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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2290/2019

ATA/968/2020 du 29.09.2020 sur JTAPI/1112/2019 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.11.2020, rendu le 21.06.2021, REJETE, 1C_621/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2290/2019-LCI ATA/968/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 septembre 2020

3ème section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Patrick Blaser, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
12 décembre 2019 (JTAPI/1112/2019)


EN FAIT

1) La A______ SA (ci-après : la société) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______ (ci-après : la parcelle), d'une surface de 58'527 m2, située en cinquième zone, entre les routes de C______ et des D______ et les chemins des E______ et F______, avec un accès à la route de C______ et un autre au chemin des E______.

2) La parcelle est concernée par un plan directeur de quartier (ci-après : PDQ) n° 2______ adopté le 23 mars 2005 par le Conseil d'État sous le nom « Jardin des D______ », et intégré dans le projet structurant « G______ » visant à créer une allée piétonne et arborée (« voie verte ») allant de la route de H______ au village de C______ en passant par I______ (ci-après : I______), laquelle longerait le bas de la parcelle.

3) Le 25 mars 2015, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le département du territoire (ci-après : DT), a délivré à la société une autorisation définitive de construire n° DD 3______ portant sur des aménagements extérieurs sur la parcelle. Les plans signalaient une bande de terrain le long de la limite sud-est de la parcelle, hachurée en vert et marquée « G______ ». L'autorisation intégrait les conditions assortissant les différents préavis des services consultés, lesquelles devaient être strictement respectées. Parmi ces dernières, la direction de la planification directrice cantonale et régionale, devenue la direction de la planification cantonale (ci-après : SPI), conditionnait la délivrance de l'autorisation à l'inscription au Registre foncier
(ci-après : RF) d'une servitude de passage en faveur de l'État pour le G______. Le chiffre 7 de l'autorisation disposait que l'inscription de la servitude de passage par le G______ devrait être inscrite au RF avant l'ouverture du chantier. L'autorisation est entrée en force.

4) Le 23 juillet 2015, la société a avisé le DT qu'elle ouvrait le chantier le 27 juillet 2015. Interpellée par le DT sur le chiffre 7 de l'autorisation de construire, la société a indiqué le 16 octobre 2015 qu'elle n'entreprenait durant l'été que les travaux nécessaires, soit l'édification du merlon ouest et du portail d'entrée, lesquels ne prétéritaient pas la problématique liée au G______. Comme elle n'avait pas envisagé durant l'été 2015 les autres travaux, l'exigence du chiffre 7 de l'autorisation avait échappé à la diligence de ses architectes au moment d'annoncer l'ouverture du chantier. La suite à donner à l'autorisation serait envisagée à l'occasion d'un contact ultérieur.

5) Le 5 février 2016, le DT a répondu, après avoir requis la détermination du SPI, que la servitude aurait dû être inscrite avant l'ouverture du chantier et que la preuve de son inscription devait être transmise dans les trente jours.

6) Le 10 mars 2016, la société s'est déclarée surprise. La voie verte avait été intégrée dans l'autorisation de construire n° DD 4______ délivrée pour la parcelle voisine au sud-est n° 5______, et les travaux d'aménagement, sur un chemin préexistant, étaient déjà très avancés.

7) Le 16 mars 2016, le DT a infligé une amende administrative de CHF 500.- au conseil de la société, faute pour celui-ci d'avoir répondu au courrier du 5 février 2016. Les documents réclamés devaient être produits dans les trente jours.

8) Par courrier du 23 mars 2016, transmis à la société le 31 mai 2016, le SPI a expliqué la pratique consistant à intégrer dans les conditions de l'autorisation de construire l'inscription de servitudes nécessaires à la réalisation de projets d'intérêt général. À teneur du PDQ, les deux parcelles nos 1______ et 5______ étaient concernées par la voie verte, et il n'y avait pas de doublon.

9) Le 18 mai 2016, le DT a annulé l'amende de CHF 500.- infligée au conseil de la société, et a infligé à la société une amende de CHF 500.- faute pour celle-ci d'avoir respecté l'ordre du 5 février 2016. Les documents réclamés devaient être produits dans les trente jours.

10) Le 7 juin 2016, la société a réclamé une copie de la fiche de mise en oeuvre d'actions prioritaires n° 2.4 du PDQ ainsi qu'une copie de l'inscription de la servitude liée à l'autorisation n° DD 4______ et à la parcelle n° 5______.

11) Le 16 juin 2016, le DT a précisé que la servitude exigée pour l'autorisation n° DD 4______ était une condition mais qu'aucun délai n'était imposé pour son inscription. Le fait qu'elle n'avait pas encore été inscrite ne posait pas de problème car le chantier n'était pas encore terminé.

12) Par jugement JTAPI/1365/2016 du 22 décembre 2016, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a partiellement admis le recours formé par la société contre la décision du 18 mai 2016. L'amende infligée à la société était annulée car elle sanctionnait le non-respect d'un ordre adressé à son conseil. L'ordre de documenter dans les trente jours l'inscription de la servitude de passage n'était ni nul, ni subordonné à la réalisation de tous les aménagements autorisés.

Par arrêt ATA/1111/2017 du 18 juillet 2017, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté un recours de la société contre ce jugement.

Par arrêt 1C_474/2017 du 13 décembre 2017, le Tribunal fédéral a rejeté un recours de la société contre cet arrêt.

13) Le 6 février 2017, la société a annoncé au DT qu'elle renonçait à entreprendre les travaux autorisés.

14) Le 9 mai 2019, le DT a réitéré à la société son ordre de faire inscrire la servitude de passage prévu par l'autorisation de construire n° DD 3______.

Le DT a également infligé à la société une amende administrative de CHF 1'000.- en raison du non-respect par celle-ci de la condition du chiffre 7 de l'autorisation de construire.

15) Les 21 et 31 mai 2019, la société a réclamé au SPI la preuve que la servitude de passage exigée de la parcelle voisine n° 5______ dans le cadre de l'autorisation n° DD 4______ avait été inscrite.

Le 4 juin 2019, le SPI a annoncé qu'il répondrait dès que possible.

16) Le 12 juin 2019, la société a recouru au TAPI contre la décision du DT du 9 mai 2019, concluant à son annulation.

Le 28 juin 2019, la société a développé son argumentation.

Seule l'amende était contestée.

La société était dans l'impossibilité de faire procéder à l'inscription faute de contrat de servitude et d'actes notariés stipulés avec l'État de Genève, lequel n'avait entrepris aucune démarche alors que la réalisation de la voie verte, et plus spécifiquement la fiche n° 4 assortissant le PDQ, lui imposaient de négocier les acquisitions foncières nécessaires.

L'amende était en outre illégale car elle ne reposait sur aucune violation de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ou de ses règlements.

Elle violait l'égalité de traitement car le chantier sur la parcelle voisine était terminé, et rien n'indiquait que la servitude avait été inscrite au RF ou le serait, ou encore qu'une procédure d'infraction avait été ouverte.

17) Le 29 août 2019, le DT s'en est rapporté à justice sur la recevabilité du recours en ce qui concernait l'amende, a conclu à son irrecevabilité pour le surplus, et à son rejet sur le fond.

18) Le 24 octobre 2019, la société a répliqué et réclamé l'apport du dossier de la parcelle n° 5______ afin que soit établi si la servitude de passage avait été inscrite sur ce fonds, et à défaut si des poursuites avaient été ouvertes.

 

19) Par jugement JTAPI/1112/2019 du 12 décembre 2019, le TAPI a rejeté le recours.

L'art. 13 al. 4 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) permettait au DT de demander la constitution de servitudes dans le cadre de l'octroi d'une autorisation de construire. La société reconnaissait qu'elle n'avait pas respecté la condition assortissant l'autorisation de construire en ouvrant le chantier sans avoir fait inscrire préalablement la servitude. Elle n'avait toujours pas satisfait à cette obligation, dont le Tribunal fédéral avait confirmé le bien-fondé. C'était à elle qu'il incombait d'entreprendre les démarches nécessaires auprès de l'État de Genève. Les travaux avaient été engagés en violation de l'autorisation de construire et des conditions qui en faisaient partie intégrante. L'amende était fondée dans son principe, et sa quotité n'était pas contestée. Il n'y avait pas d'inégalité de traitement avec la parcelle voisine « à ce stade », laquelle était également obligée d'inscrire une servitude de passage, l'absence de délai n'ayant au final que peu d'incidence, et l'autorité intimée étant invitée à s'assurer du respect de la condition.

20) Par acte remis au guichet le 30 janvier 2020, la société a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 12 décembre 2019, concluant à son annulation, ainsi qu'à l'annulation de la décision du DT du 9 mai 2019. Le DT devait préalablement se voir ordonner de produire le dossier de la parcelle n° 5______ établissant l'inscription de la servitude, alternativement l'ouverture d'une procédure d'infraction en raison du non-respect de cette condition.

Son droit d'être entendu avait été violé, car le TAPI avait refusé d'ordonner au DT de produire le dossier de la parcelle n° 5______, dont le propriétaire ne semblait pas avoir été inquiété.

La sanction administrative était illégale, faute de base légale dans la loi prévoyant l'insertion dans une autorisation de construire d'une clause accessoire.

La société était objectivement dans l'impossibilité de faire inscrire la servitude, et ne pouvait donc avoir commis un délit par omission, le DT lui ayant écrit le 28 octobre 2019 que des démarches avaient été entreprises auprès de l'État, auquel il incombait par ailleurs de prendre l'initiative des négociations.

La sanction violait enfin le principe d'égalité de traitement, car faute de preuve du contraire, tout portait à croire que la parcelle voisine n'avait pas fait inscrire de servitude et n'avait pas été poursuivie de ce fait.

21) Le 10 mars 2020, le DT a conclu au rejet du recours.

Les situations des deux parcelles n'étaient pas comparables, car le DT avait certes exigé dans les deux cas l'inscription d'une servitude, mais n'avait pas fixé à la parcelle n° 5______ une échéance avant le début des travaux. Les situations étant différentes, la production du dossier de la parcelle n° 5______ n'avait pas lieu d'être ordonnée.

La sanction du non-respect d'une autorisation, comprenant les conditions qui l'assortissaient, était prévue par la loi et le principe de légalité n'avait pas été violé.

La recourante avait admis avoir ouvert le chantier sans même avoir tenté de respecter la condition de l'inscription préalable d'une servitude. Si elle était vraiment dans l'impossibilité d'obtenir l'inscription, il lui appartenait d'interpeller le DT avant d'ouvrir le chantier.

Il n'y avait enfin pas eu de violation du principe d'égalité de traitement, les situations des deux parcelles étant différentes.

22) Le 18 mai 2020, la recourante a répliqué.

Le TAPI n'avait même pas examiné les réquisitions de preuve qu'elle avait formulées.

Les situations des deux parcelles étaient parfaitement comparables. La servitude de passage devait être répartie entre les deux dans le cadre du même projet.

Le DT avait imposé au moyen de clauses accessoires aux diverses autorisations de construire, délivrées aux différents propriétaires, l'inscription de la servitude litigieuse. La seule différence résidait dans le fait que la preuve de l'inscription de la servitude litigieuse était exigée, pour le propriétaire de la parcelle n° 5______, à la fin du chantier, lors de la remise de l'attestation globale de conformité.

L'autorité délivrant le permis de construire ne pouvait régler au moyen de clauses accessoires des litiges ressortissant au droit privé. Les servitudes en faisaient partie, et le droit public des constructions ne les prévoyait que pour assurer les distances aux limites de propriété (art. 46 al. 1 LCI). La condition imposée à la recourante ne trouvait aucune base légale et son irrespect ne pouvait fonder le prononcé d'une amende.

Le propriétaire de la parcelle n° 5______ n'avait pas réalisé la condition imposée, puisque le bâtiment avait été construit et était occupé et qu'il n'existait aucune servitude. La recourante souhaitait comprendre comment la non réalisation de la condition avait été sanctionnée par le DT, ce d'autant que le propriétaire ne semblait pas avoir été inquiété lors du dépôt du recours. Le principe d'égalité de traitement avait été violé.

Un plan intégré dans les écritures de la recourante (p. 3 - v. illustration 3) montrait que le projet prévoyait, de l'ouest vers l'est, un cheminement commun entre les parcelles n° 1______ et n° 6______ (I______), puis commun entre les parcelles n° 1______ et n° 5______, puis un cheminement à court terme sur la parcelle n° 5______ et un cheminement à long terme sur les parcelles nos 1______, 7______ et 8______.

23) Le 25 mai 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de l'amende administrative infligée par le DT à la recourante et confirmée par le jugement attaqué.

La chambre de céans avait statué que l'autorisation de construire du 25 mars 2015, qui n'avait pas été contestée, était devenue définitive et exécutoire, que l'ouverture du chantier avait été annoncée et que certains éléments de ce dernier, soit le merlon et le portail d'entrée, avaient effectivement été réalisés, si bien que l'autorisation avait été partiellement exécutée, de sorte que l'exigence, par le DT, du respect de la condition du chiffre 7, qui avait force de chose décidée, ne prêtait pas le flanc à la critique, et n'était pas nulle comme le soutenait alors la recourante (ATA/1111/2017 précité consid. 6).

3) En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4) La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue car le TAPI ne lui a pas accordé les mesures d'instruction sollicitées, notamment ordonner au DT la production du dossier de la parcelle n° 5______.

Devant la chambre de céans, la recourante sollicite qu'il soit ordonné au DT de produire ce même dossier.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/1001/2018 du 25 septembre 2018 consid. 2a) et n'implique pas non plus une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (ATF 140 I 68 consid. 9.6).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 et la jurisprudence citée ; arrêts du Tribunal fédéral précités) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à un traitement rapide de la cause (ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; 132 V 387 consid. 5.1 ; ATA/197/2013 du 26 mars 2013). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/801/2014 du 14 octobre 2014).

b. En l'espèce, le jugement attaqué ne statue pas sur la requête de la recourante que soit produit le dossier de la parcelle n° 5______.

La recourante et le DT ont toutefois fourni devant le TAPI déjà toutes les informations nécessaires pour trancher le grief de violation du principe d'égalité de traitement, à l'appui duquel est réclamée la production du dossier de la parcelle n° 5______, grief que le TAPI a rejeté.

La chambre de céans considère dès lors que le TAPI, puis elle-même, disposaient d'un dossier complet, et ne donnera pas suite à la demande d'ordonner au DT la production de ce dossier, étant précisé que l'éventuelle violation par le TAPI du droit d'être entendue de la recourante est réparée par la présente procédure.

5) Dans un second grief, la recourante se plaint du caractère illégal de la sanction, faute de base légale prévoyant l'insertion dans une autorisation de construire d'une clause accessoire.

a. Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu'aux ordres donnés par le département dans les limites de ladite loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de
celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7, non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par sept ans (al. 5).

Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/440/2019 précité et les références citées).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité et les références citées).

S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/440/2019 précité ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013).

b. En l'espèce, l'amende a été infligée en raison de la violation du chiffre 7 de l'autorisation, imposant l'inscription d'une servitude de passage avant l'ouverture du chantier. La recourante ne conteste pas avoir ouvert le chantier sans avoir préalablement obtenu l'inscription de la servitude.

La loi prévoit que la délivrance d'une autorisation puisse être subordonnée à des conditions (p. ex. art. 15 al. 3, 16, 20, 23 al. 4, 24 al. 2, 27 al. 4, 88 LCI) et elle prévoit même expressément que l'autorisation de construire est subordonnée à la remise d'un extrait du RF attestant que l'inscription d'une servitude a été opérée (art. 46 al. 2 et 71 al. 2 LCI).

La loi prévoit par ailleurs expressément que des conditions assortissent l'autorisation : l'attestation de conformité certifie par exemple que la construction ou installation est conforme à l'autorisation de construire et aux conditions assortissant celle-ci (art. 7 al. 2 LCI) ; l'inscription de restrictions au RF peut être ordonnée pour assurer le respect des conditions dont l'autorisation est assortie (art. 153 al. 2 LCI).

La chambre de céans a pour sa part admis que le non-respect d'une condition posée par le service du feu, incorporée dans l'autorisation de construire, et devant être réalisée au jour de l'ouverture du site, constituait une violation de l'art. 137 al. 1 LCI fondant le prononcé d'une amende (ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 consid. 3). Dans le précédent arrêt au sujet de la présente espèce, la chambre de céans avait jugé la condition du chiffre 7 conforme à la loi (ATA/1111/2017 précité consid. 6).

Il y a ainsi lieu de retenir qu'en l'espèce l'autorisation incorporait valablement la condition d'avoir fait inscrire une servitude de passage avant l'ouverture du chantier, et que la violation de cette condition correspondait à la violation de l'autorisation incorporant celle-ci, et tombe partant sous le coup de l'art. 137 al. 1 LCI.

Sur ce point, la décision du DT et le jugement du TAPI sont exempts de critiques.

Mal fondé, le grief de défaut de base légale sera écarté.

6) Dans un troisième grief, la recourante se plaint de l'absence de faute, car elle avait objectivement été dans l'impossibilité de faire inscrire la servitude, et ne pouvait donc avoir commis un délit par omission, le DT lui ayant écrit le 28 octobre 2019 que des démarches avaient été entreprises auprès de l'État, auquel il incombait par ailleurs de prendre l'initiative des négociations.

a. Le prononcé d'une amende administrative suppose la commission d'une faute.

b. En l'espèce, l'exigence d'inscription d'une servitude préalablement à l'ouverture du chantier vise à s'assurer que la propriétaire restreindra effectivement son droit de propriété avant de procéder aux premiers aménagements. Le DT peut d'ailleurs ordonner la suspension des travaux si l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 129
let. a et 130 LCI).

Le respect des conditions assortissant l'autorisation incombe au bénéficiaire. En l'espèce, il appartenait à la recourante de prendre toute mesure utile pour faire inscrire au RF la servitude de passage, à commencer par l'ouverture de pourparlers avec l'État à ces fins, qu'elle n'allègue même pas avoir entreprise.

La recourante ne pouvait donc prétendre imputer à l'État une initiative qui lui incombait à teneur de l'autorisation dont elle était bénéficiaire et qu'elle n'avait pas contestée. La décision du DT et le jugement du TAPI sont sur ce point exempts de critiques.

Le grief sera écarté.

7) Dans un quatrième grief, la recourante se plaint que la sanction violait le principe d'égalité de traitement, car faute de preuve du contraire, tout portait à croire que la parcelle voisine n'avait pas fait inscrire de servitude alors qu'elle y était obligée et n'avait pas été poursuivie de ce fait.

a. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d'une inégalité de traitement au sens de l'art. 8 Cst. lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d'autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n'aurait pas été appliquée du tout. Cependant, cela présuppose de la part de l'autorité dont la décision est attaquée la volonté d'appliquer correctement, à l'avenir, les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés. En revanche, si l'autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l'autorité modifie sa pratique illégale. Encore faut-il que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'il n'existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l'égalité de traitement, ni d'ailleurs qu'aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s'y oppose (ATF 139 II 49 consid. 7.1 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2013, vol. 2, 3ème éd., p. 500 s. n. 1074 ss).

b. En l'espèce, les situations ne sont pas semblables, puisque l'obligation d'inscrire une servitude sur la parcelle n° 5______ ne naît qu'à l'achèvement des travaux, alors que la recourante avait l'obligation d'avoir fait inscrire la servitude avant l'ouverture du chantier.

Rien ne permet pas ailleurs de conclure que le DT aurait renoncé à obtenir l'inscription de la servitude de passage à la charge de la parcelle n° 5______, ni qu'en l'absence d'inscription il aurait renoncé à sanctionner la carence de la propriétaire.

Rien ne permet enfin de suspecter que le DT aurait l'intention de ne pas faire respecter à l'avenir les conditions assortissant les autorisations délivrées dans le quartier et visant à garantir l'acquisition des droits nécessaires à la réalisation du projet de voie verte, de sorte que la recourante devrait en toute hypothèse, soit même pour le cas où la servitude grevant la parcelle ne serait pas encore inscrite et aucune poursuite ne serait encore entamée, se voir opposer le principe selon lequel elle ne peut se prévaloir d'une égalité dans l'illégalité.

Le grief sera rejeté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 janvier 2020 par la A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de la A______ SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Patrick Blaser, avocat de la recourante, au département du territoire - OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance .

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeante :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :