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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3509/2014

ATA/722/2015 du 14.07.2015 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; FONCTIONNAIRE ; CLASSE DE TRAITEMENT ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : Cst.29.al2 ; LTrait.1.al1 ; LTrait.4 ; RTrait.1 ; RTrait.2 ; fiche 02.01.01 du MIOPE mise à jour le 15 juillet 2013 ; extrait de procès-verbal de la séance du Conseil d'Etat du 29 novembre 2004
Résumé : La décision concernant la « modification de fonction suite à une évaluation de fonction » est lacunaire. Toutefois, dans la mesure où le recourant a pu faire valoir ses arguments dans le cadre de la présente procédure, le vice a été guéri. L'autorité compétente pour fixer le dies a quo de la nouvelle classification de fonction du recourant - qu'on la considère comme acceptée dans le cadre d'une restructuration de services entiers ou partiels et de grands groupes, ou individuelle - est le Conseil d'État et non pas le conseiller d'État en charge du département. Dans la mesure où deux nouveaux services sont venus se rattacher au secteur dont le recourant était chargé, il faut retenir que l'OCPM a fait l'objet d'une restructuration partielle. Il est choquant de fixer le dies a quo de la prise d'effet de la nouvelle classification de fonction un an après que le recourant a commencé à assumer ses nouvelles tâches (étoffées), suite à la réorganisation partielle de l'OCPM. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3509/2014-FPUBL ATA/722/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 juillet 2015

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE



EN FAIT

1) M. A______ a été engagé dès le 1er avril 2009 en qualité d’employé, sous le statut de cadre intermédiaire, au sein du département des institutions, devenu le département de la sécurité, de la police et de l’environnement, puis le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le DSE).

Il a été affecté au service des examens et séjour du service des étrangers et des confédérés de l’office cantonal de la population, devenu l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), comme chef de service 2, à un taux d’activité de 100 %. Il bénéficiait de la classe 20, annuité 2 sur l’échelle des traitements du personnel de l’État, pour un salaire annuel brut de CHF 107’520.-, soit CHF 8’270.80 bruts par mois.

2) Le 11 avril 2011, M. A______ a été nommé fonctionnaire dès le 1er avril 2011 et mis au bénéfice de la classe 20, annuité 4, de l’échelle des traitements du personnel de l’État, pour un salaire annuel brut de CHF 111’926.-, soit CHF 8’609.70 bruts par mois.

Selon le courrier de nomination, il occupait, à cette date, la fonction de chef de service des examens et séjour du service des étrangers et des confédérés de l'OCPM à un taux d'activité de 100 %.

3) Par décision du 7 juillet 2011 confirmée par le DSE le 3 août 2011, l’OCPM a promu M. A______ en qualité de chef de service du service des étrangers avec effet au 1er août 2011.

L’intéressé était promu chef de service à un taux d’activité de 100 % et bénéficiait de la classe 23, annuité 0, de l’échelle des traitements du personnel de l’État, pour un salaire annuel brut de CHF 120’894.-, soit CHF 9’299.55 bruts par mois. Après une période probatoire de vingt-quatre mois, il serait confirmé dans sa fonction de cadre supérieur pour autant que les prestations soient satisfaisantes.

Un litige est survenu entre M. A______ et le DSE quant au nombre d'annuités que l'intéressé revendiquait (quatre, au lieu de trois comme retenu par le DSE après nouvelle analyse de la situation de l'intéressé). Ce litige a débouché sur un arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) (ATA/538/2014 du 17 juillet 2014), rejetant le recours de l'intéressé et confirmant la position du DSE.

4) Le 1er octobre 2013, dans le cadre des travaux relatifs à l'harmonisation des organigrammes voulue par le DSE et dans la perspective d'une plus grande cohérence et efficience, l'OCPM s'est réorganisé.

Le service « étrangers » était étoffé du secteur « livrets » en charge notamment de la production des titres de séjour pour étrangers (le secteur « livrets » dépendait d'une autre direction auparavant). Le service « internationaux » relatif au séjour et à l'établissement des fonctionnaires internationaux dans le canton était également rattaché au service « étrangers ». Les tâches et les responsabilités du service « étrangers » étaient ainsi élargies. Suite à cette réorganisation, le service comprenait dès lors cinq entités distinctes (secteur accueil, secteur séjour, secteur emploi, secteur livrets, cellule experts) composées d'une centaine de collaborateurs.

5) Le 12 novembre 2013 et suite à cette réorganisation, la responsable de secteur des ressources humaines du DSE a demandé à l'office du personnel de l'État (ci-après : OPE) d'évaluer cinq postes de l'OCPM, dont le poste de M. A______ qui avait été modifié, à cette occasion, en celui de directeur du service « étrangers ».

Était annexé à ce courrier un document intitulé « Demande d'évaluation » concernant le poste de M. A______.

6) Dans une note du 19 décembre 2013 adressée au DSE, l'OPE a rendu son évaluation du poste de directeur occupé par M. A______ au sein du service des étrangers à l'OCPM.

L'OPE notait que des mesures de nature organisationnelle devaient être prises tant dans un souci de rationalisation, de cohérence et d'efficience des services que d'harmonisation des organigrammes.

Il relevait également qu'en août 2011, à la suite d'une réorganisation partielle de l'OCPM, le service des étrangers avait été créé par le regroupement de trois entités : secteur accueil, secteur séjour et secteur emploi. En 2012, pour mieux répondre aux besoins spécifiques des entreprises multinationales implantées à Genève, une cellule composée de deux experts emploi/séjour avait été créée. Enfin, dès le 1er octobre 2011, le secteur livret, en charge notamment de la production des titres de séjour pour étrangers, avait également été rattaché au service des étrangers.

Dans ce contexte, les rôles et responsabilités du directeur du service des étrangers s'articulaient autour des axes suivants :

- diriger le service « étrangers » ;

- encadrer, superviser et coordonner les activités des quatre chefs de secteur et des deux experts emploi/séjour et les appuyer dans leur gestion des ressources humaines ;

- mettre en place des processus et des directives permettant d'optimiser le fonctionnement du service ;

- s'assurer du respect des directives et de la conformité des tâches accomplies par rapport aux dispositions légales cantonales et fédérales ;

- résoudre les cas particuliers ou litigieux ;

- participer à l'élaboration du budget du service « étrangers » ;

- collaborer avec divers partenaires internes et externes ;

- participer à divers groupes de travail ;

- dans son domaine de compétences, être une force de proposition et remplacer le directeur général en son absence.

L'OPE proposait les profils, pondération et classification de « MCKAJ - 210 points - classe 23 » et le rangement de ce poste dans la fonction de directeur, classe maximum 23.

7) Dans une note du 27 janvier 2014 adressée à l'OPE, la direction des ressources humaines du DSE l'a informé que le directeur général de l'OCPM avait préavisé négativement la pondération du poste de M. A______ en classe 23 et demandé la reconsidération de l'évaluation.

Une note du directeur général de l'OCPM du 16 janvier 2014 était jointe. Selon cette dernière, la direction générale de l'OCPM regrettait que M. A______ n'ait pas été entendu dans le cadre de la procédure d'évaluation et souhaitait que la fonction occupée par l'intéressé soit colloquée « au moins en classe maximum 25 », au vu des différentes responsabilités requises par le poste et pour des raisons de cohérence avec les autres offices de l'État de même envergure et de structure analogue.

8) Dans une note du 15 avril 2014 adressée au DSE, l'OPE a proposé le profil « MEKAJ - 219 points - classe 24 » et le rangement dans la fonction de directeur, classe maximum 24.

Une nouvelle étude des différents éléments du dossier, ainsi que les explications complémentaires mises en exergue par le directeur général de l'OCPM et M. A______, ainsi que par la responsable de secteur des ressources humaines du DSE, lors d'un entretien qui avait eu lieu le 3 avril 2014, avait permis à l'OPE de prendre en considération la pleine et entière dimension du poste.

Le directeur général de l'OCPM et la directrice des ressources humaines du DSE ont préavisé négativement cette nouvelle évaluation, respectivement les 2 et 13 mai 2014.

9) Le 19 juin 2014 et en réponse à une demande de la responsable des ressources humaines de l'OCPM, la responsable de secteur des ressources humaines du DSE, se référant à la fiche « MIOPE 02.01.01 chiffre 7c point 2 », a indiqué que l'évaluation de la fonction de M. A______ prendrait effet le mois suivant la ratification de la proposition par toutes les parties, dans la mesure où il s'agissait d'une évaluation de fonction dans le cadre d'une réorganisation, mais faite à titre individuel.

10) Le 25 juin 2014, la responsable des ressources humaines de l'OCPM a précisé à M. A______ qu'une seule demande de reconsidération pouvait être effectuée par l'OPE, lorsqu'une demande de réévaluation était requise. Si le DSE n'était pas d'accord avec la seconde évaluation, il incombait à ce dernier de faire opposition auprès de la commission en matière d'évaluation des fonctions (ci-après : CREMEF). Dans ce cas, l'intéressé pouvait faire une opposition conjointe ou pas.

11) Le 30 juin 2014, M. A______ a indiqué à la responsable des ressources humaines de l'OCPM qu'il contestait la pratique constante consistant en ce qu'une seule demande de reconsidération puisse être effectuée auprès de l'OPE, dès lors que ceci ne figurait ni dans la loi, ni dans les règlements ou dans le « MIOPE ». Le DSE n'avait par ailleurs pas formellement respecté la procédure puisqu'il n'avait pas adressé à l'OPE une lettre dûment motivée, suite à son désaccord quant à la seconde évaluation de fonction. La procédure était donc viciée et le résultat légitimement contestable.

De plus s'agissant de l'effet rétroactif, l'évaluation de sa fonction avait été initiée suite à une « restructuration » de l'OCPM voulue et validée par le chef du DSE. Depuis le 1er octobre 2013, sa fonction et ses responsabilités s'étaient étoffées. Par conséquent, la nouvelle classification de la fonction qu'il occupait, depuis le 1er octobre 2013, devait prendre effet précisément à cette date et non pas le mois qui suivait la ratification de la proposition par toutes les parties. Ce d'autant plus que la demande de réévaluation aurait dû être faite et le résultat obtenu avant la mise en vigueur de la nouvelle structure organisationnelle, et non pas postérieurement. Si la procédure avait été respectée, la question de l'effet rétroactif ne se serait pas posée.

12) Le 8 juillet 2014, la directrice des ressources humaines du DSE a écrit au directeur général de l'OPE, lui demandant de répondre aux différents griefs de M. A______ relatifs à la pratique selon laquelle une seule demande de reconsidération était possible, au fait que le DSE n'aurait pas respecté la procédure liée à l'évaluation de son poste, et au fait que l'évaluation de sa fonction devrait prendre effet le 1er octobre 2013.

13) Le 19 août 2014, sous la plume de son avocat, M. A______ a sollicité du secrétaire général du DSE un entretien afin de discuter de la situation actuelle de son mandant.

14) Le 21 août 2014, le directeur général de l'OPE a informé la directrice des ressources humaines du DSE que la procédure avait été respectée par le DSE. Il a confirmé la pratique selon laquelle une seule demande de reconsidération d'une évaluation de fonction pouvait être adressée à l'OPE. Enfin et s'agissant de la problématique de l'effet rétroactif, il a précisé qu'« en raison des décisions en la matière, l'OPE ne saurait souscrire à une demande d'effet rétroactif pour une demande d'évaluation individuelle ».

15) Le 2 septembre 2014, le conseil de M. A______ a écrit au secrétaire général du DSE lui expliquant que, dans la mesure où son client exerçait de nouvelles tâches depuis le 1er octobre 2013, il n'y avait aucune raison de ne pas appliquer, le moment venu, la classe qui lui serait attribuée, avec effet à cette date. Il souhaitait également savoir si le DSE maintenait sa position actuelle, consistant « à différer l'application de la classe qui ser[ait] attribuée à M. A______ », afin de pouvoir, le cas échéant, en discuter lors d'un entretien fixé le 9 septembre 2014.

16) Le 3 septembre 2014, la directrice des ressources humaines du DSE a répondu au conseil de M. A______ que le DSE se conformait à la procédure d'évaluation des fonctions dont les règles d'application se basaient sur la « fiche MIOPE 02.01.01 » et sur l'extrait de procès-verbal du Conseil d'État du 29 novembre 2004, lesquels excluaient un effet rétroactif aux procédures d'évaluation de fonction.

17) Par courriel du 9 septembre 2014 et faisant suite à un entretien qui avait eu lieu le même jour, le conseil de M. A______ a formulé au secrétaire général du DSE une proposition visant à régler les différentes problématiques liées à la fonction de son mandant.

Son client était prêt à renoncer à recourir auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la chambre administrative (ATA/538/2014 précité) et était prêt à accepter la classification de sa fonction en classe 24. En contrepartie, il requérait l'attribution d'une annuité supplémentaire dans la classe de fonction 24, ainsi que l'entrée en vigueur de cette nouvelle classification, dès le 1er octobre 2013, date à laquelle il avait pris ses nouvelles fonctions et qui correspondait à la date fixée par le Conseil d'État pour la réorganisation de l'OCPM. Dans l'intervalle, il se réservait la possibilité de ne plus exercer les tâches et les responsabilités supplémentaires qu'il assumait depuis le 1er octobre 2013, jusqu'à détermination du DSE quant à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle classification.

18) Par courriel du 12 septembre 2014, le secrétaire général du DSE a refusé la proposition du conseil de M. A______, se tenant strictement à la position de l'OPE. Il s'engageait toutefois à interpeler l'OPE en lui demandant de se prononcer sur les points soulevés précédemment.

19) Le 22 septembre 2014, le secrétaire général du DSE a précisé à l'avocat de M. A______ que le DSE, s'agissant de la question de l'effet rétroactif, avait strictement appliqué l'extrait de procès-verbal de la séance du Conseil d'État du 29 novembre 2004. L'évaluation de la fonction de M. A______ avait été sollicitée, certes dans le cadre de la réorganisation de l'OCPM, initiée en septembre 2013, mais avait été effectuée à titre individuel, comme cela avait été précisé dans le courrier du directeur général de l'OPE du 21 août 2014. L'évaluation avait d'ailleurs conclu à un rangement dans la même fonction de directeur, mais en classe 24, de sorte que le chiffre 2 de l'extrait de procès-verbal précité ne pouvait être appliqué. Enfin, les nouvelles responsabilités confiées à M. A______ relevaient de son cahier des charges et devaient être assumées selon la loi.

20) Par courriel du 26 septembre 2014 adressé au directeur général de l'OCPM, M. A______ l'a avisé que, dans la mesure où il ne serait pas rétribué de manière rétroactive pour les tâches confiées dès le 1er octobre 2013, il ne continuerait pas à assumer les tâches et responsabilités supplémentaires confiées depuis le 1er octobre 2013 suite à la réorganisation de l'OCPM. Tant que le processus de réévaluation de sa fonction ne serait pas terminé et que la décision y relative ne serait pas ratifiée, il ne s'occuperait plus de la gestion du secteur livrets ainsi que de la matière « internationaux ». En revanche, il continuerait à assumer pleinement son cahier des charges, à savoir celui qu'il avait signé et qui correspondait aux tâches et responsabilités confiées le 1er août 2011. Il a contesté l'interprétation du DSE, selon laquelle sa nouvelle classification interviendrait le mois suivant la fin du processus de réévaluation, rappelant que cette dernière aurait dû être faite avant l'entrée en vigueur du nouvel organigramme de l'OCPM.

21) Par courrier du 30 septembre 2014, le conseil de M. A______ a informé le secrétaire général du DSE que son mandant acceptait la classification de son poste en classe 24, qu'il occupait depuis le 1er octobre 2013, mettant ainsi un terme au processus d'évaluation, ainsi qu'à l'opposition formée auprès de la CREMEF.

S'agissant de la problématique de la rétroactivité, l'extrait de procès-verbal du Conseil d'État du 29 novembre 2004 était clair ; les nouvelles classifications de fonctions acceptées dans le cadre de restructurations de servies entiers ou partiels ou de grands groupes prennent effet à la date fixée par le Conseil d'État. Or, la nouvelle classification de la fonction occupée par l'intéressé avait été acceptée dans le cadre de la réorganisation de l'OCPM, de sorte que l'art. 2 de l'extrait de procès-verbal du Conseil d'État du 29 novembre 2004 s'appliquait. Il était évident que l'évaluation de la fonction de directeur du service « étrangers » qu'occupait M. A______ était individuelle car il n'existait au sein de l'OCPM qu'un seul directeur du service « étrangers ». En conséquence, la nouvelle classification de la fonction occupée par l'intéressé s'inscrivait pleinement dans la réorganisation de l'OCPM et devait entrer en vigueur le 1er octobre 2013.

Si par impossible, une réponse négative s'agissant de l'entrée en vigueur au 1er octobre 2013 de la nouvelle classification de la fonction occupée par M. A______ devait être donnée, une décision formelle avec mention des voies de recours devait être rendue.

22) Le 1er octobre 2014, le secrétaire général du DSE a informé le conseil de M. A______ avoir pris bonne note de l'acceptation par son client de l'évaluation de sa fonction en classe 24. Afin d'entériner la classification du poste occupé par son mandant, ce dernier devait apposer sa signature sur le document de classification et le retourner à la direction des ressources humaines du DSE, ce que M. A______ a fait le 10 octobre 2014.

23) Le 17 octobre 2014, le DSE, sous la plume de son conseiller d'État, a adressé à M. A______ une décision intitulée « modification de fonction suite à une évaluation de fonction », indiquant que, dès le 1er novembre 2014, le précité serait directeur du service « étrangers » de l'OCPM, à un taux d’activité de 100 %. Il bénéficierait de la classe 24, annuité 5 sur l’échelle des traitements du personnel de l’État, pour un salaire annuel brut de CHF 136'823.- soit CHF 10'524.85 bruts par mois.

Un recours contre cette décision pouvait être interjeté auprès de la chambre administrative dans les trente jours suivant sa réception. La décision était exécutoire nonobstant recours.

24) Par acte du 17 novembre 2014, M. A______, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant, principalement à son annulation, à ce que l'entrée en vigueur de l'évaluation de sa fonction avec effet au 1er octobre 2013 soit ordonnée, ainsi qu'au versement par le DSE de la différence de salaire du 1er octobre 2013 au 30 novembre 2014. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation de la décision attaquée, à ce que l'entrée en vigueur de l'évaluation de sa fonction déploiera effet au plus tard au 11 décembre 2013, date de l'entrée en vigueur du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 11 décembre 2013 (ROAC -
B 4 05.10) suite à la restructuration de l'OCPM soit ordonnée, ainsi qu'au versement de la différence de salaire depuis la nouvelle date d'entrée en vigueur au 30 novembre 2014. Plus subsidiairement, il a conclu à l'annulation de la décision attaquée, au renvoi de la cause au DSE pour nouvelle décision s'agissant de l'entrée en vigueur de l'évaluation de sa fonction au sens des considérants, et à ce qu'il soit ordonné au DSE de lui verser la différence de salaire depuis la nouvelle date d'entrée en vigueur au 30 novembre 2014, le tout « sous suite de frais et dépens ».

Le DSE avait admis à plusieurs reprises et par écrit que la nouvelle classification de sa fonction intervenait dans le cadre d'une restructuration, de sorte que l'art. 7 let. c ch. 1 du mémento des instructions de l'office du personnel de l'État dans sa version mise à jour le 15 juillet 2013 (ci-après : MIOPE) relatif aux cas de restructuration s'appliquait. Cet article reprenait par ailleurs le point 2 de l'extrait de procès-verbal du Conseil d'État du 29 novembre 2004. Soutenir qu'il s'agissait d'une classification d'une fonction individuelle ne respectait ni le MIOPE ni l'extrait de procès-verbal du Conseil d'État du 29 novembre 2004. Le comportement du DSE de ne pas appliquer la disposition topique du MIOPE, sans motivation, était arbitraire. À sa connaissance, la restructuration de l'OCPM était entrée en vigueur le 1er octobre 2013. En toute hypothèse, la date d'entrée en vigueur de la restructuration ne saurait excéder le 11 décembre 2013, date de l'entrée en vigueur du ROAC.

Son droit d'être entendu avait été violé, dans la mesure où la décision querellée ne contenait même pas une motivation sommaire, en particulier s'agissant de sa date d'entrée en vigueur. Il était simplement énoncé que la nouvelle classe de rémunération entrait en vigueur « dès le 1er novembre 2014 », alors même que le DSE savait pertinemment qu'une prise d'effet à la date d'entrée en vigueur de la restructuration était requise.

Enfin, la décision du 17 octobre 2014 violait le principe général de la bonne foi. Il avait accepté une classification en classe 24 en lien avec une prise d'effet à l'entrée en vigueur de la restructuration liée. La décision attaquée le prenait « au piège » en prenant acte de son acceptation de la classe 24, tout en tentant de lui imposer une entrée en vigueur tardive de plus d'un an, sans explications. L'obligation de bonne foi de l'autorité à l'égard des administrés s'appliquait d'autant plus à l'égard d'un de ses propres serviteurs qui s'était donné corps et âme dans l'exécution de ses nouvelles fonctions suite à la restructuration, sans pour autant être rémunéré à ce titre jusqu'à ce jour.

À l'appui de son recours, il a produit notamment la fiche 02.01.01 du MIOPE, ainsi que l'extrait de procès-verbal du Conseil d'État du 29 novembre 2004.

25) Le 1er décembre 2014, M. A______ a été transféré avec promotion de l'OCPM à l'office médico-pédagogique du département de l'instruction publique, de la culture et du sport. Il occupait la fonction de directeur administration, communication et qualité à un taux d'activité de 100 %. Il bénéficiait de la classe 26, annuité 6 sur l’échelle des traitements du personnel de l’État pour un salaire annuel brut de CHF 153'070.- soit CHF 11'774.65 bruts par mois.

26) Le 7 janvier 2015, le DSE a conclu au rejet du recours « sous suite de frais ».

C'était à juste titre que l'évaluation de M. A______ n'avait pas été traitée dans l'optique d'une restructuration. Les changements effectués n'avaient pas eu pour effet de restructurer entièrement ou partiellement un ou plusieurs services. Seules quelques fonctions au sein de l'OCPM avaient vu leurs tâches évoluer, à savoir notamment celle de directeur du service des étrangers, en raison d'une nouvelle répartition de certaines compétences entre services. M. A______ avait participé à la procédure de réévaluation du poste qu'il occupait et avait été auditionné par l'OPE, ce qui n'était possible que dans le cadre d'une évaluation traitée individuellement et non dans le cadre d'une restructuration. C'était ainsi de façon correcte qu'après avoir reconsidéré sa décision, le 15 avril 2014, l'OPE avait procédé à un rangement de profil examiné dans la fonction de directeur, en classe 24. Ledit rangement avait donc pris effet le mois qui suivait la décision du DSE, à savoir le 1er novembre 2014. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'État n'avait pas fixé de date de prise d'effet de classification de la fonction de directeur du service des étrangers.

Indépendamment de cela, un extrait de procès-verbal du Conseil d'État constituait une ordonnance administrative qui ne conférait en principe, ni droit, ni obligation. Il en était de même du MIOPE qui se limitait à expliquer une pratique administrative. Il n'était ainsi pas possible d'en déduire des droits, selon la jurisprudence.

Il n'était dès lors pas envisageable de retenir la date fictive du 1er octobre 2013 afin de déterminer la date de prise d'effet de la classification de la fonction de directeur. De plus, les modifications apportées au ROAC, correspondant à la nouvelle législature, n'avaient aucun lien avec la prise d'effet de l'évaluation de la fonction de M. A______.

En décidant que l'évaluation de la fonction du précité prenait effet le 1er novembre 2014, le DSE n'avait violé aucun principe constitutionnel, de sorte qu'il n'avait pas outrepassé son large pouvoir d'appréciation en la matière.

Il était exact que le DSE n'avait pas expressément indiqué, dans sa décision du 17 octobre 2014, la raison pour laquelle la classification de la fonction de M. A______ prenait effet le 1er novembre 2014. Toutefois, cette décision faisait suite à des échanges oraux et écrits entre l'intéressé, son avocat et le DSE, au cours desquels l'autorité intimée avait clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle ne pouvait prévoir que l'évaluation de la fonction en classe 24 prendrait effet le 1er octobre 2014. Les différents courriers et courriels figurant au dossier l'attestaient. De plus, le contenu du recours de M. A______ démontrait qu'il avait parfaitement saisi les raisons pour lesquelles le DSE avait rendu sa décision du 17 octobre 2014, laquelle avait été attaquée en toute connaissance de cause.

Le DSE n'avait donné à M. A______ aucune assurance, s'agissant de la prise d'effet de l'évaluation de sa fonction en classe 24. Les correspondances figurant au dossier démontraient que l'autorité intimée n'était pas en mesure d'appliquer le chiffre 2 de l'extrait de procès-verbal de la séance du Conseil d'État du 29 novembre 2004. M. A______ avait bien saisi la position du DSE, ce que démontraient d'ailleurs ses différents courriers. Aucune assurance ne pouvait être déduite du courrier du secrétaire général du DSE du 1er octobre 2014. Enfin et indépendamment de cela, l'intéressé ne démontrait pas que les conditions relatives à la bonne foi, développées par la jurisprudence, étaient réalisées.

27) Le 12 février 2015, M. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Les pièces figurant au dossier démontraient qu'une restructuration avait été effectuée au sein de l'OCPM. Les modifications apportées au ROAC démontraient également l'existence d'une restructuration de l'OCPM. Enfin, l'OPE avait été saisi d'au moins cinq demandes d'évaluation concernant des postes de directeurs de services et de chefs de secteurs, ce qui attestait de la restructuration de l'OCPM (réorganisation de l'OCPM).

L'argument du DSE, selon lequel son évaluation n'avait pas été traitée dans l'optique d'une restructuration, était erroné et téméraire, dans la mesure où le courrier de la responsable de secteur des ressources humaines du DSE du 12 novembre 2013 adressé à l'OPE avait pour objet des « Demandes d'évaluations de fonctions dans le cadre de la réorganisation partielle de l'office cantonal de la population ».

La jurisprudence citée par le DSE à propos du MIOPE était citée de manière erronée et détournée du présent contexte. De plus et selon cette jurisprudence, le DSE était lié par le MIOPE dans le cadre de l'exécution de sa tâche publique. Enfin, le raisonnement du DSE était contradictoire en ce sens que le DSE fondait précisément sa décision du 17 octobre 2014 sur le MIOPE et sur l'extrait de procès-verbal du Conseil d'État du 29 novembre 2004

Le DSE, estimant qu'il bénéficiait d'une large liberté d'appréciation et que le MIOPE ne s'appliquerait pas, avait agi comme bon lui semblait. Cette méthode de mise en œuvre du droit et de sa pratique, ainsi que le résultat obtenu étaient constitutifs d'une application arbitraire de la législation et de la pratique imposée au DSE, et étaient choquants.

Le DSE reconnaissait la violation de son droit d'être entendu.

Enfin, les arguments de l'autorité intimée étaient téméraires. Elle faisait référence à des faits relatifs à l'ATA/538/2014 précité, lesquels ne concernaient pas la présente procédure, pour tenter de le discréditer. Les arguments du DSE étaient contredits par les pièces qu'il avait lui-même produites. Il citait une jurisprudence pour tenter de ne pas appliquer « un règlement », dont il invoquait lui-même l'application.

28) Le 9 avril 2015, le juge délégué a invité le conseiller d'État en charge du DSE à lui transmettre, d'ici au 30 avril 2015, la demande d'accord de principe transmise au Conseil d'État le 30 octobre 2013 par le DSE, dans le cadre de la réorganisation de l'OCPM, la validation de cette demande par le Conseil d'État le 6 novembre 2013, et la décision du Conseil d'État fixant la date de prise d'effet des nouvelles classifications de fonctions mentionnées dans la demande du 30 octobre 2013, respectivement la décision du Conseil d'État ratifiant les nouvelles classifications desdites fonctions.

29) Le 30 avril 2015, le DSE a sollicité un délai supplémentaire au 28 mai 2015, dans la mesure où une décision préalable du Conseil d'État s'avérait nécessaire.

De plus, le DSE n'était pas en mesure de produire une décision du Conseil d'État fixant la date de prise d'effet des nouvelles classifications de fonctions, respectivement une décision du Conseil d'État ratifiant les nouvelles classifications desdites fonctions, dès lors qu'une telle pièce n'existait pas.

Le Conseil d'État n'avait pas estimé d'une part, que la création de deux postes et la réévaluation de six d'entre eux, constituaient une restructuration partielle et, d'autre part, que le poste occupé par M. A______ correspondait à une nouvelle classification d'une fonction individuelle, dès lors que cette hypothèse était réservée aux fonctions nouvellement crées, alors que le poste de M. A______ existait déjà au moment où il avait été évalué. C'était d'ailleurs pour cette raison que l'intéressé avait été partie à la procédure de réévaluation.

30) Le 27 mai 2015, le Conseil d'État a confirmé qu'il n'avait pas fixé la date d'entrée en force de la réévaluation du poste de M. A______ ou des autres postes réévalués au sein de l'OCPM, ni ratifié les nouvelles classifications desdites fonctions. Le troisième document requis n'existait donc pas.

Quant aux deux premiers documents requis, le Conseil d'État estimait, sur le principe, que les pièces sollicités devaient être gardées secrètes, tant en vertu de la loi, au sens de l'art. 25 al. 4 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), qu'en vertu d'un intérêt public prépondérant, en application des art. 5 de la loi sur l’exercice des compétences du Conseil d’État et l’organisation de l’administration (LECO - B 1 15) et 30 al. 2 du règlement pour l’organisation du Conseil d’État de la République et canton de Genève du 25 août 2005 (RCE - B 1 15.03). De plus, les art. 25 et 26 de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD -
A 2 08), applicables par analogie, faisaient aussi obstacle à la communication de ces pièces. La communication de ces documents révélerait des délibérations et votes intervenus à huis clos et entraverait notablement le processus décisionnel du Conseil d'État qui devait pouvoir exercer ses compétences en toute sérénité.

31) Le 9 juin 2015, M. A______ a relevé que le DSE s'obstinait à répéter les mêmes arguments et n'avait pas produit de pièces appuyant ses allégations. Il était surprenant que le DSE n'ait pas donné suite à la demande de produire certains documents, et que le Conseil d'État ait refusé de les communiquer. Si des documents fondant la position du DSE existaient, ils auraient été produits, ou partiellement sous forme d'extraits.

M. A______ était un serviteur de l'État qui avait recouru auprès d'une juridiction étatique contre une de ses décisions, de sorte que la notion de secret pouvait être relativisée et des extraits de documents auraient pu être caviardés.

L'absence de collaboration du DSE devait être retenue à son encontre. M. A______ sollicitait dès lors, en application de l'art. 24 al. 2 LPA, que les conclusions du DSE soient déclarées irrecevables.

Enfin et à toutes fins utiles, les pièces produits par le DSE prouvaient que la réévaluation de l'intéressé s'inscrivait dans le cadre d'une restructuration, puisqu'il y était fait mention d'une « réorganisation partielle ».

32) La cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 22 juin 2015.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Dans un grief d’ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant estime que l'autorité intimée a violé son droit d'être entendu en ne motivant pas sa décision du 17 octobre 2014.

a. Selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les parties ont le droit d’être entendues.

Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2 p. 197 ; 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_104/2010 du 20 septembre 2010 consid. 3.2 ; ATA/578/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2a et arrêts cités ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 696 n. 1982). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_11/2009 du 31 mars 2009 consid. 2.1 ; 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution fédérale de la Confédération suisse qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2 : Les droits fondamentaux, 3ème éd., 2013, p. 608 n. 1328-1330 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 198).

La jurisprudence du Tribunal fédéral a déduit du droit d'être entendu le droit d'obtenir une décision motivée. L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 521 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 139 V 496 consid. 5.1 p. 504 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 p. 188 ; ATA/270/2015 du 17 mars 2015 consid. 4a ; ATA/578/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2a ; ATA/268/2012 du 8 mai 2012 consid. 4).

b. Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est pas nulle, mais annulable (ATF 135 V 134 consid. 3.2 p. 138 ; 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_104/2010 du 29 septembre 2010 consid. 3.2 ; ATA/270/2015 précité consid. 4b ; ATA/578/2014 précité et les arrêts cités).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 ss ; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_24/2015 du 19 février 2015 consid. 2.1 ; 2C_980/2013 du 21 juillet 2014 consid. 4.3 ; ATA/918/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3b ; ATA/578/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2a ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II : Les actes administratifs et leur contrôle, 3ème éd., 2011, p. 324 ch. 2.2.7.4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 516 n. 1554 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2006, p. 391 n. 1710). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 s. ; 126 I 68 consid. 2 p. 72 et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_980/2013 du 21 juillet 2014 consid. 4.3) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 198 ; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_24/2015 du 19 février 2015 consid. 2.1 ; 2C_1042/2013 du 11 juin 2014 consid. 2.2). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/980/2014 du 9 décembre 2014 consid. 3b ; ATA/578/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2a ; ATA/466/2010 du 29 juin 2010 consid. 5b ; ATA/452/2008 du 2 septembre 2008 consid. 2b).

c. En l'espèce, la décision concernant la « modification de fonction suite à une évaluation de fonction » du recourant est lacunaire.

En premier lieu, le mot « décision » ne figure qu’à la fin du document en lien avec les voies de droit et l'effet exécutoire nonobstant recours. Ensuite, la décision attaquée ne fait aucunement référence aux bases légales sur lesquelles la décision se fonde, quand bien même le recourant a prié le DSE, par courrier du 30 septembre 2014, de rendre une décision formelle à son égard. Enfin, la décision querellée ne contient aucun motif expliquant pourquoi l'entrée en vigueur de la nouvelle classification est fixée au 1er novembre 2014 au lieu du 1er octobre 2013 comme soutenu par le recourant.

Certes, la décision du 17 octobre 2014 fait suite à de nombreux échanges entre les différents acteurs concernant la situation professionnelle du recourant ; toutefois vu les positions antagonistes des parties à ce propos, le recourant pouvait attendre du DSE une décision formelle comportant une motivation topique.

Cela dit et comme précisé supra, la décision attaquée fait suite à divers échanges entre les acteurs à propos de la situation professionnelle du recourant, de sorte que ce dernier connaissait la position du DSE sur le fond.

Dans son recours du 17 novembre 2014, le recourant a pu faire valoir ses arguments à l'encontre de la décision attaquée. Il a également répondu aux observations détaillées et comportant des références légales du DSE dans sa duplique du 12 février 2015.

Ainsi, la chambre administrative considère que la violation du droit d’être entendu dans sa composante relative à l’obligation de motiver a été guérie par la procédure devant la chambre de céans.

Le grief sera donc écarté.

3) L'objet du litige consiste à déterminer la date de prise d'effet de la nouvelle classification de fonction du recourant.

Le recourant soutient que le dies a quo doit être fixé au 1er octobre 2013, alors que le DSE retient la date du 1er novembre 2014.

4) a. La loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) traite de la rémunération des membres du personnel de l'État de Genève (art. 1 al. 1 LTrait).

Selon l'art. 4 LTrait, le Conseil d'État établit et tient à jour le règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01) et le tableau de classement des fonctions permettant de fixer la rémunération de chaque membre du personnel en conformité de l’échelle des traitements (al. 1). Dans ce classement il doit être tenu compte du rang hiérarchique et des caractéristiques de chaque fonction en prenant en considération notamment l’étendue qualitative et quantitative des attributions dévolues et des obligations à assumer, les connaissances professionnelles et aptitudes requises, l’autonomie et les responsabilités, les exigences, inconvénients, difficultés et dangers que comporte l’exercice de la fonction (al. 2). Les règlements et tableaux de classement des fonctions, établis et tenus à jour par d’autres autorités ou organes de nomination dans le cadre de leurs compétences respectives, sont soumis à l’approbation du Conseil d'État (al. 3).

Sous réserve des dispositions particulières prévues expressément à
l’art. 1 LTrait, le RTrait s’applique aux membres du personnel de l’administration cantonale et des établissements hospitaliers (art. 1 RTrait).

À teneur de l'art. 2 RTrait, la classe prévue pour la fonction est déterminée par le résultat de l’évaluation des fonctions. La liste des fonctions, mise à jour et approuvée par le Conseil d'État, est à disposition à l'OPE.

b. L’OPE a édicté une directive, intitulée MIOPE, passant en revue et explicitant l’ensemble des règles relatives aux rapports de service des collaborateurs de l’État (consultable sur le site www.ge.ch/miope).

Selon la fiche 02.01.01 du MIOPE mise à jour le 15 juillet 2013, chapitre 7 intitulé « Décision et mise en vigueur des nouvelles classifications », la modification de la situation du/de la/des titulaire-s concerné-e-s s'effectue par le biais d'un arrêté à la date de mise en application prévue, sur demande du département, établie sur la formule ad hoc de changement de situation (let. b). Les nouvelles classifications de fonctions acceptées dans le cadre de restructurations de services entiers ou partiels et de grands groupes prennent effet à la date fixée par le Conseil d'État (let. c ch. 1). Les nouvelles classifications de fonctions individuelles prennent effet le mois qui suit la ratification de la fonction par le Conseil d'État (let. c ch. 2).

Le MIOPE constitue une ordonnance administrative. Une telle ordonnance ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d’ordre technique, tout en s’en écartant dès qu’il considère que l’interprétation qu’elle donne n’est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/31/2012 du 17 janvier 2012 consid. 7 ; ATA/11/2012 du
10 janvier 2012 consid. 6b ; ATA/97/2011 du 15 février 2011 consid. 4 et les références citées).

c. À teneur de l'extrait de procès-verbal de la séance du Conseil d'État du 29 novembre 2004, le Conseil d'État a décidé que les nouvelles classifications de fonctions acceptées dans le cadre de restructurations de services entiers ou partiels et de grands groupes prenaient effet à la date fixée par le Conseil d'État (ch. 2). Les nouvelles classifications de fonctions individuelles prenaient effet le mois qui suivait la ratification de la fonction par le Conseil d'État (ch. 3).

L'extrait de procès-verbal de la séance du Conseil d'État est entré en vigueur le 1er janvier 2005.

5) En l’espèce, la réglementation prévue par le MIOPE n’apparaît contraire ni à la LTrait ou au RTrait, ni aux principes généraux du droit public, et peut donc être retenue par la chambre administrative - ce d’autant plus qu’il s’impose à l’administration de respecter ses propres directives, sous peine d’adopter un comportement contradictoire et, partant, contraire aux règles de la bonne foi protégée par les art. 5 al. 3 et 9 Cst..

La décision attaquée a été prise par le conseiller d'État en charge du DSE.

Or, selon le MIOPE et l'extrait de procès-verbal de la séance du Conseil d'État du 29 novembre 2004, la nouvelle classification de fonction du recourant - qu'on la considère comme acceptée dans le cadre d'une restructuration de services entiers ou partiels et de grands groupes, ou individuelle - prend effet à la date fixée par le Conseil d'État, respectivement le mois qui suit la ratification de la fonction par le Conseil d'État.

L'autorité compétente pour la prise d'effet du résultat d'une évaluation est dans tous les cas le Conseil d'État et non le conseiller d'État en charge du département auquel le collaborateur évalué est rattaché.

Suite à la demande du juge délégué, le DSE et le Conseil d'État ont confirmé qu'aucune date de prise d'effet de l'évaluation de la fonction du recourant n'avait été arrêtée par le Conseil d'État, cela en violation flagrante tant de l'extrait de procès-verbal de la séance du Conseil d'État du 29 novembre 2004 que du MIOPE, et cela quel que soit l'examen de la situation du recourant.

La conséquence de cette irrégularité peut souffrir de rester indécise, dans la mesure où la décision attaquée doit être annulée pour les raisons développées ci-après.

6) Selon le courrier du 12 novembre 2013 de la responsable de secteur RH au DSE, concernant des « Demandes d'évaluations de fonctions dans le cadre de la réorganisation de l'office cantonal de la population », il était demandé à l'OPE d'évaluer cinq postes de l'OCPM, dont le poste du recourant.

Selon le document annexé, intitulé « Demande d'évaluation » concernant le poste du recourant, la demande était motivée par une réorganisation de l'OCPM.

Depuis le 1er octobre 2013, le service « étrangers » était étoffé du secteur « livrets » en charge notamment de la production des titres de séjour pour étrangers (le secteur livret dépendait d'une autre direction auparavant). Le service « internationaux » relatif au séjour et à l'établissement des fonctionnaires internationaux dans le canton était également rattaché au service « étrangers ». Les tâches et les responsabilités du service « étrangers » étaient ainsi élargies. Suite à cette réorganisation, le service comprenait dès lors cinq entités distinctes (secteur accueil, secteur séjour, secteur emploi, secteur livrets, cellule experts) composées d'une centaine de collaborateurs. Était coché par ailleurs le titre « Modification d'une structure existante » dans la case « Motif de la demande d'évaluation ». Par ailleurs et toujours selon ce document, l'OCPM avait déjà subi une réorganisation partielle en août 2011, dans la mesure où le « service étrangers » avait été créé par le regroupement de trois entités (secteur accueil, secteur séjour et secteur emploi).

Dans le courrier du 8 juillet 2014 adressé au directeur général de l'OPE, la directrice des ressources humaines du DSE rappelle que l'évaluation de la fonction du recourant avait été demandée dans le cadre de la réorganisation de l'OCPM entrée en vigueur de manière progressive dès le 1er septembre 2013, au motif que ce service s'était étoffé du secteur « livrets » et du secteur « internationaux » dans le cadre de la réorganisation.

Le fait que deux nouveaux secteurs (« livrets » et « internationaux ») soient venus se rattacher au service « étrangers », dont le recourant est le directeur, conforte la thèse selon laquelle l'OCPM a fait l'objet d'une restructuration partielle à compter du 1er octobre 2013. Cette conclusion est encore renforcée par l'entrée en vigueur d'un nouvel organigramme au sein de l'OCPM à compter de cette même date.

En conséquence et dans la mesure où l'évaluation de fonction du recourant s'inscrivait dans le cadre d'une restructuration partielle de l'OCPM, c'est de manière erronée que le DSE soutient qu'il s'agissait d'une évaluation de fonction faite à titre individuel.

7) Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. La chambre administrative ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 p. 239 ; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 consid. 14 ; ATA/131/2013 du 5 mars 2013 consid. 6).

En l'espèce et dans la mesure où, d'une part le Conseil d'État a refusé de produire la demande d'accord de principe transmise le 30 octobre 2013 par le DSE, dans le cadre de la réorganisation de l'OCPM, et la validation de cette demande du 6 novembre 2013, et, d'autre part, qu'aucune date de prise d'effet de la nouvelle classification n'a été arrêtée par le Conseil d'État, il est choquant de fixer le début du nouveau traitement du recourant à partir du 1er novembre 2014, alors même que formellement comme matériellement, le recourant a assumé ses nouvelles tâches - étoffées - dès le début de la mise en place de la restructuration partielle de l'OCPM, soit dès le 1er octobre 2013.

En conséquence, il se justifie de fixer le dies a quo de la prise d'effet de la nouvelle classification de fonction du recourant au 1er octobre 2013. Le recourant bénéficiera ainsi de la classe 24, annuité 5, sur l’échelle des traitements du personnel de l’État, dès le 1er octobre 2013.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision attaquée annulée.

Le dossier sera renvoyé au DSE pour traitement dans le sens des considérants.

9) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, qui y a conclu et obtient gain de cause (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2014 par M. A______ contre la décision du département de la sécurité et de l'économie du 17 octobre 2014 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du département de la sécurité et de l'économie du 17 octobre 2014 ;

renvoie le dossier au département de la sécurité et de l'économie pour traitement au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à M. A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Thélin, Dumartheray et Pagan, juges,
M. Jordan, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :