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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2132/2010

ATA/742/2010 du 02.11.2010 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; ASSOCIATION ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; VOISIN ; DISTANCE(EN GÉNÉRAL)
Normes : LGZDI.5.al2 ; LGZD.6 ; LaLAT.35.al3
Parties : ASSOCIATION DES RIVERAINS DE LA STATION D'EPURATION DU NANT-D'AVRIL / CONSEIL D'ETAT
Résumé : Une association dont les buts statutaires ne visent pas uniquement la protection d'intérêts idéaux ne peuvent fonder sa qualité pour agir sur l'art. 35 al. 3 LaLAT. Le recours corporatif suppose en effet que l'entité en cause dispose de la personnalité juridique, que ses statuts la chargent d'assurer la défense des intérêts de ses membres et que la majorité des membres possède, à titre individuel, la qualité pour recourir. Sur les 145 membres, seul un membre habite sur une parcelle située dans le périmètre du projet de règlement et plans directeurs et 32 sont domiciliés dans un rayon de 500m. La majorité n'étant pas atteinte, les conditions du recours corporatif ne sont pas réunies.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2132/2010-AMENAG ATA/742/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 2 novembre 2010

 

dans la cause

 

 

ASSOCIATION DES RIVERAINS DE LA STATION D'ÉPURATION DU NANT-D'AVRIL ET ENVIRONS
représentée par Me Gérard Brutsch, avocat

 

contre

CONSEIL D'ÉTAT


EN FAIT

1. Par arrêté du 19 mai 2010, le Conseil d'Etat a rejeté, dans la mesure où elle était recevable, l'opposition formée par l'Association des riverains de la station d'épuration du Nant-d'Avril et environs (ci-après : l'association) aux projets de règlement et de plans directeurs de la zone industrielle et artisanale du Bois-de-Bay, n°s 29292-535, 29293-535 et 29294-535, visant à mettre en œuvre les zones de développement industriel et artisanal prévues par les plans n°s 27768-535 et 21125A-535 des 21 février 1986 et 14 mai 2007, dans la mesure où elle était recevable.

Par arrêté séparé du même jour, le Conseil d'Etat a adopté ces trois projets de règlement et plans directeurs.

2. Le 21 juin 2010, l'association a recouru auprès du Tribunal administratif contre l'arrêté précité en concluant à son annulation.

L'association a notamment sollicité une limitation de la hauteur des gabarits des constructions susceptibles d'être réalisées, ainsi que des nuisances sonores à venir.

Selon l'art. 2 de ses statuts du 1er mars 2004, l'association a pour buts :

a) la protection de la population riveraine contre les pollutions de l'air, de l'eau, le bruit, les risques et nuisances de toute nature ainsi que les désordres olfactifs liés à l'existence, l'extension et l'exploitation de la station d'épuration des eaux usées STEP du Nant-d'Avril ;

b) la sauvegarde des droits et des intérêts des personnes concernées ;

c) la protection de la population contre d'autres sources de nuisances, en particulier celles provoquant un effet cumulatif avec celles de la STEP du Nant-d'Avril ;

d) la sauvegarde et la protection des hameaux voisins de la STEP du Nant d'Avril, de leur environnement, de leur patrimoine et des sites qu'ils constituent, ceci dans le respect des droits de leurs habitants et de la législation ;

e) elle peut s'associer aux associations poursuivant des buts analogues ;

f) elle peut prendre toutes les mesures permettant d'atteindre ces buts.

Elle a notamment la faculté de plaider pour s'opposer à tous projets qui ne seraient pas conformes à son but ou qui affecteraient les intérêts de ses membres à la préservation de leurs conditions de vie et de leur environnement.

3. Invité à se déterminer, le Conseil d'Etat, soit pour lui le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après: le département), a répondu au recours le 25 août 2010, s'en rapportant à justice concernant la recevabilité et concluant à son rejet.

A cette écriture était notamment jointe la liste des cent quarante-cinq membres de l'association et un plan indiquant le périmètre des projets litigieux, ainsi que la situation du domicile des membres. L'un d'eux résidait à l'intérieur du périmètre des plans, dix-huit à moins de 300 mètres de ces derniers, treize entre 300 et 500 mètres, vingt-trois entre 500 et 750 mètres et sept entre 750 et 1’000 mètres.

4. Le juge délégué a accordé un délai au 13 septembre 2010 aux parties pour formuler d'éventuelles requêtes complémentaires, à défaut de quoi la cause serait gardée à juger.

Les parties n'ont pas sollicité d'autres actes d'instruction.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l'art. 5 al. 2 de la loi générale sur les zones de développement industriel (LGZDI - L 1 45), l'adoption, la modification et l'abrogation de plans et règlements visés à l'al. 1 de cette même disposition sont soumis à la procédure définie à l'art. 6 de la loi générale sur les zones de développement (LGZD - L 1 35), qui leur est applicable par analogie. Conformément à l'art. 6 al. 8 LGZD, toute personne, organisation ou autorité qui dispose de la qualité pour recourir contre le plan localisé peut déclarer son opposition au Conseil d'Etat par acte écrit et motivé.

3. a. S'agissant de la qualité pour agir, l'art. 35 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) prévoit que les communes et les associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, au terme de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir. L'analyse de la qualité pour recourir au sens de la disposition précitée s'examine de cas en cas, au regard des statuts de l'association concernée (ATA/190/2007 du 24 avril 2007, consid. 3b).

b. L'art. 35 al. 3 LaLAT possède un contenu identique à l'art. 145 al. 3 de la loi sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Le Tribunal fédéral a précisé qu'une association dont les statuts poursuivent la défense des intérêts de ses membre sans se vouer exclusivement à l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites ne pouvait revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l'art. 145 al. 3 LCI (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004, consid. 2.2 et 2.3).

En l'espèce, les buts de l'association consistent notamment à protéger la population riveraine contre les pollutions de l'air, de l'eau, du bruit, des risques et nuisances de toutes natures et à sauvegarder les droits et les intérêts des personnes concernées. A teneur de l'art. 2 let. e de ses statuts, elle a la faculté de s'opposer à tous projets qui seraient contraire soit à ses buts, soit aux « intérêts de ses membres à la préservation de leurs conditions de vie et de leur environnement ».

L'association ne saurait, au vu de ce qui précède, fonder sa qualité pour agir sur l'art. 35 al. 3 LaLAT, dès lors que ses buts ne visent pas uniquement la protection d'intérêts idéaux, mais aussi la défense des intérêts de ses membres.

4. Il reste par conséquent à déterminer si les conditions entourant le dépôt d'un recours corporatif, par lequel une association peut agir pour la défense des intérêts de ses membres, sont réalisées.

a. Le recours corporatif suppose que l'entité en cause dispose de la personnalité juridique, que ses statuts la chargent d'assurer la défense des intérêts de ses membres et que la majorité des membres possède, à titre individuel, la qualité pour recourir (ATF 133 V 239 consid. 6 p. 244 ; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.248/2008 du 25 septembre 2008 consid. 1 ; ATA/191/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/191/2009 du 13 janvier 2009 ; U.HÄFELIN/G. MÜLLER/F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., Zurich-Bâle-Genève 2006, p. 382, n. 1786ss ; A. AUER/ G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, Berne 2006, p. 727, n. 2051ss ; F. BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative in : Les tiers dans la procédure administrative, Genève-Zurich-Bâle 2004, pp. 33-55, p. 45 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., Berne 2002, p. 643 ss., n. 5.6.2.4 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 492 ; A. KÖLZ/ I.HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich 1998, p. 202 s. ; F. GYGI, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème éd., Berne 1983, p. 159 s. et les réf. citées).

b. La qualité pour recourir est régie par l'art. 60 let. a et b LPA. Selon cette disposition, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne touchée directement par une décision et disposant d'un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/77/2009 du 17 février 2009 et les réf. citées).

Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi (ATA/399/2009 du 25 août 2009 consid. 2a ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3a et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), en vigueur depuis le 1er janvier 2007, que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 et 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

5. a. Au sujet des voisins, la jurisprudence a indiqué que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l’intérêt particulier requis (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 ; 133 II 409 consid. 1 p. 411 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.158/2008 du 30 juin 2008 consid. 2). Le recourant doit ainsi se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire ou du locataire d’un terrain directement voisin de la construction, du plan ou de l’installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.7/2009 du 20 août 2009 consid. 1 ; 1C.125/2009 du 24 juillet 2009 consid. 1 ; 1A.222/2006 et 1P.774/2006 du 8 mai 2007, consid. 5 ; ATA/321/2009 du 30 juin 2009 consid. 2 ; ATA/450/2008 du 2 septembre 2008 consid. 3 : sur le cas d'une personne qui va devenir voisine de la construction litigieuse ; ATA/331/2007 du 26 juin 2007 consid. 3d). La qualité pour recourir peut être donnée en l’absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l’immeuble des recourants de l’installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 et la jurisprudence citée ; ATA/331/2007 précité).

b. Le critère de la distance n’est pas le seul déterminant car la question de savoir si le voisin est directement atteint nécessite une appréciation de l’ensemble des circonstances pertinentes (cf. Arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 1997 reproduit in RDAF 1997 I p. 242 consid. 3a). S’il est certain ou très vraisemblable que l’installation litigieuse serait à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent avoir qualité pour recourir. Il importe peu, alors, que le nombre de personnes touchées soit considérable - dans le cas d’un aéroport ou d’un stand de tir, par exemple (cf. ATF 124 II 293 consid. 3a p. 303, 120 Ib 379 consid. 4c et les arrêts cités). Il en va de même quand l’exploitation de l’installation comporte un certain risque qui, s’il se réalisait, provoquerait des atteintes dans un large rayon géographique, dans le cas d’une centrale nucléaire ou d’une usine chimique, par exemple (cf. ATF 120 Ib 379 consid. 4d/e p. 388, ATF 120 Ib 431 consid. 1 p. 433).

Les immissions ou les risques justifiant l’intervention d’un cercle élargi de personnes doivent présenter un certain degré d’évidence, sous peine d’admettre l’action populaire que la loi a précisément voulu exclure. Il en va ainsi des riverains d’un aéroport, situés dans le prolongement de la piste de décollage, des voisins d’un stand de tir (cf. arrêts précités) ou des personnes exposées aux émissions d’une installation de téléphonie mobile (Arrêt du Tribunal fédéral non publié M. du 4 octobre 1990, consid. 3b : qualité pour agir reconnue à une personne habitant à 280 mètres de l’installation, mais pas admise à 800 mètres).

6. a. En l'espèce, la recourante est constituée en association et, de ce fait, dispose de la personnalité juridique. Selon l'art. 2 let. b de ses statuts, elle a notamment pour but de défendre les droits et les intérêts de ses membres.

b. Un seul membre de l'association habite sur une parcelle située dans le périmètre des projets de règlement et plans directeurs querellés. S'agissant des voisins, seule paraît acquise la qualité pour agir des membres de l'association recourante domiciliés dans le village de Peney-dessous et à l'entrée d'Aire-la-Ville, depuis le carrefour proche du Rhône, dans un rayon de 500 mètres au plus à compter de ce périmètre, compte tenu du trafic sur l'axe des routes du Bois-de-Bay et d'Aire-la-Ville, lié à l'exploitation de la zone de développement industriel.

c. Il en découle que sur les cent quarante-cinq membres de l'association recourante, seuls trente-deux sont potentiellement concernés et disposeraient éventuellement de la qualité pour recourir à titre individuel. Même en retenant, par impossible, que les voisins situés jusqu'à 1'000 mètres seraient touchés par le projet, soixante-deux membres seulement seraient concernés par les plans litigieux. La majorité n'étant pas atteinte, l'association ne dispose pas de la qualité pour agir.

Les conditions du recours corporatif ne sont ainsi pas réunies.

7. Le recours sera déclaré irrecevable.

8. Un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 21 juin 2010 par l'Association des riverains de la station d'épuration du Nant-d'Avril et des environs contre la décision du 19 mai 2010 du Conseil d'Etat rejetant son opposition ;

met à la charge de l'Association des riverains de la station d'épuration du Nant-d'Avril et des environs un émolument de CHF 1’500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gérard Brutsch, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :