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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3095/2016

ATA/393/2018 du 24.04.2018 sur JTAPI/122/2017 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : ACCORD SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ; ACTIVITÉ LUCRATIVE ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION ; RÉTROACTIVITÉ ; PÉRIODE TRANSITOIRE ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; RETARD INJUSTIFIÉ
Normes : LPA.60.al1.leta; LPA.60.al1.letb; aOLP.27; RaOLCP.18.al2; RaOLCP.29.al1; Cst.9; Cst.5.al3
Résumé : L'intérêt digne de protection à recourir pour faire modifier la date du début de validité d'une autorisation de séjour est douteux, dès lors que ladite autorisation a précisément été accordée et que les dispositions légales ne prévoient pas d'effet rétroactif à l'autorisation de séjour. Sur le fond, l'autorité ne pouvait octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative au recourant avant le 1er juin 2016, date à partir de laquelle les travailleurs bulgares et roumains ont pu bénéficier automatiquement de la libre circulation complète, dès lors que l'employeur n'avait pas prouvé avoir respecté le principe de priorité des travailleurs indigènes. Pas non plus de déni de justice de la part de l'OCPM.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3095/2016-PE ATA/393/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 avril 2018

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Jérôme D______, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
2 février 2017 (JTAPI/122/2017)


EN FAIT

1) M. A______, de nationalité roumaine, est né le
______ 1983.

2) Le 18 avril 2012, il a sollicité une autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de l’office cantonal de la population, devenu depuis lors l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Mme B______, gérante de l’entreprise C______, souhaitait l’engager en qualité de responsable de salle dans son établissement. Était joint le contrat de travail y relatif.

3) Par courrier du 4 décembre 2012, l’OCPM lui a indiqué avoir appris qu’il faisait l’objet d’une procédure pénale et qu’il suspendait l’examen de sa demande de séjour jusqu’à la décision des autorités judiciaires.

4) Par jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 19 juin 2013,
M. A______ a été condamné pour tentative de meurtre, à une peine privative de liberté de trente-six mois sous déduction de trois cent-soixante et un jours de détention avant jugement. Mis au bénéfice d’un sursis partiel, la peine à exécuter a été fixée à quinze mois.

5) Le 23 septembre 2013, l’OCPM a informé l’intéressé de son intention de refuser l’autorisation de séjour sollicitée.

Ce dernier a fait part de ses observations par courrier du 30 septembre 2013.

6) Les 22 avril, 22 juillet et 13 novembre 2014, M. A______ a réitéré sa demande concernant l’octroi d’un permis de séjour.

7) Par décision du 30 juin 2015, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’octroyer à M. A______ l’autorisation de séjour sollicitée en 2012, un délai au 31 juillet 2015 lui étant imparti pour quitter la Suisse.

8) Par acte du 13 juillet 2015, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour et de travail, sous suite de frais et dépens.

9) Le 15 juillet 2015, l’OCPM a informé M. A______ du fait qu’il annulait sa décision du 30 juin 2015 et reprenait l’instruction de son dossier. Il était invité à transmettre les copies de son contrat de travail et de ses trois dernières fiches de salaires.

10) Par courrier du 23 juillet 2015, l’intéressé a informé l’OCPM qu’il lui fournirait prochainement le contrat de travail qu’il avait conclu le 1er avril 2015 avec l’étude D______, pour un poste de consultant et directeur marketing, ainsi que ses fiches de salaires pour les mois d’avril à juillet 2015.

11) Le 27 juillet 2015, l’OCPM a relevé qu’aucune autorisation de séjour n’avait été sollicitée pour une prise d’emploi auprès de l’étude D______, alors même que les ressortissants roumains ne bénéficiaient pas encore de la libre circulation des personnes.

Sans une décision préalable du service de la main-d’œuvre étrangère,
M. A______ n’était ainsi pas habilité à travailler.

12) Le 28 juillet 2015, M. A______ a indiqué à l’OCPM qu’une demande d’autorisation de travail en lien avec son emploi au sein de l’étude D______ , accompagnée des annexes idoines, avait été formée par courrier du 28 mars 2015. Il sollicitait dès lors l’octroi de ladite autorisation avec effet rétroactif au 18 avril 2012, soit le jour du dépôt de sa première demande.

Était joint le courrier du 28 mars 2015 susmentionné.

13) Par courrier du 29 juillet 2015, l’OCPM a invité l’intéressé à produire la preuve de la notification du courrier envoyé le 28 mars 2015 par pli recommandé, lequel ne figurait pas au dossier.

Un dossier complet devait par ailleurs être fourni par D______ s’il entendait toujours l’engager, lequel devrait alors être soumis à l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT).

14) Le 5 octobre 2015, M. A______ a indiqué qu’il n’était pas certain que la demande d’autorisation de séjour du 28 mars 2015 ait été adressée par pli recommandé. Il a par ailleurs transmis la copie de ladite demande, de son contrat de travail ainsi que ses fiches de salaire pour les mois d’avril à septembre 2015.

15) Le 15 octobre 2015, l’OCPM a informé l’intéressé que sa demande était transmise à l’OCIRT.

16) Le 29 octobre 2015, l’OCIRT a indiqué à M. A______ que son dossier était incomplet et sollicité la production du formulaire adéquat pour une demande de permis en faveur d’un ressortissant roumain, de sa lettre de motivation, de son curriculum vitae (ci-après : CV), de ses diplômes ainsi que des preuves des recherches effectuées sur le marché suisse du travail.

17) Par jugement du 12 janvier 2016 (JTAPI/20/2016), le TAPI a déclaré le recours du 13 juillet 2015 de M. A______ sans objet et rayé la cause du rôle, compte tenu de l’annulation de la décision du 30 juin 2015 par l’OCPM.

18) Le 15 février 2016, M. A______ a transmis à l’OCIRT une copie de ses fiches de salaire pour les mois d’avril à décembre 2015.

19) Par courrier du 6 juin 2016, dont une copie a été adressée à l’OCPM, l’intéressé a mis en demeure l’OCIRT de statuer sur la demande de permis de travail pour sa prise d’emploi auprès de D______.

Depuis le 1er juin 2016, il avait un droit inconditionnel à obtenir une autorisation de séjour et de travail. En n’ayant toujours pas statué sur sa demande, l’OCPM et l’OCIRT commettaient un déni de justice.

20) Le 21 juin 2016, l’OCIRT a confirmé à M. A______ qu’à compter du 1er juin 2016, les ressortissants roumains pouvaient obtenir un permis de travail en Suisse automatiquement, à condition d’en faire la demande à l’OCPM.

Avant le 1er juin 2016, une demande de permis pour un citoyen roumain devait être adressée à l’OCPM, lequel la transmettait à l’OCIRT pour examen par la commission tripartite pour l’économie. En l’occurrence, il n’avait jamais reçu une telle demande concernant l’intéressé de la part de l’OCPM, mais uniquement certains documents. Malgré son courrier du 29 octobre 2015 faisant état de l’absence des documents nécessaires, ceux-ci ne lui avaient jamais été communiqués, raison pour laquelle l’OCIRT n’avait pas pu examiner sa demande.

21) Le 22 juillet 2016, l’OCPM a délivré une autorisation de séjour en faveur de
M. A______ valable du 1er juin 2016 jusqu’au 31 mai 2021.

22) Le 10 août 2016, l’intéressé a requis de l’OCPM la délivrance de l’autorisation de séjour avec effet rétroactif en 2012, subsidiairement au
28 mars 2015, date du dépôt de la nouvelle demande d’autorisation de séjour avec emploi.

23) Le 12 août 2016, l’OCPM l’a informé que le permis de séjour avait été établi avec un début de validité au 1er juin 2016, date à partir de laquelle la Roumanie et la Bulgarie avaient bénéficié de la libre circulation complète.

24) Par acte du 14 septembre 2016, M. A______ a interjeté recours contre l’autorisation de séjour délivrée le 22 juillet 2016, concluant à ce que la décision soit annulée et qu’une nouvelle autorisation de séjour soit délivrée à partir du 18 avril 2012, subsidiairement, à partir du 28 mars 2015, le tout sous suite de frais et dépens.

Il n’avait jamais obtenu de réponse depuis sa première demande d’autorisation de séjour formée en 2012, malgré ses nombreux courriers de relance, ce qui constituait une violation du principe de l’interdiction du déni de justice. Le formulaire individuel de demande pour ressortissant UE/AELE prévoyait expressément que pour les ressortissants de la Bulgarie et de la Roumanie, les demandes nécessitaient un délai de quatre à six semaines de traitement, alors même que l’OCPM et l’OCIRT avaient mis plus de quatre ans pour enfin répondre favorablement à sa demande, et ce nonobstant le fait qu’il remplissait toutes les conditions lui donnant droit à une telle autorisation. Ce n’était que grâce à l’expiration des dispositions transitoires sur la libre circulation applicables aux roumains et aux bulgares le 1er juin 2016 que ces offices avaient pu masquer une violation flagrante de leurs propres règles et du principe de la bonne foi.

En pratique, l’OCPM délivrait les permis de séjour à partir de la date du dépôt de la demande de sorte que ce n’était pas à partir du 1er juin 2016, mais dès sa demande en 2012 ou subsidiairement en 2015 qu’il avait droit à l’autorisation.

25) Dans ses observations du 15 novembre 2016, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

26) Par réplique du 8 décembre 2016, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Le fait que les ressortissants roumains bénéficient de la libre circulation sans restriction depuis le 1er juin 2016 ne justifiait pas qu’il n’obtienne pas son permis de séjour depuis la date du dépôt de la demande par D______, puisque tous les critères légaux étaient remplis.

27) Par duplique du 15 décembre 2016, l’OCPM a également persisté dans ses conclusions.

28) Par jugement du 2 février 2017, le TAPI a rejeté le recours.

La décision litigieuse ne se rapportait pas à la requête formulée par l’intéressé en avril 2012 afin de pouvoir travailler pour C______, celle-ci ayant été abandonnée lorsqu’il s’était vu proposer de travailler au sein de l’étude D______ et avait prétendument présenté en 2015 à l’OCPM une requête visant ce nouvel employeur. Lorsqu’un administré modifiait en cours de procédure l’objet d’une demande qu’il avait adressée à l’autorité, celle-ci devait recommencer l’instruction du dossier et examiner ses nouveaux aspects. Dans ces conditions, la durée totale qui séparait la requête initiale et la réponse que l’autorité lui donnait au bout de la procédure n’était pas de la seule responsabilité de cette dernière. Par ailleurs, aucune violation du principe de la célérité ne pouvait être retenue.

En outre, l’OCPM ne pouvait pas rendre de décision avant le 1er juin 2016, l’OCIRT étant seul compétent pour ce faire avant cette date, de sorte que sur ce point, la date de délivrance de l’autorisation de séjour n’était pas contestable.

Enfin, l’autorisation sollicitée n’aurait pas pu être accordée sous l’angle du droit en vigueur avant le 1er juin 2016, dans la mesure où D______ n’avait pas démontré à satisfaction de droit les efforts déployés pour recruter un candidat indigène ou ressortissant de l’UE/AELE.

29) Par acte mis à la poste le 7 mars 2017, M. A______ a recouru contre le jugement précité en concluant, principalement, à l’annulation dudit jugement et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur à compter du 18 avril 2012, subsidiairement à l’octroi de ladite autorisation à compter du 28 mars 2015, le tout sous suite de frais et dépens.

L’intéressé a repris l’argumentation déjà soutenue dans son recours devant le TAPI. Ce n’était qu’en raison du refus de l’OCPM de statuer qu’il n’avait pas pu recevoir son autorisation de séjour avant le 22 juillet 2016, alors même qu’il remplissait toutes les conditions.

30) Le 9 mars 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

31) Le 6 avril 2017, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

32) Le 13 octobre 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, le recourant n’ayant pas formulé d’observations complémentaires dans le délai imparti.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. À teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/62/2018 du 23 janvier 2018 consid. 2a ; ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée
(ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid 1.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 296
consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_432/2017 du 23 janvier 2018
consid. 2.2.1). Si l’intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; 118 Ia 46 consid. 3c). S’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 125 V 373 consid. 1).

c. En l’espèce, l’on peut s’interroger sur l’intérêt digne de protection du recourant à recourir contre la décision litigieuse, dès lors qu’il a précisément obtenu ce qu’il sollicitait initialement, à savoir une autorisation de séjour. Il est douteux que son souhait de voir modifier le début de la validité de ladite autorisation fonde un intérêt digne de protection, dès lors que les lois applicables, et en particulier la LEtr, ne prévoient pas d'effet rétroactif à l'autorisation délivrée par l'autorité. Cette question souffrira toutefois de demeurer indécise compte tenu de ce qui suit.

3) Le recourant expose, d’une part, que son autorisation de séjour avec activité lucrative aurait dû lui être délivrée à compter du 18 avril 2012, voir subsidiairement du 28 mars 2015, et non du 1er juin 2016.

4) a. L’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et l’ordonnance sur l’introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d’une part, la Confédération suisse et, d’autre part, la Communauté européenne et ses États membres, ainsi qu’entre les États membres de l’Association européenne de
libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’UE/AELE.

b. Le 1er janvier 2007, la Bulgarie et la Roumanie sont devenues membres de l’UE.

c. Dans le cadre de négociations avec l’UE, un second protocole à l’ALCP concernant la participation, en tant que parties contractantes, de la République de Bulgarie et de la Roumanie, à la suite de leur adhésion à l’Union européenne, signé le 27 mai 2008 à Bruxelles, est entré en vigueur le 1er juin 2009
(protocole II ALCP - RS 0.142.112.681.1). Cet acte a pour effet d’étendre le champ d’application de l’accord aux territoires de ces deux nouveaux États membres de l’UE. Il fait partie intégrante de l’ALCP (Directives et commentaires concernant l’introduction progressive de la libre circulation des personnes, version de novembre 2017, ch. 1.2.3 [ci-après : Directives OLCP]).

Faisant usage du droit que lui conférait le protocole II ALCP, la Suisse a maintenu jusqu’au 31 mai 2016 une réglementation transitoire d’admission spécifique en vue de l’exercice d’une activité lucrative pour les ressortissants de Bulgarie et de Roumanie. Celle-ci comprenait notamment des contingents séparés d’autorisations de séjour et d’autorisations de courte durée, le respect de la priorité des travailleurs indigènes ainsi que le contrôle des conditions de salaire et de travail (art. 10 par. 2b ALCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_435/2016 du 23 mai 2016 consid. 3.1 ; directives OLCP, ch. 1.2.3).

Par conséquent, durant cette période transitoire, les mêmes prescriptions que pour les ressortissants d’États tiers s’appliquaient aux ressortissants roumains et bulgares en matière de respect de la priorité des travailleurs indigènes (Directives et commentaires concernant l’introduction progressive de la libre circulation des personnes, version de mai 2011, ch. 5.5.2 [ci-après : aDirectives OLCP]).

À teneur de l’art. 27 OLCP, dans sa version antérieure au 1er juin 2016, avant que les autorités cantonales compétentes n’accordent à un ressortissant de Bulgarie ou de Roumanie une autorisation en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée, l’autorité cantonale du marché du travail rendait une décision précisant que les conditions relatives au marché du travail étaient remplies ; la procédure était régie par le droit cantonal.

Selon l’art. 2 du règlement d’application de l’OLCP du 28 juin 2006 (RaOLCP - F 2 10.02), dans sa version antérieur au 1er juin 2016, l’OCPM transmettait à l’OCIRT les demandes qui relevaient de sa compétence, afin qu’il les instruise (al. 4 et 5).

Pour les autorisations de séjour de longue durée B CE/AELE des ressortissants roumains et bulgares, l’OCIRT prenait sa décision après consultation de la commission tripartite pour l’économie, sous la forme d’un préavis (art. 18 al. 2 RaOLCP, dans sa version antérieure au 1er juin 2016).

Toute autorisation en vue d’exercer une première activité lucrative ne pouvait être octroyée à un étranger que : a) si l’employeur avait apporté la preuve qu’il n’avait pas trouvé de main-d’œuvre en Suisse capable de satisfaire aux exigences requises, en dépit d’efforts déployés pour son recrutement sur le marché du travail national ; et b) si l’employeur accordait au travailleur le même salaire et les mêmes conditions de travail en usage à Genève et dans la profession ; à cet égard, il pouvait être tenu de signer un engagement correspondant auprès de l’OCIRT (art. 29 al. 1 RaOLCP, dans sa version antérieure au 1er juin 2016).

L’employeur devait prouver qu’il avait déployé des efforts de recrutement sur le marché du travail indigène et qu’il n’y avait pas trouvé de travailleur (suisse ou étranger intégré dans le marché du travail suisse) ayant le profil recherché. Les employeurs devaient annoncer suffisamment tôt les postes vacants qui ne pouvaient vraisemblablement être occupés que par des travailleurs des nouveaux États membres de l’UE (Bulgarie et Roumanie) aux offices régionaux de placement en vue de leur mise au concours. Les employeurs devaient également attester de leurs efforts de recrutement au moyen d’annonces publiées dans la presse quotidienne et/ou spécialisée, des médias électroniques ou par le biais d’une agence de placement privée. Dans le cadre de son obligation de collaborer, l’employeur était tenu de prouver ses efforts de recherche (aDirectives OLCP,
ch. 5.5.2).

d. Entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, les ressortissants de la Bulgarie et de la Roumanie ont bénéficié - à l’essai - de la libre circulation complète au même titre que les ressortissants des autres pays membres de l’UE/AELE (directives OLCP, ch. 1.2.3).

Les personnes dont le statut est régi par l’ALCP et ses protocoles
(ch. II.1.3.1 et II.1.3.2) et qui en remplissent les conditions bénéficient d’un droit à la délivrance de l’autorisation dès l’entrée en vigueur de l’accord, respectivement de ses protocoles (directives OLCP, ch. 2.3.1).

e. Le 10 mai 2017, le Conseil fédéral a toutefois décidé de faire appel à la clause de sauvegarde spécifique prévue par le protocole II ALCP, applicable aux ressortissants de la Bulgarie et de la Roumanie. Entre le 1er juin 2017 et le 31 mai 2018, les travailleurs de ses deux États membres sont par conséquent soumis à des contingents d’autorisations de séjour (directives OLCP, ch. 1.2.3).

5) En l’espèce, qu’il s’agisse de la demande d’autorisation de séjour introduite en 2012, ou de celle introduite en 2015 - pour laquelle il importe peu de savoir à quel moment l’OCPM en a eu connaissance -, elles ont toutes deux été formées durant la période transitoire applicables, entre le 1er juin 2009 et le 31 mai 2016, aux ressortissants roumains et bulgares. L’octroi d’une telle autorisation durant cette période était donc soumis au respect de la priorité des travailleurs indigènes. Le potentiel employeur du recourant devait ainsi prouver, notamment, qu’il n’avait pas trouvé de main-d’œuvre en Suisse capable de satisfaire aux exigences requises par le poste, et ce en dépit d’efforts déployés pour son recrutement sur le marché du travail national. Or, rien au dossier ne permet d’attester que de telles preuves aient été apportées, tant par l’entreprise C______ que par l’étude D______. Pour ce seul motif déjà, l’autorité ne pouvait pas rendre une décision favorable avant le 1er juin 2016.

C’est ainsi à juste titre que l’OCPM n’a délivré une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur du recourant valable qu’à compter du 1er juin 2016, soit dès qu’il remplissait les conditions permettant sa délivrance.

6) a. Le recourant se plaint, d’autre part, de ce que l’intimé aurait violé les principes de la bonne foi et de l’interdiction du déni de justice en ne rendant aucune décision concernant la demande d’autorisation de séjour formée en 2012 et en tardant à rendre une telle décision suite à sa demande d’autorisation de séjour formée en 2015.

b. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part
(ATF 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Par ailleurs, la jurisprudence a tiré du principe de la bonne foi et de l’interdiction du formalisme excessif le devoir qui s’impose à l’administration, dans certaines circonstances, d’informer d’office le justiciable qui commet ou s’apprête à commettre un vice de procédure, à condition que celui-ci soit aisément reconnaissable et qu’il puisse être réparé à temps, le cas échéant dans un bref délai (ATF 125 I 166 consid. 3a ; 124 II 265 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_39/2013 du 11 mars 2013 consid. 2.1 et 2.3 ; 2C_165/2012 du 29 mai 2012 consid. 5.1).

c. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA). Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à cette mise en demeure (art. 62
al. 6 LPA).

L’art. 29 al. 1 Cst. garantit à toute personne, dans le cadre d’une procédure administrative ou judiciaire, le droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable. Celui qui présente une requête à l’autorité est fondé à exiger que celle-ci se prononce sans retard injustifié, c’est-à-dire dans un délai convenable eu égard à la nature de l’affaire et à l’ensemble des circonstances (ATF 131 V 407 consid. 1.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1014/2014 et 2C_1015/2014 du 22 août 2014 consid. 7.1 ; 5A_208/2014 du 30 juillet 2014 consid. 4.1 ; 8C_194/2011 du 8 février 2012 consid. 3.2 ; ATA/724/2014 du
9 septembre 2014 consid. 11 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2012, n. 1279 ss
p. 590). L’autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu’elle ne rend pas sa décision dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l’affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATA/1295/2015 du 8 décembre 2015 et les références citées).

Un recourant ne peut pas se plaindre d’un retard injustifié à statuer, constitutif d’un déni de justice formel, lorsque les autorités cantonales compétentes se sont prononcées sur le fond au moment où ce grief est invoqué. En effet, dans un tel cas, l’intérêt actuel et pratique au recours fait défaut puisque l’interdiction du déni de justice formel a trait au droit de voir une cause jugée dans un délai raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 2P.180/2002 et 2A.396/2002 du 12 août 2003 consid. 3 ; ATA/1518/2017 du 21 novembre 2017 consid. 7d ; ATA/441/2015 du 12 mai 2015 consid. 4).

d. En l’espèce, conformément à la jurisprudence susmentionnée, l’intérêt actuel et pratique à faire valoir un déni de justice concernant sa demande d’autorisation de séjour fait défaut, la présente procédure étant précisément en lien avec une décision de l’OCPM octroyant une autorisation de séjour avec activité lucrative au recourant.

Par surabondance de moyens, comme le relève à juste titre le TAPI, l’OCPM n’était pas compétent pour rendre une décision relative à l’octroi d’un permis de séjour avec activité lucrative concernant un ressortissant roumain avant le 1er juin 2016 - cette compétence relevant de l’OCIRT -, de sorte qu’il ne peut pas lui être reproché d’avoir commis un déni de justice. Pour cette raison, on ne saurait retenir en tout état de cause que l’intimé a eu une attitude contraire à la bonne foi.

Il sera encore relevé que la demande formée par le recourant en 2012 a perdu son intérêt dans la mesure il n’était plus question, à compter d’avril 2015 à tout le moins lorsque ce dernier a signé un contrat de travail avec l’étude D______, d’une prise d’activité au sein de l’entreprise C______. Il sera encore relevé que la longueur de l’instruction de la demande d’autorisation de travail du recourant auprès de l’étude D______ est en partie due à ses propres carences, celui-ci ayant notamment omis de remettre à l’OCIRT différentes pièces nécessaires à l’examen de son dossier.

Partant, ce grief sera écarté.

7) Mal fondé, le recours sera rejeté, et le jugement du TAPI ainsi que la décision litigieuse confirmés.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 6 mars 2017 par
M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 février 2017 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de M. A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jérôme Picot, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.