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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2007/2021

ATA/142/2023 du 14.02.2023 sur JTAPI/665/2022 ( AMENAG ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 22.03.2023, rendu le 22.08.2023, IRRECEVABLE, 1C_145/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2007/2021-AMENAG ATA/142/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 février 2023

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Marc Balavoine, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCEV

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 juin 2022 (JTAPI/665/2022)


EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______ ou la société) est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce du canton de Genève, qui a son siège à Carouge et pour but statutaire notamment l’exploitation et la gestion de centres de tri de déchets et la valorisation ou le recyclage de tout type de déchets.

Trois centres de tri et de recyclage des déchets à Genève sont exploités par cette société, plus précisément à la Praille, Satigny et Corsier.

2) Le 14 juin 2004, A______ s’est vu délivrer par le département de l’intérieur, de l’agriculture, de l’environnement et de l’énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : le département), l’autorisation d’exploiter n° 1______ concernant le centre de tri de déchets à la Praille.

3) Depuis 2011, A______ est au bénéfice de l’autorisation d’exploiter n° 2______ délivrée par le département concernant le site de tri de déchets de Satigny.

4) Le 6 septembre 2016, A______ a déposé une requête en autorisation d’exploiter une installation d’élimination des déchets auprès du service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) afin de développer un centre de tri de haute performance. Il est indiqué sous rubrique 3.4 « Filière d’élimination des sous-produits, incinérables : UTVD Cheneviers ».

5) Le 19 juin 2017, à la suite de divers compléments et adaptations demandés notamment par le service de l’environnement et des risques majeurs (ci-après : SERMA), la société a déposé une nouvelle requête en autorisation d’exploiter une installation d’élimination des déchets. La rubrique 3.4 est identique en ce qui concerne l’élimination des incinérables.

6) En parallèle à ces démarches, la société a déposé une demande d’autorisation de construire une halle de tri de déchets sur son site à Satigny, enregistrée sous n° DD 3______.

7) Le 19 juin 2017, A______ a signé et produit un document établi par CSD Ingénieurs SA (ci-après : CSD), intitulé « Règlement d’exploitation – pièce n° 3 de la demande d’autorisation d’exploiter ».

8) Le 21 juin 2017, un rapport d’impact sur l’environnement a été déposé par l’intermédiaire de CSD.

Le point 4.2 dudit rapport, concernant la nature et les quantités de déchets réceptionnés fait référence au « Tableau 1 » dudit rapport, lequel indique les différentes catégories et quantités de déchets dont la prise en charge est prévue sur la plateforme de Satigny, après mise en exploitation de la halle de tri. Il en ressort que les déchets industriels à trier, les déchets urbains d’entreprise ainsi que les déchets de chantier non triés font partie de la catégorie des incinérables, dont la destination finale est l’usine de valorisation et de traitement des déchets (ci-après : UTVD ou usine) des Cheneviers.

9) Le 31 janvier 2018, la direction générale de l’environnement (ci-après : DGE), devenue l’office cantonal de l’environnement (ci-après : OCE) a délivré à A______ les autorisations sollicitées, de construire (DD 3______) et d’exploiter une installation d’élimination des déchets (n° 4______). Cette dernière autorisation annulait celle d’exploiter n° 2______.

Sous ch. 3 en droit, il est spécifié que les conditions et charges contenues dans le rapport d’impact sur l’environnement du 21 juin 2017 précité « peuvent ainsi » être complétées dans la présente décision.

Le point 3 du dispositif de cette décision comportant 18 points indiquait que « l’installation comprend les équipements et fonctionne de la manière décrite dans le dossier de requête en autorisation du 21 juin 2017 (sic) ».

10) Par courrier au département du 12 novembre 2019, les services industriels de Genève (ci après : SIG) ont fait état, parmi d’autres non conformités, de difficultés rencontrées avec A______. Depuis le début de l’année 2019, les approvisionnements de déchets incinérables, hors bois usagé, en provenance de ses sites, avaient baissé de manière considérable. Il leur semblait évident qu’une telle baisse ne pouvait avoir comme explication que le fait qu’une part importante des déchets incinérables suivait une autre filière que l’usine des Cheneviers.

11) Le 22 novembre 2019, une séance s’est tenue dans les locaux des SIG à la demande de A______. Dans un courrier que cette dernière a adressé le 19 décembre 2022 aux SIG, elle a relevé que ces derniers l’avaient alertée, lors de ladite séance, sur la baisse importante de ses apports de fractions incinérables à l’usine des Cheneviers.

12) Par courrier du 17 décembre 2019, le GESDEC a informé A______ du constat, lors de contrôles de livraisons effectués à l’usine des Cheneviers, d’une baisse significative des déchets incinérables livrés par ses centres de tri depuis le début de l’année 2019. Le respect de la zone d’apport des Cheneviers pour les déchets incinérables de A______ était une charge liée à ses autorisations d’exploiter. En cas de non-respect de ces autorisations, la loi permettait le retrait de ces dernières ainsi que le prononcé d’une amende administrative.

L’usine des Cheneviers avait informé l’autorité de l’augmentation significative des déchets livrés par A______ au tarif « code 40 », ainsi que de la qualité insuffisante de ceux-ci. Le recours au tarif préférentiel appelé « code 40 » ne s’appliquait qu’à des déchets triés dont la qualité était jugée suffisante. Dans ce cadre, les SIG effectuaient des contrôles de livraison et déclassaient chaque livraison non conforme systématiquement en « code 10 ». Dans le cas où les livraisons non conformes persistaient, la sanction, outre une amende, pouvait être la décision d’interdire de livrer des déchets au tarif « code 40 » durant une période déterminée.

13) À la suite de ce courrier, A______ a échangé une correspondance avec le GESDEC pendant l’année 2020, tous deux persistant dans leurs positions respectives, A______ affirmant qu’elle respectait son autorisation d’exploiter.

Le 25 février 2020, A______ a produit, à la demande du GESDEC, une clé USB contenant un fichier Excel sous forme de tableaux récapitulant toutes les entrées de déchets pour les six mois précédents dans ses centres de la Praille et de Satigny.

14) Par courrier du 6 octobre 2020, le GESDEC a informé A______ de son intention de lui infliger une amende administrative au motif qu’elle avait livré des déchets incinérables dans d’autres cantons depuis son centre de Satigny.

Le courrier offrait à A______ la possibilité d’exercer son droit d’être entendue, le GESDEC la sommant de respecter son autorisation d’exploiter, en lui indiquant qu’en cas de récidive, une amende administrative, voire le retrait de l’autorisation d’exploiter pouvaient être prononcés.

15) Le 30 novembre 2020, en réponse à deux courriers de A______ faisant part de son incompréhension quant à la portée du courrier du 6 octobre 2020, le GESDEC a indiqué qu’il avait effectivement commis une erreur et qu’il s’agissait d’un rappel au respect de l’autorisation d’exploiter n° 4______ et non pas de l’ouverture d’un droit d’être entendu avant le prononcé d’une amende.

16) Le 8 décembre 2020, la société a réitéré qu’elle respectait scrupuleusement les charges de son autorisation d’exploiter.

17) Par courrier du 25 février 2021, le GESDEC a rappelé une nouvelle fois que l’ensemble des déchets incinérables traités par A______ sur le site de Satigny devait être acheminé à l’usine des Cheneviers, ce qui avait été librement décidé et proposé par A______ dans son dossier de requête en autorisation d’exploiter.

À la fin du courrier, le GESDEC a enjoint à A______ de respecter son obligation d’acheminer ses déchets incinérables non urbains aux Cheneviers, précisant que si elle persistait à violer son autorisation, il se réservait le droit de prononcer une ou plusieurs amendes administratives qui tiendraient compte de la récidive au sens de l’art. 43 al. 1 de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) et/ou une potentielle interdiction, sur le site de Satigny, de toute activité générant des déchets incinérables non urbains au sens de l’art. 38 let. d LGD.

18) Le 24 mars 2021, A______ a indiqué avoir pris note de la clôture de la procédure et a relevé qu’après quinze mois d’instruction, le GESDEC n’avait pas été en mesure de donner de la consistance à ses reproches. Elle ne partageait pas l’appréciation de ce dernier concernant l’étendue de la zone d’apport et confirmait le respect des conditions de son autorisation d’exploiter.

19) Par courrier du 31 mars 2021 intitulé « Droit d’être entendu avant amende », le GESDEC, après avoir rappelé les échanges de courriers intervenus depuis 2019, a fait part à A______ de ce qu’il avait à nouveau constaté, le 26 mars 2021, une livraison d’incinérables non urbains à l’usine d’incinération de C______ (ci-après : 1§), à Lausanne.

20) Par courrier du 19 avril 2021, A______ a expliqué ne pas être en mesure de se prononcer sur les faits reprochés. Elle n’avait pas eu accès aux pièces du dossier, en particulier au constat relatif à la livraison du 26 mars 2021 à l’usine C______. Elle invitait donc le GESDEC à lui transmettre tous les éléments justifiant le prononcé d’une amende.

21) Le 7 mai 2021, le GESDEC a adressé une amende administrative au montant de CHF 20'000.- à la société pour « violations répétées de l’autorisation d’exploiter n° 4______ ».

La dernière violation du 26 mars 2021 n’était pas prise en compte. Il était reproché à A______ d’avoir éliminé des déchets incinérables dans d’autres installations que celle prévue par l’autorisation d’exploiter, à savoir l’usine des Cheneviers.

Un émolument de décision de CHF 7'965.- était mis à sa charge.

22) Le 9 juin 2021, la société a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation.

Elle avait fait le choix, jusqu’en 2019, d’acheminer la majeure partie des déchets incinérables issus de ses sites de la Praille et de Satigny à l’usine des Cheneviers, en raison du rabais sur le tarif d’incinération « code 40 » dont elle bénéficiait. Le 12 juillet 2018, les SIG lui avaient toutefois indiqué que ce rabais allait être supprimé dès le 1er septembre 2018. Il avait été accordé jusqu’alors, au vu de la quantité importante de déchets livrés ayant permis aux SIG, de produire une somme d’énergie appréciable. En préparation du chantier des Cheneviers IV, les SIG avaient été forcés d’arrêter une des deux turbines produisant l’énergie électrique, diminuant ainsi le bénéfice obtenu par la valorisation de cette énergie. Ils n’étaient donc plus en mesure de répercuter ce bénéfice sur le tarif de prise en charge des déchets.

A______ avait formé recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), mais les SIG avaient finalement révoqué leur décision, lui permettant ainsi de continuer à bénéficier du rabais « code 40 ». Celui-ci avait toutefois été supprimé en octobre 2019, par le biais d’une modification du règlement sur la gestion des déchets, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, contraignant ainsi la société à rechercher de nouvelles filières d’incinération en raison des tarifs prohibitifs pratiqués par l’usine des Cheneviers. Sans ce rabais, les coûts supplémentaires annuels se chiffraient en plusieurs centaines de milliers de francs.

Ni le droit fédéral, ni le droit cantonal n’imposaient l’usine de Cheneviers comme zone d’apport pour d’autres déchets incinérables que les déchets urbains.

L’autorisation d’exploiter n° 4______ ne pouvait être interprétée comme étant assortie d’une charge qui l’obligerait à livrer tous ses déchets incinérables à l’usine des Cheneviers. Une telle charge ne serait dans tous les cas pas valide sur le plan légal et ne respecterait pas les principes constitutionnels.

L’amende ne reposait sur aucune base légale.

Les principes de l’autorité de chose décidée ainsi que celui de la bonne foi avaient été violés, compte tenu de la décision prise par le GESDEC le 25 février 2021 de clôturer la procédure sans prononcer d’amende.

La décision litigieuse violait le droit d’être entendu, dès lors qu’elle n’avait pas eu accès aux documents relatifs à l’infraction prétendument commise le 26 mars 2021.

Le montant de l’amende était excessif et l’émolument prononcé violait le principe de la couverture des frais et de l’équivalence.

23) Le GESDEC a conclu au rejet du recours.

24) Le 14 décembre 2021, après une réplique de A______ et sa propre duplique, le GESDEC a produit un rapport de surveillance établi le 7 décembre 2019 à la suite d’une filature de poids lourds quittant le site de Satigny, entre les 2 et 6 décembre 2019. Il en résultait le déplacement de plusieurs poids lourds à destination d’usines d’incinération, notamment à Monthey et Bâle.

25) La société a persisté dans ses conclusions.

26) Par jugement du 23 juin 2022, le TAPI a partiellement admis le recours.

Le dossier étant complet, les mesures d’instruction étaient refusées.

La décision litigieuse ne prenant pas en considération la prétendue infraction du 26 mars 2021, le fait que la société n’ait pas eu accès au dossier y relatif ne portait pas à conséquence dans le cadre de la présente procédure. Le grief d’une violation du droit d’être entendu était écarté sous cet angle.

La LGD ne prévoyait pas expressément la possibilité pour l’autorité d’exécution de prononcer un avertissement avant d’infliger une amende et, surtout, ne conditionnait pas une telle sanction au prononcé préalable d’un avertissement. Le courrier du 25 février 2021 correspondant clairement à un avertissement ne pouvait pas être considéré comme une décision sujette à recours. Le grief de la violation de l’autorité de chose décidée était écarté.

S’agissant du principe de la bonne foi, la société n’avait pas allégué avoir pris des dispositions en se fondant sur le courrier du 25 février 2021 et qui lui feraient désormais subir un préjudice en raison de la décision litigieuse. L’une des conditions essentielles pour pouvoir se prévaloir de ce principe faisait donc défaut. A______ avait au contraire maintenu la pratique reprochée par le GESDEC avant le courrier en question.

Le TAPI a procédé à l’analyse de l’obligation de la société d’amener non seulement ses déchets incinérables urbains à l’usine des Cheneviers, mais également ses déchets incinérables non urbains. Cette usine était la zone d’apport obligatoire pour ces derniers tel qu’indiqué dans le plan cantonal de gestion des déchets (ci-après : PGD) ainsi que dans l’autorisation d’exploiter n° 4______. Ladite autorisation impliquait d’amener tous les déchets incinérables à l’usine des Cheneviers. La société avait perdu de vue que son autorisation d’exploiter, ainsi que la clause qui, selon l’autorité intimée, devait être interprétée comme obligeant la recourante à acheminer ses déchets aux Cheneviers était entrée en force de chose décidée, faute d’avoir fait l’objet d’un recours lors de sa délivrance. L’autorisation d’exploiter assortie de la charge litigieuse avait été délivrée par l’autorité compétente et cette charge ne sortait pas du domaine de compétence générale de l’autorité.

Le point 3 du dispositif de l’autorisation d’exploiter, contenant une erreur de plume, devait être compris comme renvoyant à la requête en autorisation du 6 septembre 2016, laquelle avait donné lieu à la constitution d’un dossier qui contenait notamment le rapport d’impact sur l’environnement du 21 juin 2017 établi par le CSD. Il ressortait de la partie en droit de cette autorisation que les conditions et charges contenues dans le rapport d’impact sur l’environnement pouvaient être complétées dans ladite autorisation. Ainsi, le point 3 du dispositif de cette autorisation d’exploiter conditionnait valablement cette dernière au respect du fonctionnement de l’installation de tri dans toutes ses dimensions. Il ressortait sans ambiguïté du formulaire de requête d’autorisation lui-même ainsi que du rapport d’impact sur l’environnement qu’il n’existait pour les déchets incinérables, indépendamment du type de déchets dont il s’agissait, qu’une seule destination d’incinération, à savoir l’usine des Cheneviers. Ces documents faisaient en réalité une distinction entre l’élimination des déchets par incinération, qui avait lieu uniquement aux Cheneviers, et les autres filières. Il existait ainsi bien une obligation juridique que la recourante était tenue de respecter.

A______ l’avait admis à demi-mot, dès lors qu’elle avait elle-même soutenu avoir acheminé ses déchets incinérables à l’usine des Cheneviers à une époque où elle bénéficiait d’un tarif préférentiel. Le fait que les conditions financières de son exploitation avaient changé ne la dispensait pas du respect de l’autorisation y relative, mais pouvait tout au plus justifier de tenter de renégocier les conditions de l’autorisation.

La jurisprudence rendue en matière d’amendes administratives confirmait sur le principe qu’une telle amende pouvait être prononcée en contrepartie de la violation d’une décision ou d’une autorisation, quand bien même la loi était libellée exactement dans les mêmes termes que les art. 18 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE – K 1 70) et 43 LGD, sur lesquels s’était basée l’autorité intimée pour rendre sa décision.

L’autorité intimée qui avait eu connaissance des agissements illégaux de la société en 2019 déjà, soit à peine une année après la délivrance de l’autorisation de construire, aurait pu la sanctionner plus rapidement, de manière à ce que celle-ci se retrouve réellement en situation de récidive en cas de nouvelle infraction, permettant ainsi de prononcer une amende d’un montant plus élevé. Il convenait donc de prendre en compte l’absence d’agissements de la part de l’autorité intimée et de ramener le montant de l’amende à CHF 10'000.-.

Il n’y avait pas lieu de revoir le montant de l’émolument de CHF 7'965.-.

27) Le 29 août 2022, A______ a formé recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant principalement à son annulation. Subsidiairement, elle demandait le renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

En addition aux arguments soulevés devant le TAPI, la recourante a relevé ce qui suit.

Le TAPI avait l’air de méconnaître la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle le droit de consulter le dossier devait aussi pouvoir s’exercer lorsque les pièces du dossier, à l’instar des documents relatifs la violation du 26 mars 2021, n’étaient pas de nature à influencer la décision à rendre. Par ailleurs, la décision du GESDEC se fondait principalement sur la dénonciation des SIG à laquelle elle n’avait pas eu accès.

Le principe de la bonne foi ne pouvait entrer en ligne de compte s’agissant du courrier du 25 février 2021 puisque son contenu n’apparaissait aucunement erroné.

Le plan de gestion des déchets 2014-2017 adopté le 25 mars 2015 prévoyait une zone d’apport en faveur de l’usine des Cheneviers uniquement pour les déchets urbains. Pour les autres déchets, il n’y avait pas de zone d’apport.

Quand bien même une modification du PGD avait été adoptée, cette dernière aurait dû faire l’objet d’une publication pour être valable et opposable aux administrés. Surtout, la zone d’apport en vigueur au moment de la décision du GESDEC du 7 mai 2021 n’obligeait pas la recourante à remettre l’intégralité de ses déchets issus de ses centres de tri à l’usine des Cheneviers, mais bien uniquement les déchets urbains.

Le nouvel argument de l’autorité intimée selon lequel tous les déchets issus du centre de tri de Satigny devaient être considérés comme urbains en raison de leur prétendu mélange ne reposait sur aucune constatation de fait. Or, elle séparait les déchets urbains des autres sur son site de Satigny et les traitait de manière distincte. Même à supposer que les déchets fussent mélangés, l’intimé n’expliquait pas pour quels motifs tous les déchets devraient être qualifiés de déchets urbains et non d’autres déchets.

Aucun élément de la procédure ne permettait de démontrer qu’elle aurait violé la zone d’apport. Elle avait uniquement acheminé dans d’autres exutoires des déchets non soumis à la zone d’apport des Cheneviers. Une telle livraison de déchets non urbains à d’autres incinérateurs n’était en aucun cas contraire à l’autorisation d’exploiter n° 4______, dès lors que cette dernière ne contenait aucune charge à cet égard.

Le TAPI avait interprété de manière trop extensive le point 3 du dispositif de l’autorisation d’exploiter en comprenant qu’il renvoyait à la requête en autorisation du 6 septembre 2016. La simple mention dans un tableau figurant dans le rapport d’impact du 21 juin 2017 que les déchets incinérables seraient acheminés à l’exutoire des Cheneviers n’équivalait pas à une charge.

Ce même rapport d’impact du 21 juin 2017 mentionnait expressément que « [la] zone d’apport qui s’applique à la fraction incinérable des déchets urbains (déchets encombrants communaux et déchets urbains d’entreprises de moins de 250 postes selon l’ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets du 4 décembre 2015 [OLED - 814.600]) et des déchets de chantier est respectée puisque le résidu de tri de cette fraction sera intégralement acheminé à l’usine de valorisation et de traitement des déchets UTVD des Cheneviers », ce qui démontrait que seuls les déchets urbains étaient concernés par cette zone d’apport.

En tous les cas, quand bien même une telle charge existerait, elle ne serait pas valable, faute de reposer sur une base légale. Contrairement à ce que soutenait le GESDEC, le fait qu’une autorisation d’exploiter devait être délivrée à un administré ne signifiait pas que des charges puissent être imposées de façon discrétionnaire. Une clause accessoire ne pouvait être inscrite dans une décision que si la loi le permettait. L’intimé disposait effectivement d’une marge de manœuvre concernant l’octroi d’une autorisation pour une installation d’élimination des déchets urbains soumis à la clause du besoin, mais pas concernant l’octroi d’une autorisation pour une installation d’élimination de déchets non urbains (ou autres déchets). La charge assortie à l’autorisation d’exploiter sortait du domaine de compétence de l’intimé. En raison de cette incompétence matérielle, la nullité devait pouvoir être soulevée en tout temps. L’autorisation d’exploiter le centre de Satigny n° 4______ devait être qualifiée d’autorisation de police en ce qui concernait l’autorisation de traiter des autres déchets. Une base légale pour instaurer un monopole concernant les autres déchets n’existait pas, l’art. 31c de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - 814.01) prévoyant au contraire que ceux-ci devaient être éliminés par leur détenteur.

Ainsi, une telle charge violerait le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Elle serait également contraire au principe d’égalité de traitement et poserait des problèmes de concurrence, dès lors qu’il était inadmissible qu’elle soit tenue d’acheminer l’intégralité de ses déchets à l’usine des Cheneviers alors que les détenteurs d’autres déchets, tout comme les centres de tri dont l’autorisation ne comprenait pas une telle charge, étaient libres de les acheminer à d’autres incinérateurs. Cette charge violerait également le principe de la proportionnalité, dès lors qu’une mesure moins incisive aurait pu être prise, telle que l’obligation de livrer à l’usine des Cheneviers une partie seulement de ses autres déchets. Elle ne suivait pas non plus un intérêt public, l’impact environnemental ne pouvant être considéré comme tel, vu l’autorisation accordée à d’autres centres de tri d’acheminer leurs autres déchets à d’autres incinérateurs.

Les art. 18 LaLPE et 43 al. 1 LGD ne prévoyaient pas qu’en cas de violation de l’autorisation, l’exploitant s’exposait à une amende. Le TAPI avait affirmé que de larges parties de la jurisprudence en matière d’amendes administratives confirmaient sur le principe qu’une telle amende pouvait être prononcée en contrepartie de la violation d’une décision ou d’une autorisation, quand bien même la loi était libellée exactement dans les mêmes termes que les art. 18 al. 1 LaLPE et 43 LGD, sans toutefois citer de jurisprudence.

S’agissant de l’émolument, le TAPI avait perdu de vue que l’intimé avait précisément renoncé, par décision de clôture du 25 février 2021, à en réclamer un de la part de la recourante pour les interventions dans la première procédure. L’intimé ne pouvait dès lors pas revenir sur ce qu’il avait décidé pour soudainement réclamer un montant de CHF 7'965.- pour ces mêmes interventions. Le TAPI avait considéré l’émolument en cause comme conforme aux principes de couverture des frais et d’équivalence, sans en expliquer les motifs.

Le TAPI semblait ignorer que sa capacité financière était sans pertinence pour le fixer. Les taux horaires que l’intimé faisait valoir, à savoir cinq heures de travail d’un inspecteur cantonal à CHF 135.-/h., 62h de travail d’un ingénieur à CHF 115.-/h et deux heures de secrétariat à CHF 80.-/h, ne correspondaient pas aux coûts effectifs. Le courrier de « droit d’être entendu » figurant dans les détails des prestations avait été retiré de la procédure à l’initiative du GESDEC, de sorte qu’il n’était pas possible pour l’intimé de réclamer un émolument pour ce poste. L’émolument semblait servir en réalité à couvrir les frais excessifs engagés avant de rendre la décision du 7 mai 2021.

28) Dans sa réponse du 21 novembre (recte : octobre) 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours.

Le comportement reproché à la recourante n’était pas relatif à quelques dates précises, mais à des violations systématiques, structurelles, et non accidentelles. Elle avait largement pu s’exprimer sur les violations reprochées, notamment en dates des 31 mars, 9 octobre, 10 novembre, 8 décembre et 19 avril 2021 de même que devant les SIG lors de la séance du 22 novembre 2019. La violation du 26 mars 2021 n’était en aucun cas un fait unique et nouveau qui lui serait inconnu, étant rappelé qu’elle n’avait pas été prise en compte dans la décision querellée. La violation du droit d’être entendue alléguée, « de deux jours », à savoir entre le 7 avril 2021, date à laquelle elle avait reçu le courrier du 31 mars 2021 lui impartissant un délai au 9 avril 2021 pour se déterminer avant le prononcé d’une amende, ainsi que le défaut d’accès aux documents relatifs à la plainte des SIG, pouvaient être facilement réparés par le recours.

La recourante n’avait pris aucune disposition et n’avait subi aucun préjudice à la suite du courrier du 25 février 2021 et avait au contraire maintenu sa pratique. Le GESDEC n’avait jamais écrit ou laissé entendre qu’il renonçait à une amende. Il avait seulement laissé une dernière chance à la recourante de se conformer à son autorisation d’exploiter, ce qu’elle n’a pas fait. Il n’y avait donc aucune violation des principes de l’autorité de la chose décidée et de la bonne foi.

Le mélange des déchets incinérables urbains avec les déchets incinérables non urbains dans le centre de tri de Satigny avait pour conséquence que des déchets incinérables urbains étaient présents dans tous les déchets incinérables issus du tri, rendant ainsi obligatoire leur acheminement aux Cheneviers, zone d’apport indiscutable des déchets incinérables urbains et prévue dans le PGD du canton depuis au moins 2003. La recourante avait avoué ne pas acheminer de manière systématique tous ses déchets incinérables à l’usine des Cheneviers, alors que la conformité au PGD était une obligation clé pour obtenir une autorisation et que la recourante indiquait depuis 2004 dans toutes ses études d’impact que les déchets incinérables urbains et non urbains devaient être acheminés aux Cheneviers. Cette obligation ressortait par ailleurs très clairement de ses requêtes ainsi que des autorisations d’exploiter.

Notamment, le point 3 du dispositif de l’autorisation d’exploiter n° 4______ mentionnait le fait que l’installation comprenait les équipements et fonctionnait de la manière décrite dans le dossier de requête en autorisation du 21 juin 2017, comprenant divers documents désignant tous l’acheminement à l’usine des Cheneviers pour tous les déchets incinérables. La requête du 19 juin 2017 indiquait précisément en page 4, dans un tableau, que pour la catégorie des déchets incinérables, la destination était l’usine des Cheneviers. Les « inertes, les déchets spéciaux, la valorisation matière, la ferraille et les matériaux fins issus du tri » n’avaient pas de destination spécifique. Selon le tableau 1 du rapport d’impact sur l’environnement, auquel renvoyait également l’autorisation d’exploiter, l’usine des Cheneviers était désignée pour les incinérables des déchets industriels à trier, des déchets de chantier à trier et des déchets industriels urbains des entreprises.

Si la destination indiquée dans le dossier de requête n’avait pas été les Cheneviers, le département n’aurait pas pu autoriser l’installation, dès lors que le PGD devait être respecté au sens des art. 19 et 20 LGD et que les déchets incinérables de la recourante étaient mélangés.

Alors qu’il aurait pu imposer cette zone d’apport sans base légale expresse, le département avait simplement accepté la clause inscrite dans le dossier de requête de la recourante. L’octroi d’une décision positive reposant sur un libre pouvoir d’appréciation, l’administration pouvait y adjoindre des clauses sans même être liée par le principe de la légalité. Elle était néanmoins tenue de respecter les principes d’intérêt public et de proportionnalité. La clause accessoire devait en outre se trouver dans un rapport pertinent avec la compétence qu’exerçait l’autorité et avec l’objet principal de la décision, trois conditions qui étaient remplies en l’espèce.

La recourante avait cessé de respecter la zone d’apport des Cheneviers à partir du moment où des contrôles avaient été effectués par les SIG et le GESDEC quant à la qualité des déchets livrés à l’usine des Cheneviers sous le « code 40 ». Lors de ces contrôles, il avait été constaté que la qualité des déchets sortant de ses centres de tri ne permettait pas de justifier l’usage de ce tarif préférentiel.

L’amende administrative prévue à l’art. 43 al. 1 LGD visait à éviter des mesures beaucoup plus incisives, tel que le retrait d’une autorisation d’exploiter. La recourante ayant violé de manière répétée et organisée son autorisation d’exploiter, l’amende infligée était possible. L’amende litigieuse sanctionnant la violation ne sortait ainsi pas du cadre des compétences d’exécution conférées aux cantons par la LPE et satisfaisait au principe de la légalité. Le département aurait pu choisir de retirer l’autorisation d’exploiter de la recourante, mais avait préféré avant cela la rappeler à l’ordre, respectant ainsi le principe de la proportionnalité. L’autorisation d’exploiter, correspondant à une décision avec des obligations dans son dispositif était probablement un ordre. Le département pouvait dans ce cas amender la recourante sur cette base, dès lors que le point 3 du dispositif avait été violé (art. 43 al. 1 let. c LGD).

Le principe de la couverture des coûts n’était pas violé. La recourante avait un intérêt purement financier dans ce dossier. Elle avait en outre la capacité financière de payer une partie des coûts induits par son propre comportement.

29) Dans sa réplique du 12 décembre 2022, A______ a relevé que le TAPI ne s’était pas prononcé sur la zone d’apport, qu’elle avait au demeurant respectée.

Dans tous les cas, le Tribunal fédéral avait retenu dans un arrêt récent, qu’une zone d’apport figurant dans un PGD était dépourvue de tout caractère obligatoire pour les particuliers, raison pour laquelle aucune violation de la zone d’apport ne pouvait être retenue à son encontre.

30) Le département a dupliqué le 23 janvier 2023.

Il a notamment relevé que les sommes économisées par A______ grâce aux violations perpétrées auraient dû conduire au prononcé d’une amende bien plus élevée que CHF 20'000.-. Ce montant avait pour certaines raisons été abaissé. Cependant, les frais administratifs étaient restés les mêmes et étaient notamment dus aux nombreuses contestations de la société qui l’avaient conduit à devoir irrémédiablement prouver la sortie du canton des déchets incinérables. Le montant de l’émolument ne tenait pas même compte du coût du détective ni des frais du service juridique de l’OCEV. Si la chambre administrative venait à modifier des frais, il se réservait de revoir les coûts imputés et de produire les documents y relatifs.

31) Dans une ultime et brève écriture du 27 janvier 2023, A______ a attiré l’attention de la chambre administrative sur la teneur du nouvel art. 52 al. 1 let. c LGD, promulgué le 22 décembre 2022 qui, contrairement à la LGD en vigueur, prévoyait expressément la possibilité de prononcer une amende de CHF 50.- à CHF 400'000.- pour tout contrevenant aux obligations contenues dans son autorisation ou sa concession. Ceci confirmait que l’amende querellée lui avait été infligée en violation du principe de la légalité.

32) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI du 23 juin 2022 qui a ramené à CHF 10'000.- l’amende infligée à la recourante et a confirmé l’émolument de CHF 7'965.-.

3) Dans un premier grief, la recourante fait valoir que l’autorité intimée aurait violé son droit d’être entendue avant que la décision litigieuse ne soit rendue, faute de lui avoir transmis le constat du 26 mars 2021, ainsi que la dénonciation des SIG du 12 novembre 2019. Les premiers juges auraient aussi rejeté à tort ce grief pour le seul motif que la décision du GESDEC du 7 mai 2021 indiquait expressément ne pas prendre en compte la prétendue infraction du 26 mars 2021.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier et de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 et les références citées).

b. Le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 132 II 485 consid. 3.2). Le principe de l'accès au dossier figure à l'art. 44 LPA, alors que les restrictions sont traitées à l'art. 45 LPA. Ces dispositions n'offrent pas de garantie plus étendue que l'art. 29 al. 2 Cst. (ATA/651/2020 du 7 juillet 2020 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 145 n. 553).

Dans ce contexte, le droit de consulter le dossier doit aussi pouvoir s'exercer lorsque les pièces du dossier ne sont pas de nature à influencer la décision à rendre. Il ne suffit donc pas, pour refuser la consultation d'un acte dans une procédure déterminée, de déclarer que le document en cause est sans importance pour l'issue de la procédure. Il faut plutôt laisser à la partie qui en demande la consultation de juger elle-même de la pertinence de cet acte (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 144-145 n. 553 et l'arrêt cité). Le dossier doit être complet et l'administré dispose du droit d'avoir accès à tous les éléments de celui-ci, même si ceux-ci ne sont visés ni dans la décision dont est recours, ni dans les écritures de l'administration (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, op. cit., p. 145 n. 556 et l'arrêt cité).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 p. 226). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c et les arrêts cités).

c. En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5).

d. En l’espèce, il ressort du dossier que l’infraction du 26 mars 2021 n’a pas été prise en compte par l’autorité intimée dans la décision querellée, de sorte qu’il n’est pas pertinent que la recourante n’en aurait pas eu connaissance avant le prononcé de la décision litigieuse. Au demeurant, ce constat a été produit par l’autorité intimée devant le TAPI.

Il en est de même de la dénonciation des SIG du 12 novembre 2019. En tout état, il sera relevé que la recourante a eu connaissance du constat des SIG, d’une baisse considérable d’apport de ses déchets depuis le début de l’année 2019, à l’usine des Cheneviers, d’où des soupçons qu’elle les faisait éliminer ailleurs, au plus tard lors de la séance du 22 novembre 2019, tenue à sa demande. Il ressort d’ailleurs expressément du courrier qu’elle a transmis aux SIG à la suite de cette séance, le 9 décembre 2019, qu’elle avait à cette occasion été alertée sur cette problématique.

Ainsi, la recourante connaissait déjà depuis la fin de l’année 2019 la position des SIG telle que dénoncée au département et a eu accès lors de la procédure devant le TAPI au document des SIG du 12 novembre 2019. Elle a pu s’exprimer quant à son contenu tant devant le TAPI que devant la chambre de céans, à plusieurs reprises.

Le grief d’une violation du droit d’être entendu sera donc rejeté.

4) Selon la recourante, le TAPI aurait rejeté à tort les griefs de la violation de l’autorité de chose décidée et du principe de la bonne foi en considérant que le courrier du 25 février 2021 ne constituerait pas une décision.

a. Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem est un corollaire de l'autorité de chose jugée, appartenant avant tout au droit pénal fédéral matériel. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_539/2020 du 28 décembre 2020 consid. 4.1 ; 2C_226/2018 du 9 juillet 2018 consid. 5.1). La référence à ce principe n'est d'aucune pertinence lorsque le recourant n'a pas subi deux sanctions disciplinaires à raison des mêmes faits (arrêt du Tribunal fédéral 2P.56/2004 du 4 novembre 2004 consid. 3.6), mais l'est dans le cas contraire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., n. 1206).

b. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1 ; ATA/393/2018 du 24 avril 2018 consid. 6b). Ne peut prétendre à être traité conformément aux règles de la bonne foi que celui qui n'a pas lui-même violé ce principe de manière significative. On ne saurait ainsi admettre, dans le cas d'espèce, de se prévaloir de son propre comportement déloyal et contradictoire (arrêt du Tribunal fédéral 2A.52/2003 du 23 janvier 2004 consid. 5.2, traduit in RDAF 2005 II 109 ss, spéc. 120 ; ATA/112/2018 du 6 février 2018 consid. 4 ; ATA/1004/2015 du 29 septembre 2015 consid. 6d ; Thierry TANQUEREL, op. cit., 2018, n. 580).

c. Au sens de l'art. 4 al. 1 LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

Pour qu'un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n'est pas la forme de l'acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3d ; ATA/657/2018 du 26 juin 2018 consid. 3b et les arrêts cités).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA – RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l'adoption n'ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 ; 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; ATA/1199/2019 du 30 juillet 2019 consid. 4b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 279 ss n. 783 ss). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu'elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l'adoption d'une mesure plus restrictive à l'égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement ne possède pas un tel caractère, il n'est pas sujet à recours (ATA/715/2014 du 9 septembre 2014 ; ATA/537/2014 du 17 juillet 2014 ; ATA/104/2013 du 19 février 2013).

Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 1ère phr. LPA). Elles peuvent être notifiées par voie électronique aux parties qui ont expressément accepté cette forme de communication (art. 46 al. 2 2ème phr. LPA).

d. L’art. 43 al. 1 LGD, sous le titre « Sanctions », prévoit qu’est passible d’une amende de CHF 200.- à CHF 400'000.-, tout contrevenant à la présente loi (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b) et aux ordres donnés par l’autorité compétente dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). La teneur de l’art. 18 al. 1 LaLPE est quasiment identique.

e. L’art. 52 al. 1 let. c de la nouvelle loi sur la gestion des déchets du 2 septembre 2022, qui n’est pas encore en vigueur, prévoit qu’est passible d’une amende administrative de CHF 50.- à CHF 400'000.- tout contrevenant aux obligations contenues dans son autorisation ou sa concession.

5) En l’espèce, le courrier de l’intimé du 25 février 2021 n’est à l’évidence pas une décision. L’autorité se contente d’y sommer la recourante de respecter son obligation d’acheminer ses déchets incinérables à l’usine des Cheneviers, après avoir abordé toutes les dispositions légales et principes applicables pour fonder une telle obligation à la charge de la recourante. Ce courrier mentionne encore qu’en cas de persistance de la recourante à violer son autorisation, le département se réservait le droit de prononcer une ou plusieurs amendes administratives, tenant compte de la récidive, voire une interdiction d’exploiter. Elle n’indique ainsi en aucun cas clôturer une quelconque procédure. Son courrier a plutôt la portée d’un avertissement, quand bien même l’art. 43 al. 1 LGD ne prévoit ni la possibilité ni l’obligation pour l’autorité d’exécution de la loi de prononcer un avertissement avant d’infliger une amende.

Dès lors qu’un tel avertissement n’est pas obligatoire avant le prononcé d’une amende, c’est à juste titre que le TAPI a retenu que le courrier du 25 février 2021 ne pouvait être considéré comme une décision sujette à recours.

Au vu de ce qui précède, le grief de la violation du principe de la bonne foi peut également être écarté. Contrairement à ce que fait valoir la recourante, l’analyse du TAPI porte sur la conception erronée que se fait celle-ci sur la nature du courrier du 25 février 2021 et sur les droits qu’elle voudrait en tirer, plutôt que sur son contenu. Dans tous les cas, elle n’a pris aucune disposition après la réception de ce courrier susceptible de lui causer un préjudice. Elle a au contraire persisté à maintenir une pratique qui lui a été reprochée à compter de la fin de l’année 2019.

La décision querellée, du 7 mai 2021 fait suite à de nombreux échanges épistolaires entre l’autorité intimée et la recourante, entre le 6 octobre 2020 et le 19 avril 2021, aux fins de respecter son droit d’être entendue. Comme déjà relevé, il n’était alors pas encore question du rapport de surveillance du 26 mars 2021. En revanche, il ressortait clairement de la position de la recourante dans ses écrits, qui a été la même durant toute la procédure contentieuse, qu’elle contestait fondamentalement violer l’autorisation qui selon elle ne contiendrait pas l’obligation d’éliminer l’intégralité des déchets incinérables dans la seule usine des Cheneviers. L’autorité intimée pouvait partant à juste titre inférer de cette prise de position que la recourante persistait à agir de la sorte, nonobstant le courrier précité du 25 février 2021. Celle-ci n’a d’ailleurs à aucun moment prétendu qu’elle aurait cessé d’agir de la sorte à compter au plus tard de ce courrier.

Dans ces conditions, le principe de l’autorité de la chose jugée n’a pas davantage été violé par l’autorité intimée.

6) Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a retenu que la règle du PGD concernant la zone d’apport était dépourvue de force obligatoire pour les particuliers et n’imposait pas aux entreprises concernées d’adapter directement leur comportement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_240/2022 du 21 novembre 2022 consid. 2.7).

Ainsi, la question de savoir si une zone d’apport pour les déchets non urbains existait à Genève peut souffrir de demeurer indécise au vu de ce qui suit.

7) La recourante soutient que l’autorisation d’exploiter n°4______ n’est assortie d’aucune charge l’obligeant à acheminer l’intégralité de ses déchets incinérables aux Cheneviers. Si une telle charge existait, elle ne serait pas valable.

a. Selon l’art. 30 al. 3 LPE, les déchets doivent être éliminés d’une manière respectueuse de l’environnement. Les détenteurs d’installations d’élimination des déchets doivent exploiter leurs installations de manière que, dans la mesure du possible, il n’en résulte aucune atteinte nuisible ou incommodante pour l’environnement (art. 27 al. 1 let. a OLED). Les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 LPE). Les pollutions atmosphériques et le bruit sont limitées par des mesures prises à la source. Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (art. 11 al. 1 et 2 LPE). Les mesures contre le bruit et la pollution font parties des informations obligatoires pour l’examen d’une autorisation d’exploiter (art. 20 al. 1 et 4 LGD et 40 let. d ch. 5 du règlement d’application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juillet 1999 [RGD - L 1 20.01]).

b. Il ressort des art. 19 ss LGD et 38 ss RGD qu’il n’existe aucun droit à recevoir une autorisation d’exploiter et que l’autorité dispose d’une marge de manœuvre pour en délivrer une ou non. Notamment, il ressort de l’art. 20 al. 1 LGD que la requête en autorisation d’exploiter doit respecter les exigences des législations fédérales et cantonales en matière de protection de l’environnement. Plus précisément, la requête en autorisation d’exploiter doit contenir, sous la rubrique de la description technique du fonctionnement de l’installation, les types et les quantités des déchets collectés ou traités, leur composition, leur provenance et leur destination, ainsi que la destination et l’élimination des sous-produits (art. 40 al. 1 let. d ch. 1 et 6 et art. 39 RGD).

c. L’art. 43 al. 3 RGD énonce expressément que le département peut assortir l’autorisation de charges et conditions relatives à l’exploitation de l’installation. Il ressort également de l’exposé des motifs relatif à l’art. 20 LGD qu’ « une autorisation d’exploiter peut être assortie de charges ou de conditions liées à une exploitation respectueuse de l’environnement » (MGC 1998 49/VII p. 6372, 6397).

d. In casu, l’autorisation d’exploiter n° 4______ du 31 janvier 2018 renvoie expressément, au point 3 de son dispositif, au « dossier de requête en autorisation du 21 juin 2017 » [recte du 6 septembre 2016]. Or, il ressort du point 3.4 de la requête du 6 septembre 2016 que l’usine des Cheneviers est expressément indiquée comme destination finale pour la catégorie de sous-produits « incinérables ».

Dans sa partie en droit, sous le titre « En l’espèce », ladite autorisation retient par ailleurs, au point 3, que « le 24 octobre 2017, le SERMA a préavisé le dossier favorablement sous conditions ; les conditions et charges contenues dans le rapport d’impact sur l’environnement daté du 21 juin 2017 peuvent ainsi être complétées dans la présente décision ». Autrement dit, l’autorisation d’exploiter intègre les charges et conditions du rapport d’impact. Or, dans le « Tableau 1 » intégré dans ledit rapport, pour mémoire établi par un bureau d’ingénieurs sur mandat de la recourante, l’usine des Cheneviers est désignée comme destination pour divers déchets, soit les déchets industriels à trier, les déchets urbains d’entreprises, les déchets de chantier non triés et les déchets de bois problématiques. Ainsi, ledit rapport opère une distinction uniquement entre les déchets incinérables et ceux qui ne le sont pas. La destination de l’usine des Cheneviers est ainsi valable pour tous les déchets incinérables, indépendamment de leur type, qu’ils soient urbains ou non.

L’argument de la recourante selon lequel cette simple mention, dans un tableau figurant dans le rapport d’impact, n’équivaudrait pas à une charge ne saurait être suivi. En effet, la provenance et la destination des déchets ainsi que la destination et l’élimination des sous-produits font partie des informations principales devant obligatoirement figurer dans la requête en autorisation d’exploiter. Le département a accordé l’autorisation d’exploitation en tenant compte de ce paramètre, étant rappelé qu’il dispose d’une marge de manœuvre quant à l’octroi d’une telle autorisation.

En outre, acheminer les déchets incinérables, même non urbains, aux Cheneviers, plutôt que dans des usines plus lointaines, est de nature à empêcher une pollution tant atmosphérique que sonore, soit un intérêt public protégé tant par la LPE, la LGD que le RGD. La possibilité d’assortir l’autorisation de charges ressort de plus expressément de l’art. 43 al. 3 RGD. Le législateur avait en vue cette possibilité en lien avec l’adoption de l’art. 20 LGD.

La recourante a elle-même concédé qu’elle acheminait tous ses déchets incinérables aux Cheneviers à une époque où les tarifs pratiqués par cette dernière étaient moins élevés, dans la mesure où elle bénéficiait d’un rabais (code 40), ce jusqu’en octobre 2019. Elle s’est donc jusque-là accommodée de la charge y afférente. Elle s’est dite contrainte ensuite de chercher de nouvelles filières d’incinération, en raison des tarifs prohibitifs pratiqués par l’usine des Cheneviers. Ce n’est qu’à compter du moment où elle n’a plus bénéficié de ce rabais et que les SIG ont constaté une baisse drastique des déchets acheminés à l’usine des Cheneviers que la recourante a cherché, de manière opportune et non convaincante, à remettre en cause l’existence même de la charge en question.

Comme l’a retenu le TAPI à juste titre, les changements des conditions financières de son exploitation ne la dispensaient pas de respecter son autorisation.

L’autorité intimée doit donc être suivie lorsqu’elle soutient avoir pris en compte, et de manière prépondérante, la destination des déchets déterminée dans la requête en autorisation d’exploiter, pour délivrer l’autorisation d’exploiter, sans laquelle les conditions relatives à la protection de l’environnement n’auraient pas été remplies. C’est par ailleurs comme déjà relevé la recourante elle-même qui a prévu cette charge, l’autorité intimée l’ayant simplement confirmée.

L’autorisation d’exploiter était bien assortie de la charge imposant l’acheminement des déchets incinérables à l’usine des Cheneviers. Dès lors que l’existence de la charge est établie, la question de savoir si celle-ci reposait sur une base légale suffisante peut souffrir de demeurer ouverte.

Tenant compte du fait que la mesure la plus incisive est le retrait de l’autorisation d’exploiter, l’amende paraît proportionnée vu les violations répétées d’une condition essentielle de l’autorisation d’exploitation.

8) Selon la recourante, l’amende ne reposerait sur aucune base légale.

a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/440/2019 précité et les références citées).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité et les références citées).

b. En l’espèce, l’amende a été infligée en raison de violations répétées du chiffre 3 du dispositif de l’autorisation d’exploiter imposant un acheminement des déchets incinérables à l’usine des Cheneviers. La recourante ne conteste pas avoir acheminé, depuis au plus tard le mois d’octobre 2019, des déchets incinérables non urbains dans d’autres usines.

La chambre de céans a admis qu’une violation d’une condition valablement incorporée dans une autorisation de construire tombe sous le coup de l’art. 137 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), dont la teneur est quasiment identique à celle des art. 18 al. 1 LaLPE et 43 al. 1 LGD sur lesquels se base la décision litigieuse en l’espèce (ATA/968/2020 du 29 septembre 2020 consid. 5b).

Dès lors qu’il a été retenu que l’autorisation incorpore valablement la condition d’acheminement des déchets incinérables, sans distinction quant à leurs types, à l’usine des Cheneviers, et que la recourante n’a sciemment pas respecté cette charge, son comportement tombe sous le coup de l’art. 43 al. 1 LGD. Il existait dès lors bien une base légale permettant le prononcé d’une telle amende avant l’adoption de la nouvelle loi sur la gestion des déchets, le 2 septembre 2022, singulièrement son nouvel art. 52 al. 1 let. c LGD.

Mal fondé, le grief de défaut de base légale sera écarté.

Enfin, la recourante ne critique pas en tant que tel le montant de l’amende, ramené à CHF 10'000.- par le TAPI, montant qui sanctionne adéquatement le comportement reproché in casu.

9) La recourante soutient finalement que le montant de CHF 7'965.- mis à sa charge à titre d’émolument violerait les principes de couverture des frais et d’équivalence.

a. Pour financer les activités que la constitution ou la loi le chargent d'exercer, l'État perçoit des contributions publiques, venant s'ajouter à d'autres ressources que sont notamment les revenus générés par ses propres biens, le produit des sanctions pécuniaires et l'emprunt. Les contributions publiques sont des prestations en argent prélevées par des collectivités publiques et acquittées par les administrés sur la base du droit public. Elles sont subdivisées traditionnellement en impôts, en contributions causales et en taxes d'orientation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_768/2015 du 17 mars 2017 consid. 4.1 ; 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1).

b. Les contributions publiques de nature causale sont des contre-prestations en argent que des justiciables doivent verser à des collectivités publiques pour des prestations particulières que celles-ci leur fournissent ou pour des avantages déterminés qu'elles leur octroient. Elles comportent les émoluments, les charges de préférence et les taxes de remplacement. Les émoluments eux-mêmes se subdivisent en plusieurs catégories, dont les émoluments de chancellerie, les émoluments administratifs, les taxes de contrôle, les émoluments d'utilisation d'un établissement public, les émoluments d'utilisation du domaine public. Les émoluments de chancellerie sont des contributions modiques exigées en contrepartie d'un travail administratif ne nécessitant pas un examen approfondi, essentiellement de secrétariat (ATF 138 II 70 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_439/2014 du 22 décembre 2014 consid. 6.1 ; ACST/12/2017 du 6 juillet 2017 consid. 3a et les références citées).

c. La perception de contributions publiques est soumise aux principes constitutionnels régissant toute activité étatique, en particulier aux principes de la légalité, de l'intérêt public et de la proportionnalité (art. 5 Cst.), de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), de la bonne foi et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), ainsi que de la non-rétroactivité.

d. Selon le principe de la couverture des frais, le produit global des contributions causales ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l'ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l'administration (ATF 135 I 130 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_80/2020 du 15 octobre 2020 consid. 6.3 ; ACST/12/2017 précité consid. 3d et les références citées). Les dépenses à prendre en compte ne se limitent pas aux frais directs ou immédiats générés par l'activité administrative considérée ; elles englobent les frais généraux, en particulier ceux de port, de téléphone, les salaires du personnel, le loyer, ainsi que les intérêts et l'amortissement des capitaux investis et des équipements. La subdivision administrative concernée se définit par référence à toutes les tâches administratives matériellement liées les unes aux autres, formant un ensemble cohérent. Les émoluments perçus pour des prestations fournies dans une subdivision administrative ne doivent pas nécessairement correspondre exactement aux coûts de chacune de ces prestations. Certaines prestations, qui coûtent relativement peu cher à l'administration, peuvent être taxées plus lourdement que leur prix de revient, et inversement. La collectivité peut compenser par un émolument perçu sur des affaires importantes l'insuffisance des émoluments prélevés pour d'autres opérations qui, en raison du peu d'intérêt qu'elles présentent, ne permettent pas de réclamer des émoluments couvrant tous les frais qu'elles occasionnent. Un certain schématisme est par ailleurs inévitable, le calcul des coûts considérés ne relevant pas des sciences exactes, mais comportant une part d'appréciation. Les excès que cela pourrait impliquer sont, le cas échéant, corrigés par l'application du principe de l'équivalence (ACST/12/2017 précité consid. 3d et les références citées).

e. Le principe de l'équivalence veut que le montant de la contribution causale exigée d'une personne déterminée se trouve en adéquation avec la valeur objective de la prestation fournie qu'elle rétribue. Il doit y avoir un rapport raisonnable entre le montant concrètement demandé et la valeur objective de la prestation administrative (rapport d'équivalence individuelle ; ATF 143 I 227 consid. 4.2.2). Cette valeur se mesure à l'utilité (pas nécessairement économique) qu'elle apporte à l'intéressé, ou d'après les dépenses occasionnées à l'administration par la prestation concrète en rapport avec le volume total des dépenses de la branche administrative en cause. Autrement dit, il faut que les contributions causales soient répercutées sur les contribuables proportionnellement à la valeur des prestations qui leur sont fournies ou des avantages économiques qu'ils en retirent. Le principe d'équivalence n'exclut pas une certaine schématisation ou l'usage de moyennes d'expérience, voire des tarifs forfaitaires (ACST/12/2017 précité consid. 3e et les références citées).

f. Selon l’art. 45 al. 1 LGD, le département perçoit un émolument pour les autorisations, les mesures de contrôle et les autres prestations découlant de la présente loi et de ses dispositions d’exécution. Le Conseil d’Etat arrête le tarif des émoluments (al. 2). Au sens de l’art. 55 RGD, les tarifs horaires sont de CHF 150.- pour l’intervention du directeur du service, de CHF 135.- pour celle d’un inspecteur cantonal, de CHF 115.- pour celle d’un ingénieur, de CHF 95.- pour celle d’un inspecteur et de CHF 80.- pour celle d’un secrétaire.

g. En l’espèce, le GESDEC soutient avoir procédé à de nombreuses interventions, durant plusieurs années, pour conduire la recourante à respecter l’autorisation d’exploiter ses centres de tri. Selon l’autorité intimée, au vu du volume du dossier et de sa complexité, le temps de travail investi serait même sous-évalué.

Si, selon le seul document « calcul émoluments sur procédure » fourni à cet égard, daté du 6 mai 2021, les taux horaires appliqués aux 69 heures d’activité facturées sont ceux prévus à l’art. 55 RGD, ledit document ne permet pas de vérifier le principe de la couverture des frais vu du peu de détails qu'il contient, à savoir par exemple les dates précises des interventions de chaque corps de métier cité, le temps de chaque intervention et sa cause.

Il n’est ainsi pas possible, sur la base de ce document, de déterminer en quoi les tâches résumées au plus élémentaire correspondraient bien aux coûts effectifs de l’intimé et si partant le département aurait violé les principes de la couverture des frais et d’équivalence en fixant l’émolument querellé.

Ce grief sera donc admis.

Le recours sera partiellement admis et l’émolument litigieux annulé.

Le dossier sera renvoyé au département pour établissement d’un décompte détaillé des prestations effectuées en lien avec le prononcé de l’amende querellée et pour nouvelle décision sur ce point.

10) Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe sur la question de l’amende (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité, réduite, de CHF 800.- lui sera octroyée dans la mesure où elle obtient partiellement gain de cause sur la question de l’émolument (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 août 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 juin 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 juin 2022 en ce qu’il confirme l’émolument de CHF 7'965.- selon décision du 7 mai 2021 du département du territoire ;

annule cet émolument ;

confirme le jugement pour le surplus;

renvoie la cause au département pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à A______ à la charge de l’État de Genève, département du territoire ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Balavoine, avocat de la recourante, au département du territoire-ocev, ainsi qu’auTribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :