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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4337/2015

ATA/238/2016 du 15.03.2016 ( PRISON ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; MENACE(EN GÉNÉRAL) ; MESURE DISCIPLINAIRE ; INTÉRÊT ACTUEL ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.60.al1.letb; Cst.29.al2; RRIP.44; RRIP.47; LOPP.3.al1.leta.ch6; LOPP.3.al1.leta.ch7
Résumé : Recourant placé en cellule forte durant sept jours pour avoir fait mine de tirer à deux reprises sur une surveillante. Le recourant conserve un intérêt juridique à l'examen de son recours, dès lors qu'il se trouve encore en détention et que la situation pourrait à nouveau se présenter. La décision de punir le recourant est fondée dans son principe et le choix du type de sanction est correct. Toutefois elle est disproportionnée dans sa quotité, au vu de l'infraction isolée au RRIP et des précédents qu'a eu la chambre administrative à trancher portant sur des menaces. La prison ne peut justifier une telle quotité sur le fait que des attentats avaient eu lieu à Paris le jour précédent et sur une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre du recourant lors d'un séjour antérieur à la prison. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4337/2015-PRISON ATA/238/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 mars 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 12 septembre 2015. Il purge actuellement deux condamnations à des peines privatives de liberté pour un total de cent quatre-vingts jours.

2) Par décision du 14 novembre 2015, après que M. A______ eut été entendu, la direction de la prison lui a notifié, oralement à 16h25 et par écrit à 18h30, une punition consistant en son placement en cellule forte durant sept jours pour menaces envers le personnel. Cette décision était immédiatement exécutoire, nonobstant recours.

Selon le rapport d'incident du même jour, lors de la descente des escaliers pour la promenade de l'unité 2 Sud à 9h40, Madame B______, surveillante à la prison, avait sécurisé la porte de l'unité 1 Sud. M. A______ avait fait le geste de tirer sur la susnommée avec une arme à deux reprises tout en riant.

Sur demande de la surveillante, un gardien a intercepté M. A______. Ce dernier a été formellement identifié par la personne visée par les menaces.

3) M. A______ a exécuté sa sanction du 14 au 21 novembre 2015.

4) Par acte du 11 décembre 2015, M. A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Il a conclu préalablement à l'audition de trois témoins, principalement au constat de l'illicéité de la punition infligée le 14 novembre 2015 « sous suite de dépens », et subsidiairement au constat que la décision de punition querellée ne respectait pas le principe de la proportionnalité.

Il disposait d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui, dans la mesure où il serait détenu à la prison jusqu'au 6 mai 2015 (recte : 2016).

Lors de la descente des escaliers pour la promenade, lui et trois codétenus discutaient d'un film, intitulé « Rock », relatant l'histoire d'un évadé d'Alcatraz. Au cours de la discussion, racontant une scène de film, il avait fait mine de tenir une arme à feu et de tirer dans la foule. C'était à tort que la surveillante avait vu dans ce geste une menace, de sorte que sa punition était injustifiée.

Subsidiairement, cette sanction était disproportionnée, en ce sens qu'il s'agissait de la sanction la plus grave et qu'il avait toujours fait preuve d'un comportement irréprochable envers le personnel.

5) Le 21 janvier 2016, la prison a conclu au rejet du recours « sous suite de frais ».

L'audition des codétenus n'était pas utile, dans la mesure où le geste de M. A______ ne pouvait pas être le résultat d'un malencontreux concours de circonstances. De plus, il reconnaissait expressément avoir fait mine de tenir une arme.

M. A______ avait menacé de mort une surveillante dans un contexte de tension, en ce sens que la direction de la prison avait demandé au personnel de surveillance de prêter une attention particulière à toute parole ou geste susceptibles d'amplifier des tensions ou de créer un contexte environnemental favorisant l'indiscipline, voire l'émeute, suite aux attentats de Paris du 13 novembre 2015.

La prison avait pris sa décision afin d'assurer le respect de la volonté du législateur qui visait, au travers de ce moyen de contrainte administrative, à, notamment, maintenir les conditions d'intégrité dans le fonctionnement de l'appareil étatique, sanctionner la violation d'une injonction légale ou réglementaire et à concrétiser, en sus de l'individualisation de la sanction, la prévention générale. La mise en place d'une politique de contrôle stricte du respect du cadre normatif au sein de la prison se justifiait en particulier avec une situation tendue, telle que celle existante au lendemain des attentats de Paris. Toute tolérance dans ce contexte accroissait de manière exponentielle les risques de troubles généralisés.

La mesure prise était adéquate et nécessaire pour garantir le respect des buts poursuivis par le droit disciplinaire. La quotité de la sanction infligée avait été de sept jours de placement de cellule forte, eu égard au maximum de dix jours prévus dans la sphère de compétence du directeur de la prison. La manifestation par des gestes, à deux reprises, de menaces de mort à l'encontre du personnel était intolérable et justifiait pleinement la prise d'une sanction cohérente, ce d'autant plus que le comportement de M. A______ s'inscrivait dans un climat de tensions accru et qu'il n'avait pas hésité lors de son dernier séjour à la prison à s'opposer physiquement au personnel de surveillance et à ne pas se conformer aux consignes reçues. Enfin, la mesure prise demeurait dans un rapport raisonnable avec l'atteinte aux droits de l'intéressé. La décision querellée respectait ainsi le principe de la proportionnalité.

La prison a produit notamment le rapport d'incident du 14 novembre 2015, ainsi qu'une décision de punition du 22 juin 2012, consistant en le placement de M. A______ en cellule forte durant cinq jours pour une tentative d'agression sur le personnel et refus d'obtempérer.

6) Le 25 janvier 2016, le juge délégué a transmis au conseil de M. A______ les observations de la prison lui fixant un délai au 26 février 2016 pour formuler toute requête complémentaire et/ou exercer son droit à la réplique, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger en l'état du dossier.

7) À ce jour, ni M. A______ ou son conseil n’a donné suite au courrier précité.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. À teneur de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2c/aa p. 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/670/2015 du 23 juin 2015 consid. 2b et les références citées).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 81 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; Hansjörg SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; Karl SPUHLER/Annette DOLGE/Dominik VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2006, n. 5 ad art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/670/2015 précité consid. 2c et les références citées) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/670/2015 précité consid. 2c et les références citées).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/670/2015 précité consid. 2d et les références citées)

e. En l'espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui. La légalité d’un placement en cellule forte doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, puisque cette sanction a déjà été exécutée, dans la mesure où cette situation pourrait encore se présenter (ATA/670/2015 précité consid. 2e ; ATA/183/2013 du 19 mars 2013 et la jurisprudence citée), dès lors qu'il ne ressort pas du dossier qu'il aurait quitté la prison à ce jour.

Le recours est ainsi pleinement recevable.

3) Le recourant sollicite l'audition de trois codétenus, présents au moment de la prétendue menace qu'il aurait proférée à l'encontre de la surveillante.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 2a et les arrêts cités). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84).

En l'occurrence, le recourant a eu l’occasion de se déterminer par écrit devant la juridiction de céans et la prison a produit le rapport de dénonciation établi le 14 novembre 2015 relatant précisément les faits qui se sont déroulés le même jour. Au surplus, on ne voit pas quels éléments supplémentaires l'audition des trois codétenus pourraient apporter, en ce sens qu'ils se limiteront à confirmer la thèse du recourant, ce qui ressort d'ailleurs directement de son acte de recours. Le dossier étant complet, la chambre administrative dispose ainsi des éléments nécessaires pour statuer sans donner suite à la mesure d'instruction présentée par l'intéressé.

4) L'objet du litige consiste à examiner le bien-fondé de la décision du directeur de la prison du 14 novembre 2015, consistant en le placement du recourant en cellule forte durant sept jours.

5) Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

6) a. Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire et les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).

Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

Selon l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur de la prison est compétent pour prononcer les sanctions suivantes :

a) suppression de visite pour quinze jours au plus ;

b) suppression des promenades collectives ;

c) suppression d’achat pour quinze jours au plus ;

d) suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ;

e) privation de travail ;

f) placement en cellule forte pour dix jours au plus.

b. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, sont l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - contrevenant auxdites obligations. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux personnes incarcérées, étant instauré, dans ce cadre, pour protéger le fonctionnement normal de l’établissement de détention. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/79/2016 du 26 janvier 2016 consid. 5 ; ATA/972/2015 du 22 septembre 2015 et les références citées).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention, parmi lesquels figurent les surveillantes, sont également des fonctionnaires assermentés (art. 3 al. 1 let. a ch. 6 et 7 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/79/2016 précité consid. 5 ; ATA/295/2015 du 24 mars 2015).

c. Selon la doctrine, la menace peut être exprimée par la parole, l'écrit ou par un comportement concluant (Bernard CORBOZ, Les infractions en droit suisse, 3ème éd., 2010, vol. 1, n. 5 ad art. 180 CP, p. 694).

d. En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de mettre en cause le rapport établi par la surveillante. Le recourant se limite à opposer sa propre version des faits à celle constatée et vécue par la surveillante. De plus et dans la mesure où le recourant a mimé à deux reprises le geste de tirer sur la surveillante, la chambre de céans peut exclure une quelconque incompréhension de la part de la surveillante à propos des gestes du recourant. Enfin, on ne voit pas ce qui aurait amené la surveillante à mentionner ces faits s’ils n’étaient pas avérés. Dès lors et compte tenu de la jurisprudence précitée, la chambre de céans retiendra que l’incident s’est déroulé conformément à ce qui est décrit dans le rapport.

Faire mine, par deux fois, de tirer en direction d’une surveillante constitue sans nul doute possible des menaces par comportement concluant et contrevient clairement à l'obligation de tout détenu d’adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison (art. 44 RRIP), même si ces gestes ont été réalisés au cours d’une discussion concernant un film. De telles menaces étant à proscrire de manière absolue dans un établissement carcéral, la commission de tels faits justifie le prononcé d'une sanction de placement en cellule forte.

Le grief sera écarté.

7) Le recourant soutient que la sanction est disproportionnée.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/295/2015 du 24 mars 2015 consid. 7 ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

b. Dans sa jurisprudence récente, la chambre de céans a eu à statuer sur des recours de détenus contre des décisions de sanction consistant en leur placement en cellule forte pour certains faits, notamment pour des menaces.

Dans l'ATA/670/2015 du 23 juin 2015, le détenu en question avait été sanctionné de trois jours de cellule forte pour trouble à l’ordre de l’établissement, injures et menaces envers le personnel. Il avait notamment menacé les gardiens par ces termes : « je vais trouver toutes vos adresses et je vais vous retrouver dehors ». La chambre administrative a rejeté le recours de l'intéressé considérant le placement en cellule forte pour trois jours comme étant justifié et respectant le principe de la proportionnalité.

Dans l'ATA/13/2015 du 6 janvier 2015, le détenu avait été sanctionné de deux jours de cellule forte pour injures et menaces envers le personnel, ainsi que refus d'obtempérer. Il avait notamment dit au gardien-chef adjoint présent « fais attention à ta femme et tes enfants, quand je sortirai je m'en occuperai ». La chambre administrative a rejeté le recours de l'intéressé considérant le placement en cellule forte pour deux jours comme étant justifié et respectant le principe de la proportionnalité.

c. En l'espèce et comme examiné ci-dessus le comportement adopté par le recourant justifie une sanction telle que celle choisie par le directeur, soit un placement en cellule forte.

Toutefois, au vu des précédents susmentionnés qu'a eu à traiter la chambre de céans, qui concernaient en plus des infractions multiples, contrairement à l'infraction isolée au RRIP dont s'est rendu coupable le recourant, la durée de sept jours de placement en cellule forte apparaît clairement disproportionnée.

Certes, l'incident s'est déroulé dans un contexte particulier, à savoir le lendemain des attentats de Paris, toutefois, cela ne saurait justifier une telle durée, proche de la durée maximale de dix jours pour un placement en cellule forte prévue par l'art. 47 al. 3 let. f RRIP.

De plus, la prison ne peut pas s'appuyer sur l'antécédent du recourant du 22 juin 2012 pour justifier une telle quotité. En effet, d'une part, l'intéressé avait fait l'objet de cette sanction lors d'un précédent séjour à la prison et, d'autre part, elle date d'un peu plus de trois ans, de sorte que cet antécédent peut être relativisé. En outre, depuis sa nouvelle incarcération le 12 septembre 2015, le recourant n'a pas fait l'objet d'autre rapport d'incident autre que celui du 14 novembre 2015 ayant conduit à la décision présentement querellée.

Dans ces conditions et vu les circonstances du cas d'espèce, deux jours de placement en cellule forte auraient constitué une quotité adéquate pour des faits tels que ceux reprochés au recourant.

Le grief de violation du principe de la proportionnalité sera admis.

Il résulte de ce qui précède que la sanction, dans sa durée, prononcée à l’encontre du recourant n’était pas conforme au droit. Dès lors qu’elle a été entièrement exécutée à ce jour, il n’est matériellement plus possible de l’annuler. La chambre de céans se limitera à en constater le caractère illicite (ATA/934/2014 du 25 novembre 2014 consid. 6 ; ATA/328/2009 du 30 juin 2009 consid. 8 ; ATA/666/2004 du 27 août 2004 consid. 2c).

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

9) Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Dès lors qu’il y a conclu, une indemnité de procédure de CHF 700.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2015 par Monsieur A______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 14 novembre 2015 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate que la sanction disciplinaire du 14 novembre 2015 est illicite dans sa durée au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 700.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :