publique, de demander que son poste ou fonction soit évalué, respectivement réévalué, le refus du Conseil d’État d’entrer en matière sur la demande légitime des maîtres d’éducation physique leur ferme l’accès au processus d’évaluation et ainsi à la justice, et s’apparente dès lors à un déni de justice.

Enfin, la décision du Conseil d’État de ne pas entrer en matière sur la demande de réévaluation de la fonction de maître et maîtresse d’éducation physique à tous les niveaux d’enseignement se justifie d’autant moins qu’une évaluation a matériellement dû être effectuée ou être en cours dans le cadre du projet SCORE.

À cet égard, dans la mesure où les demandes de réévaluation individuelles actuellement en cours continueront en tout état de cause à être instruites après le 22 février 2017, on ne voit pas ce qui empêche que tel soit aussi le cas concernant la demande de réévaluation collective présentement litigieuse.

Le grief sera admis.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis.

La décision de refus d’entrer en matière prise par le Conseil d’État du
10 juin 2015 sera annulée et le dossier sera retourné à l’autorité intimée pour qu’il entre en matière sur la demande de réévaluation de fonction de maître et maîtresse d’éducation physique à tous les niveaux d’enseignement genevois, l’instruise et se détermine sur son éventuel bien-fondé.

8. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée à la recourante qui y a conclu et qui a dû recourir aux services d’un avocat, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juillet 2015 par l’A______ contre la décision du Conseil d’État du 10 juin 2015 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du Conseil d’État du 10 juin 2015 ;

retourne le dossier au Conseil d’État afin qu’il entre en matière sur la demande de réévaluation de fonction de maître et maîtresse d’éducation physique à tous les niveaux d’enseignement genevois, l’instruise et se détermine sur son éventuel bien-fondé ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à l’A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15’000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot
Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :