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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/185/2016

ATA/1294/2017 du 19.09.2017 sur JTAPI/1047/2016 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; CHANGEMENT D'AFFECTATION ; LOGEMENT ; BUREAU(LOCAL) ; LOYER CONTRÔLÉ ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL) ; MESURE DE PROTECTION
Normes : LDTR.3.al4 ; LCI.11.al4 ; LCI.11.al6 ; LCI.49
Parties : VILLE DE GENÈVE- DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMÉNAGEMENT / SI RUE DES EAUX-VIVES 55 SA, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, AUTARD Michel
Résumé : Examen d'un projet de surélévation et de conversion de locaux commerciaux en logements d'un immeuble de logements. Interprétation de la disposition de la LDTR prévoyant l'exonération du contrôle des prix et des loyers pour la transformation de bureaux en logements. Portée de la protection instaurée par l'inventaire ISOS.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/185/2016-LDTR ATA/1294/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2017

 

dans la cause

VILLE DE GENÈVE

contre

SI RUE DES EAUX-VIVES 55 SA
représentée par Me Guillaume Francioli, avocat

et

Monsieur Michel AUTARD


et

DéPARTEMENT DE L'AMénaGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'Énergie - OAC

_________

 


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 octobre 2016 (JTAPI/1047/2016)


EN FAIT

1) La SI rue des Eaux-Vives 55 SA (ci-après : la SI) est copropriétaire, avec des personnes physiques, du bâtiment A547 construit sur la parcelle no 110, feuille 3 de la commune de Genève-Eaux-Vives, à l'adresse 55, rue des
Eaux-Vives.

Cette parcelle, de 326 m2, est située en 2ème zone de construction. Elle supporte un bâtiment de sept étages plus attique, d'une surface au sol de 181 m2, destiné à l'habitation et à des activités pour le rez-de-chaussée. Selon le plan de répartition des locaux établi par le géomètre officiel le 10 mai 1971, l'attique de 42 m2 est destiné à un bureau avec une terrasse de 110 m2. Le reste de la parcelle supporte un bâtiment bas d'un étage, construit sur cour.

L'immeuble figure sur la carte indicative « Eaux-Vives - secteur 15 » du 9 avril 2010 en tant que bâtiment susceptible d'être surélevé.

2) Le 22 octobre 2013, la SI, par l'intermédiaire de Monsieur Michel AUTARD c/o Immo-Passion SA, a requis de la direction des autorisations de construire du département devenu le département de l'aménagement, du logement et l'énergie (ci-après : le département) l'autorisation de créer trois logements par la démolition de l'attique existant et sa reconstruction sur toute la surface de l'étage ainsi que la surélévation du bâtiment par un attique.

L'assemblée générale extraordinaire de la PPE « rue des Eaux-Vives 55 » du 3 juillet 2013 avait approuvé ce projet proposé par la SI. À l'emplacement de l'actuel attique abritant un bureau au 7ème étage, un logement de 4 pièces et un de 3 pièces seraient construits sur un niveau plein et le nouvel étage comprendrait un attique en retrait abritant un logement de 5 pièces.

3) a. Le 25 novembre 2013, la commission d'architecture a demandé au requérant un dossier complet lui permettant de juger l'intégration du projet dans le contexte bâti, soit les profilés et façades des bâtiments voisins, un reportage photographique, une image 3D avec le projet ou éventuellement une maquette.

b. Le 18 décembre 2013, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a préavisé défavorablement le projet qui ne s'inscrivait pas dans le gabarit légal autorisable sur la rue des Eaux-Vives. L'application cumulée des dispositions sur les surélévations et du régime dérogatoire s'agissant du gabarit conduirait à autoriser une double surélévation. Aucune des conditions de la dérogation n'était remplie. La construction nuisait à l'harmonie de la silhouette de l'agglomération et à la perception de sa topographie.

c. Le 31 mars 2014, la commission d'architecture a demandé une modification du projet. Elle comprenait que la surélévation était projetée dans un langage différent selon une intervention contemporaine et observait que la quantité de lumière par rapport à l'orientation du bâtiment était suffisante, ainsi que les dégagements visuels, pour une surélévation. Elle relevait les bonnes typologies, avec un « léger bémol » quant à la profondeur des cuisines. Elle demandait que les façades des deux niveaux projetés tiennent mieux compte de la modénature des façades existantes en s'y rapportant davantage. Elle notait avec satisfaction le maintien de la corniche existante, mais demandait la suppression de la casquette projetée de l'attique afin de rester dans le gabarit légal.

d. Le 4 juillet 2014, la commission d'architecture a demandé une autre modification du projet. Elle approuvait la suppression de l'avant-toit de l'attique ainsi que le maintien de la casquette existante. La relation entre le projet de surélévation avec la façade existante n'était toujours pas convaincante et sans rythme. L'immeuble était très visible depuis la rue Maunoir. Elle réitérait son précédent préavis.

e. Le 14 août 2014, la commission d'architecture a préavisé favorablement le projet qui avait été modifié.

f. Le 17 novembre 2014, la commission d'architecture a préavisé favorablement le projet en précisant que le projet no 4 du 27 août 2014 était conforme au projet approuvé du 14 août 2014 dont l'attique respectait le principe de modénature des façades existantes.

Elle était favorable à la dérogation du gabarit pour le léger dépassement de la surélévation côté rue, estimant qu'un léger retrait de l'étage s'intégrait moins, notamment par rapport à l'immeuble d'angle A553 qui pourrait aussi être surélevé et atteindrait la même hauteur de corniche.

g. Le 19 novembre 2014, la ville a réitéré son préavis défavorable en reprenant les motifs déjà exposés dans son préavis précédent.

h. Le 21 juillet 2015, le service LDTR du département a préavisé favorablement le projet, sous conditions, notamment, que les dispositions de la loi soient respectées, que le loyer de l'appartement de 5 pièces résultant de la surélévation n'excède pas, après travaux, CHF 31'488.- au total l'an, soit CHF 6'298.- la pièce par an, appliqué pour une durée de cinq ans à dater de la première mise en location. Les loyers des deux logements issus de la transformation du bureau au 7ème étage ne seraient pas contrôlés.

i. Pour le surplus, les autres préavis recueillis dans le cadre de l'instruction de la requête étaient favorables au projet, avec ou sans conditions.

4) Le 26 novembre 2015, le département a délivré l'autorisation ayant pour objet la « démolition et reconstruction d'un attique - surélévation de l'attique reconstruit par un nouvel attique en retrait - création de trois logements » de l'immeuble 55, rue des Eaux-Vives.

Ladite autorisation a été publiée dans l'édition de la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (FAO) du 4 décembre 2015. La publication mentionnait deux dérogations accordées : art. 11 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et art. 9 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996
(LDTR - L 5 20).

5) Par envoi du 18 janvier 2016, la ville a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'autorisation de construire en concluant à son annulation. Préalablement, elle concluait à la production par le département des plans d'origine de l'immeuble, partie intégrante de l'autorisation de construire initiale du 23 juillet 1962, ainsi que la production de toute autorisation de changement d'affectation ultérieure à l'autorisation initiale.

Le nouvel étage créé occuperait une surface d'environ 179,3 m2, soit 2,57 fois plus que l'attique existant.

La hauteur à la corniche de l'immeuble concerné et des immeubles contigus, soit les immeubles sis 49 et 57, rue des Eaux-Vives était de 21,5 m. L'immeuble d'angle sis 47, rue des Eaux-Vives avait une hauteur à la corniche de 22 m. Les immeubles sis rue des Eaux-Vives 59 et 61, avaient une hauteur à la corniche de 20,5 m. Le gabarit du projet autorisé serait de 24,3 m alors qu'il se dégageait de l'alignement des gabarits une harmonie urbanistique qui serait remise en cause. Rien n'indiquait, contrairement à ce qu'avait retenu la commission d'architecture, que l'immeuble voisin pourrait être surélevé. Ce dernier ne figurait pas sur la carte indicative des surélévations.

L'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 11 al. 4 LCI entraînait la construction d'un étage plein supplémentaire et d'un étage partiel d'environ 120 m2, soit plus grand qu'un attique s'inscrivant dans le gabarit de toiture. Les conditions de la dérogation n'étaient pas remplies.

L'application de gabarits différents côté cour et côté rue, en raison du décalage vers l'arrière de l'attique, de manière à être à front de la façade côté cour mais en retrait côté rue, était contraire à l'art. 22 al. 2 LCI, et la dérogation prévue à l'art. 11 al. 6 LCI n'avait pas été accordée.

Les bureaux existants au 7ème étage étaient situés dans un attique qui n'occupait qu'une petite surface de la toiture. À tout le moins, l'un des deux appartements créés au 7ème étage devrait être soumis au contrôle prévu par la LDTR. Le prix de vente de l'appartement situé au 8ème étage n'avait pas été fixé, contrairement à ce que prévoyait la loi.

6) Le 26 février 2016, la SI a produit des observations, concluant au rejet du recours ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

7) Le 23 mars 2016, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours et répondant point par point aux arguments de la ville.

8) Le 29 avril 2016, la ville a répliqué.

Elle était opposée à l'ajout d'un niveau plein et à celui d'un demi-étage constitué par l'attique côté rue et l'étage plein côté cour. Elle ne serait pas opposée à l'agrandissement de l'attique existant, ce qui ne compromettrait pas l'harmonie urbanistique de la rue, la hauteur à la corniche demeurant la même. Aucun préavis n'avait été délivré en lien avec la dérogation liée aux gabarits différents côté rue et côté cour. De plus, les vides d'étages étaient inférieurs à ceux prévus à l'art. 49 LCI. L'indice d'utilisation du sol (IUS) était largement dépassé.

9) Le 3 juin 2016, le département a dupliqué, campant sur ses positions.

10) Le 6 juin 2016, la SI en a fait de même.

11) Le 6 septembre 2016, lors d'une audience d'enquêtes, Monsieur Alain MATHEZ, architecte attaché de direction au département, a été entendu.

La commission d'architecture s'était prononcée sur la question d'une dérogation fondée tant sur l'article 11 al. 4 que sur l'al. 6 LCI. Il n'y avait pas eu de débat particulier concernant l'art. 11 al. 6 LCI. Les avis des commissaires sur cette question avaient été assez rapidement unanimes. La dérogation était acceptable du fait de la profondeur de la cour. Les immeubles adjacents pourraient également être surélevés et le fait de faire un attique en retrait côté cour pourrait péjorer la future typologie des appartements. Au niveau esthétique, il n'était pas possible de se rendre compte depuis la rue ou depuis la cour que les gabarits n'étaient pas identiques. La dérogation côté rue, d'une vingtaine de centimètres, devait être considérée comme minime et avait été facilement donnée.

La commission d'architecture avait élaboré des critères internes concernant les projets de surélévation, selon lesquels les immeubles situés le long de la rue des Eaux-Vives pouvaient être surélevés. Les cartes indicatives avaient été élaborées par un fonctionnaire du département. Il existait également une charte élaborée en juin 2016 entre l'État et la ville.

12) Le 13 octobre 2016, le TAPI a rejeté le recours.

Rien n'imposait au département de s'écarter du préavis de la commission d'architecture, laquelle avait appréhendé tous les aspects du dossier avant de préaviser favorablement aux dérogations nécessaires.

La possibilité d'une réduction du vide d'étage jusqu'à 2,40 m était prévue aux fins de construction de logements. Bien qu'elle n'ait pas été octroyée, il s'agissait d'une dérogation dont les conditions d'octroi étaient réalisées s'agissant d'un vide d'étage de 2,50 m.

S'agissant de la LDTR, le bureau de 42 m2 et la terrasse de 110 m2 qui n'était accessible que par les locataires du bureau formaient un tout, il y avait bien conversion de locaux existants en logement et non démolition d'un attique en vue de la réalisation d'une surface habitable beaucoup plus grande. C'était à juste titre que cet étage ne bénéficiait pas d'un contrôle des loyers.

Quant à l'appartement nouvellement créé au 8ème étage le loyer maximum avait été fixé pendant cinq ans et en cas de vente le service LDTR fixerait son prix.

13) Le 14 novembre 2016, la ville a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de l'autorisation de construire.

L'IUS auquel se référait l'art. 11 al. 4 LCI résultait de l'application des règles légales sur les distances de bâtiments par rapport aux limites de propriété et la hauteur maximale des constructions. L'IUS était clairement dépassé par le projet puisqu'il passait de 4,35 à 4,8 et aucune dérogation n'était possible à teneur de la législation. Le département faisait une interprétation erronée de cette disposition et le TAPI n'avait pas examiné la question.

La dérogation concernant le vide d'étage s'ajoutait à de nombreuses autres dérogations et n'avait pas été octroyée expressément. En outre, elle n'avait pas été publiée.

S'agissant de la LDTR, l'exception prévue aux loyers contrôlés ne portait que sur la conversion de locaux existants en logements et non pas, comme dans le projet, par une construction nouvelle sur une terrasse qui ne constituait pas un local.

14) Le 17 novembre 2016, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

15) Le 19 décembre 2016, la SI a déposé des observations concluant au rejet du recours et répondant point par point aux arguments développés par la ville.

16) Le 16 décembre 2016, le département a déposé des observations concluant au rejet du recours.

Les différentes dérogations avaient été octroyées à raison et l'art. 49 al. 5 LCI correctement appliqué. S'agissant de la LDTR, l'attique existant était composé de 42 m2 de bureau et d'une terrasse de 110 m2 ainsi que de 28 m2 de parties communes. La terrasse n'étant accessible que pour les locataires du bureau, ils formaient un tout et c'est à juste titre que la conversion des locaux existants n'était pas soumise à un contrôle des loyers.

17) Le 7 avril 2017, la ville a répliqué.

Elle développait son argumentation concernant l'IUS non respecté par le projet. La notion de local, dans l'application de la LDTR, ne comprenait pas les terrasses mais uniquement les volumes bâtis.

Le calcul du gabarit autorisable effectué par la SI était faux car celui-ci ne pouvait être différent côté rue et côté cour. Ce gabarit de hauteur devait être calculé depuis le niveau du sol. En tenant compte de la construction sur cour existante de 140 m2, l'IUS du projet atteignait 5,24. Elle produisait des photographies d'une maquette du quartier des Eaux-Vives avec la construction projetée.

Genève était inscrite à l'inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ci-après : ISOS) depuis 1984. L'immeuble concerné par le projet était sis dans le périmètre construit no 9 « Quartier des Eaux-Vives » pour lequel l'ISOS avait attribué l'objectif de sauvegarde maximal A (sauvegarde de la substance, à savoir sauvegarde intégrale de toutes les constructions et espaces libres. Suppression de toutes les causes de perturbation). L'immeuble du 55 rue des Eaux-Vives et l'immeuble voisin situé à l'angle de la rue Du-Roveray étaient identifiés comme des « perturbations ». Ces éléments n'avaient à aucun moment été examinés par la commission d'architecture et le département. L'office fédéral de la culture (ci-après : OFC) devait être invité à se prononcer sur le projet sous l'angle du respect de l'ISOS.

18) Le 9 juin 2017, la SI a dupliqué.

L'exactitude de la maquette photographiée était contestée. Des reproductions établies sous le contrôle de spécialistes avaient été présentées à la commission d'architecture à sa demande, auxquelles il fallait se référer.

Il n'existait pas d'IUS maximum en zone 2 contrairement à ce que la ville essayait de démontrer.

Le raisonnement fait par la ville au sujet de l'asymétrie du bâtiment était erroné.

Sous l'angle de la LCI, une terrasse était un espace bâti. Sous l'angle de la LDTR également.

S'agissant de l'inventaire ISOS, il avait été établi en 1983 / 84 par Monsieur Jean-Pierre LEWERER, actuellement membre de la commission d'architecture. La jurisprudence avait déjà établi qu'il servait de base pour la planification mais n'entrait pas en ligne de compte lors de l'octroi d'une autorisation de construire sauf en cas de projets nécessitant des autorisations exceptionnelles, ce qui n'était pas le cas d'une surélévation.

19) Le 9 juin 2017, le département a déposé des observations en précisant que l'immeuble ne faisait pas l'objet d'une mesure de protection particulière ni n'était situé dans le périmètre faisant l'objet d'un plan de site. Le 24 octobre 2013, le service des monuments et sites avait estimé ne pas être concerné par le projet. Aucun autre préavis ne devait dès lors être demandé. L'inventaire ISOS était dépourvu de force contraignante, le projet litigieux ne relevant pas de l'accomplissement d'une tâche de la Confédération.

20) Suite à quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 18 juillet 2017. M. AUTARD avait renoncé à s'exprimer.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante demande, pour la première fois dans sa réplique, que l'OFC soit invité à se déterminer sur le projet sous l'angle de l'ISOS.

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur la demande de la recourante car l'éventuelle détermination de l'OFC sur le projet n'est pas susceptible de modifier l'opinion de la chambre de céans, compte tenu de la portée juridique de l'inventaire ISOS qui sera examinée ci-dessous.

3) La recourante remet en cause l'octroi d'une dérogation en matière de gabarit de constructions.

Selon l'art. 11 al. 4 LCI, le département peut, après consultation de la commission d'architecture, autoriser un dépassement du gabarit prescrit par la loi lorsque les constructions prévues sont édifiées sur des terrains dont la surface libre est suffisante pour préserver les voisins des inconvénients que pourrait impliquer le supplément de hauteur (let. a), n'excèdent pas l'IUS qui résulterait de la stricte application de la loi (let. b), ne nuisent pas à l'harmonie de la silhouette de l'agglomération ni à la perception de sa topographie (let. c), se justifient par leur aspect esthétique et leur destination et sont compatibles avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier (let. d).

S'agissant de la condition prévue par l'art. 11 al. 4 let. b LCI, la recourante estime qu'elle n'est pas remplie en l'espèce, l'IUS applicable étant largement dépassé selon les calculs qu'elle avance.

4) a. La deuxième zone comprend les quartiers édifiés sur le territoire des anciennes fortifications et les quartiers nettement urbains qui leur sont contigus. Elle est destinée, comme la première et la troisième zone, aux grandes maisons affectées à l'habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire (art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987  - LaLAT - L 1 30).

b. Il est patent qu'aucun IUS maximal n'est prévu expressément dans les quatre premières zones de construction par la LCI (ATA/581/2014 du 29 juillet 2014). Depuis l'adoption du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCant), les règles de densité concernant la 2ème zone de construction contiennent des densités minimales à atteindre et en zone de développement 2, un indice de densité minimal est fixé dans la loi (art. 2A al. 2 let. a loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 - LGZD - L 1 35).

Dans les quatre premières zones, les règles sur le positionnement d'une construction sur une parcelle découlant des règles portant sur les limites de propriété ainsi que celles sur la hauteur maximale des constructions permettent de déterminer, au cas par cas, un « IUS ponctuel » (François BELLANGER, Les droits à bâtir, in Festschrift Andreas Auer, Direkte Demokratie, 2013,
p. 292).

Le raisonnement et les calculs proposés par la recourante concernant l'IUS n'apportent aucun élément nouveau dans la mesure où, le projet de construction doit respecter les gabarits prescrits par la loi, qui prennent en compte les distances aux limites de propriété, selon les formules contenues aux art. 22 et ss LCI illustrés par les croquis I et II de l'annexe au règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01).

En revanche, la recourante, dans sa démonstration, omet l'art. 11 al. 6 LCI qui permet, après consultation de la commission d'architecture, de prévoir des gabarits différents sur les faces d'une construction. Elle ne tient donc pas compte du gabarit calculé sur cour, qui, celle-ci étant profonde, aboutit à une hauteur théorique de près de 28 m, alors que la construction prévue culmine à 25,2 m.

La démonstration incomplète de la recourante tombe donc à faux.

5) Dans un deuxième moyen, la recourante invoque une violation de l'art. 49  LCI et l'absence de publication de la dérogation octroyée.

L'art. 49 LCI prévoit que le vide d'étage fixé à 2,60 m en deuxième zone peut être réduit à 2,50 m, aux fins de construction de logements lorsqu'il en résulte un avantage prépondérant pour la construction et que le caractère architectural d'une rue n'en est pas affecté, notamment pas une rupture de l'harmonie d'une série de bâtiments contigus (art. 49 al. 1 et al. 5 LCI).

La recourante se plaint du fait que la dérogation n'est pas mentionnée dans la publication de l'autorisation litigieuse dans la FAO, en violation de l'art. 3 al. 5 LCI. Il apparaît qu'au cours de la procédure, la recourante a eu la faculté de contester la décision du département et de faire valoir ses griefs en toute connaissance de cause, de sorte qu'elle n'a subi aucun préjudice. Suivre la recourante dans son raisonnement reviendrait à faire preuve d'un formalisme excessif.

Quant à l'octroi de la dérogation, même si l'autorisation ne la mentionne pas expressément, la hauteur du vide d'étage ressort clairement des plans soumis à la commission d'architecture qui a procédé à une analyse approfondie du dossier, exigeant plusieurs modifications du projet mais aucune ne portant sur la question des vides d'étage. Rien ne permet donc de retenir que cet aspect aurait échappé à la commission d'architecture.

En outre, la hauteur de 2,50 m, fixée par la LCI pour les vides d'étage par dérogation en zone 2, correspond à la hauteur ordinaire en 4ème zone rurale (art. 49 al 1 LCI), ce qui permet de relativiser la portée de la dérogation sur l'habitabilité des futurs logements. Finalement, à ce sujet, la ville retient de façon contradictoire avec son argumentation que la dérogation « participe à rendre le projet plus acceptable ».

Le grief sera écarté.

6) La recourante invoque une violation de la LDTR. Les deux logements à construire au 7ème étage ne résulteraient pas de la conversion de locaux commerciaux existants.

Il convient de déterminer si l'art. 3 al. 4 LDTR s'applique au cas d'espèce, soit à un projet qui prévoit que des locaux de 42 m2, affectés à un bureau ainsi qu'une terrasse de 110 m2 accessible aux seuls locataires du bureau, seront remplacés, par deux logements recouvrant tout l'étage.

a. La LDTR prévoit que les loyers ou le prix des logements résultant de la conversion de locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel, lorsqu'ils sont affectés à l'habitation, ne sont pas contrôlés. Il n'y a pas non plus de changement d'affectation au sens de la LDTR, lorsque les locaux convertis en logement retrouvent leur destination commerciale, administrative, artisanale ou industrielle antérieure (art. 3 al. 4 LDTR).

b. Cette disposition, entrée en vigueur le 25 juillet 2015 a, pour but, selon les travaux préparatoires, d'augmenter en nombre les unités de logements, de toute typologie et catégorie alors qu'il existe une détente sur le marché des surfaces commerciales, administratives, artisanales ou industrielles et une pénurie de logements. De façon à ne pas décourager cette nouvelle possibilité de création de logements, la conversion de locaux qui n'étaient pas soumis à un contrôle des loyers ou des prix, même si des travaux soumis à autorisation devaient être entrepris (création de cuisine, sanitaires, etc.), ne devait pas être assimilée à un changement d'affectation soumis au contrôle des loyers et des prix (Exposé des motifs PL 11'394).

c. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 142 II 388 consid. 9.6.1 ; 138 II 557 consid. 7.1 et les références citées ; ATA/1100/2017 du 18 juillet 2017 ; ATA/1099/2017 du 18 juillet 2017). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme. Il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 II 388 consid. 9.6.1 ; ATF 139 II 49 consid. 5.3.1 ; ATA/212/2016 du 8 mars 2016).

  d. La disposition figure dans la rubrique « changement d'affectation » de l'art. 3 LDTR intitulé « définitions ». Le changement d'affectation au sens de la LDTR s'entend comme toute modification, même en l'absence de travaux, qui a notamment pour effet de remplacer des locaux à destination de logements par une autre destination. Un changement d'affectation peut donc être une modification qui résulte de travaux, dont l'ampleur n'est pas spécifiée.

L'al. 4 de cette disposition vise le même type d'opérations mais uniquement si elles touchent des locaux commerciaux, administratifs, artisanaux ou industriels transformés en logements avec, pour conséquence, que les loyers ou les prix de ces nouveaux logements ne soient pas contrôlés.

La LDTR distingue des locaux destinés aux logements, à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel et ceux à destination de résidences meublées ou hôtels (art. 3 al. 3 LDTR). La teneur de l'art. 3 al. 4 LDTR est claire dans la mesure où elle concerne des « locaux » n'étant pas affectés aux logements qui, moyennant des travaux, peuvent être affectés au logement. Par définition, selon le dictionnaire de français Larousse, consultable en ligne, un local est une partie d'un bâtiment considéré surtout par rapport à son état et/ou à sa destination.

Le bureau et la terrasse, qui répondent à cette définition et qui forment un tout, ce qui découle du cahier de répartition des locaux et qui n'est pas contesté, seront transformés en logements par le projet, au sens de l'art. 3 al. 4 LDTR et c'est donc à juste titre que le département, suivi par le TAPI, a exclu les deux logements résultant de cette opération du contrôle des loyers et des prix.

Le grief de violation de la LDTR sera donc écarté.

7) La recourante estime que le projet est contraire à la protection instaurée par l'inventaire ISOS.

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a examiné la question de la protection instaurée par l'ISOS en lien avec un projet de surélévation d'immeuble. Il a retenu à cette occasion que, même si la protection découlant de l'inventaire ISOS n'avait pas été expressément mentionnée dans les préavis, le département avait pris en compte le quartier dans lequel se situait la surélévation litigieuse pour opérer la pesée des intérêts existants. Le besoin de protection du quartier avait donc été pris en considération (arrêt du Tribunal fédéral 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 4.3.2).

En l'espèce, la commission d'architecture a rendu quatre préavis successifs et était en possession d'un dossier complet constitué des profilés et façades des bâtiments voisins, d'un reportage photographique et d'une image 3D du projet. Partant, elle a tenu compte de la situation du bâtiment, par rapport aux constructions adjacentes, à la rue et au quartier, relevant notamment que le bâtiment était très visible depuis la rue Maunoir.

Il s'avère donc que l'examen attentif du projet auquel a procédé la commission d'architecture est conforme aux principes jurisprudentiels développés en la matière, notamment dans l'arrêt précité.

Le grief ne peut qu'être écarté.

8) Infondé, le recours sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la ville (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la SI, à la charge de la ville (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2016 par la Ville de Genève contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 octobre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la Ville de Genève ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la SI Rue des Eaux-Vives 55 SA, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à la Ville de Genève, à Monsieur Michel AUTARD, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Guillaume Francioli, avocat de la SI Rue des Eaux-Vives 55 SA, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Verniory et Pagan, Mme Krauskopf, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :