Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3044/2007

ATA/45/2008 du 05.02.2008 ( DCTI ) , ADMIS

Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PROCÉDURE DE PLANIFICATION
Normes : LALAT.13B
Parties : DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, EMIL FREY SA GENEVE
Résumé : Rejet d'un recours contre un refus conservatoire d'autorisation de construire (art. 13B LaLAT). La possibilité de mettre en oeuvre la densification et la mixité prévues par l'étude d'aménagement (masterplan) dans le secteur incluant la parcelle litigieuse est susceptible d'être compromise par le projet de construction. Ce dernier limite clairement le choix laissé aux concepteurs du futur plan d'affectation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3044/2007-DCTI ATA/45/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 5 février 2008

 

dans la cause

 

DéPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

contre

EMIL FREY S.A.
représentée par Me Bruno Mégevand, avocat

et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE DE CONSTRUCTIONS



EN FAIT

1. La société Emil Frey S.A. est au bénéfice, depuis 1972, d’un droit de superficie d’une durée de nonante ans sur la parcelle n° 2927, feuille 89 de la commune de Genève, propriété de la Fondation pour les terrains industriels (ci-après : FTI), à l’adresse 11, rue François-Dussaud. Cette parcelle est située dans le périmètre de la zone industrielle Praille-Acacias-Vernets.

Sur cette parcelle sont édifiés des locaux d’exposition et de vente pour des véhicules automobiles commercialisés par Emil Frey S.A.

2. Par requête enregistrée le 15 septembre 2006, sous dossier DD 100’813 par le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI), Emil Frey S.A. a sollicité l’autorisation de construire deux halles d’exposition de voitures et d’aménager des locaux de vente et un parking. En parallèle, une demande d’autorisation de démolir un hangar à voitures existant a été déposée.

Emil Frey S.A. souhaitait agrandir sa surface d’exposition car, au mois de mars 2008, elle serait contractuellement tenue de séparer les locaux d’exposition pour deux marques de véhicules qu’elle représentait. Les ventes de l’une des marques connaissaient, en outre, une augmentation considérable, ce qui rendait nécessaire l’extension de la surface de vente.

3. Dans le cadre de l’instruction de la requête, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

- Le 17 octobre 2006, la Ville de Genève a rendu un prévis défavorable, relevant que le périmètre considéré faisait partie d’une étude d’aménagement pilotée par la FTI et le département du territoire (ci-après : DT). Les objectifs des mandats parallèles en cours étaient en contradiction avec le projet de construction de bas gabarits et tendaient à geler une situation de sous-exploitation de cette partie du territoire de la Ville de Genève.

- Le 7 novembre 2006, la FTI a émis un préavis favorable sous réserves. Elle voulait garder la possibilité de prendre les mesures conservatoires nécessaires à la mise en valeur du secteur et attirait l’attention de la requérante sur les conclusions de l’étude en cours, qui devait permettre de dégager de fortes possibilités de densification de la zone.

- Le 22 janvier 2007, la direction de l’aménagement du territoire du DT a demandé un complément d’information. Le projet en question était en effet situé dans le périmètre d'une étude d'aménagement appelée "masterplan Praille-Acacias-Vernets" (ci-après : étude d'aménagement), qui prévoyait à la fois une densification du secteur - avec, pour objectif le développement, dans un souci de mixité, d’emplois à haute valeur ajoutée et de l’habitat - et, l’amélioration de sa qualité paysagère et environnementale. Le projet de la requérante n’allait pas dans le sens d’une valorisation de la parcelle exploitant au mieux les gabarits admis en zone industrielle ; elle devait par conséquent développer un projet de densification en s’associant, le cas échéant, à un opérateur intéressé. Dans cette optique, les activités administratives de l’entreprise seraient admises sur ce site, à l’exclusion de la vente de voitures, qui devrait être effectuée ailleurs.

4. Le 14 février 2007, Emil Frey S.A. a déposé un projet modifié tenant compte du préavis de la direction de l’aménagement du territoire du DT.

5. Par décision du 20 mars 2007, le DCTI a notifié à Emil Frey S.A. un refus conservatoire d’autorisation de construire en application de l’article 13B de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). Le projet, dont les gabarits restaient en deçà des potentiels envisageables, compromettait les objectifs visés par l’étude d’aménagement menée par la FTI et le DT.

6. Le 23 avril 2007, Emil Frey S.A. a interjeté recours auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRC) contre la décision du DCTI.

Le projet litigieux était conforme sur le plan technique aux normes régissant la zone industrielle et artisanale. Le bureau d’architectes mandaté avait donné suite aux divers préavis qui émettaient des réserves. L’effet anticipé négatif prévu par l’article 13B LaLAT nécessitait l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan d’affectation du sol. Or, l'étude d'aménagement n’était pas un plan d’affectation du sol. Le projet avait été modifié pour tenir compte des objectifs de l'étude d'aménagement et notamment pour permettre l’édification ultérieure d’un bâtiment au gabarit maximum autorisé par les dispositions applicables à la zone ; un sous-sol avait également été ajouté afin d’utiliser davantage les possibilités de construction offertes. Le projet avait encore été modifié de manière à ne pas compromettre un futur élargissement de la rue Boissonnas. S’il fallait admettre que l'étude d'aménagement justifiait une mesure de sauvegarde des objectifs, l’on devrait admettre que le projet, dont l’emprise n’excédait guère celle de la construction existante, ne les compromettait pas.

D’autres autorisations de construire avaient été délivrées récemment à proximité immédiate de la parcelle concernée. Ainsi, le 20 juin 2003 et le 22 juillet 2004, le DCTI avait autorisé le représentant de la marque Peugeot à transformer et agrandir ses locaux à l’adresse 11, rue Boissonnas. En outre, le 22 janvier 2007, les représentants de la marque Citroën avaient obtenu une autorisation portant sur la transformation du garage et du hall d’exposition sur une parcelle sise 27, route des Acacias. Le refus opposée à Emil Frey S.A. constituait une inégalité de traitement flagrante.

7. Entendu en audience le 15 juin 2007 par la CCRC, le DCTI a précisé que l'étude d'aménagement ne constituait pas un plan d’affectation.

Emil Frey S.A. a souligné que la FTI avait émis un préavis favorable sous réserves et que l’entreprise représentant la marque de véhicules Volvo avait également obtenu une autorisation de construire récemment et dans le même secteur.

8. Par décision du 2 juillet 2007, la CCRC a admis le recours et annulé le refus d’autorisation de construire du 20 mars 2007. Le dossier a été renvoyé au DCTI pour qu’il délivre l’autorisation sollicitée.

Selon le communiqué du DT et du DCTI paru dans la Feuille d’Avis officielle du 11 juin 2007 après l’adoption par le Conseil d’Etat, le 7 mai 2007, de l'étude d'aménagment, cette dernière se définissait comme un plan stratégique permettant aux partenaires privés et publics de travailler à la mise en valeur du secteur Praille-Acacias-Vernets. C’était à tort que le DCTI s’était fondé sur ce plan pour refuser l’autorisation de construire, les conditions posées par l’article 13B LaLAT n’étant pas remplies.

9. Le 9 août 2007, le DCTI a recouru au Tribunal administratif contre la décision de la CCRC précitée en concluant à son annulation.

Le refus conservatoire était justifié par les objectifs d’urbanisme clairement définis dans l'étude d'aménagement. L’application de l’article 13B LaLAT ne supposait pas que les intentions des autorités en matière d’aménagement du territoire se soient déjà concrétisées par l’engagement du processus d’adoption d’un plan d’affectation du sol. Il suffisait que l’autorité constate que le projet de construction qui lui était soumis contrevenait à des objectifs d’urbanisme définis et que l’adoption d’un plan d’affectation du sol soit nécessaire.

10. Le 17 septembre 2007, Emil Frey S.A. a conclu au rejet du recours avec suite de frais et dépens.

Il existait certes des objectifs d’aménagements futurs du quartier, mais aucune modification de régime des zones n’était pour l’heure jugée nécessaire par les autorités. Pour cette raison, l’une au moins des conditions posées par l’article 13B LaLAT n’était pas remplie. De plus, le projet de construction litigieux n’était pas de nature à compromettre des objectifs d’urbanisme ou la réalisation d’équipements publics au sens du premier alinéa de l’article 13B LaLAT. Le projet ne prétéritait pas une densification ultérieure de la parcelle puisque les structures permettaient l’augmentation du gabarit du bâtiment jusqu’au maximum admis en zone industrielle ; l’implantation du nouveau bâtiment et des aménagements extérieurs se situait largement en retrait des limites de propriété afin de tenir compte de l’agrandissement des voies de desserte longeant la parcelle, spécialement la rue Boissonnas. Les aménagements extérieurs, en particulier le remplacement d’une surface actuellement goudronnée par un revêtement perméable ensemencé de gazon spécial, répondaient à l’objectif d’amélioration de la qualité paysagère et environnementale du site. C’était donc de manière arbitraire que le DCTI prétendait que les objectifs définis par l'étude d'aménagement seraient compromis par le projet. Le DCTI était d’ailleurs totalement muet à ce sujet.

11. Le 29 octobre 2007, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

Le DCTI a indiqué que le projet contrevenait aux objectifs définis dans l'étude d'aménagement du fait des préavis émis par la FTI, la Ville de Genève et la direction cantonale de l’aménagement du territoire. Des négociations et discussions étaient en cours visant à définir l’affectation des différents périmètres d’activité mentionnés dans l’étude et il n’était pas possible de dire dans quelle zone devrait être classée la parcelle n° 2927.

12. Le 5 novembre 2007, le DCTI a produit les dossiers d’autorisation relatifs aux requêtes des concessionnaires des marques Citroën, Volvo et Peugeot. Il a précisé que ces demandes étaient antérieures à l'étude d'aménagement et que les interventions autorisées pouvaient être qualifiées de mineures par rapport au projet litigieux.

13. Dans sa duplique du 3 décembre 2007, Emil Frey S.A. a relevé que dans les trois dossiers d’autorisation produits, il s’agissait d’affaires récentes. Le mandat pour l’élaboration de l'étude d'aménagement datait de novembre 2006. Son origine se trouvait déjà dans le discours prononcé par le Conseil d’Etat au mois de décembre 2005 à l’occasion de la prestation de serment des membres du Conseil d’Etat nouvellement élus.

Dans les trois cas, les travaux étaient d’importance suffisante pour avoir justifié la consultation des instances qui s’étaient opposées au projet litigieux. En outre, le projet initial était moins ambitieux et la construction d’importants volumes souterrains ainsi que l’adjonction de structures propres à permettre le rehaussement ultérieur du bâtiment, résultaient non pas de sa volonté, mais d’exigences posées par la FTI en relation avec l'étude d'aménagement.

Un projet d’importance comparable avait été déposé le 20 septembre 2006 par le concessionnaire de la marque Citroën et autorisé le 22 janvier 2007, alors que le projet litigieux avait été déposé le 14 septembre 2006 et refusé le 30 mars 2007. Il était impossible de justifier une telle différence de traitement. Il en allait de même du projet de l’entreprise représentant la marque Volvo.

14. Des trois dossiers d’autorisation versés à la procédure, ressortent les faits suivants :

a. Le 22 juillet 2004, l’entreprise Peugeot suisse S.A. a été autorisée à effectuer des travaux de transformation de son garage, sis sur la parcelle n° 3849, feuille 88 de la commune de Genève à l’adresse 11, rue Boissonnas. Le projet prévoyait la construction de trois couverts à voiture à côté du garage existant. Le préavis de la Ville de Genève était sans objection et ceux de la FTI et de la direction de l’aménagement du territoire favorables.

b. Le 21 juin 2005, a été délivrée, en procédure accélérée, une autorisation de transformation sur la parcelle 2899, feuille 88 de la commune de Genève à l’adresse 1, rue Viguet (garage Volvo). Les travaux consistaient à modifier une partie de la disposition intérieure des locaux et à ajouter un sas d’entrée. Le préavis de la Ville de Genève était favorable, de même que celui de la direction de l’aménagement du territoire. La FTI s’est déclarée également favorable, mais sous quelques réserves.

c. Le 22 janvier 2007, le DCTI a délivré une autorisation de construire en procédure accélérée à la société Citroën S.A. pour le réaménagement d’un garage avec hall d’exposition et bureaux sur la parcelle n° 3921, feuille 86, de la commune de Genève à l’adresse 27, route des Acacias. Les travaux consistaient en un réaménagement des locaux existants. Le préavis de la Ville de Genève était favorable, à condition qu’une cession au domaine public, consécutive aux travaux d’extension des lignes de tramway, soit effectuée ; celui de la FTI était favorable sous réserves et celui de la direction de l’aménagement du territoire favorable.

15. L'étude d'aménagement prévoit différentes zones constructibles, celles d’activité, mixte à dominante activités, mixte à dominante logements et celles d’équipements publics. Il indique les lignes de front bâti, les liaisons publiques et les connexions ainsi que les espaces verts et les espaces publics. Il prévoit les bâtiments stables, les projets-clefs et un emplacement possible pour une école.

Dans le périmètre où se situe la parcelle litigieuse, il est prévu une zone constructible mixte à dominante logements. Les constructions du périmètre Praille-Acacias-Vernets pourront atteindre une hauteur de 24 mètres plus attique, équivalent à un déclassement de la zone industrielle en zone 2. Ponctuellement, il est prévu que certains bâtiments culminent plus haut. La rue François-Dussaud est appelée à devenir l’axe principal du périmètre Acacias-Vernets.


EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La seule question litigieuse est celle de la réalisation des conditions du refus conservatoire de l’autorisation de construire sollicitée, tel que prévues par l’article 13B LaLAT.

3. Le refus conservatoire constitue une mesure provisionnelle individuelle tendant à protéger un processus de révision des plans d’affectations en paralysant l’application du plan en vigueur par l’effet anticipé du plan en gestation. La mesure assure le travail de révision contre les risques représentés par les projets de construction soumis à autorisation qui pourraient le menacer. Le refus vise à maintenir la liberté d’action de l’autorité chargée de l’établissement du plan d’affectation, comme le fait la mesure générale de la zone protégée, prévue à l’article 27 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700 ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, 23 éd., Berne 1994 p. 180ss; M. BIANCHI, la révision du plan d’affectation communal, Lausanne 1990, p. 180-183. A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 151).

4. a. A Genève, lorsque l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan d’affectation du sol paraît nécessaire, à l’effet de prévenir une construction qui serait de nature à compromettre des objectifs d’urbanisme ou la réalisation d’équipements publics, le DCTI peut refuser une autorisation de construire sollicitée. Il ne peut s’écouler plus de deux années entre la décision de refus et l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan d’affectation du sol, la mise à l’enquête du projet devant intervenir dans les douze mois à compter de la décision de refus. A défaut, le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain, dans les limites des lois ou plans d’affectation du sol en vigueur (art. 13B al. 1 et 2 LaLAT).

b. Cette disposition légale est entrée en vigueur le 29 mai 2004. Elle a remplacé d’anciens articles prévoyant des mesures conservatoires en vue de l’adoption d’un plan de zone, d’un plan localisé de quartier en zone de développement et d’un plan localisé de quartier en zone ordinaire ainsi que l’interdiction provisoire de morcellement, figurant dans différentes lois. La modification a pour but d’inscrire une seule et unique disposition relative aux mesures conservatoires prises dans l’attente de l’adoption d’un plan d’affectation spécial visé par l’article 13 LaLAT. Cette disposition reprend en substance le contenu des différentes dispositions existantes, dont notamment l’article 17 aLaLAT et d’harmoniser ces différentes mesures.

Le Conseil d’Etat, auteur du projet de loi, exposait que l’aspect « statique » des plans d’affectation du sol était de manière générale bien réglé par le droit genevois. Il n’en allait pas de même pour les mesures conservatoires qui permettaient de « geler » provisoirement le statut d’un terrain en vue d’adapter la planification du sol permettant de « légaliser » un objectif d’urbanisme ou de protection du patrimoine.

Ces mesures étaient indispensables en vue de rendre effectives les décisions des autorités tendant à une meilleure utilisation du sol. A défaut, des propriétaires pourraient être tentés, dès l’annonce desdits objectifs d’urbanisme, de prendre les autorités de vitesse en faisant adopter au plus vite des projets qui ne seraient peut-être plus compatibles avec la nouvelle réglementation projetée. L’engagement d’une procédure d’adoption ou de modification d’un plan d’affectation du sol à cette fin serait annihilée de facto et la conduite de toute politique d’aménagement du territoire serait tout simplement impossible (MGC 2000/XI p. 10222-10223).

c. Le tribunal de céans a déjà été amené à préciser, sous l’empire de l’ancien article 17 aLaLAT que cette disposition ne supposait pas que le processus législatif soit déjà engagé. Il suffisait, d’après le texte légal, qu’une modification du régime des zones paraisse nécessaire. Dès cette nécessité constatée, et sans qu’il soit besoin que les intentions se soient déjà concrétisées dans un texte, une intervention était possible sur la base du refus conservatoire (ATA/323/2001 du 15 mai 2001).

5. a. L'étude d'aménagement définit des objectifs d’urbanisme pour le périmètre concerné. Il ne s’agit pas, comme l’a retenu la CCRC, d’un plan d’affectation du sol au sens de la LaLAT, mais bien d'un outil d'urbanisme définissant des objectifs à long terme. En revanche, contrairement à ce qu’a retenu la CCRC, l’application de l’article 13B LaLAT ne nécessite pas l’existence d’un plan d’affectation, mais uniquement son projet lié à des objectifs d’urbanisme.

En l’espèce, le mandat d’étude concrétisé par l'étude d'aménagement vise à densifier le quartier dans lequel se situe la parcelle concernée. Son exécution nécessitera bien évidemment la modification des plans d’affectation. Cependant, il fixe déjà des objectifs d’urbanisme et représente un premier pas en vue de l’adoption de plans d’affectation touchant la parcelle concernée. En conséquence, la première condition de l’article 13B LaLAT est remplie, de sorte que le recours sera admis sur ce point, la CCRC ayant retenu à tort que l’article 13B ne pouvait trouver application.

6. Reste à déterminer si les constructions projetées sont de nature à compromettre les objectifs d’urbanisme au sens de l’article 13B LaLAT.

Le projet litigieux porte sur la construction de deux halles d’exposition de véhicules ainsi que sur l’aménagement de locaux de vente et d’un parking.

a. Comme il a été exposé ci-dessus, l’objectif poursuivi par un refus conservatoire est de protéger la liberté dont dispose l’auteur de la révision du plan d’affection. A ce stade, les choix définitifs ne sont pas faits, puisque le plan d’affectation révisé n’a pas été adopté.

Selon la doctrine, il suffit qu’un risque soit établi sur l’existence d’une entrave à la planification et, en cas de doute, celui-ci doit profiter à l’autorité qui a pris la mesure (M. BIANCHI, op. cit., p. 189-190 et auteurs cités). La preuve d’un préjudice ou d’une entrave sera moins facilement acceptée lorsque le projet de construction porte sur une transformation ou un changement d’affectation que sur une construction nouvelle (M. BIANCHI, op. cit. p. 189). Le tribunal de céans a déjà retenu qu’il suffisait que la construction envisagée paraisse de nature à contrecarrer les objectifs visés (ATA/323/2001 déjà cité).

b. La recourante soutient qu’à l’issue de la phase d’instruction de sa requête, après les modifications apportées suites au différents préavis, le projet de construction ne contrevient pas aux objectifs d’aménagements tels qu’ils ressortent de l'étude d'aménagement. Elle estime s’être conformée aux différents préavis recueillis.

Or, il ressort clairement du préavis de la direction de l’aménagement du territoire auquel renvoie la décision de refus que, dans l’optique de la densification du périmètre concerné, seul pourrait être agréé un projet dans lequel les activités de vente de voitures et donc des halles d’exposition seraient délocalisées.

En l’espèce, au vu de ce qui précède, il faut considérer que la possibilité de mettre en œuvre la densification et la mixité prévues par l'étude d'aménagement dans le secteur incluant la parcelle litigieuse est susceptible d’être compromise par le projet de construire de nouvelles halles d’exposition, celles-ci limitant clairement le choix laissé aux concepteurs du futur plan d’affectation.

En conséquence, les conditions d’application de l’article 13B doivent être considérées comme remplies et c’est à juste titre que le DCTI a refusé l’autorisation de construire.

7. Finalement, s’agissant du principe de l’égalité de traitement invoqué par Emil Frey S.A. à l’égard de la décision de refus, le principe exige que ce qui est semblable soit traité de manière identique et que des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances ne soient pas omises.

A cet égard, il suffit de constater que deux des autorisations, dont se prévaut l’intimée, ont été délivrées près de deux ans avant le refus conservatoire litigieux Ce délai correspond à la durée maximale de l’effet d’un tel refus (art. 13B LaLAT). Elles ne peuvent donc être considérées comme comparables. La troisième, délivrée deux mois avant le refus, n’autorise qu’un réaménagement de locaux existants et non une construction nouvelle. Là également, la situation n’est pas identique sur un aspect essentiel. Partant, ce grief ne saurait être retenu.

8. Bien fondé, le recours du DCTI sera admis et la décision de la CCRC annulée.

Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge d’Emil Frey S.A., qui succombe (art. 87 LPA). Vu la qualité de la recourante, il ne lui sera pas alloué d’indemnité.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 août 2007 par le département des constructions et des technologies de l’information contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 2 juillet 2007 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions ;

met à la charge d’Emil Frey S.A. un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au département des constructions et des technologies de l’information, ainsi qu’à Me Bruno Mégevand, avocat d’Emil Frey S.A., et à la commission cantonale de recours en matière de constructions.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :