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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1892/2015

ATA/1067/2015 du 06.10.2015 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; MESURE DISCIPLINAIRE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL ; DÉCISION ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.60.al1
Résumé : Recourant sanctionné de deux jours d'arrêts disciplinaires d'ores et déjà exécutés. Le recourant a été transféré dans un autre établissement concordataire situé dans un autre canton et soumis à un autre règlement. Il n'a dès lors plus d'intérêt actuel à contester la décision attaquée. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1892/2015-PRISON ATA/1067/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 octobre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ÉTABLISSEMENT CURABILIS

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1971, ressortissant biélorusse, était interné à l'établissement Curabilis (ci-après : Curabilis) en mai 2015.

2) Les 14 et 15 mai 2015, M. A______ a fait l'objet de rapports établis par deux agents de détention suite notamment à des menaces qu'il aurait proférées à l'encontre du personnel de Curabilis.

3) M. A______ a été entendu à ce sujet oralement le 18 mai 2015 à 14h35. Le jour même à 16h30, il a reçu notification d'une sanction de deux jours d'arrêts décidée par le directeur de Curabilis, sur la base des faits précités.

La sanction a été déclarée exécutoire nonobstant recours, et immédiatement exécutée.

4) Par acte posté le 3 juin 2015, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles.

Il avait averti et non pas menacé. Il avait été puni uniquement pour avoir exercé sa liberté d'expression, s'étant plaint de ses conditions de détention et de dysfonctionnements au sein de Curabilis. Il n'avait pas fait de doigt d'honneur à quiconque. Il rencontrait beaucoup plus de problèmes à Curabilis qu'à Champ-Dollon, où il avait passé cinq ans sans bagarre ni anicroche avec les gardiens.

5) Le 29 juillet 2015, Curabilis a conclu au rejet du recours.

Quand bien même M. A______ les qualifiait d'« avertissement », les propos qu'il avait tenus constituaient matériellement des menaces. Concernant le doigt d'honneur, les enregistrements vidéo ne laissaient aucun doute sur la nature du geste. M. A______ n'avait pas été sanctionné pour avoir fait usage de son droit de pétition ou avoir dénoncé un dysfonctionnement.

6) Le 11 septembre 2015, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 25 septembre 2015 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

7) Aucune des parties ne s'est manifestée dans ce délai, mais le pli adressé à M. A______ est revenu à la chambre administrative avec la mention « plus à cette adresse ».

8) Le 16 septembre 2015. le juge délégué a donc interpellé le service d'application des peines et des mesures (ci-après : SAPEM), pour savoir si M. A______ se trouvait encore à Curabilis et, en cas de réponse négative, s'il était probable qu'il y retourne à plus ou moins brève échéance.

9) Le 21 septembre 2015, le SAPEM a indiqué au juge délégué que l'intéressé avait été transféré aux établissements de la Plaine de l'Orbe (ci-après : EPO) le 26 août 2015, et qu'aucun retour à Curabilis n'était prévu en l'état.

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. À teneur de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/577/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5a ; ATA/790/2012 du 20 novembre 2012 ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées).

b. Concernant la let. b de l’art. 60 LPA, selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2c.aa ; arrêt du tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/307/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; 135 I 79 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 2C_811/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1 ; ATA/245/2012 du 24 avril 2012 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Si l'intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_745/2011 du 6 juin 2012 consid. 1.2 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; 8C_194/2011 du 8 février 2012 consid. 2.2 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 ; 118 Ia 488 consid. 1a ; 118 Ib 1 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_745/2011 précité consid. 1.2 ; 8C_194/2011 consid. 2.2 précité ; 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/195/2007 précité ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004) ou déclaré irrecevable (ATF 118 Ia 46 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/514/2009 du 13 octobre 2009 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005 ; ATA/552/2005 du 16 août 2005).

c. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 136 II 101 consid. 1.1 ; 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 129 I 113 consid. 1.7 ; 128 II 34 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_477/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.3 ; 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 1.2 ; 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/253/2013 du 23 avril 2013 ; ATA/153/2013 du 19 mars 2013 ; ATA/224/2012 du 17 avril 2012 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; 6B_34/2009 précité consid. 1.3).

d. Concernant le placement d'un prisonnier en cellule forte ou aux arrêts disciplinaires, compte tenu de la brièveté de la sanction, lorsque le recourant est encore en détention au moment du prononcé de l'arrêt, la chambre administrative fait en principe abstraction de l'exigence de l'intérêt actuel, faute de quoi une telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle (ATA/510/2014 du 1er juillet 2014 consid. 3b ; ATA/183/2013 du 19 mars 2013 ; ATA/775/2012 du 13 novembre 2012 ; ATA/134/2009 du 17 mars 2009).

3) a. En l'espèce, le recourant, alors détenu à Curabilis, a fait l'objet d'une sanction de deux jours d'arrêts disciplinaires notifiée le 18 mai 2015. Cette punition a été immédiatement exécutée.

b. Il ressort de la procédure que le recourant a été transféré dans un autre établissement concordataire, situé dans un autre canton et soumis à un autre règlement. Aucun élément du dossier ne laisse à penser qu'il est susceptible d'être incarcéré à nouveau à Curabilis, et par conséquent d'y être encore une fois sanctionné disciplinairement.

Il n'y a dès lors aucune raison de passer outre l'exigence de l'intérêt actuel (ATA/732/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4b ; ATA/510/2014 précité ; ATA/441/2013 du 30 juillet 2013 ; ATA/775/2012 précité ; ATA/541/2010 du 4 août 2010, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1B_295/2010 du 14 septembre 2010).

4) Vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

5) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 3 juin 2015 par Monsieur A______ contre la décision de l'établissement Curabilis du 18 mai 2015 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à l'établissement Curabilis.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :