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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1023/2015

ATA/670/2015 du 23.06.2015 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1023/2015-PRISON ATA/670/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juin 2015

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) M. A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 14 février 2015.

2) Le 27 février 2015, un incident impliquant M. A______ a eu lieu et a fait l’objet d’un rapport.

À 20h34, une pré-alarme et à 20h35 une alarme « feu » ont été déclenchées dans la cellule de l’intéressé.

Cette dernière avait été ouverte en vue d’un contrôle. Sur place les gardiens avaient senti une forte odeur de fumée et constaté que M. A______ avait brûlé du papier dans les toilettes.

Pendant le transfert en cellule forte, M. A______ avait indiqué qu’il faisait cela tous les jours, sans problème. En cellule forte, il avait insulté les gardiens en leur disant « bande de clito, enculé de vos races, bandes de pd ». Il les avait aussi menacés par ces termes : « je vais trouver toutes vos adresses et je vais vous retrouver dehors ».

3) Le 28 février 2015, le gardien-chef a entendu M. A______ et lui a notifié une punition de trois jours de cellule forte pour trouble à l’ordre de l’établissement, injures et menaces envers le personnel.

4) Par courrier daté du 24 mars 2015 et reçu par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 27 mars 2015, M. A______ a saisi cette dernière d’un recours contre la punition qui lui avait été notifiée.

Il était inexact de dire qu’il avait troublé l’ordre de l’établissement et proféré des menaces et injures envers le personnel. Il avait uniquement brûlé un petit morceau de papier afin de dissiper les mauvaises odeurs des toilettes, comme il le faisait chaque jour depuis son arrivée.

Le 27 février 2015, ce geste avait malheureusement déclenché l’alarme incendie, ce qu’il n’avait pas contesté. Il n’avait brûlé ce papier que dans l’intention de dissiper des mauvaises odeurs et non pas afin de créer un quelconque problème. Au surplus, il contestait avoir injurié ou menacé qui que ce soit.

5) Le 10 avril 2015, la direction de la prison a conclu au rejet du recours.

Il était interdit d’allumer un feu dans les toilettes, ce qu’un autocollant apposé sur la porte rappelait. Cette interdiction provenait du fait que des capteurs liés à la sécurité incendie se trouvaient dans les gaines de ventilation dans l’espace sanitaire.

Au surplus, le rapport précisait que l’incendie s’était déroulé en l’absence de toute forme de violence et en présence de neuf fonctionnaires assermentés. On ne voyait pas en quoi le rapport d’incident rapporterait des faits imaginaires.

De plus, la sanction infligée était proportionnée aux faits reprochés à l’intéressé.

6) Le 10 avril 2015, M. A______ s’est aussi adressé à la chambre administrative.

Il n’avait pas de problèmes durant sa détention et la communication avec son chef d’étage était correcte, sous réserve du jour de l’incident, où le chef d’étage habituel était absent.

Le traitement de force qui lui avait été infligé lors de l’intervention n’était pas justifié.

Des tests de dépistage de drogue inopinés devaient être instaurés durant l’année sur les gardiens afin que les équipes puissent effectuer leur travail dans les meilleurs conditions possibles et cessent de faire régner leur propre loi.

7) Sur quoi la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/349/2015 du 14 avril 2015 consid. 2b ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 81 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; Hansjörg SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; Karl SPUHLER/Annette DOLGE/Dominik VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2006, n. 5 ad art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/418/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2d ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009).

e. En l’espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui. La légalité d’un placement en cellule forte doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, puisque cette sanction a déjà été exécutée, dans la mesure où cette situation pourrait encore se présenter (ATA/349/2015 précité consid. 2 ; ATA/183/2013 du 19 mars 2013 et la jurisprudence citée), dès lors qu'il ne ressort pas du dossier qu'il aurait quitté la prison à ce jour. Le recours est ainsi recevable de ce point de vue également.

3) S’il admet avoir allumé un petit bout de papier aux toilettes, le recourant conteste avoir créé du désordre à la prison et avoir insulté les gardiens.

4) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, sont l'objet d'une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment ou par négligence, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/785/2012 du 20 novembre 2012 ; ATA/238/2012 du 24 avril 2012 et les références citées).

5) a. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

b. Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire et les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP) et n’a d’aucune façon le droit de troubler l’ordre et la tranquillité de la prison (art. 45 let. h RRIP).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

d. Selon les art. 47 al. 3 et 47 al. 5 RRIP, le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes a) suppression de visite pour quinze jours au plus ; b) suppression des promenades collectives ; c) suppression d’achat pour quinze jours au plus ; d) suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ; e) privation de travail ; f) placement en cellule forte pour dix jours au plus, étant précisé que ces sanctions peuvent se cumuler (art. 47 al. 4 RRIP).

6) En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de mettre en cause le rapport établi par le gardien. Le recourant admet avoir mis le feu à un petit papier aux toilettes et il ne conteste pas que cela soit interdit. Le fait qu’il ait désiré, par ce geste, lutter contre les mauvaises odeurs ne modifie en rien le reproche qui lui est fait. De plus, on ne voit pas ce qui aurait amené les gardiens à mentionner des insultes s’il elles n’étaient pas avérées, alors même que le rapport souligne qu’il n’y a pas eu de violence.

Par conséquent, dès lors que le comportement du recourant s'avère de nature à troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement et qu’il faut retenir qu’il a tenu des propos inadmissibles à l’encontre des surveillants, son placement en cellule forte pour trois jours se justifie et respecte le principe de la proportionnalité.

7) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mars 2015 par M. A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 28 février 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

 

communique le présent arrêt à M. A______, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :