Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2870/2015

ATA/1000/2015 du 28.09.2015 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2870/2015-FPUBL

" ATA/1000/2015

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 28 septembre 2015

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Philippe Eigenheer, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES FINANCES



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______ est un fonctionnaire rattaché au département des finances (ci-après : le département) depuis l’année 2006. Depuis 2008, il travaille au sein de l’office des poursuites (ci-après : OP) exerçant la fonction de substitut de ______ à ______et de directeur financier dès le ______.

2) Depuis le 18 février 2014, M. A______ a été dans l’incapacité de travail pour des raisons médicales.

3) Le 17 décembre 2014, le médecin traitant de M. A______ a établi un certificat médical de reprise du travail de ce dernier, pour le 15 janvier 2015.

4) Le 15 janvier 2015, s’est déroulé un entretien de reprise du travail dans le bureau de M. B______, substitut ad interim, qui avait été nommé le 18 août 2014.

À cette occasion, celui-ci a remis à M. A______ une convocation pour un entretien de service qui devait se dérouler le 30 janvier 2015. Il s’agissait de l’entendre au sujet d’une insuffisance de ses prestations et de son inaptitude à remplir les exigences du poste, s’agissant notamment de ses lacunes dans la gestion de son service, dans l’encadrement de ses subordonnés et dans son comportement à leur égard, ainsi que de sa position de retrait par rapport au projet de refonte informatique de l’office. Ces reproches, s’ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs du personnel et étaient susceptibles de conduire à la résiliation des rapports de services pour motifs fondés.

Lors du même entretien de reprise, M. B______ lui a remis un deuxième courrier pour l’informer de ce qu’il envisageait de demander au Conseil d’État de libérer l’intéressé de son obligation de travailler. Celui-ci avait pu s’exprimer à ce propos lors de l’entretien qui venait de se dérouler mais un délai au lendemain lui était encore accordé pour la remise d’éventuelles observations écrites.

5) Le 21 janvier 2015, le Conseil d’État a pris un arrêté libérant M. A______ d’une telle obligation sans suppression des prestations à charge de l’État, en l’invitant cependant à se tenir en tout temps à disposition de sa hiérarchie. Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

6) L’entretien de service convoqué s’est en définitive déroulé le 6 février 2015.

À teneur de son compte-rendu communiqué à M. A______ avec un délai pour fournir ses observations, le préposé avait recueilli au cours des mois de décembre 2014 et janvier 2015 la déposition de plusieurs collaborateurs ou collaboratrices de l’OP, parmi lesquels des membres de sa direction financière. Il avait décidé de prendre ces dépositions après avoir été alerté dès son entrée en fonction par le fort taux d’absentéisme dans ce dernier service et par les déclarations des collaborateurs à propos du fonctionnement de ladite direction financière.

Sur la base des éléments recueillis, des insuffisances de prestations devaient être retenues à l’encontre de M. A______ sur les points suivants :

-          l’absence de réunions de service et de procès-verbaux ;

-          l’absence d’organisation du travail d’encadrement et de supervision des collaboratrices et des collaborateurs et délégation de la gestion opérationnelle du service à Mme C______, sa subordonnée directe ;

-          les méthodes inadéquates de Mme C______ dans la direction des collaborateurs subordonnés que M. A______ n’avait pas empêchées, mais au contraire cautionnées ;

-          l’attribution de tâches aux collaborateurs sans en expliquer le sens ;

-          le déficit de formation des collaborateurs et le manque de polyvalence qui en résultait ;

-          un blâme infligé à tort à un collaborateur ;

-          la réalisation d’un entretien d’évaluation et de développement du personnel sans avoir reçu la collaboratrice ;

-          un recadrage inadéquat de l’assistante des ressources humaines.

De même, une inaptitude à remplir les exigences du poste devait être retenue à l’encontre de l’intéressé sur les points suivants :

-          des propos déplacés voire dénigrants vis-à-vis de collaboratrices et collaborateurs de l’office ;

-          un déficit de gestion du contentieux de l’office vis-à-vis des créanciers n’ayant pas réglé les émoluments et débours facturés ;

-          l’absence d’implication, de collaboration et de concertation avec les autres directions et services de l’office ;

-          un comportement de retrait, voire de désinvolture, par rapport au projet de refonte informatique en cours, en particulier au niveau des questions comptables ;

-          l’absence de toute information en vue d’assurer la gestion des affaires courantes et urgentes lorsqu’il avait été mis en arrêt de travail dès le 18 février 2014.

À l’issue de l’entretien de service, une copie des déclarations des collaborateurs issues des auditions précitées a été remise à M. A______.

7) Que ce soit au cours de l’entretien de service précité ou dans ses observations écrites du 9 mars 2015, M. A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés.

8) Après l’échec de pourparlers visant à régler la situation à l’amiable, le 24 avril 2015, le chef du département a rendu une décision d’ouverture de procédure de reclassement de l’intéressé, décision contre laquelle ce dernier a indiqué qu’il n’entendait pas s’opposer, bien qu’il contestât les motifs fondés qui lui étaient reprochés.

9) Le 2 juillet 2015, la direction des ressources humaines du département a convoqué M. A______ à un entretien de clôture de la procédure de reclassement, qu’elle a effectuée le 2 juillet 2015 sous forme écrite. Il était constaté que les démarches n’avaient pas abouti.

10) Le 28 juillet 2015, le chef du département a notifié à M. A______ une décision au terme de laquelle il résiliait les rapports de service pour le 31 octobre 2015. Il se fondait sur les motifs qui lui avaient été communiqués lors de l’entretien de service du 6 février 2015, qui permettaient de retenir le constat d’une insuffisance de prestations et de son inaptitude à remplir les exigences de son poste. La décision de résiliation était prise constatant l’échec de la procédure de reclassement. Elle était exécutoire nonobstant recours.

11) Par acte posté le 27 août 2015, M. A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision précitée, reçue le 29 juillet 2015. Il concluait sur le fond au constat de la non-conformité au droit de cette décision, ainsi qu’à son annulation. La chambre administrative devait, suite à ce constat, proposer sa réintégration au sein de l’administration cantonale. En cas de refus du département de procéder à une telle réintégration, l’État de Genève devait être condamné à lui verser une indemnité de CHF 338'520.-.

Sur le fond, il contestait les griefs retenus à son encontre à l’appui des motifs invoqués pour le licencier et requérait l’ouverture d’enquêtes. La décision de le licencier avait en outre été prise sans respecter sérieusement la procédure de reclassement. La décision attaquée portait atteinte à sa personnalité, vu les conditions dans lesquelles elle avait été prise sans tenir compte de son état de santé.

À titre préalable, M. A______ a sollicité la restitution de l’effet suspensif. Il ne percevrait plus aucun revenu à compter du 31 octobre 2015, à l’exception des prestations de l’assurance-chômage qui ne couvriraient pas l’intégralité de son salaire, alors que sur le fond, son recours avait toutes chances de succès et pouvait déboucher sur une proposition de réintégration. L’impossibilité de travailler au sein de l’État, en particulier au sein d’un poste à haute qualification à l’OP ou dans tout autre département ou service était susceptible de lui causer un préjudice, car cela l’empêchait de retrouver un poste à l’issue d’une longue période de maladie.

12) Le 18 septembre 2015, l’office du personnel de l’État du département a répondu pour le compte de ce dernier, concluant, sur effet suspensif, au rejet de la requête en restitution de celui-ci. L’intimé excluait toute réintégration de l’intéressé, la décision querellée ayant au demeurant été déclarée exécutoire nonobstant recours. Comme la chambre administrative ne pouvait pas imposer la réintégration d’un membre du personnel en cas de résiliation des rapports de service, si elle faisait droit à la demande de restitution de l’effet suspensif, une telle décision irait au-delà des compétences qui étaient les siennes sur le fond. Au surplus, si le traitement devait continuer à être versé à M. A______, il y aurait un risque que les montants versés ne puissent être récupérés, dans l’hypothèse où le recours était rejeté. Il y avait un intérêt public à la préservation des finances de l’État qui prévalait sur l’intérêt privé du recourant.

Considérant, en droit, que :

1) La question de la recevabilité du recours sera en l’état réservée, son examen étant reporté à l’arrêt au fond.

2) Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2010).

4) a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

b. Toutefois et de jurisprudence constante, la chambre de céans considère que lorsque le statut applicable à l'agent public ne permet pas d'imposer la réintégration en cas d'admission du recours, elle ne peut faire droit à une demande de restitution de l’effet suspensif, car elle rendrait alors une décision allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond (ATA/986/2014 du 10 décembre 2014 ; ATA/42/2014 du 24 janvier 2014 consid. 6 ; ATA/610/2013 du 16 septembre 2013 consid. 5 ; ATA/182/2012 du 3 avril 2012 consid. 5 ; ATA/107/2012 du 22 février 2012 ; ATA/92/2012 du 17 février 2012 ; ATA/371/2011 du 7 juin 2011 ; ATA/343/2011 du 25 mai 2011 ; ATA/160/2011 du 11 mars 2011 ; ATA/341/2009 du 21 juillet 2009 et les références citées).

5) L’art. 31 al. 2 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ne permet pas à la chambre de céans d'imposer la réintégration d’un fonctionnaire en cas d'admission du recours. En l'occurrence, l’autorité intimée a d’emblée manifesté, par le retrait de l’effet suspensif au recours, son refus de réengager le recourant, même en cas d’admission du recours. Au vu notamment des motifs a priori importants sur lesquels la décision de licenciement est fondée tels qu’ils ressortent du dossier, il y a lieu d'appliquer au cas d'espèce le principe tiré de la jurisprudence précitée et de rejeter la requête en restitution de l’effet suspensif au recours.

6) Le recourant invoque le préjudice financier que la décision attaquée va impliquer pour lui dès le 31 octobre 2015 du fait du retrait de l’effet suspensif. Au-delà des considérations qui précèdent relatives à l’impossibilité d’ordonner sa réintégration en cas d’admission du recours, rien ne permet de déroger à la jurisprudence tout aussi constante de la chambre de céans, s’il y avait lieu d’effectuer une pesée des intérêts en présence, l’intérêt privé du recourant à conserver l’intégralité de ses revenus doit céder le pas à l’intérêt public à la préservation des finances de l’État (ATA/330/2015 du 24 mars 2015 ; ATA/266/2015 du 13 mars 2015 et la jurisprudence citée). Il y a en effet une incertitude quant à la capacité de M. A______ à rembourser les montants perçus en cas de confirmation de la décision querellée, alors que l’État de Genève serait à même de verser les indemnités dues en cas d’issue favorable du recours, cela même si la cause ne pourrait être tranchée rapidement.

 

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de restitution de l’effet suspensif au recours de Monsieur A______ contre la décision du département des finances du 28 juillet 2015 de le licencier avec effet au 31 octobre 2015;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Philippe Eigenheer, avocat du recourant, ainsi qu'au département des finances.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :