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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/4202/2016

ACST/12/2017 du 06.07.2017 ( ABST ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4202/2016-ABST ACST/12/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 6 juillet 2017

 

dans la cause

 

ASSOCIATION DES PROMOTEURS CONSTRUCTEURS GENEVOIS
PATP DÉVELOPPEMENT SA

contre

CONSEIL D'ÉTAT

_________



EN FAIT

1) a. L’association des promoteurs constructeurs genevois (ci-après : APCG ou association) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), ayant son siège à Genève. Elle a pour but notamment de regrouper les personnes physiques ou morales exerçant à Genève la profession de promoteur constructeur, de représenter et défendre collectivement les intérêts des maisons membres et de veiller à ce qu’en tout temps soient sauvegardés les intérêts des tiers qui recourent aux services de ses membres. Pour réaliser ses buts, l’APCG peut notamment représenter la profession auprès des autorités et, en cas de nécessité, agir par la voie judiciaire ou administrative contre toute mesure de nature à porter atteinte aux intérêts de la profession ou d’un de ses membres. Elle est représentée à l’égard des tiers par deux membres du comité, dont le président ou le vice-président. Elle compte à ce jour une quarantaine de sociétés membres.

b. Patp Développement SA (ci-après : Patp ou société) est une société inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 25 février 2011, ayant son siège à Bernex. Elle a pour but l’achat et la vente d'immeubles et de terrains, le développement d'opérations immobilières, la réalisation et le pilotage de promotions immobilières. Monsieur A______ en est l’unique administrateur, disposant d’une signature individuelle.

2) Par règlement du 2 novembre 2016, le Conseil d’État a modifié le règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), notamment par l’adoption des trois dispositions suivantes, figurant la première à l’art. 254 intitulé « Principe » et les deux autres à l’art. 257 intitulé « Tarif des émoluments » :

Art. 254 al. 1 (nouvelle teneur)

1 Le département perçoit, lors de la constitution des dossiers et notamment pour toute autorisation ou refus d'autorisation qu’il délivre en application de la loi et de ses règlements d’application, les émoluments calculés selon les dispositions du présent chapitre. Exceptionnellement, l'émolument peut être réduit lorsqu'il parait manifestement trop important par rapport à l'objet de la demande d'autorisation de construire. L'autorité statue librement. L'émolument relatif aux remises de copies et aux recherches de documents est calculé conformément aux articles 10 et 10A du règlement sur les émoluments de l'administration cantonale du 15 septembre 1975.

Art. 257 al. 1 (nouvelle teneur)

Enregistrement d’une demande

1 Pour l'enregistrement des demandes d'autorisation de construire, lesquelles comprennent également les demandes de renseignements, l'émolument s'élève à 250 F par demande. Aucune demande d’autorisation n’est enregistrée tant que l’émolument y relatif n’a pas été acquitté.

Art. 257 al. 10 (nouveau)

Demandes de renseignement

10 Pour les réponses relatives à une demande de renseignement, l'émolument est calculé sur la base d’un forfait de 10'000 F auquel s’ajoute une somme de 500 F par unité de 1000 m2 des surfaces des parcelles concernées ; il est indivisible.

3) Ledit règlement du 2 novembre 2016 modifiant le RCI a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 8 novembre 2016.

4) Conformément à son art. 3 souligné, il est entré en vigueur le lendemain de ladite publication, soit le 9 novembre 2016.

5) a. Par acte déposé le 7 décembre 2016, l’APCG et Patp ont recouru contre ledit règlement auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), en concluant à son annulation, subsidiairement à celle des art. 254 al. 1 et 257 al. 1 et al. 10 RCI précités.

L’APCG avait la qualité pour recourir dans la mesure où elle était composée de membres qui intervenaient en qualité d’investisseurs pour eux-mêmes ou leurs clients et étaient, de ce fait, touchés par les modifications du RCI en cause. La Patp avait également la qualité pour recourir dans la mesure où, dans le cadre de ses activités, elle était appelée à déposer des demandes de renseignements ou d’autorisations de construire.

Les modifications précitées violaient la législation cantonale et fédérale. C’était le cas de l’art. 254 al. 1 RCI introduisant un émolument en cas de refus d’une autorisation de construire et de l’art. 257 al. 1 et al. 10 RCI prévoyant un émolument pour des demandes de renseignement.

b. La perception d’un émolument pour un refus d’autorisation de construire était dénuée de base légale formelle. Une décision de refus d’une autorisation de construire ne pouvait pas être considérée comme une contre-prestation de l’État au bénéfice du requérant justifiant un émolument. La modification contestée ne prévoyait ni le montant ni le mode de calcul de l’émolument en question. Celui-ci pouvait certes être calculé sur la base des CHF 250.- perçus par demande déposée auxquels s’ajoutaient un montant de CHF 50.- par unité de surface de 10 m2 et d’autres sommes prévues par la disposition critiquée. Toutefois, il pouvait, selon les projets, déboucher sur des montants importants. Étant donné la nature et les montants en jeu, l’émolument contesté ne pouvait pas se fonder sur une base légale matérielle, soit le RCI ou le règlement sur les émoluments de l’administration cantonale du 15 septembre 1975 (REmAC – B 4 10.03).

c. Par ailleurs, aucune base légale formelle ne prévoyait le principe, le mode de calcul ou le montant maximal d’un émolument perçu suite à une demande de renseignement. L’émolument était injustifié dans la mesure où le requérant ne bénéficiait pas des droits de construire. Une demande de renseignement était une étape préalable à l’établissement par l’État d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n’accordant pas de droit au requérant. Un PLQ pouvait en outre ne jamais entrer en force. Il concernait par ailleurs plusieurs propriétaires de parcelles, mais c’était celui qui faisait la demande de renseignement qui devait supporter l’intégralité de l’émolument. Taxer une demande de renseignement freinerait la réalisation des projets immobiliers dans le canton.

Le montant forfaitaire prévu de CHF 10'000.- en cas de demande de renseignement, était disproportionné et violait le principe de l’équivalence. Il était indistinctement perçu à chaque demande et était indivisible. Il pouvait intervenir plusieurs années avant une demande d’autorisation de construire. Il apparaissait comme une taxe d’orientation, sans base légale. Il s’ajoutait à l’émolument de base de CHF 250.- prévu à l’art. 257 al. 1 RCI et à celui perçu lors de la décision sur une demande d’autorisation de construire. Il constituait une double imposition. Il était un frein aux projets immobiliers et un facteur d’augmentation des prix et des loyers des logements.

6) Le 8 février 2017, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

a. Selon une étude de la surveillance des prix de novembre 2014, les émoluments perçus dans le canton de Genève pour les permis de construire étaient parmi les plus bas de Suisse. Ils se montaient à CHF 4'200'000.- en 2014, CHF 6'400'000.- en 2015 et CHF 7'900'000.- en 2016 ; les coûts de fonctionnement et d’état-major de l’office des autorisations de construire (ci-après :  OAC) étaient établis à CHF 13'500'000.- durant ces mêmes années. En 2014, 2015 et 2016, c’étaient respectivement quatorze, quinze et quinze demandes de renseignement qui avaient été déposées.

Les modifications introduites dans le RCI visaient à finaliser les réformes adoptées dans le cadre de l’instruction des autorisations de construire pour accélérer le traitement des dossiers et en améliorer la qualité. Une demande de renseignement invitait le département à examiner si une modification de zone ou l’adoption d’un plan localisé de quartier était envisageable ou opportune. Elle nécessitait une étude approfondie d’urbanisation dans le périmètre concerné, mais le requérant n’en bénéficiait pas réellement puisque la réponse donnée par le département était un renseignement sans portée juridique. Il arrivait que des requérants déposent une demande de renseignement, de surcroît pour des secteurs d’une taille limitée, pour bénéficier d’un rabais alors prévu au stade de la demande définitive d’autorisation de construire. Le forfait de base de CHF 10'000.- favorisait le dépôt d’une demande préalable d’autorisation de construire, conformément à la vocation de ce type de demandes, pour les requêtes portant sur une étude de faisabilité, le cas échéant au bénéfice d’une dérogation, au regard de la conformité avec l’affectation de la zone et des PLQ existants, cas dans lequel la possibilité d’un rabais au stade de l’autorisation définitive avait été maintenue. L’obtention d’une autorisation préalable permettait aussi la réduction de la taxe en cas de demande définitive. De surcroît, le complément d’émolument requis pour répondre aux demandes de renseignement se calculait désormais en fonction des surfaces parcellaires au lieu des surfaces brutes de plancher, avec l’effet qu’au final les émoluments perçus pour de « véritables » demandes de renseignement seraient inférieurs à ceux mis à la charge du requérant dans le cadre de demandes préalables d’autorisation de construire. La modification contestée permettait également au requérant de privilégier une densification élevée de sa parcelle, sans crainte d’un émolument important, ce qui répondait aux préoccupations des objectifs d’urbanisation préconisés par le plan directeur cantonal Genève 2030. Elle lui permettait aussi de connaître le montant de l’émolument calculé sur la base des surfaces parcellaires et non sur la densité du projet, celle-ci pouvant fluctuer dans le cadre de l’instruction ou rester imprécise. Le calcul de l’émolument était simple et prévisible. La modification visait à restituer à la demande de renseignement son usage originel. Les requérants avaient aussi la possibilité de renoncer à leur demande d’autorisation de construire en cours d’instruction, ce qui leur permettait, selon le stade d’instruction de leur dossier, d’obtenir un émolument réduit. Seule une minorité de dossiers était concernée par la modification contestée, la grande majorité des requêtes étant acceptées et l’OAC orientant les requérants vers des solutions autorisables.

b. Les termes « toutes les autorisations » utilisés à l’art. 154 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) désignaient toutes les décisions prises par le département dans le cadre de requêtes en autorisation de construire. Le travail fourni par l’administration était de même importance pour une décision favorable ou négative d’autorisation de construire ; l’instruction était même plus longue et complexe en cas de décision négative, le dossier étant examiné après chaque modification de projet du requérant et les instances de préavis étant alors consultées à plusieurs reprises. Il y avait contre-prestation étatique aussi en cas de refus, puisque le requérant prenait connaissance des contraintes liés aux parcelles concernées et/ou des lacunes de son projet et bénéficiait d’indications lui permettant de présenter une nouvelle demande pour une construction autorisable. Le système mis en place visait aussi à éviter le dépôt de requêtes « juste pour voir », source d’un inutile accroissement de travail. Les principes de calcul figuraient clairement aux art. 254 ss RCI ; les possibilités de réduction, formulées de façon générale, laissaient une marge de manœuvre au cas par cas.

c. L’émolument pour une demande de renseignement était fondé sur l’art. 154 al. 1 LCI. Selon la systématique de la LCI, une demande de renseignement était une variante d’une demande préalable de l’autorisation de construire. Elle exigeait une instruction. Calculé en fonction des surfaces des parcelles concernées (et non des surfaces brutes de plancher utiles), l’émolument considéré était inférieur à celui précédemment perçu, si bien que la crainte que des projets immobiliers nécessitant l’adoption d’un PLQ préalable soient affectés n’était pas fondée.

d. S’agissant du principe d’équivalence, il était respecté, avec, en 2016, un coût annuel de fonctionnement de l’OAC d’environ CHF 11'000'000.- (hors coûts d’état-major et des divers services préaviseurs) et un produit global annuel d’émoluments de CHF 7'900'000.-, ce qui représentait un ratio de 72 %. L’accroissement des montants perçus en émolument de 2014 à 2016 résultait d’une hausse des requêtes en autorisation de construire et de la facturation des refus d’autorisation de construire. Le produit des émoluments devait baisser à l’avenir, voire se stabiliser. Il ne devrait y avoir guère qu’une dizaine de demandes de renseignement par année, les petits projets ne nécessitant ni l’adoption préalable d’une modification de zone ni l’élaboration d’un PLQ. L’émolument considéré ne constituait pas une taxe d’orientation, qui dissuaderait les investisseurs privés de développer des projets immobiliers, mais il les incitait à faire usage de la bonne procédure. Son impact était minime ; il concernait quelques dossiers par année. Une réduction pouvait lui être appliquée. La durée de l’instruction d’une demande de renseignement n’avait aucune influence sur le calcul de l’émolument, dont le montant dépendait uniquement de la surface de la parcelle considérée et était ainsi prévisible. Un certain schématisme était admis en la matière.

e. Un retour en arrière impliquerait une reprise des émoluments selon la version antérieure du RCI, ayant prévalu entre le 1er janvier 2015 et le 8 novembre 2016, plus défavorable, mais que les recourantes n’avaient pas contestés à temps pour en permettre un contrôle abstrait. La chambre constitutionnelle devait s’imposer une certaine retenue ; les dispositions litigieuses se prêtaient à une interprétation et une application conforme au droit. Un contrôle concret des décisions fixant chaque émolument était possible.

7) Dans une réplique du 2 mars 2017, l’APCG et Patp ont persisté dans les conclusions de leur recours.

L’étude de la surveillance des prix ne pouvait pas être utilisée dans le contexte du cas d’espèce, la procédure d’autorisation de construire étant réglée à Genève au niveau cantonal, et non au niveau communal comme c’était le cas dans les autres cantons concernés. Ladite étude ne prenait en compte que la pratique de la Ville de Genève qui facturait des émoluments pour empiètements sur le domaine public dus à des chantiers de construction.

Un émolument ne pouvait pas être perçu lorsque la prestation fournie par l’État poursuivait exclusivement un intérêt public. Une demande de renseignement était un élément déclencheur d’une mise en œuvre cohérente et concertée des plans d’affectation, faisant partie intégrante de la politique publique de l’aménagement du territoire. La réponse à une demande de renseignement ne pouvait pas constituer une contre-prestation de l’État justifiant un émolument.

En tant que le forfait de base de CHF 10'000.- permettait d’orienter les requérants vers le dépôt de demandes préalables d’autorisation de construire en lieu et place de demandes de renseignements, l’émolument prévu par l’art. 257 al. 10 RCI constituait une taxe d’orientation, qui n’avait pas de base légale.

Le Conseil d’État entretenait une confusion entre l’émolument pour une autorisation de construire, qui serait perçu en aval une fois celle-ci octroyée, et l’émolument pour une demande de renseignement, qui avait été introduit récemment sans base légale, par simple pratique, puis par la modification contestée. Il ne pouvait être affirmé que la nouvelle méthode de calcul, fondée sur les surfaces des parcelles considérées, aboutirait à la perception d’un émolument moins élevé qu’actuellement.

8) Par duplique du 3 avril 2017, le Conseil d’État a persisté dans les conclusions de sa réponse au recours.

L’émolument pour empiétement sur le domaine public perçu en ville de Genève était différent de celui introduit par la modification contestée. Dans d’autres communes suisses, un tel émolument s’ajoutait sans doute aussi aux émoluments liés aux autorisations de construire. Les conclusions de l’étude de la surveillance des prix étaient d’une grande utilité sous l’angle du respect du principe de l’équivalence.

Le travail fourni par l’État dans le cadre d’une demande de renseignement constituait une contre-prestation de ce dernier, sous la forme d’une réponse à une demande de renseignement, sans laquelle aucun plan d’affectation ne serait élaboré ou alors sans tenir compte de la volonté d’autres propriétaires concernés ; l’examen d’une demande de renseignement offrait, par le biais du plan d’affectation qui s’ensuivait le cas échéant, des possibilités avantageuses pour le requérant, notamment en termes de droits à bâtir, et une accélération de l’élaboration d’un tel plan.

L’émolument considéré, avec son forfait de base de CHF 10'000.-, n’était pas une taxe d’orientation, mais bien une taxe causale. Il avait pour but principal de couvrir, ne serait-ce que partiellement, les coûts engendrés par l’instruction d’une demande de renseignement, et non, sinon secondairement, d’influencer le comportement des requérants. Il respectait les principes de la couverture des frais et de l’équivalence.

9) Un délai au 2 mai 2017 a été imparti à l’APCG et Patp pour présenter d’éventuelles observations suite à cette duplique, possibilité dont elles n’ont pas fait usage, suite à quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Selon l’art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (ci-après : Cst-GE), la Cour constitutionnelle – à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 1er tiret de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05) – est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité au droit supérieur des normes cantonales, à savoir, d’après l’art. 130B al. 1 let. a LOJ concrétisant restrictivement cette disposition constitutionnelle, des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (ACST/3/2017 du 23 février 2017 consid. 1a ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 2). Le recours relève donc bien de la compétence de la chambre constitutionnelle, dès lors qu’il est dirigé contre un règlement du Conseil d’État ayant au surplus matériellement un contenu normatif (ACST/14/2016 du 10 novembre 2016 consid. 1b).

b. Le recours a été interjeté dans le délai légal de trente jours à compter de la publication du règlement attaqué dans la FAO du 8 novembre 2016 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 phr. 3 LPA).

c. Il respecte les conditions générales de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA. En tant qu’il est dirigé contre les art. 254 al. 1 et 257 al. 1 et al. 10 RCI introduits par la modification réglementaire du 2 novembre 2016, il contient un exposé détaillé d’au moins certains des griefs de l’association et de la société recourantes (art. 65 al. 3 LPA). Il n’en contient en revanche aucun concernant les autres dispositions du règlement attaqué. Il appert, nonobstant la conclusion principale du recours, que ce dernier n’est en réalité dirigé que contre les art. 254 al. 1 RCI et 257 al. 1 et al. 10 RCI dans leur teneur adoptée le 2 novembre 2016. Sa conclusion présentée comme principale, visant le règlement attaqué dans son ensemble, est manifestement mal fondée sinon irrecevable et doit être écartée d’emblée (ACST/5/2017 du 12 avril 2017 consid. 1c ; ACST/1/2015 précité consid. 4b ; sur le principe d’allégation devant le Tribunal fédéral, cf. art. 106 al. 2 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110 ; François CHAIX, Les motifs du recours en matière de droit public, in François BOHNET / Denis TAPPY [éd.], Dix ans de la Loi sur le Tribunal fédéral, 2017, p. 187 ss n. 53 ss).

d. A qualité pour former un recours en contrôle abstrait de normes cantonales devant la chambre constitutionnelle toute personne (physique ou morale) dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourraient l’être un jour avec un minimum de vraisemblance et ont un intérêt actuel ou virtuel digne de protection à leur annulation, au moins aux mêmes conditions que celles qui prévalent devant le Tribunal fédéral (art. 60 al. 1 let. b LPA ; art. 89 et 111 al. 1 LTF ; ATF 139 II 233 consid. 5.2 ; 138 I 435 consid. 1.6 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; ACST/5/2017 précité consid. 1d ; ACST/3/2017 précité consid. 2 et 4d ; ACST/10/2016 du 29 août 2016 consid. 1c ; ACST/19/2015 du 15 octobre 2015 consid. 2b ; Étienne POLTIER, Les actes attaquables et la légitimation à recourir en matière de droit public, in François BOHNET / Denis TAPPY [éd.], op. cit., p. 123 ss, 151 ss ; Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 11 ad art. 89 LTF ; Michel HOTTELIER / Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341-385, p. 380 ; Marcel Alexander NIGGLI / Peter UEBERSAX / Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd., 2011, p. 1177 n. 13 ad art. 89 LTF).

Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure, soit lorsqu’elle sauvegarde les intérêts de ses membres. Dans ce dernier cas, qui est celui du recours dit corporatif, la défense des intérêts de ses membres doit figurer parmi ses buts statutaires et la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d’entre eux, doivent être personnellement touchés par l’acte attaqué, actuellement ou à l’avenir avec un minimum de vraisemblance, et avoir qualité pour recourir à titre individuel (ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; 130 I 26 consid. 1.2.1 ; ACST/10/2016 précité consid. 1c ; ACST/7/2016 du 19 mai 2016 consid. 4c et les arrêts cités ; Piermarco ZEN-RUFFINEN, Droit administratif. Partie générale et éléments de procédure, 2ème éd., 2013, p. 317 n. 1312 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1384 p. 455 ; Pierre MOOR / Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 751).

e. En l’espèce, l’association recourante interjette un recours corporatif. Elle a la personnalité juridique ; un grand nombre de ses membres, qui sont pour la plupart des promoteurs constructeurs immobiliers, sont susceptibles de se voir appliquer un jour les art. 254 al. 1 et/ou 257 al. 1 et al. 10 RCI ; il se déduit des statuts de l’association recourante que cette dernière a vocation pour défendre les intérêts de ses membres. La qualité pour recourir doit donc lui être reconnue.

Patp a également qualité pour recourir, étant personnellement touchée par les dispositions contestées, en tant qu’elle est inscrite au registre du commerce comme une personne morale et peut être amenée, dans le cadre de ses activités, à solliciter des autorisations de construire ou des demandes de renseignement soumises aux émoluments prévus par les dispositions contestées.

Le recours est donc recevable.

2) Lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, la chambre constitutionnelle, à l’instar du Tribunal fédéral, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 131 consid. 2 ; 135 II 243 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_862/2015 du 7 juin 2016 consid. 3 ; 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4 ; 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2 ; ACST/7/2016 précité consid. 8 ; ACST/19/2015 précité consid. 3 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid 5b). Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 134 I 293 consid. 2 ; 130 I 82 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_862/2015 précité consid. 3 ; 1C_223/2014 précité consid. 4).

3) a. Pour financer les activités que la constitution ou la loi le chargent d’exercer, l’État perçoit des contributions publiques, venant s’ajouter à d’autres ressources que sont notamment les revenus générés par ses propres biens, le produit des sanctions pécuniaires et l’emprunt. Les contributions publiques sont des prestations en argent prélevées par des collectivités publiques et acquittées par les administrés sur la base du droit public. Elles sont subdivisées traditionnellement en impôts, en contributions causales et en taxes d’orientation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_768/2015 du 17 mars 2017 consid. 4.1 ; 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1).

Les contributions publiques de nature causale sont des contre-prestations en argent que des justiciables doivent verser à des collectivités publiques pour des prestations particulières que celles-ci leur fournissent ou pour des avantages déterminés qu’elles leur octroient. Elles comportent les émoluments, les charges de préférence et les taxes de remplacement. Les émoluments eux-mêmes se subdivisent en plusieurs catégories, dont les émoluments de chancellerie, les émoluments administratifs, les taxes de contrôle, les émoluments d’utilisation d’un établissement public, les émoluments d’utilisation du domaine public (ATF 138 II 70 consid. 6.1 = RDAF 2013 I 584 ; 137 I 257 consid. 6.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_439/2014 du 22 décembre 2014 consid. 6.1 ; 2C_612/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4. 2 ; 2C_24/2012 du 12 avril 2012 consid. 4.1 ; 2A.304/2001 du 22 novembre 2001 ; Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 1825 ss ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 3 ss ; Arlette STIEGER, Les contributions publiques genevoises, in Actualités juridiques de droit public 2011, p. 77 ss ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 2623 ss ; Adrian HUNGERBÜHLER, Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl 104/2003 p. 505 ss, 507 ss, 512 ss ; Ernst BLUMENSTEIN / Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., 2002, p. 5 s.). Les émoluments de chancellerie sont des contributions modiques exigées en contrepartie d’un travail administratif ne nécessitant pas un examen approfondi, essentiellement de secrétariat (Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1827 s. et 1831 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 239 ss ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2624 s. et 2626 ss ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. III, 1992, p. 364).

Les taxes d'orientation (ou d'incitation ; ATF 135 I 130 consid. 2 ; 121 I 230 consid. 3e ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_768/2015 du 17 mars 2017 consid. 4.1 ; 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 4, 6, 17, 32, 56 et 467 ; Ernest BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, op. cit., p. 5 s.) sont des contributions (impôts ou taxes) destinées de façon exclusive ou prépondérante à modifier le comportement des particuliers en vue d'atteindre un objectif voulu par le législateur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_466/2008 du 10 juillet 2009 consid. 4.2.31 ; Ernst HÖHN / Robert WALDBURGER, Steuerrecht, 2002, § 1 n. 6 ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 514). Leur but principal n'est pas prioritairement de procurer des ressources supplémentaires à l'État, mais d'agir sur le comportement des citoyens (Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse. L’imposition du revenu et de la fortune, 2ème éd., 1998, p. 5 ; Michael BEUSCH, Lenkungsabgaben im Strassenverkehr, 1999, p. 102). Pour le Tribunal fédéral, les critères de distinction habituels entre les impôts et les taxes demeurent également pertinents pour désigner les contributions ayant une composante incitative (ATF 125 I 182 consid. 4c ; 122 I 279 consid. 2d ;121 I 129 consid. 3a).

b. La perception de contributions publiques est soumise aux principes constitutionnels régissant toute activité étatique, en particulier aux principes de la légalité, de l’intérêt public et de la proportionnalité (art. 5 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de la bonne foi et de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.), ainsi que de la non-rétroactivité. Le principe de la légalité en droit fiscal est érigé en droit constitutionnel indépendant par l’art. 127 al. 1 Cst., qui pose en la matière des exigences de densité normative en tant qu’il prévoit que la loi doit définir les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l’objet de l’impôt et son mode de calcul. Le principe de la légalité est applicable à toutes les contributions publiques, fédérales, cantonales et communales, y compris aux contributions de nature causale, quoique dans certains cas avec des assouplissements (ATF 135 I 130 consid. 7.2 ; 125 I 173 consid. 9 ; 123 I 254 consid. 2b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_501/2015 et 2C_512/2015 du 17 mars 2017 [destiné à la publication] consid. 4.2 ; 2C_729/2008 du 3 mars 2009 consid. 3.1 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 30 ss n. 2, p. 34 n. 17 et p. 55 n. 77 ; Arlette STIEGER, op. cit., p. 94), et exception étant faite pour les émoluments de chancellerie (ATF 125 I 173 consid. 9b ; 112 Ia 39 consid. 2a ; 107 Ia 29 consid. 2c ; 104 Ia 113 consid. 3 ; 93 I 632 consid. 3 ; 82 I 21 consid. 3a ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 241 ; RDAF 1977, p. 58 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 364 ; Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, n. 2780).

c. Pour certaines redevances causales, les exigences découlant du principe de la légalité sont moins strictes qu’en matière d’impôts, s’agissant non de la qualité de contribuable et de l’objet de la contribution, qui doivent toujours être définis dans une loi formelle, mais du mode de calcul desdites redevances, qui peut être délégué plus facilement à l’exécutif dans la mesure où les principes constitutionnels précités permettent suffisamment de contrôler leur montant. Le principe de la légalité ne doit cependant pas être vidé de sa substance ni, inversement, être appliqué avec une exagération telle qu’il entrerait en contradiction avec la réalité juridique et les exigences de la pratique (ATF 135 I 130 consid. 7.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_501/2015 et 2C_512/2015 précités consid. 4.2.1). Tel est le cas pour les redevances causales dépendantes des coûts, dont les émoluments administratifs, auxquels s’appliquent les principes de la couverture des frais et de l’équivalence, qui sont tous deux l’expression du principe de la proportionnalité dans le domaine desdites contributions (ATF 126 I 180 consid. 3 ; 112 Ia 39 consid. 2 ; 104 Ia 113 consid. 3 ; 99 Ia 697 consid. 2 ; ACST/19/2015 précité consid. 6 ; Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1850 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 56 s. ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 249 et 482 ss ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2625a ss ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 516 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 367). Ces assouplissements ne s’appliquent pas à des contributions causales telles que les émoluments d’utilisation du domaine public et les taxes de préférence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 du 18 juin 2011 consid. 3.2 ; Arlette STIEGER, op. cit., p. 96 ; François BELLANGER, Commerce et domaine public, in François BELLANGER / Thierry TANQUEREL [éd.], Le domaine public, 2004, p. 43 ss, 54).

d. Selon le principe de la couverture des frais, le produit global des contributions causales ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l’administration (ATF 135 I 130 consid. 2 ; 126 I 180 consid. 3a ; 106 Ia 249 consid. 3a ; 102 Ia 397 consid. 5b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_519/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5.1 ; 2C_609/2010 précité consid. 3.2 ; Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1845 ; Pierre TSCHANNEN / Ulrich ZIMMERLI / Markus MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème éd., 2014, § 58 n. 13 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 81 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 83 s. n. 254 ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2637 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 368). Les dépenses à prendre en compte ne se limitent pas aux frais directs ou immédiats générés par l’activité administrative considérée ; elles englobent les frais généraux, en particulier ceux de port, de téléphone, les salaires du personnel, le loyer, ainsi que les intérêts et l'amortissement des capitaux investis et des équipements (ATF 120 Ia 171 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_55/2008 du 22 avril 2008 consid. 5.1 ; ACST/19/2015 précité consid. 7). La subdivision administrative concernée se définit par référence à toutes les tâches administratives matériellement liées les unes aux autres, formant un ensemble cohérent (Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2637 ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 520 s.). Les émoluments perçus pour des prestations fournies dans une subdivision administrative ne doivent pas nécessairement correspondre exactement aux coûts de chacune de ces prestations. Certaines prestations, qui coûtent relativement peu cher à l’administration, peuvent être taxées plus lourdement que leur prix de revient, et inversement (ATF 101 Ib 462 consid. 3b). La collectivité peut compenser par un émolument perçu sur des affaires importantes l’insuffisance des émoluments prélevés pour d’autres opérations qui, en raison du peu d’intérêt qu’elles présentent, ne permettent pas de réclamer des émoluments couvrant tous les frais qu’elles occasionnent (ATF 126 I 181 consid. 3a.aa = RDAF 2001 II 293, p. 300 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 81). Un certain schématisme est par ailleurs inévitable, le calcul des coûts considérés ne relevant pas des sciences exactes mais comportant une part d’appréciation. Les excès que cela pourrait impliquer sont, le cas échéant, corrigés par l’application du principe de l’équivalence (Pierre MOOR, op. cit., p. 368).

e. Le principe de l’équivalence veut que le montant de la contribution causale exigée d’une personne déterminée se trouve en adéquation avec la valeur objective de la prestation fournie qu’elle rétribue. Il doit y avoir un rapport raisonnable entre le montant concrètement demandé et la valeur objective de la prestation administrative. Cette valeur se mesure à l’utilité (pas nécessairement économique) qu’elle apporte à l’intéressé, ou d’après les dépenses occasionnées à l’administration par la prestation concrète en rapport avec le volume total des dépenses de la branche administrative en cause (ATF 135 I 130 consid. 2 ; 130 III 225 consid. 2.3 = RDAF 2005 I 747 ; 118 Ib 349 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 précité consid. 3.2 ; Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1848 ; Pierre TSCHANNEN / Ulrich ZIMMERLI / Markus MÜLLER, op. cit., § 58 n. 19 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 82 ; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, op. cit., n. 2641 ; Adrian HUNGERBÜHLER, op. cit., p. 522 s. ; Pierre MOOR, op. cit., p. 369). Autrement dit, il faut que les contributions causales soient répercutées sur les contribuables proportionnellement à la valeur des prestations qui leur sont fournies ou des avantages économiques qu’ils en retirent (ATF 118 Ib 349 consid. 5 ; 109 Ib 308 consid. 5b ; 101 Ib 462 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_466/2008 du 10 juillet 2009 consid. 4.2.2 = RDAF 2010 II 401, p. 406 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 84 n. 255 ; Pierre MOOR, op. cit., p. 370). Le principe d'équivalence n'exclut pas une certaine schématisation ou l’usage de moyennes d’expérience (arrêts du Tribunal fédéral 2C_519/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5.1 ; 2P.117/2003 du 29 août 2003 consid. 4.3.1 = RDAF 2004 II 401, p. 403 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 82), voire des tarifs forfaitaires (ATF 126 I 181 consid. 3a.aa = RDAF 2001 II 293, p. 300; 106 Ia 241consid. 4 ; 103 Ia 230 consid. 4 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 57 n. 81).

4) L’association et la société recourantes estiment que les émoluments introduits par les art. 254 al. 1 et 257 al. 1 et al. 10 RCI ne reposent pas sur une base légale formelle.

La question est dès lors celle de savoir si l’art. 154 LCI constitue une base légale formelle suffisante pour les émoluments fixés par les art. 254 al. 1 et 257 al. 1 et al. 10 RCI, à moins qu’il ne s’agisse d’émoluments de chancellerie, pour lesquels une base légale formelle n’est pas requise (ATF 125 I 173 consid. 9b). Cette disposition prévoit que « Le département perçoit un émolument pour toutes les autorisations et permis d’habiter ou d’occuper qu’il délivre, ainsi que pour les recherches d’archives ayant trait aux autorisations de construire » (al. 1) et que « Ces émoluments sont fixés par le Conseil d’État » (al. 2).

5) a. L’art. 257 al. 1 RCI prévoit la perception d’un émolument de CHF 250.- pour l'enregistrement des demandes d'autorisation de construire, y compris les demandes de renseignement.

Des émoluments de chancellerie sont souvent d’un montant plus modeste, par exemple de CHF 150.- s’agissant d’émoluments perçus pour le retrait du permis de navigation d’un bateau (ATA/469/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/740/2013 du 5 novembre 2012) ou pour une décision subordonnant la délivrance du permis d’élève conducteur à la présentation d’une expertise favorable émanant de l’institut universitaire de médecine légale (ATA/847/2001 du 18 décembre 2001), ou de CHF 100.- pour la notification d’une décision d’exécution, l’octroi d’une prolongation de délai ou le renvoi d’un dossier incomplet ou manifestement mal présenté (ACST/5/2017 du 12 avril 2017 consid. 5, relatif à l’art. 258 al. 2 let. b à d RCI). Dans un arrêt du 3 mars 1999 (ATF 125 I 173 consid. 9), le Tribunal fédéral avait estimé « guère modique », sans toutefois trancher la question sous cet angle, un émolument de CHF 200.- perçu pour faire passer un test d’aptitude pour l’admission aux études de médecine. Dans un arrêt plus ancien, du 30 novembre 1977, le Tribunal fédéral avait cependant jugé que, compte tenu de la dépréciation de la monnaie, une contribution de CHF 300.- requise pour la délivrance du brevet d’avocat représentait encore une somme modeste (SJ 1979 p. 651). Dans un arrêt du 17 octobre 1980 (ATF 106 Ia 249 consid. 1 p. 251 in initio), il avait nié qu’un émolument (judiciaire) de CHF 500.- pût constituer un émolument de chancellerie, apparemment autant en raison du caractère exigeant de la contreprestation considérée que du montant de l’émolument. Indexés à l’évolution du coût de la vie, de tels montants de CHF 200.- en 1999, CHF 300.- en 1977 et CHF 500.- en 1980 correspondraient aujourd’hui à des sommes de respectivement CHF 216.-, CHF 589.- et CHF 901.- (cf. la calculatrice du renchérissement de l’Office fédéral des statistiques, disponible sur www.portal-stat.admin.ch/lik_rechner/f/lik_rechner.htm). Il n’y a pas lieu, du moins en l’espèce, de fixer abstraitement un montant supérieur au-delà duquel un émolument ne pourrait être qualifié d’émolument de chancellerie ; le montant de l’émolument ici litigieux reste encore compatible avec une telle qualification compte tenu de la prestation considérée en l’espèce, ce qui ne saurait signifier que tout émolument d’un tel montant serait admissible au titre d’émolument de chancellerie.

b. L’intimé n’a pas détaillé les actes concrets dont l’enregistrement d’une demande d’autorisation de construire ou d’une demande de renseignement requiert l’accomplissement. Il appert cependant que quelque nombreuses que puissent être les données à enregistrer – pouvant concerner notamment l’identité des requérants, des propriétaires des parcelles considérées, des constructeurs ou promoteurs, le type de constructions envisagées, le zonage des parcelles considérées –, le travail à fournir pour l’enregistrement de telles demandes ne présente pas de difficultés particulières et relève d’activités de secrétariat (ACST/19/2015 du 15 octobre 2015 consid. 8b et 9b s’agissant des opérations requises pour l’établissement et la délivrance de copies numérisées de dossiers pénaux ; ATA/125/2005 du 8 mars 2005 consid. 2).

c. L’émolument litigieux de CHF 250.- prévu par l’art. 257 al. 1 RCI pour l’enregistrement d’une demande d’autorisation de construire ou de renseignement peut donc être qualifié d’émolument de chancellerie. Sa base légale matérielle peut être de rang réglementaire, constituée par l’art. 257 al. 1 RCI pris pour lui-même, indépendamment du point de savoir si l’art. 154 LCI pourrait lui servir de base légale.

d. Cela ne suffit pas à conclure qu’il respecte les principes de la couverture des frais et de l’équivalence.

L’association et la société recourantes n’ont pas motivé leur recours s’agissant de la conformité dudit émolument aux principes précités, au point qu’il est douteux, au regard de l’art. 65 al. 3 LPA, que la chambre constitutionnelle doive examiner si ces deux principes sont respectés, même si elle n’est pas liée par les motifs invoqués par les parties (art. 69 al. 1 phr. 2 LPA). De son côté, l’intimé s’est abstenu non seulement de donner des explications détaillées sur les opérations requises, mais aussi de fournir des données chiffrées relatives aux coûts engendrés par ces prestations, sinon d’une façon toute générale. La chambre de céans estime cependant pouvoir statuer sur la conformité au droit dudit émolument sans procéder à une analyse détaillée dès lors que la réponse à donner apparaît claire et certaine, au regard de considérations tirées de l’expérience commune.

Il ne fait en effet pas de doute que l’enregistrement d’une demande d’autorisation de construire ou d’une demande de renseignement nécessite la saisie d’un nombre non négligeable de données prévues selon le type de demande notamment par l’art. 7 RCI (demande préalable), l’art. 8 RCI (demande définitive) et l’art. 9 RCI (demande de démolition) et une vérification préalable au moins sommaire du cas afin de s’assurer notamment que le dossier est complet, et que ces prestations exigent un investissement en personnel, en matériel et en temps. Le coût total de cette activité divisé par le nombre de telles demandes à enregistrer dans le secteur administratif considéré donne un résultat sans doute même supérieur à CHF 250.-. De surcroît, le principe de la couverture des frais s’accommode d’une certaine compensation entre les émoluments perçus pour les diverses prestations fournies par la subdivision administrative concernée, dont les unes peuvent être déficitaires et d’autres bénéficiaires dans une mesure apparaissant ici respectée. Par ailleurs, un montant de CHF 250.- n’apparaît nullement inadéquat par rapport à l’avantage qu’a le requérant à ce que sa demande d’autorisation de construire ou de renseignement soit enregistrée et qu’ainsi son instruction proprement dite débute. Enfin, un contrôle concret de la validité dudit émolument d’enregistrement reste possible dans chaque cas d’application, devant donner lieu à la notification d’une décision, soit d’un bordereau (cf. art. 255 RCI).

d. Le recours est mal fondé en tant qu’il est dirigé contre l’émolument d’enregistrement de CHF 250.- prévu par l’art. 257 al. 1 RCI par demande d’autorisation de construire ou de renseignement.

6) a. Les recourantes s’en prennent également à la perception d’un émolument en cas de refus d’une autorisation de construire, telle qu’elle résulte explicitement, sur le plan du principe, des mots « ou refus d’autorisation » insérés à l’art. 254 al. 1 phr. 1 RCI.

Concernant le montant et/ou le mode de calcul de l’émolument perçu en cas de refus d’une autorisation, ainsi que l’intimé l’a indiqué dans sa réponse au recours, il y a lieu d’inférer du renvoi que l’art. 254 al. 1 phr. 1 RCI fait aux dispositions du chapitre du RCI consacrés aux émoluments, soit au chap. VIII (art. 254 à 259 RCI), que cet émolument est en règle générale – soit sous réserve d’une réduction exceptionnelle en application de l’art. 254 al. 1 phr. 2 et 3 RCI également introduite par la modification contestée – le même que celui qui serait perçu en cas de délivrance de l’autorisation de construire sollicitée. Il appert qu’il ne saurait s’agir d’un émolument de chancellerie, mais d’un émolument administratif, et donc qu’il doit reposer sur une base légale formelle en prévoyant au moins le principe, soit sur un acte normatif voté par le Grand Conseil au sens de l’art. 80 Cst-GE et passible du référendum facultatif selon l’art. 67 Cst-GE (Michel HOTTELIER / Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 353 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 305). En tant que redevance causale dépendante des coûts, cet émolument échappe cependant aux exigences strictes du principe de la légalité, en ce sens que son mode de calcul et la fixation de son montant n’ont pas à figurer obligatoirement dans une loi formelle, mais peuvent résulter d’un règlement, dans la mesure où les principes de la couverture des frais et de l’équivalence permettent d’en contrôler la validité sous cet angle.

b. Pour l’intimé, l’art. 154 LCI précité sert de base légale à l’émolument pour refus d’une autorisation de construire, le législateur entendant par « toutes les autorisations » toutes les décisions prises par le département dans le cadre des requêtes en autorisation de construire. L’association et la société recourantes objectent que cette disposition ne couvrirait pas un refus d’autorisation de construire, celui-ci ne pouvant pas être considéré comme une contre-prestation de l’État au bénéfice du requérant.

7) a. Comme toute norme, l’art. 154 LCI doit s’interpréter en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). D’un point de vue littéral, les mots « pour toutes les autorisations et permis d’habiter ou d’occuper qu’il délivre » n’apparaissent pas clairement et indubitablement ne désigner que les autorisations de construire formellement accordées, autrement dit limiter la perception d’un émolument à cette hypothèse-ci et donc instituer un principe de gratuité des procédures aboutissant au refus d’autorisations de construire ou de permis d’habiter ou d’occuper.

La véritable portée de la norme doit dès lors être dégagée au regard de la volonté du législateur telle qu’elle ressort, entre autres, des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique), de façon pragmatique, sans privilégier par principe l’une ou l’autre de ces méthodes d’interprétation (ATF 141 III 53 consid. 5.4.1 ; 140 II 202 consid. 5.1 ; 139 IV 270 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_839/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.4.1).

b. Sur le sujet considéré, la volonté du législateur ne s’exprime pas dans des travaux préparatoires, dans la mesure où l’actuel art. 154 LCI, figurant déjà tel quel dans la version d’origine de la LCI (ROLG 1988 p. 431 ss), a été repris de l’art. 230 de la loi homonyme du 25 mars 1961 (ROLG 1961 p. 217 ss), lui-même repris de l’art. 1 al. 4 de la précédente loi homonyme du 27 avril 1940 (ROLG 1940 p. 89 ss), et n’a jamais donné lieu, dans des exposés des motifs, des rapports de commission ou lors de débats au Grand Conseil, à des commentaires de la part du Conseil d’État ou du Grand Conseil.

c. La portée donnée à l’art. 154 LCI s’éclaire en revanche à la lecture de l’art. 3 al. 4 LCI, qui prévoit que lorsque le département refuse une autorisation, il se prononce néanmoins sur tous les éléments qui la concernent. D’après les travaux préparatoires de cette disposition, afin d'éviter que les instances de recours ne se prononcent que sur certains aspects seulement de la demande d'autorisation de construire, il est nécessaire que le département, lorsqu'il refuse une autorisation de construire, indique tous les motifs qui justifient sa décision. Celui-ci doit se prononcer complètement en cas de rejet d'une demande (MGC 1993 15/2 2186-2188, p. 2188 ; MGC 1995 12/II 1246 [en ligne]). Or, on ne voit pas pour quelle raison – et il n’en découle aucune de la systématique ou de la finalité des dispositions légales et réglementaires pertinentes, ou encore de la nature même des émoluments administratifs – l’examen d’une demande d’autorisation de construire devrait être complet mais gratuit lorsqu’il aboutit à la conclusion que les conditions d’octroi ne sont pas remplies.

Le REmAC pose au contraire pour principe, à son art. 2, que les prestations particulières fournies par l’État de Genève et les établissements publics qui en dépendent impliquent en général la perception d’une taxe ou d’un émolument auprès des intéressés. Il l’explicite en précisant, à son art. 3, que la taxe ou l’émolument peut couvrir l’ensemble des frais internes engagés par l’État en vue de fournir des prestations particulières, demandées ou causées par les intéressés (art. 3 REmAC). Ce faisant, il ne fait que reprendre des règles propres, de façon générale, aux émoluments.

En effet, il est conforme à la notion même d’émolument que celui-ci représente une contre-prestation financière d’un travail fourni et non d’un résultat déterminé. Si l’émolument se définit comme une contrepartie en argent que des administrés doivent verser à des collectivités publiques pour des prestations particulières que celles-ci leur fournissent ou des avantages déterminés qu’elles leur accordent, il est communément admis que les prestations ou avantages en question ne doivent pas forcément avoir été sollicités par les débiteurs des émoluments dont ils constituent la contrepartie, ni, s’agissant des prestations, être forcément avantageuses pour les administrés concernés, mais peuvent découler d’un travail administratif provoqué par le comportement ou simplement la situation des administrés concernés et accompagner une décision imposant à ces derniers des charges, obligations ou restrictions, ou des refus d’autorisation (Pierre TSCHANNEN / Ulrich ZIMMERLI / Markus MÜLLER, op. cit., § 57 n. 22 ; Daniela WYSS, Kausalabgaben, 2009, p. 11 et 26 s.).

d. Le traitement d’une demande d’autorisation de construire requiert un travail de la part du département. Dans tous les cas de figure, il y a fourniture d’une prestation étatique, aboutissant en principe à la prise d’une décision (d’octroi ou de refus de l’autorisation sollicitée). L’art. 154 LCI peut et doit être interprété comme couvrant ces diverses hypothèses. Les mots « pour toutes les autorisations et permis d’habiter ou d’occuper qu’il délivre » qui y figurent peuvent recevoir le sens – même nouvellement, l’interprétation d’une norme n’étant pas figée – de renvoyer aux autorisations que le département a la compétence de délivrer, donc de viser « les décisions sur demandes d’autorisation de construire » comme l’art. 257 al. 3 in initio RCI le précise désormais.

L’art. 154 al. 1 LCI, ayant rang de loi formelle, constitue ainsi une base légale suffisante pour le prélèvement, logiquement de la part des requérants, d’émoluments pour des déterminations du département, y compris des refus d’autorisations, rendus en application de la LCI et de ses règlements d’exécution. L’art. 154 al. 2 LCI délègue au Conseil d’État la fixation des émoluments couverts par l’al. 1 de cette disposition, à savoir la détermination du mode de calcul et du montant des émoluments considérés. Ceux-ci figurent dans des dispositions réglementaires, à l’art. 257 al. 3 à 11 RCI, mais aussi à l’art. 254 al. 1 phr. 2 et 3 RCI prévoyant leur réduction lorsqu’ils seraient manifestement trop importants par rapport à l’objet de la demande d’autorisation de construire. Il est suffisant que le mode de calcul et le montant desdits émoluments figurent dans des dispositions réglementaires, dès lors que les principes de la couverture des frais et de l’équivalence sont propres à permettre d’en contrôler la conformité au droit.

Le grief de défaut de base légale formelle pour la perception d’émoluments en cas de refus d’une autorisation de construire est mal fondé.

e. L’association et la société recourantes, de même d’ailleurs que l’intimé, ne développent pas d’arguments relatifs aux principes de la couverture des frais et/ou de l’équivalence en relation avec l’émolument perçu pour un refus d’une autorisation de construire. Elles se bornent à indiquer que cet émolument pourrait être important en tenant compte du type de demande en jeu. Une argumentation aussi sommaire ne saurait être considérée comme suffisante dans le cadre d’un recours en contrôle abstrait de conformité d’une norme au droit supérieur, au regard de l’art. 65 al. 3 LPA. Les recourantes conservent la possibilité de demander un contrôle concret d’un émolument payé dans le cadre d’une décision de refus d’une autorisation de construire, qui doit prendre la forme d’un bordereau, sujet à recours (art. 255 RCI).

8) a. Pour les recourantes, l’émolument que prévoit l’art. 257 al. 10 RCI pour réponse à une demande de renseignement serait dépourvu de base légale. L’intimé estime que l’art. 154 LCI précité lui sert de base légale suffisante.

b. Si l’art. 154 LCI ne fait pas explicitement mention des réponses aux demandes de renseignement, et si par ailleurs les travaux préparatoires de cette norme ne renseignent pas sur sa portée – comme cela a été relevé pour le refus d’autorisations de construire (consid. 7b) –, il importe de souligner que le législateur traite des demandes de renseignement dans le cadre des demandes préalables de construire, à savoir à l’art. 5 LCI. Le RCI fait de même, à son art. 7 consacré aux demandes préalables, non seulement en précisant à son al. 2 let. b in fine qu’« Il en va de même pour les demandes de renseignement » à propos de la signature du plan cadastral, mais aussi en prévoyant à son al. 3 que « Les alinéas 1 et 2 sont applicables, par analogie, à la demande de renseignement » (phr. 1, la phr. 2 réservant les pièces complémentaires mentionnées à l’art. 2 al. 4 du règlement d'application de la loi générale sur les zones de développement du 20 décembre 1978 [RGZD - L 1 35.01]).

À teneur de l’art. 5 al. 1 LCI, une demande préalable d’autorisation de construire tend à obtenir du département compétent une réponse sur l’implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet de construction présenté. L’art. 5 al. 4 LCI évoque deux hypothèses dans lesquelles elle peut intervenir sous la forme d’une demande de renseignement, aboutissant, dans les deux cas, à une réponse du département constitutive d’un simple renseignement sans portée juridique. Il évoque d’une part celle dans laquelle la demande préalable, sur requête expresse du requérant, n’est pas publiée dans la FAO, et d’autre part celle qui vise à l’élaboration d’un projet de plan d’affectation du sol et dans laquelle, compte tenu des intérêts potentiels de tiers, une publication spéciale est d’ores et déjà faite de la demande dans la FAO, n’ouvrant cependant pas de voie d’opposition. Le premier cas de figure peut répondre à des besoins spécifiques, permettant au requérant, dans un second temps, de déposer une demande d’autorisation (en principe définitive) de construire ayant de bonnes perspectives de porter sur un projet de construction répondant aux exigences posées par les normes d’aménagement du territoire et de police des constructions ; il concerne plutôt des projets de construction dans des zones ordinaires et a vocation de revêtir et revêt effectivement, vu leur nombre très limité, un caractère exceptionnel. Même si, d’après les mots « à moins que » figurant à l’art. 5 al. 4 LCI, le second cas de figure apparaît représenter une exception, il représente au contraire le cas topique de dépôt de demandes de renseignement, concernant des projets de construction dans des périmètres soumis ou destinés à l’adoption d’un plan d’affectation du sol, en particulier en zones de développement, projets d’une part en vue desquels les éléments ordinaires précités d’une demande préalable de construire sont déterminés par le Grand Conseil lorsqu’il s’agit de modifier le régime des zones ou/et le Conseil d’État notamment lorsqu’il s’agit d’adopter un PLQ (cf. not. art. 15 al. 1 LaLAT et art. 2 al. 1 let. a et art. 3 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 [LGZD - L 1 35]) et qui, d’autre part, sont susceptibles de concerner aussi d’autres parcelles que celle(s) du requérant (cf. aussi art. 13A LaLAT).

c. De surcroît, en plus d’intervenir dans des temps différés (souvent de plusieurs années), les examens d’une demande de renseignement et d’une demande d’autorisation de construire impliquent l’un et l’autre un travail administratif susceptible, suivant les cas, d’être d’une complexité certaine. Il se justifie pleinement que tant l’un que l’autre donnent lieu à la perception d’émoluments, qui, au surplus, ne doivent pas forcément être calculés sur les mêmes bases ni aboutir aux mêmes montants.

De plus, si des tiers peuvent être concernés par des demandes de renseignement et si les réponses à ces dernières constituent de simples renseignements sans portée juridique, pour les requérants comme pour les éventuels tiers intéressés (art. 5 al. 4 in fine LCI), il ne s’ensuit nullement que les requérants déposant de telles demandes ne tirent aucun avantage des réponses que le département compétent est amené à leur donner au terme de l’examen des demandes, autrement dit que les prestations que fournit le département pour répondre à de telles demandes servirait exclusivement l’intérêt public. Les requérants de demandes de renseignement sont ensuite en position de présenter, si la possibilité de le faire se confirme ou se crée au travers de cette démarche, des demandes d’autorisation de construire ayant de bonnes perspectives d’être conformes aux exigences légales ; ils bénéficient d’une accélération du processus d’élaboration d’un plan d’affectation du sol permettant le cas échéant la réalisation de leurs projets de construction.

d. La chambre de céans a d’ailleurs déjà dit, dans un récent arrêt (ACST/5/2017 du 12 avril 2017 précité consid. 7b), que la lettre de l’art. 154 al. 1 LCI ne limite pas la portée de cette disposition aux autorisations de construire stricto sensu, à l’exclusion de toute autre détermination prévue par cette même législation ; ils n’écartent pas les demandes de renseignement. Comme pour le refus d’une autorisation de construire, il se justifie de retenir que l’art. 154 al. 1 LCI fait référence aux décisions et déterminations que le département en charge de l’application de ladite loi a la compétence de rendre, ce qui est le cas aussi des demandes de renseignement. Le traitement d’une demande de renseignement représente indéniablement une prestation étatique, en contrepartie de laquelle la perception d’un émolument administratif, fondée quant à son principe sur ladite disposition légale formelle, peut être prévue, et dont le mode de calcul et le montant sont contrôlables au travers des principes de la couverture des frais et de l’équivalence.

Le grief de défaut de base légale de l’émolument pour réponse à une demande de renseignement doit être rejeté.

9) a. Les recourantes prétendent que l’émolument prévu par l’art. 257 al. 10 RCI pour une réponse à une demande de renseignement viole le principe de l’équivalence. Son montant forfaitaire de base de CHF 10'000.- serait disproportionné et arbitraire, indifférencié en fonction de l’ampleur et de la nature du cas ; s’y ajouterait une somme de CHF 500.- par unité de 1’000 m2 de surfaces des parcelles concernées, en plus de l’émolument d’enregistrement et de traitement de l’éventuelle demande d’autorisation de construire qui suivrait. Une réduction de son montant en application de l’art. 254 al. 1 phr. 2 RCI ne serait pas possible, une demande de renseignement étant distincte d’une autorisation de construire et intervenant plusieurs années avant celle-ci. La prestation que le département est amené à fournir en traitant une demande de renseignement servirait l’intérêt public, en tant qu’elle tend à déterminer s’il y a lieu de modifier le régime des zones ou d’adopter ou modifier un plan d’affectation du sol (en particulier un PLQ). Ledit émolument serait même en réalité une taxe d’orientation.

b. Ainsi qu’il l’a expliqué dans sa réponse au recours, l’intimé a intégré dans sa réflexion sur le mode de calcul dudit émolument la préoccupation de favoriser l’utilisation de demandes préalables d’autorisation de construire, plutôt que de demandes de renseignement, dans les cas que des demandes d’autorisation préalable de construire ont vocation de régler, en particulier pour des requêtes portant sur la faisabilité de projets de construction au regard de leur conformité avec l’affectation de la zone et d’éventuels plans localisés de quartier existants, possiblement au bénéfice de dérogations du ressort du département (art. 11 et 106 LCI ; art. 26 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 [LaLAT - L 1 30]). Ce faisant, l’intimé n’a fait que d’adopter des dispositions fidèles à l’esprit de ces deux instruments prévus par la LCI, sans que l’émolument litigieux change de nature, à savoir ne puisse plus être qualifié de contribution causale dépendante des coûts (soit d’émolument administratif) mais doive être considéré comme une taxe d’orientation. L’émolument prévu par l’art. 257 al. 10 RCI reste fondamentalement dû en contrepartie du travail généré par le traitement d’une demande de renseignement.

c. Les recourantes ne contestent l’émolument pour les réponses aux demandes de renseignements que sous l’angle du principe de l’équivalence, sans soulever ni en tout état développer, de façon à satisfaire aux exigences de l’art. 65 al. 3 LPA, de grief quant à un éventuel non-respect du principe de la couverture des frais.

Il ressort au demeurant des données fournies par l’intimé que, globalement, les coûts de fonctionnement de l’OAC ne se trouvent couverts qu’à hauteur de 72 % par les émoluments perçus au sein dudit office. Sans doute cela ne démontre-t-il pas que, quant à lui, l’émolument prévu par l’art. 257 al. 10 RCI pour une réponse à une demande de renseignement n’excède pas les coûts des prestations devant être fournies pour l’établissement d’une telle réponse. Toutefois, dans la mesure où il apparaît justifié de prendre en considération l’OAC à titre de subdivision administrative concernée pour juger du respect du principe de la couverture des frais des contributions causales perçues en son sein (ACST/6/2017 du 19 mai 2017 consid. 13c), il doit être admis, jusqu’à un certain point, qu’il n’y ait pas de correspondance exacte entre le montant de chacune d’elles et les coûts des prestations en justifiant la perception. Une certaine correspondance n’en doit pas moins subsister, à défaut de quoi il s’impose, selon ce qui est le plus approprié, soit de réduire la subdivision administrative pertinente, en n’appréhendant que quelques-unes des prestations déployées en son sein (comme la photocopie et le scannage de dossiers pénaux [ACST/19/2015 du 15 octobre 2015 consid. 9 à 12] ou le contrôle du stationnement dans les seules zones blanches avec horodateurs [ACST/6/2017 précité consid. 13c]), soit de compléter l’examen de la validité d’un type déterminé d’émolument et le cas échéant de corriger le montant de ce dernier en application du principe de l’équivalence, et ce, que ce soit dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes prévoyant ledit type d’émolument ou dans celui d’un contrôle concret d’une décision les appliquant, avec néanmoins les différences d’étendue du pouvoir d’examen propres à ces deux contrôles juridictionnels.

En l’occurrence, c’est bien au regard du principe de l’équivalence que la conformité au droit de l’émolument pour les réponses aux demandes de renseignement prévu par l’art. 257 al. 10 RCI doit être vérifiée, ici abstraitement.

d. L’émolument ici litigieux comprend un forfait de base de CHF 10'000.-, auquel s’ajoute une somme de CHF 500.- par unité de 1’000 m2 des surfaces des parcelles concernées (art. 257 al. 10 RCI). Ainsi, pour une demande de renseignement portant sur un ou des parcelles totalisant 10’000 m2, il serait de CHF 15'000.- (CHF 10'000.- + 10 x CHF 500.-). Cet exemple, que donne l’intimé dans sa réponse au recours, peut certes être tenu pour représentatif d’un projet de construction ayant vocation à être traité dans un premier temps par le biais d’une demande de renseignement, en tant qu’il est susceptible, de par son importance, de porter sur un périmètre soumis ou destiné à l’adoption d’un plan d’affectation du sol. Il n’empêche que le système légal permet le dépôt de demandes de renseignement aussi dans d’autres cas, plus simples, ne posant pas la question de l’adoption ou de la modification d’un plan d’affectation du sol.

L’examen de certaines demandes de renseignement, en particulier de la première catégorie évoquée ci-dessus, peut requérir un travail considérable de la part de l’administration, impliquant d’autant plus la consultation de plusieurs services étatiques qu’il s’agit aussi de se déterminer sur la nécessité et/ou l’opportunité d’adopter ou modifier des plans d’affectation du sol. Tel n’est cependant pas toujours le cas, notamment pour des demandes de renseignement de la seconde catégorie précitée. Par ailleurs, si elle peut – comme déjà dit (consid. 8b et c) – présenter pour le requérant une valeur objective importante, une réelle utilité, elle n’en constitue pas moins un simple renseignement sans portée juridique (art. 5 al. 5 in fine LCI). Dans ces conditions, la fixation d’un forfait de base d’un montant aussi élevé que CHF 10'000.- n’est pas compatible avec le principe d’équivalence.

Le fait que – contrairement à ce que les recourantes prétendent, mais comme l’intimé l’a confirmé dans sa réponse au recours – une réduction dudit émolument peut être accordée lorsqu’il serait manifestement trop important par rapport à l’objet de la demande de renseignement, en application de l’art. 254 al. 1 phr. 2 et 3 RCI, ne suffit pas à rendre ledit forfait de base conforme au droit. Il en va de même du fait qu’un contrôle concret de l’application faite desdites dispositions (soit tant de l’art. 257 al. 10 que de l’art. 254 al. 1 phr. 2 et 3 RCI) reste ouvert, sur recours au Tribunal administratif de première instance (art. 145 LCI) contre le bordereau auquel donne lieu la perception de tout émolument (art. 255 RCI), puis le cas échéant contre le jugement de ce tribunal, sur recours à la chambre administrative de la Cour de justice (art. 132 al. 2 LOJ cum art. 149 LCI).

e. Le recours est ainsi partiellement fondé en tant qu’il est dirigé contre l’art. 257 al. 10 RCI relatif à l’émolument pour une réponse à une demande de renseignement.

10) Le recours doit être partiellement admis, au sens des considérants et l’art. 257 al. 10 RCI annulé.

Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge de l’association et de la société recourantes, prises conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA ; art. 2 al. 2 RFPA).

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au Conseil d’État, ni aux recourantes, qui n’en ont d’ailleurs pas demandé et ne sont au surplus pas représentées par un avocat ou un mandataire professionnellement qualifié (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

déclare recevable le recours de l’association des promoteurs constructeurs genevois et de Patp Développement SA du 7 décembre 2016 contre le règlement du 2 novembre 2016 modifiant le règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 par l’introduction de l’art. 254 al. 1 (nouvelle teneur) et de l’art. 257 al. 1 (nouvelle teneur) et al. 10 (nouveau) ;

l’admet partiellement ;

annule l’art. 257 al. 10 (nouveau) dudit règlement ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de l’association des promoteurs constructeurs genevois et de Patp Développement SA, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’association des promoteurs constructeurs genevois, à Patp Développement SA et au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Cramer et Junod, MM. Dumartheray et Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

le président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :