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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2950/2010

ATA/50/2012 du 24.01.2012 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; PLAN DE ZONES ; MESURE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; 2E ZONE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; ASSOCIATION ; LOCATAIRE ; PLAN DIRECTEUR
Normes : LaLAT.35.al3
Parties : ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DEFENSE DES LOCATAIRES / GRAND CONSEIL, CHEMINS DE FER FEDERAUX SUISSES
Résumé : L'ASLOCA ne dispose pas de la qualité pour recourir contre un plan d'affectation dès lors qu'au terme de ses statuts elle ne se voue pas par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites. Conditions du recours corporatif également non réunies en l'espèce, dès lors que le recours interjeté par l'association va à l'encontre des intérêts de ses membres, celle-ci ayant confondu le classement du périmètre litigieux en zone 2, objet du recours, avec le PLQ qui le concrétise.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2950/2010-AMENAG ATA/50/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2012

 

 

dans la cause

 

ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DÉFENSE DES LOCATAIRES
représentée par Me Pierre Stastny, avocat

contre

GRAND CONSEIL

et

CHEMINS DE FER FÉDÉRAUX SUISSES (CFF) S.A.

 

 



EN FAIT

1. Le 27 mai 2010, le Grand Conseil a adopté la loi 10'568 approuvant le plan n° 29'560-543 dressé par le département du territoire (dont les compétences ont été reprises depuis par le département des constructions et des technologies de l’information ; ci-après : le département ou DCTI) modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Lancy dans les secteurs du Pont Rouge et de la gare CEVA (création d’une zone de développement 3, d’une zone 2 et d’une zone ferroviaire sur les parcelles n°s 1952, 1970, 1971, 3177, DP 3812, DP 3819, DP 3888 et DP 3889, précédemment classées en zone ferroviaire) et a attribué un degré de sensibilité (ci-après : DS) II à la zone de développement 3 et un DS III aux bien-fonds compris dans le périmètre de la zone 2.

Il rejetait du même coup l’opposition formée contre cette loi par l’association genevoise de défense des locataires (ci-après : Asloca ; art. 3 de ladite loi).

2. L’arrêté de la promulgation de cette loi a été publié dans la feuille d’avis officielle de la république et canton de Genève du 2 août 2010.

3. L’Asloca a recouru le 1er septembre 2010 contre cette loi auprès du Tribunal administratif, devenu le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative). Elle conclut à l’annulation de « la loi 10'125 » et du « plan de zone du secteur Pont-Rouge », après avoir sollicité une comparution personnelle des parties, un transport sur place, ainsi qu’un délai pour compléter son recours.

Sur le périmètre classé en zone 2 dans le plan litigieux, le département avait le projet d’édifier deux bâtiments qui seraient affectés en bureaux (4'000 à 5'000 places de travail), ainsi qu’il résultait du projet de plan localisé de quartier n° 29'583 (ci-après : PLQ) contre lequel elle avait récemment fait opposition. L’indice d’utilisation du sol prévu par ce plan était de 3,68. Aucun logement n’était prévu.

L’affectation de ce périmètre devait être mixte. Au moins 70% des surfaces de plancher devaient être réservées à du logement. Dans le périmètre regroupant les quartiers « Praille-Acacias-Vernet » (ci-après : PAV), cette pondération avait été appliquée. La zone 2 litigieuse rompait cet équilibre et aurait dû être incluse dans le périmètre (voisin) du PAV.

Le classement en zone 2 violait enfin les principes d’aménagement prévus par le plan directeur cantonal, ainsi que l’art. 19 al. 1 let. b de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) selon lequel la 2ème zone comprenait « les quartiers édifiés sur le territoire des anciennes fortifications et des quartiers nettement urbains qui leur [étaient] contigus ».

4. Le 30 septembre 2010, le Grand Conseil s’est déterminé sur le recours en concluant à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet.

La recevabilité du recours était subordonnée à l’épuisement préalable de la voie de l’opposition. L’Asloca avait certes formé opposition au plan litigieux, mais avait limité la portée de celle-ci à la zone 2 visée par ce plan. Elle ne pouvait ultérieurement, soit dans la procédure de recours, étendre ses conclusions et demander l’annulation totale de la loi. Il était en outre douteux qu’elle puisse valablement conclure à l’annulation partielle de celle-ci.

Sur le fond, le plan attaqué était conforme à loi.

5. Le 5 novembre 2010, l’Asloca a complété son recours et répliqué aux arguments du Grand Conseil, en persistant dans ses conclusions.

Elle y développait les arguments précédemment exposés.

6. Le 14 décembre 2010, le juge délégué a prononcé l’appel en cause des Chemins de fer fédéraux suisses S.A. (ci-après : CFF), qui avaient sollicité le 9 décembre précédent leur intervention dans la procédure, en leur qualité de propriétaire des parcelles nos 1952, 1970, 1971, 3177 concernées par la loi.

7. Le 20 janvier 2010, les CFF ont déclaré appuyer les conclusions et les arguments développés par le Grand Conseil dans sa réponse au recours.

8. L’Asloca ne s’est pas déterminée sur cette écriture, malgré le délai qui lui a été imparti.

9. Le 19 mai 2011, les parties ont été informée que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones, dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à la LaLAT, qui peuvent être revus et adaptés (art. 12 et 13 LaLAT).

Toute modification des limites des zones définies à l’art. 12 LaLAT est soumise à l’approbation du Grand Conseil (art. 15 al. 1 LaLAT).

Les décisions par lesquelles le Grand Conseil adopte les plans d’affectation du sol visés par ces dispositions pouvaient faire l’objet, jusqu’au 1er janvier 2011, d’un recours auprès du Tribunal administratif (art. 35 al. 1er LaLAT, dans sa teneur avant le 1er janvier 2011).

Déposé devant le Tribunal administratif le 1er septembre 2010, le recours a été interjeté devant l’autorité compétente.

2. Depuis cette dernière date, et suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

3. Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 ayant été reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ), cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

4. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est ainsi recevable sous ces deux aspects (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ, en relation avec les art. 132 et 143 al. 5 LOJ ; art. 35 al. 2 LaLAT).

5. Aux termes de l’art. 35 al. 3 LaLAT, les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir.

La jurisprudence tant fédérale que cantonale a précisé qu’une association dont les statuts poursuivaient la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l’étude, par pur idéal, de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments et des sites ne pouvait revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l’art. 145 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), qui prévoit que les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004, consid. 2.2 et 2.3 ; ATA/664/2011 du 18 octobre 2011 ; ATA/632/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/742/2010 du 2 novembre 2010).

6. Ces considérations valent également pour l’art. 35 al. 3 LaLAT, qui reprend mot pour mot les exigences fixées à l’art. 145 al. 3 LCI.

7. L’art. 1 des statuts de l’Asloca, tel qu’adopté le 13 mars 2007, a la teneur suivante :

« Sous la dénomination "Association Genevoise de défense des Locataires" (Asloca), il est fondé, selon les art. 60 et ss CCS, une association, sans but lucratif, ayant son siège à Genève, organisée corporativement et ayant pour but la défense des locataires (y compris des concierges pour ce qui a trait à leur logement) et en particulier leur assistance juridique. Sa durée est indéterminée.

Elle a également pour but de garantir aux locataires le maintien et le développement de logements sociaux et de logements conservant des prix et loyers abordables pour l’ensemble de la population.

Elle se fixe aussi pour but de promouvoir le maintien et le développement de logements répondant aux besoins de la population quant à leurs coûts, à leurs loyers, à leurs qualités d’habitabilité, de confort, d’environnement. Dans ce cadre, elle intervient sur les questions concernant la législation applicable aux rapports entre locataires et bailleurs, à la politique du logement, à la propriété foncière, à la fiscalité, à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement et au respect des principes du développement durable en relation avec l’habitat.

Elle est neutre tant sur le plan politique que sur le plan confessionnel ».

La simple lecture de cette disposition démontre que le but premier de l’Asloca est la défense de ses membres, en particulier leur assistance juridique. En conséquence, elle ne se voue pas par pur idéal aux questions visées à l’art. 35 al. 3 LaLAT.

Le fait que la qualité pour recourir lui soit reconnue au sens de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20; art. 45 al. 5) ne modifie en rien ce constat.

En effet, par rapport aux art. 35 al. 3 LaLAT et 145 al. 3 LCI, cette dernière loi circonscrit de manière très différente le cercle des associations disposant de la qualité pour recourir, qui sont "les associations régulièrement constituées d’habitants, de locataires et de propriétaires d’importance cantonale, qui existent depuis trois ans au moins, et dont le champ d’activité statutaire s’étend à l’objet concerné".

L’Asloca ne dispose ainsi pas de la qualité pour recourir contre un plan d’affectation au sens de l’art. 35 al. 3 LaLAT.

8. Il reste à déterminer si les conditions applicables au dépôt d’un recours corporatif, permettant à une association d’agir pour la défense des intérêts de ses membres, sont réalisées.

Le recours corporatif suppose que l’entité en cause dispose de la personnalité juridique, que ses statuts la chargent d’assurer la défense des intérêts de ses membres et que la majorité des membres possède, à titre individuel, la qualité pour recourir (ATA/632/2011 précité et les références citées).

Selon la jurisprudence rendue en application de l’art. 60 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), cette dernière condition n’est réalisée que si le recourant est touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés et que l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – se trouve, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération. En application de ces principes, le recours d’un particulier ou d’une association, formé dans l’intérêt de la loi ou d’un tiers, est irrecevable (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; ATF 131 II 587 consid. 2.1 p. 588 s. ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 120 Ib 48 consid. 1 p. 49 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.133/2006 du 4 octobre 2006 consid. 2.1 ; ATA/402/2009 du 25 août 2009 ; ATA/399/2009 du 25 août 2009 ; ATA/13/2009 du 13 janvier 2009 et les arrêts cités). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire. Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 consid. 3b ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3 et références citées).

En l’espèce, l’Asloca conteste l’usage que le Conseil d’Etat entend faire de la zone 2 litigieuse (construction d’immeubles destinés à des bureaux plutôt qu’à des logements). Cependant, l’implantation, comme la destination de ces bâtiments ne découlent pas du classement du périmètre litigieux en zone 2, mais du PLQ n° 29'583 approuvé par le Conseil d’Etat le 29 septembre 2010.

En effet, conformément à l’art. 19 LaLAT, les trois premières zones d’affectation sont destinées principalement aux grandes maisons affectées à l’habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire.

Ce n’est ainsi pas le classement du périmètre litigieux en zone 2 qui est défavorable à la cause soutenue par l’Asloca, mais le PLQ qui le concrétise. L’association confond ainsi deux problématiques distinctes, qui sont, d’une part, la détermination de la zone et, d’autre part, l’usage qui en est fait (type de bâtiments devant y prendre place, destination de ceux-ci, etc). Elle ne prétend pas que le classement du périmètre litigieux dans une autre zone, ou l’attribution d’un DS différent, serait préférable à celui considéré. Ses conclusions en annulation de la loi « 10'125 » (recte : 10'568) vont même à l’encontre des intérêts de ses membres, puisque l’admission du recours conduirait au rétablissement de la zone ferroviaire initiale (et d’une petite partie anciennement sise en zone 5), qui rend plus difficile, voire impossible, l’implantation de logements (art. 19 al. 5 LaLAT).

Les membres de l’Asloca ne disposant d’aucun avantage ni d’intérêt pratique à l’admission du recours, les conditions de recevabilité du recours corporatif ne sont pas réunies.

9. Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

10. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l’Asloca. Aucune indemnité ne sera allouée aux CFF, qui n’ont pas pris de conclusions dans ce sens (87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 1er septembre 2010 par l’association genevoise de défense des locataires contre la loi 10'568 adoptée par le Grand Conseil le 27 mai 2010 ;

met à la charge de l’association genevoise de défense des locataires un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Stastny, avocat de la recourante, au Grand Conseil, ainsi qu’aux Chemins de fer fédéraux suisses S.A ;

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :