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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/19647/2019

ACJC/805/2023 du 19.06.2023 sur JTBL/721/2021 ( OBL ) , JUGE

Recours TF déposé le 20.07.2023, rendu le 14.09.2023, DROIT CIVIL, 4A_379/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19647/2019 ACJC/805/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

AUDIENCE DU LUNDI 19 JUIN 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, appelant d'un jugement d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 26 août 2021, comparant par Me Serge PATEK, avocat, 6, boulevard Helvétique, case postale, 1211 Genève 12, en l’Etude duquel il a fait élection de domicile,

 

Et

VILLE DE GENEVE, ayant son siège au 4, rue de la Croix-Rouge, 1204 Genève, intimée, comparant par Me Boris LACHAT, avocat, 18, rue de Candolle 18,
1205 Genève, en l’Etude duquel elle a fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/721/2021 du 26 août 2021, notifié aux parties le 31 août 2021, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a, sur demande principale, déclaré valable le congé notifié à A______ par la VILLE DE GENEVE le 29 juillet 2019 pour le 28 février 2020 concernant l’arcade située au rez-de-chaussée de l’immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), octroyé à A______ une unique prolongation de bail de deux ans et demi échéant le 31 août 2022 (ch. 2), autorisé A______ à restituer les locaux moyennant un préavis d’un mois pour le 15 ou la fin d’un mois (ch. 3), sur demande reconventionnelle, débouté la VILLE DE GENEVE de ses conclusions en évacuation (ch. 4), sur les deux demandes, débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 1er octobre 2021, A______ (ci-après : le locataire ou l’appelant) a formé appel contre ce jugement. Il a conclu à l’annulation du jugement entrepris et, principalement, à la nullité du congé notifié, subsidiairement, à son annulation et à ce qu’il soit autorisé à restituer la surface de 25 m2 située au rez-de-chaussée de l’immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève, moyennant un préavis d’un mois pour le 15 ou la fin d’un mois, et, plus subsidiairement, à l’octroi d’une prolongation de bail de six ans échéant le 28 février 2026 et au déboutement de la VILLE DE GENEVE de toutes autres conclusions.

b. Dans sa réponse à l’appel déposée le 1er novembre 2021, la VILLE DE GENEVE (ci-après : la bailleresse ou l’intimée) a conclu au rejet de l’appel ; sur appel joint, elle a conclu à ce que toute prolongation de bail soit refusée à l’appelant, à ce que ce dernier soit condamné à évacuer immédiatement l’arcade commerciale sise au rez-de-chaussée de l’immeuble situé au no. ______, rue 1______ à Genève et à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus.

c. Le 2 décembre 2021, l’appelant a répondu à l’appel joint et a conclu, principalement à son irrecevabilité, subsidiairement, au déboutement de l’intimée.

Il a joint à son écriture des pièces nouvelles soit des photographies tirées du site internet de l’HÔTEL B______.

d. Par réplique du 23 décembre 2021, l’intimée a conclu à l’irrecevabilité des pièces nouvelles déposées le 2 décembre 2021 et a persisté, pour le surplus, dans ses précédentes déterminations et conclusions.

e. Le 31 janvier 2022, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants ressortent de la procédure :

a. Selon contrat du 11 février 2005, B______, intervenant pour la bailleresse, et A______, locataire, ont conclu un bail portant sur la location d’une arcade d’environ 25 m2 sise au rez-de-chaussée de l’immeuble sis no. ______, rue 1______, à Genève, ce dernier abritant l’HÔTEL B______ (ci-après : l’hôtel).

Le bail était conclu pour une durée initiale de cinq ans débutant le 1er mars 2005 et échéant le 28 février 2010 et prévoyait une clause de renouvellement tacite du bail d’année en année, sauf résiliation notifiée par l’une des parties moyennant un préavis de trois mois.

Le loyer a été fixé au montant de 2’550 fr. plus TVA par mois, charges comprises.

b. La VILLE DE GENEVE est propriétaire de l’immeuble dont elle délègue la gestion à des sociétés privées, en dernier lieu et depuis le 1er juillet 2016 à C______ SA qui exploite l’hôtel à l’enseigne HÔTEL B______.

L’hôtel, classé cinq étoiles, dispose de trois entrées, l’une sur la rue 2______, qui constitue le point d’accès principal des clients en voiture, l’autre sur la rue 1______ utilisée surtout par les piétons et la troisième permettant l’accès par la place 3______ via le restaurant.

L’entrée de la rue 1______ est essentiellement empruntée par les résidents de l’hôtel et par les clients non-résidents qui se rendent aux bars, aux restaurants et aux salles de conférence. La direction de l’hôtel a conçu le projet d’aménager, à cette entrée, un point d’accueil de la clientèle et de sécurité en y créant un local de conciergerie.

c. A______ exploite dans l’arcade louée une bijouterie, dont les vitrines et la porte d’accès se trouvent dans le hall d’entrée du no. ______, rue 1______, à côté de celle de l’hôtel, l’arcade et l’hôtel disposant côte-à-côte d’une entrée propre donnant directement sur la rue.

La bijouterie est ouverte du lundi au vendredi de 13h00 à 18h30 et le samedi sur rendez-vous. Elle est tenue par une employée, D______; la gamme de prix des bijoux vendus oscille entre 800 fr. et 95'000 fr. pièce. L’arcade est dépourvue de sanitaires et de point d’eau.

d. Les parties ont été opposées dans une précédente procédure inscrite sous numéro de cause C/4______/2016 à la suite d’un premier congé notifié par l’HÔTEL B______ le 21 octobre 2016, pour l’échéance du 28 février 2017.

La motivation du congé signifiée le 28 février 2017 consistait en la volonté d’exploiter les locaux d’une manière s’inscrivant davantage dans l’évolution de l’HÔTEL B______ et des attentes y relatives.

Le congé a été contesté par A______ le 14 novembre 2016.

Lors des audiences d’enquêtes devant le Tribunal, le conseil de la VILLE DE GENEVE a précisé que la boutique de A______ ne correspondait plus en termes de critères à ce que l’hôtel considérait comme approprié pour une clientèle de luxe et ce s’agissant de la destination, du loyer acquitté et des horaires d’ouverture; l’idée était que l’hôtel reprenne lui-même le local pour y transférer sa conciergerie ou y ouvrir une boutique de chocolat. Les représentants de l’HÔTEL B______, E______ et F______, ont déclaré que l’entrée de la rue 1______ était devenue, au fil du temps, l’entrée principale de l’hôtel; le congé visant à récupérer l’arcade querellée avait pour but de constituer un point d’accueil et de sécurité pour la clientèle en y créant un local de conciergerie; la question de la sécurité était devenue primordiale pour un hôtel de ce standing, les attentes de la clientèle s’étant renforcées sur ce point. L’image de l’arcade louée contrastait avec le standing de l’hôtel, celle-ci étant très peu fréquentée et mal entretenue. La VILLE DE GENEVE avait suivi leurs recommandations visant à récupérer ce local aux fins d’y créer une conciergerie; la VILLE DE GENEVE avait exploré toutes les options, notamment celle d’installer une chocolaterie exploitée par l’hôtel. La boutique de A______ se détériorait en termes d’image par rapport à l’hôtel; le flux de clientèle passant par la rue 1______ avait augmenté, avec des exigences toujours plus accrues de celle-ci en termes de sécurité.

S’agissant des liens entre la VILLE DE GENEVE et l’HÔTEL B______, E______ a déclaré que le propriétaire de l’immeuble était la VILLE DE GENEVE, laquelle déléguait, quel que soit l’opérateur, la gestion de ce bien. Il s’était agi successivement de G______ AG, qui avait délégué à l’enseigne B______ la gestion, reprise dès la fin du mandat de G______ AG au 1er juillet 2016 par C______ SA. C______ SA agissait sur délégation puisqu’elle n'était elle-même pas locataire. S’agissant du congé du 21 octobre 2016, il avait été instruit de résilier le bail par le Département municipal des finances et du logement.

A______ a déclaré exploiter une bijouterie de luxe tenue par une employée qui était présente le matin également jusqu’en 2009; la clientèle n’étant pas là, l’arcade était finalement ouverte l’après-midi de 13h00 à 18h30. Cette activité constituait sa seule source de revenus. Agé de 72 ans, il avait l’intention de poursuivre son activité tant que sa santé le permettait, souhaitant ensuite que son fils H______, en formation, reprenne la bijouterie. Les affaires fonctionnaient très bien jusqu’en 2015, mais subissaient une baisse liée à l’amoindrissement de la clientèle russe notamment. Il avait environ trois à quatre clients par jour qui se rendaient dans l’arcade. Il a contesté l’importance de l’entrée de la rue 1______, indiquant ne jamais avoir vu un client de l’hôtel y arriver avec des valises; le passage de la clientèle s’effectuait surtout entre midi et 14h00 pour se rendre au restaurant et aux salles de conférences. Les motifs avancés à l’appui du congé étaient flous et mensongers.

I______, directeur adjoint de l’hôtel, a exposé que sa préoccupation, dans un hôtel de luxe, était d’assurer un conseil personnalisé à la clientèle, ce qui était particulièrement apprécié par cette dernière et le distinguait des autres établissements; cet accueil était possible côté rue 2______, mais pas côté rue 1______ faute de place pour y installer un portier; un poste d’accueil pourrait y être installé; un flux important de clients transitait toute l’année par l’accès de la rue 1______, avec certains jours une centaine de passages, des clients résidents dans l’hôtel et des non-résidents fréquentant le matin le bar de l’hôtel ou accédant au restaurant et à la terrasse très fréquentée. Les clients de l’hôtel recevaient un titre pour prendre les transports publics, prestation qui était très appréciée et utilisée. Il avait constaté peu d’activité dans le local de A______, constat partagé par ses collègues.

D______ a confirmé que l’arcade, depuis 2016, fermait le matin et était ouverte l’après-midi, dès 13h00, et le samedi sur rendez-vous, soit cinq à six fois par année; elle était fréquentée quotidiennement par quatre à cinq clients. Lorsqu’il y avait quatre clients, l’accueil était compliqué, l’arcade en raison de sa taille ne permettant pas d’accueillir une deuxième vendeuse. L’accès à l’hôtel par la rue 1______ constituait un accès annexe, avec un passage de 10 à 30 personnes par jour ; la fréquentation était plus importante lors d’événements et de conférences. A______ se rendait à l’arcade à raison d’une à deux fois par semaine, mais sa fréquentation variait selon ses déplacements.

Par jugement JTBL/754/2018 du Tribunal du 27 août 2018, le congé notifié le 21 octobre 2016 a été déclaré nul dès lors qu’il avait été notifié par l’HÔTEL B______, une enseigne dépourvue de personnalité juridique.

Par arrêt ACJC/731/2019 rendu le 20 mai 2019, la Cour a confirmé ce jugement.

Elle a notamment retenu ce qui suit au considérant 4.2.1 de sa décision :

« Le contrat de bail litigieux a été établi, pour la partie bailleresse, au nom de « B______ ». Il est établi que dite entité, tout comme « HOTEL B______ », ne possède pas la personnalité juridique.

Il découle d’ailleurs des pièces versées au dossier et de l’audition des signataires du congé, que la décision de résilier le bail a été prise par le propriétaire des murs, soit la VILLE DE GENEVE ; à ce titre, les sociétés qui ont été amenées à gérer l’hôtel n’agissaient que sur délégation de la propriétaire, sans avoir la qualité de locataire. Il faut dès lors en déduire qu’il s’agissait uniquement d’une représentation au sens de l’art. 32 al. 1 CO et que la bailleresse est la VILLE DE GENEVE, depuis le début du contrat ».

e. Selon avis officiel et courrier notifiés le 29 juillet 2019 adressés au domicile de A______ et au no. ______, rue 1______, la VILLE DE GENEVE, par le biais de son conseil, a résilié le bail de l’arcade commerciale se trouvant au rez-de-chaussée de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ pour le prochain terme légal du 28 février 2020.

A teneur du courrier annexé, la VILLE DE GENEVE et les exploitants de l’HÔTEL B______ souhaitent récupérer la possession de l’arcade dans le but d’adapter la manière de l’exploiter selon ce qu’ils jugent le plus conforme à leurs intérêts, d’une manière s’inscrivant davantage dans l’évolution de l’HÔTEL B______ et des attentes y relatives. Était relevée en particulier la rareté de la présence de clients dans la boutique qui n’était plus compatible avec la bonne marche de l’hôtel.

Sur demande du locataire, la VILLE DE GENEVE a précisé, par courrier du 13 août 2019, que la motivation du congé était double. D’une part, l’activité déployée dans l’arcade ne correspondait plus aux attentes et au standing de l’hôtel et de sa clientèle : la boutique désertée constituait une « zone morte » dans l’hôtel et était problématique. D’autre part, les exploitants de l’hôtel avaient besoin de disposer eux-mêmes des locaux.

f. Par requête déposée à la Commission de conciliation le 29 août 2019, A______ a contesté le congé. A la suite de l’échec de la tentative de conciliation du 14 novembre 2019, la cause a été portée devant le Tribunal par requête introduite le 16 décembre 2019.

Le locataire a conclu à l’annulation du congé notifié le 29 juillet 2019 pour le 28 février 2020 portant sur l’arcade commerciale d’environ 25 m2 située au rez-de-chaussée de l’immeuble sis rue 1______ no. ______; subsidiairement, il a conclu à l’octroi d’une prolongation de bail de six ans, échéant le 28 février 2026 et à ce qu’il soit autorisé à restituer l’arcade en tout temps, moyennant un préavis d’un mois pour le 15 ou la fin d’un mois.

Il a produit, à l’appui de sa requête, dix-huit courriers adressés à diverses agences immobilières de la place expliquant être à la recherche d’une arcade d’environ 30 m2 sise à la rue 1______ à Genève pour y exploiter une bijouterie-joaillerie et attendre toute proposition de location.

Il a relevé que le congé était contraire à la bonne foi : l’activité de bijouterie de luxe était similaire aux innombrables boutiques de luxe dans le quartier et prétendre que cette activité n’était plus conforme à l’évolution du standing de l’hôtel n’était pas digne de protection. Quant au besoin de la VILLE DE GENEVE de récupérer l’arcade pour elle-même, il ne s’appuyait sur aucun projet concret et suffisamment élaboré. Il existait une disproportion manifeste des intérêts en présence, avec, d’un côté ceux de la VILLE DE GENEVE de pouvoir utiliser les locaux litigieux pour véhiculer une image correspondant au standing de l’hôtel, et de l’autre, les siens consistant à pouvoir maintenir son unique source de revenus à l’âge de 74 ans.

S'agissant de la prolongation de bail, il a exposé avoir entrepris de nombreuses et actives recherches de nouveaux locaux, sans succès. L’activité de la bijouterie constituait sa seule source de revenus, ce qui nécessitait qu’il dispose de temps pour trouver des locaux afin de maintenir une activité qui était florissante pour de nombreuses années encore.

g. Dans sa réponse du 17 février 2020, la VILLE DE GENEVE a rappelé la double motivation qui avait été donnée au congé et a conclu à sa validité : laisser une arcade désertée de clients et sans réelle activité dans un hôtel de standing n’était pas une manière d’exploiter son bien de manière conforme à ses intérêts. En outre, le congé se justifiait également par le fait que les exploitants de l’hôtel avaient besoin de disposer pour eux-mêmes des locaux. Le congé notifié le 29 juillet 2019 pour le 28 février 2020 devait être déclaré valable.

Elle a en outre conclu à ce qu’aucune prolongation de bail ne soit accordée : le bail avait déjà été résilié en 2016; le locataire avait limité ses recherches à la seule rue 1______, n’avait pas réduit ses exigences et n’avait postulé concrètement pour aucun objet spécifique; il ne disposait que d’une faible clientèle et avait largement dépassé l’âge de la retraite, si bien que le congé ne lui causait pas de conséquences pénibles. La boutique était en déclin, rarement fréquentée et ouverte, et constituait une « zone morte » d’un hôtel et d’une rue de prestige, ce qui ne correspondait plus au standing et aux attentes de la clientèle de l’hôtel.

La VILLE DE GENEVE a conclu, à titre reconventionnel, à l’évacuation du locataire et à ce qu’elle soit autorisée à requérir l’évacuation du locataire par la force publique dès l’entrée en force du jugement.

h. Dans ses écritures de réponse du 20 mars 2020, A______ a persisté dans ses développements et conclusions sur la demande principale et, sur la demande reconventionnelle en évacuation, a conclu au déboutement de la VILLE DE GENEVE.

Il a contesté la mauvaise tenue de l’arcade et confirmé que quatre à cinq clients fréquentaient quotidiennement l’arcade, ce qui n’était pas négligeable pour une bijouterie d’un tel standing. La rue 1______, aux dires de son employée, n’était pas particulièrement fréquentée, qui constituait en elle-même une « zone morte ». Les besoins de récupérer l’arcade n’étaient pas clairs, la VILLE DE GENEVE ayant évoqué des besoins en termes d’accueil et de sécurité via l’installation d’une chocolaterie, d’une conciergerie voire d’une boutique de luxe; il n’existait pas de projet concret suffisamment élaboré. Sa boutique s’insérait parfaitement dans la rue 1______ qui abritait des boutiques de luxe aux fréquentations très faibles. La requête en évacuation devait être rejetée dès lors que les effets du congé demeuraient suspendus tant que durait la procédure et qu’une prolongation de bail devait être octroyée.

Le demandeur a versé au dossier notamment des photographies des vitrines de son arcade, montant des présentations de bijoux, parures et objets anciens, ainsi qu’un article de presse datant de début février 2020 évoquant le déblocage d’un crédit alloué à la VILLE DE GENEVE pour rénover les façades de l’hôtel et un projet de futurs travaux à l’intérieur du palace.

i. Lors de l’audience du Tribunal du 13 octobre 2020, A______ a déclaré se rendre dans l’arcade pour suivre le business mais pas quotidiennement. Il n’avait pas procédé à des visites de nouveaux locaux dès lors que ceux proposés – une trentaine – ne convenaient pas, souhaitant des locaux uniquement à la rue 1______ et étant disposé à régler un loyer de 50% plus cher si nécessaire; il n’avait pas subi de baisse de chiffre d’affaires, mais la clientèle avait baissé depuis le COVID. Il a rappelé son attachement à ce commerce où il avait développé sa clientèle pour l’essentiel étrangère, mais également locale. Il a notamment produit un courrier du Conseiller d’Etat en charge du Département des finances du mois d’octobre 2017 dans lequel il était remercié pour sa contribution en sa qualité d’important contribuable du canton.

J______, conseiller administratif de la VLLE DE GENEVE, a déclaré que l’absence de personnel pour accueillir les clients à l’entrée donnant sur la rue 1______ posait un problème de sécurité. L’installation d’un coffee-shop, ouvert au public et tenu par des employés de l’hôtel de 7h00 à 19h00, 6 jours sur 7, permettait d’y remédier. L’arcade du demandeur n’était pas touchée par le crédit voté par le Conseil municipal et les travaux futurs évoqués dans la presse. Le coffee-shop serait exploité par la société C______ SA au nom et pour le compte de la VILLE DE GENEVE, comme pour l’hôtel.

K______, représentante de la VILLE DE GENEVE, a déclaré que la baisse d’activité de la bijouterie avait été constatée par des employés de l’hôtel, qui avaient vu la boutique vide. La transformation de l’arcade litigieuse – dont les coûts seraient pris en charge par la VILLE DE GENEVE - nécessitait une mise aux normes mineure, sans besoin d’une autorisation ou encore d’un nouveau vote d’un crédit par le Conseil municipal. La VILLE DE GENEVE était propriétaire de l’HÔTEL B______ dont elle avait confié la gestion à un mandataire, à savoir C______ SA; c’était donc la VILLE DE GENEVE qui assumait d’éventuelles pertes.

j. D______ a déclaré qu’hormis durant la période du COVID, elle n’avait pas constaté de baisse d’activité de la bijouterie, qui était fréquentée en moyenne entre un à trois clients par jours. Depuis, 2016, elle n’ouvrait l’arcade le samedi que sur rendez-vous, qui était jusque-là ouverte d’office.

k. Dans ses plaidoiries finales du 30 avril 2021, A______ a persisté dans ses précédents développements et conclusions. Il a contesté l’absence de clientèle et le déclin de son commerce; l’arcade était ouverte quotidiennement et le samedi sur rendez-vous, et accueillait quatre à cinq clients par jour. Il a également contesté que l’entrée de la rue 1______ par la clientèle de l’hôtel soit de plus en plus fréquentée ; il s’agissait d’une « zone morte » et de dépôt des transports publics et de rares taxis, avec un passage de dix à trente personnes par jour au maximum; ce motif n’était pas pertinent et ne pouvait justifier le congé notifié. Quant au besoin de la bailleresse d’utiliser elle-même les locaux, il ne reposait sur aucun motif sérieux en l’absence d’un projet mûr et suffisamment élaboré, celle-ci ayant évoqué vouloir exploiter une chocolaterie, une conciergerie, une boutique de luxe puis finalement un coffee-shop à la place de l’arcade querellée.

S’agissant de la prolongation du bail, une durée de six ans devait lui être accordée : les motifs avancés par la VILLE DE GENEVE pour fonder le congé étaient contraires à la réalité. Il s’était constitué une clientèle genevoise fidèle dans cette boutique, son activité était florissante et constituait sa seule source de revenus. Ses recherches avaient été particulièrement actives. Il ne devait se résoudre à trouver un local dans un autre quartier que celui de la rue 1______ eu égard aux montants des bijoux qu’il vendait, une pénurie de locaux similaires existant dans ce quartier.

Quant à la VILLE DE GENEVE, elle a exposé, dans ses plaidoiries du 29 avril 2021, qu’elle souhaitait redynamiser l’activité de l’arcade qui constituait un « lieu mort » et vide de toute activité effective avec une fréquentation moyenne de un à cinq clients; elle jouxtait une entrée de l’hôtel très fréquentée par la clientèle de l’hôtel et dépourvue de personnel pour l’accueillir, ce qui était problématique pour un hôtel cinq étoiles. Le projet finalement retenu était celui d’un coffee-shop exploité par les employés de l’hôtel, pour le compte de la VILLE DE GENEVE. Le congé était également justifié par le fait que la bailleresse, via les exploitants de l’hôtel, avait besoin de pouvoir disposer des locaux et y réaliser l’installation d’un coffee-shop financé par la VILLE DE GENEVE. Le congé n’était pas contraire à la bonne foi.

S’agissant de la prolongation de bail, elle a persisté à conclure au refus de toute prolongation de bail. Le but du locataire était de pouvoir exploiter le plus longtemps possible l’arcade et non de disposer du temps suffisant pour trouver de nouveaux locaux. Ses recherches ne pouvaient se cantonner à la seule rue 1______, les arcades commerciales libres étant en augmentation. En résumé, le locataire n’évoquait que les aléas de devoir trouver un autre local, ce qui ne méritait pas de protection. La VILLE DE GENEVE cherchait à récupérer son bien depuis bientôt cinq ans pour y exploiter une arcade conforme au standing de son hôtel, qui était une source de revenus importante pour la collectivité publique.

l. Par réplique spontanée du 17 mai 2021, A______ a persisté dans ses précédents conclusions et développements. Le projet d’implantation d’un coffee-shop était survenu quinze mois après la notification du congé et émanait en réalité de C______ SA, l’exploitante ou locataire des locaux. Le motif réel du congé consistait finalement à remettre le local litigieux à la disposition d’un nouveau locataire. Or, la VILLE DE GENEVE n’avait pas démontré que le nouveau loyer serait conforme à ceux pratiqués dans le quartier. En outre, les travaux nécessaires pour implanter le coffee-shop destiné à une clientèle exigeante et fortunée ne pouvaient être considérés comme légers en l’absence de tout point d’eau et nécessitaient l’aval du Conseil municipal pour tout investissement dépassant 100'000 fr. Ces motifs justifiaient également l’annulation du congé.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné : il faut prendre en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; ATF
136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_35/2019 du 25 février 2019 consid. 6).

En l'espèce, le dernier loyer annuel a été fixé à 30'600 fr., TVA non comprise. La valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (30’600 fr. x 3 ans = 91’800 fr.). La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit être introduit par un acte écrit et motivé auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d'appel.

La partie adverse peut former appel joint dans la réponse (art. 313 al. 1 CPC). Les conditions de recevabilité de l'appel joint doivent remplir, mutatis mutandis, les exigences prévalant pour l'appel principal (art. 311 al. 1 CPC), ce qui vaut en particulier en ce qui concerne la motivation (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2019, n. 4 ad art. 313 CPC ; ACJC/1844/2020 du 22.12.2020 consid. 1.2).

La motivation est une condition légale de recevabilité qui doit être examinée d'office. Afin de respecter cette exigence, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2016 du 10 mai 2016 consid. 4). Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, avant la reddition de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_97/2014 du 26 juin 2014 consid. 3.3), ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée ou encore si elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut entrer en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_438/2012 du 27 août 2012 consid. 2.2; 4A_97/2014 déjà cité consid. 3.3). Ni la maxime inquisitoire ni le devoir d'interpellation du juge n'interdisent de refuser d'entrer en matière sur un recours irrecevable faute de motivation suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_203/2013 du 6 juin 2013 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ACJC/1401/2022 du 24.10.2022 consid. 1.1.3).

La motivation d'un acte d'appel doit être entièrement contenue dans le mémoire d'appel lui-même. Elle ne saurait dès lors être complétée ou corrigée ultérieurement. Si elle fait défaut, la juridiction d'appel n'entre pas en matière. Le CPC ne prévoit pas qu'en présence d'un mémoire d'appel ne satisfaisant pas aux exigences légales, notamment de motivation, un délai raisonnable devrait être octroyé pour rectification. L'art. 132 al. 1 et 2 CPC (rectification des vices de forme) ne permet pas de compléter ou d'améliorer une motivation insuffisante, même si le mémoire émane d'une personne sans formation juridique, et il ne saurait être appliqué afin de détourner la portée de l'art. 144 al. 1 CPC qui interdit la prolongation des délais fixés par la loi. Il en va de même de l'art. 56 CPC (devoir d'interpellation du juge), qui concerne les allégations de fait et n'est donc pas applicable en cas d'absence de motivation d'un acte d'appel (ACJC/1401/2022 du 24.10.2022 consid. 1.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_488/2015 du 21 août 2015 consid. 3.2.2 et les arrêts cités; cf. JEANDIN, CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 5 ad art. 311 et les références citées).

En l’espèce, l’appelant soutient que l’appel joint formé par l’intimée devrait être déclaré irrecevable faute de désigner avec suffisamment de précision les passages contestés du jugement entrepris et d’une motivation suffisante. L’appelant ne saurait toutefois être suivi sur ce point : la motivation de l’intimée, s’agissant de la prolongation du bail, fait référence à la durée du bail de quinze ans retenue par le Tribunal, mais également aux recherches d’une arcade de remplacement que l’intimée estime peu sérieuses en raison de leur limitation à la seule rue 1______, au contraire des premiers juges, ainsi qu’à l’absence d’urgence particulière de réaffecter l’arcade litigieuse, ce que le Tribunal aurait faussement retenu. Ces éléments suffisent à admettre que la motivation de l’intimée à l’appui de son appel joint répond aux exigences minimales fixées par la jurisprudence rappelée ci-dessus. Cette motivation permet de comprendre les points du jugement contestés dans l’appel joint, qui ont conduit à conclure au refus de toute prolongation du bail en lieu et place de la prolongation de bail de deux ans et demi accordée par les premiers juges.

Interjetés dans les délais prescrits et selon la forme requise par la loi, l'appel et l’appel joint sont recevables (art. 130, 131, 311 al. 1, 312 al. 2 et 313 al. 1 CPC).

1.3 Les litiges portant sur des baux à loyer d'habitation ou de locaux commerciaux sont soumis, en ce qui concerne la protection contre les congés ou la prolongation du bail, aux règles de la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC).

La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

2. 2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Selon la jurisprudence, les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver (ATF 130 III 113 consid. 3.4 et les arrêts cités), sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge ; il suffit qu'ils puissent être contrôlés par des publications officielles et dans la presse écrite, accessibles à chacun (ATF 137 III 623 consid. 3; 135 III 88 consid. 4.1).

A titre d’exemples, constituent des faits notoires un extrait de la Feuille d'avis officielle, les tabelles d'évolution du taux de référence applicables aux contrats de bail, des relevés météorologiques de l'Office fédéral de météorologie et les statistiques officielles de l'Office cantonal de la statistique concernant les loyers des logements, documents issus pour la plupart de publications officielles et tous accessibles à chacun (ACJC/1845/2020 consid. 2.2).

2.2 En l'espèce, l’appelant a produit, à l’appui de sa réponse à l’appel joint du 2 décembre 2021, des extraits du site internet de l’HÔTEL B______. Ces extraits auraient pu et dû être produits devant le Tribunal déjà. En outre, ils proviennent d’un site internet certes accessible à tous, mais non d’une publication officielle, de sorte que leur contenu ne peut constituer des faits notoires. La pièce, produite tardivement, est irrecevable.

3. L’appelant soulève pour la première fois en appel la nullité du congé notifié au motif qu’il aurait dû être signifié en réalité par C______ SA, exploitante de l’hôtel, et non par la VILLE DE GENEVE, qui n’avait pas la qualité de bailleresse.

3.1. 3.1.1 Le contrat de bail de durée indéterminée, qui a été conclu entre le bailleur et le locataire, doit nécessairement être résilié par l'un d'eux, qui doit communiquer cette résiliation à l'autre (art. 266a al. 1 CO).

Le bailleur peut signer lui-même la résiliation, mais il peut aussi confier le soin de signifier la résiliation à un représentant (art. 32 al. 1 CO), par exemple à un gérant ou à une régie, qui la signera. Celui-ci doit alors agir au nom du bailleur et signer en tant que représentant : sous la rubrique «bailleur» de l'avis de résiliation doit figurer le nom du bailleur et, sous la rubrique «représenté par» doit être indiqué le nom du représentant (arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4.1.1). Si le représentant a agi sans pouvoirs, la résiliation est nulle; la question de savoir si une résiliation peut être guérie par une ratification ultérieure du bailleur est controversée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4.1.1; 4C_17/2004 du 2 juin 2004 consid. 5.3.1).

3.1.2 Dans le cadre d'une société anonyme, le conseil d'administration représente la société à l'égard des tiers (art. 718 al. 1 CO). Celui-ci peut déléguer le pouvoir de représentation à un ou plusieurs de ses membres (délégués), ou à des tiers (directeurs; art. 718 al. 2 CO). Il est tenu de communiquer au Registre du commerce le nom des personnes qui ont le droit de représenter la société (art. 720 CO). Ce système de représentation n'exclut toutefois pas que la société se fasse représenter, selon les règles des art. 32 ss CO, par un administrateur, un actionnaire ou même un tiers, par exemple un avocat (arrêts du Tribunal fédéral 4A_448/2012 du 7 janvier 2013 consid. 2.5; 4A_36/2011 du 15 mars 2011 consid. 2.2.2 et la doctrine citée ; voir également ACJC/1484/1995 du 20 novembre 1995 consid. 3 et les références citées).

3.1.3 La Cour a retenu à plusieurs reprises que la teneur du Registre du commerce ne contraignait pas une personne morale à agir exclusivement sous la signature des collaborateurs autorisés pour ce faire. En d'autres termes, la régie mandatée par le bailleur peut sans autre, sur la base des art. 32 ss CO, désigner l'un de ses collaborateurs ne disposant pas de la signature individuelle selon le Registre du commerce pour entreprendre en son nom des actes juridiques tels que l'envoi d'une résiliation de bail (arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du 10 novembre 1997 publié in Droit du bail 1999 n. 21 p. 29 ch. 3; dans le même sens : ACJC/1457/2010 du 13 décembre 2010 consid. 2.4, ACJC/1484/1995 du 20 novembre 1995 consid. 3 et ACJC/421/2018 du 9 avril 2018 consid. 3.2).

3.1.4 Le congé qui ne comporte pas la signature du bailleur ou d'un représentant autorisé doit être déclaré nul (art. 266o CO; BOHNET/CONOD, La fin du bail et l'expulsion du locataire, 18ème Séminaire sur le droit du bail, 2014, p. 93; CORBOZ, La nullité du congé dans le nouveau droit du bail, in Cahiers du Bail 2/94, p. 50).

Cette informalité peut être soulevée en tout temps. L'invocation de la nullité de la résiliation peut toutefois constituer un abus de droit (ATF 121 III 156 consid. 1c/bb; arrêts du Tribunal fédéral 4A_351/2015 du 5 août 2015 consid. 3.2 et 4C.124/2005 du 26 juillet 2005 consid. 3.2), notamment lorsque le locataire utilise une institution juridique contrairement à son but, pour satisfaire des intérêts qui ne sont pas protégés par la norme, ou lorsqu'il se rend compte du vice de forme mais s'abstient de protester dans le dessein d'en tirer ultérieurement profit (ATF 140 III 583 consid. 3.2.4; 138 III 401 consid. 2 = SJ 2012 I 446; 137 III 625 consid. 4.3; 135 III 162 consid. 3.3.1).

Un tel abus a notamment été retenu à l'encontre d'un locataire invoquant la nullité d'une hausse de loyer six ans après que cette dernière lui avait été notifiée, au motif que la formule officielle n'avait pas été signée à la main, mais à l'aide d'un fac-similé. Il a été jugé que la formule officielle avait atteint son but d'information dès lors que le locataire avait reçu toutes les données utiles pour contester la hausse s'il s'y croyait fondé. Alors que l'exigence d'une signature manuscrite devait permettre d'authentifier le document, le locataire ne prétendait pas avoir eu le moindre doute sur le fait que la formule émanait bien du bailleur. En pareilles circonstances, invoquer l'absence de signature manuscrite était constitutif d'un abus de droit (ATF 138 III 401 consid. 2 = SJ 2012 I 446).

3.2 En l'espèce, l’appelant ne saurait être suivi lorsqu’il soutient, pour la première fois en appel, que le bail portant sur l’arcade objet de la procédure le liait en réalité à C______ SA, exploitante de l’hôtel, et non à la VILLE DE GENEVE. La Cour, dans son arrêt du 20 mai 2019, a déclaré nul le premier congé du 21 octobre 2016 ayant opposé les parties, en retenant sur la base des déclarations des représentants de l’HÔTEL B______, notamment E______ et F______, signataires de ce congé, que la décision de résilier le bail avait été prise par la propriétaire des murs, soit la VILLE DE GENEVE; à ce titre, les sociétés qui avaient été amenées à gérer l’hôtel n’agissaient que sur délégation de la propriétaire, sans avoir la qualité de locataire. Les représentants de l’HÔTEL B______, lors de leur audition en octobre 2017, ont confirmé avoir été instruits par la VILLE DE GENEVE de notifier les congés notifiés. J______ et L______, représentants de la VILLE DE GENEVE, ont tous deux confirmé l’existence de ce rapport de représentation lors de leur audition le 13 octobre 2020 évoquant la qualité de mandataire de C______ SA et l’intervention de cette dernière dans l’exploitation du coffee-shop au nom et pour le compte de la VILLE DE GENEVE.

Il pouvait ainsi déduire à bon droit qu’il s’agissait uniquement d’une représentation au sens de l’art. 32 al. 1 CO et que la bailleresse était la VILLE DE GENEVE, depuis le début du contrat.

L’appelant n’a sollicité aucun autre moyen de preuve que l’audition des représentants de la VILLE DE GENEVE et de ceux de l’HÔTEL B______ pour étayer son allégation selon laquelle C______ SA serait en réalité locataire de la VILLE DE GENEVE, respectivement bailleresse dans la relation de bail avec l’appelant, laquelle n’a ainsi pas été prouvée, vu les déclarations rappelées ci-dessus.

Le congé notifié par la VILLE DE GENEVE, en sa qualité de bailleresse, par le biais de son conseil, dûment mandaté pour ce faire, ne souffre d’aucun vice de forme. En effet, à teneur de la jurisprudence précitée, les règles des art. 32 et ss CO n’excluent pas que le bailleur puisse donner congé par le biais d’un avocat tiers dûment mandaté.

La question de l’abus de droit peut dès lors demeurer indécise; en tout état, il sera relevé que la nullité du congé n’a été soulevée qu’au stade de l’appel et plus de trois ans après la notification du congé, alors qu’elle aurait pu l’être devant le Tribunal déjà.

4. L’appelant soutient que le congé notifié serait contraire à la bonne foi au sens de l’art. 271 al. 1 CO et que cette disposition et la jurisprudence en la matière auraient été violées par le Tribunal qui avait admis la validité du congé, lequel ne constituait finalement qu’un prétexte.

4.1. 4.1.1 Lorsque le contrat de bail est de durée indéterminée, ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite, chaque partie est en principe libre de le résilier pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue; au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.1; 4A_484/2012 du 28 février 2013 consid. 2.3.1; 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2; 4A_735/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.2). La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO), et ce même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF
141 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment, dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d'assainissement (ATF 142 III 91 consid. 3.2.2 et 3.2.3;
140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 précité consid. 4.2; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3; 4A_293/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.1 et 5.2.3; ATF 120 II 105 consid. 3b/bb) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).

4.1.2 La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2; 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.1).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO (ATF 120 II 105 consid. 3; sur les cas typiques d'abus de droit: ATF 135 III 162 consid. 3.3.1). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1).

Les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) qui régissent le rapport de confiance inhérent à la relation contractuelle permettent aussi d'obtenir l'annulation du congé si le motif sur lequel il repose s'avère incompatible avec elles (ATF 120 II 105 consid. 3a).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts du Tribunal fédéral 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2; 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6). Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut examiner que l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux ; cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2016 précité consid. 3.2; 4A_484/2012 précité consid. 2.3.1 et les arrêts cités).

4.1.3 Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur dans l'avis de résiliation (pour le cas où l'avis de résiliation n'est pas motivé, cf. l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2) et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.4.1). 

Contrairement à ce qui prévaut lorsque le bailleur résilie le bail de manière anticipée - cas dans lequel le fardeau de la preuve de son besoin propre incombe au bailleur -, il appartient au locataire, qui est le destinataire de la résiliation, de supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un congé contraire aux règles de la bonne foi. Le bailleur qui résilie et qui doit motiver le congé a toutefois le devoir de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par lui (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.4.2).  

4.1.4 La résiliation est la manifestation de volonté unilatérale du bailleur, soit un acte formateur. La détermination de son sens et de sa portée s'effectue conformément aux principes généraux en matière d'interprétation des manifestations de volonté, ce qui vaut également pour l'exigence de clarté. S'il est établi que les parties ne sont pas d'accord sur le sens à donner à l'avis formel de résiliation, il y a lieu de l'interpréter selon le principe de la confiance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_196/2016 du 24 octobre 2016 consid. 3.1.2; ATF 121 III 6 consid. 3c).

Pour déterminer le sens et la portée du motif invoqué, il faut se placer au moment où le congé a été notifié (ATF 140 III 496 consid. 4.1 p. 497; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62; arrêts du Tribunal fédéral 4A_735/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.2; 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.4.1). Rien n'interdit de prendre en compte des faits postérieurs en vue de reconstituer ce que devait être la volonté réelle au moment où la résiliation a été donnée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2010 du 2 février 2011 consid. 2.4 et 2.5). Des faits survenus ultérieurement ne sont en effet pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification; tout au plus peuvent-ils fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (ATF 138 III 59 consid. 2.1 in fine p. 62; arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.1).

Des précisions sur le motif de congé indiqué dans l'avis de résiliation peuvent toujours être apportées en complément au cours de la procédure judiciaire (ATF 138 III 59 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2). Le bailleur est toutefois lié par le motif de résiliation qu'il a indiqué à l'appui de sa résiliation et il ne peut pas lui substituer par la suite un autre motif qui lui serait plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 5.2.1).

Lorsque le bailleur donne plusieurs motifs de congé, il suffit que l'un d'eux ne soit pas abusif pour que le congé soit validé (arrêt du Tribunal fédéral 4C_365/2006 du 16 janvier 2007 consid. 3.2).

4.2 Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi (art. 9 al. 2 Cst.). L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait rentrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2.; 136 III 552 consid. 4.2; ACJC/830/2016 du 13 juin 2016 consid. 2.1).

4.3. 4.3.1 En l’espèce, le Tribunal a retenu que le motif du congé résidait dans la volonté de la bailleresse de changer l’affectation de l’arcade litigieuse aux fins de la rendre plus adaptée aux besoins de l’hôtel situé dans l’immeuble concerné. Il s’est appuyé, dans son raisonnement, sur un arrêt du Tribunal fédéral dans lequel ce dernier a admis la validité d’un congé dont la motivation résidait dans la volonté de la bailleresse de redynamiser le centre commercial abritant les locaux litigieux, de chercher à attirer une clientèle familiale et plus jeune et de s'adapter aux tendances actuelles, le commerce des locataires – qui vendaient des articles cadeaux et des produits artisanaux - ne correspondant pas, selon la bailleresse, à cette stratégie, ce en l’absence d’un projet défini de cette dernière pour la réaffectation des locaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_460/2020 du 23 février 2021 consid. 3.2).

Il apparaît que cette jurisprudence présente des similitudes avec la présente espèce. En effet, la bailleresse a, dans le courrier notifiant le congé et sans varier dans les motifs, expliqué que les exploitants de l’HÔTEL B______ et elle-même souhaitaient récupérer la possession de l’arcade dans le but d’adapter la manière de l’exploiter selon ce qu’ils jugeaient le plus conforme à leurs intérêts, d’une manière s’inscrivant davantage dans l’évolution de l’HÔTEL B______ et des attentes y relatives. La rareté de la présence de clients dans la boutique était relevée et jugée comme n’étant plus compatible avec la bonne marche de l’hôtel.

Dans son courrier subséquent du 13 août 2019, la bailleresse a précisé la double motivation du congé. D’une part, l’activité déployée dans l’arcade ne correspondait plus aux attentes et au standing de l’hôtel et de sa clientèle : la boutique désertée constituait une «zone morte» dans l’hôtel et était problématique. D’autre part, les exploitants de l’hôtel avaient besoin de disposer eux-mêmes des locaux.

Le projet initial de la bailleresse d’implanter dans l’arcade querellée une conciergerie pour répondre à des besoins de sécurité et d’accueil de la clientèle a certes été écarté au profit de celui d’un coffee-shop finalement retenu.

Contrairement à ce que soutient l’appelant, l’intimée n’a pas varié dans les motifs du congé. L’implantation du coffee-shop et le changement d’affectation de l’arcade qu’il induit ne font qu’illustrer et préciser, de manière plus concrète, la volonté de la bailleresse de gérer cet espace de manière plus conforme à ses intérêts. Les motifs du congé ont ainsi été précisés en cours de procédure, ce qui est le cas en l’espèce, sans pour autant que cela puisse être considéré comme une motivation nouvelle.

L’arcade dispose d’horaires d’ouverture réduits liés à une baisse de fréquentation de l’arcade depuis l’année 2016 comme confirmé par le témoin D______ et elle est peu fréquentée par la clientèle de l’appelant, de l’ordre d’un à cinq clients au maximum par jour. Le Tribunal pouvait donc retenir à juste titre que l’arcade était peu vivante. Sur ce point, l’appelant ne saurait être suivi lorsqu’il prétend que cette baisse de fréquentation aurait été admise de manière arbitraire : le témoin précité a déclaré que les horaires avaient été réduits en 2016 notamment par la fermeture de l’arcade le samedi - qui était auparavant ouverte d’office deux samedis par mois - et l’accueil de clients le samedi sur rendez-vous uniquement. Cette limitation des horaires avait été dictée, toujours selon les déclarations de ce même témoin, par la baisse de la demande de la clientèle. L’appelant lui-même a concédé que la clientèle était en baisse depuis la pandémie du COVID. Le Tribunal ne s’est pas fondé sur les seules déclarations des membres de la direction de l’hôtel, comme pourtant soutenu par l’appelant.

L’implantation d’un coffee-shop répond aux préoccupations des exploitants de l’hôtel et de la bailleresse de contrôler l’entrée de l’hôtel côté rue 1______, en ce qu’il permet d’accueillir des clients, d’animer les locaux à cet endroit en l’ouvrant au public et d’améliorer l’image générale de l’hôtel, eu égard au standing qui est attendu par la clientèle d’un hôtel de luxe. Il vise finalement à redynamiser l’arcade qui jouxte l’entrée de l’hôtel du côté de la rue 1______. La témoin D______ a confirmé la hausse de fréquentation par cette entrée lors d’événements et de conférences organisées par l’hôtel. Les représentants de l’hôtel ont également fait était d’un flux important de clients transitant toute l’année par l’accès de la rue 1______, avec certains jours une centaine de passages, constitués des clients résidents dans l’hôtel et des non-résidents fréquentant le bar, le restaurant et la terrasse très fréquentée. Le Tribunal a ainsi retenu à juste titre que l’utilisation de l’entrée de la rue 1______ était croissante.

Le fait que l’activité de l’arcade soit considérée comme florissante par l’appelant n’est pas déterminant pour examiner la validité du congé, ce point n’ayant pas été avancé à l’appui de celui-ci ; seule sa très faible fréquentation a été évoquée et démontrée, et l’existence d’une « zone morte » à cette entrée de l’hôtel n’est pas contestée par l’appelant. Il n’est pas non plus pertinent, comme le soulève l’appelant, que sa boutique s’insère dans la rue 1______ qui abritait à ses dires principalement des boutiques de luxe à très faible fréquentation.

L’appelant se plaint également d’une disproportion manifeste des intérêts en présence. Or, comme déjà exposé ci-dessus, le besoin de la bailleresse et de l’exploitant de l’hôtel de récupérer les locaux querellés pour en changer l’affectation et redynamiser cette arcade jouxtant l’entrée de l’hôtel pour la rendre plus attractive et accueillante, et, ainsi, plus conforme aux exigences attendues de la clientèle fréquentant un hôtel cinq étoiles, est légitime. L’appelant soutient que le congé aurait des conséquences considérables pour lui, le privant de sa seule source de revenus. Toutefois, un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire ou que l'intérêt de ce dernier au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin, ces éléments devant être pris en compte au moment de statuer sur la prolongation du bail. En outre, l’appelant n’a pas démontré que l’arcade querellée constituait sa seule source de revenus, n’ayant à ce titre produit aucun élément financier permettant de l’attester. Au contraire, il s’est prévalu d’un courrier reçu en 2017 du Conseiller d’Etat en charge du Département des finances le remerciant pour sa contribution en sa qualité d’important contribuable du canton. A bon droit, le Tribunal a retenu que le congé ne consacrait aucune disproportion manifeste des intérêts en présence.

Pour l’ensemble de ces motifs, le congé notifié ne consacre aucune violation des règles de la bonne foi au sens de l’art. 271 al. 1 CO.

5. L’appelant reproche au Tribunal de ne pas lui avoir accordé une prolongation maximale de six ans prévue pour les locaux commerciaux.

Quant à l’intimée, elle fait grief aux premiers juges d’avoir accordé à l’appelant une prolongation unique de deux ans et demi échéant le 31 août 2022 et a conclu, dans son appel joint, à ce que toute prolongation de bail soit refusée.

5.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation du bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Pour trancher la question, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition. Lorsqu'il s'agit de locaux commerciaux, la durée maximale de la prolongation est de six ans; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO).

Lorsqu'il doit se prononcer sur une prolongation de bail, le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4b) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 116 II 446 consid. 3b). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que les circonstances de la conclusion du bail et le contenu du contrat, la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, le besoin du bailleur ou ses proches parents ou alliés, de même que la situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 136 III 190 consid. 6 et les arrêts cités; 125 III 226 consid. 4b). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, comme de la durée de la procédure judiciaire qui prolonge en fait le bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_639/2018 précité consid. 6.1; 4A_545/2013 du 28 novembre 2013 consid. 3.1), ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (cf. ATF 125 III 226 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4C_425/2004 du 9 mars 2005 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_67/2016 du 7 juin 2016 consid. 7.1; ACJC/1593/2019 du 4 novembre 2019 consid. 4.1 et ACJC/1470/2022 du 14 novembre 2022 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, la prolongation du bail n'a de sens que si le report du congé permet d'espérer une atténuation des conséquences pénibles qu'entraînerait ce congé et laisse prévoir qu'un déménagement ultérieur présenterait moins d'inconvénients pour le locataire, lequel ne saurait, en revanche, invoquer les conséquences nécessairement liées à la résiliation du bail en tant que telle. Il s'agit d'accorder au locataire plus de temps que ne lui en donne le délai de résiliation ordinaire pour chercher de nouveaux locaux, et non pas de lui donner l'occasion de profiter le plus longtemps possible de locaux au loyer avantageux (ATF
116 II 446 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_639/2018 du 21 novembre 2019 consid. 6.1; 4A_556/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.2).

Le choix entre une ou deux prolongations doit permettre au juge de retenir la solution la plus adaptée aux circonstances (arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2014 du 11 novembre 2014 consid. 4.3.1; 4A_105/2009 du 5 juin 2009 consid. 3.1 et la référence au Message du Conseil fédéral); il peut donc, dans la pesée des intérêts des deux parties, décider d'accorder une première prolongation du bail ou une prolongation définitive et, cas échéant, en fixer la durée. Il n'y a pas de priorité de l'une de ces solutions par rapport à l'autre (arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2014 précité consid. 4.3.1; 4A_105/2009 précité consid. 3.2; ACJC/1470/2022 du 14 novembre 2022 consid. 3.1).

5.2. En l’espèce, l’appelant conteste la durée unique de deux ans et demi de la prolongation de bail accordée par les premiers juges, qu’il estime trop courte. Les premiers juges avaient retenu que la durée du bail était relativement longue, qu’il avait ainsi pu y fidéliser un certain type de clientèle propre à ce quartier chic, qu’il avait entrepris des démarches limitées à la rue 1______ ce qui était propice à limiter cette perte de clientèle. Le Tribunal avait en outre retenu l’absence d’urgence particulière de l’intimée de réaffecter l’arcade. Pour ces motifs, l’appelant fait valoir que la prolongation accordée devrait s’étendre à six ans.

L’intimée soutient pour sa part que l’appelant n’aurait pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver un nouvel local et n’aurait pas apporté d’explication convaincante à son refus d’une trentaine de propositions de locaux pour le seul motif qu’il limitait ses recherches à la seule rue 1______. L’appelant aurait également formulé le souhait d’exploiter l’arcade le plus longtemps possible, sans réelle volonté de rechercher des locaux ailleurs. Il avait largement dépassé l’âge de la retraite et était un important contribuable du canton, de sorte que la fin de son activité ne lui causerait aucune conséquence économique significative. L’intimée disposait en outre d’un projet concret de réaffectation de l’arcade pouvant rapidement être mis en place et permettant de régler les problèmes générés par l’exploitation actuelle de l’arcade par l’appelant. Aucune prolongation de bail ne devait donc être accordée.

A juste titre, le Tribunal, dans le cadre de la pesée des intérêts en présence, a retenu une durée de bail de quinze ans, qualifiée de relativement longue, cette longévité ayant permis à l’appelant de fidéliser un type de clientèle propre au quartier chic de la rue 1______. La Cour partage également le constat du Tribunal selon lequel des recherches limitées au quartier de la rue 1______, dont il est notoire qu’il réunit bon nombre d’arcades de luxe, notamment des bijouteries, était de nature à limiter la perte de clientèle de l’appelant, essentiellement étrangère mais également locale, habituée à fréquenter ce quartier dense en boutiques de marques. Les premiers juges ont donc retenu de manière correcte que l’appelant exploite l’arcade au même endroit depuis longtemps et qu’il lui serait difficile de trouver des locaux de remplacement équivalents ailleurs sans perte de clientèle. L’intimée ne saurait dès lors être suivie dans sa critique de toute prolongation de bail.

Certes, l’appelant a produit dix-huit lettres adressées à diverses agences immobilières le même jour, en date du 24 septembre 2019, ce qui atteste de démarches effectives pour trouver un local de remplacement. Toutefois, il n’a pas fourni de pièce relative au suivi de ces démarches initiales pour trouver un nouveau local, s’étant contenté de déclarer au Tribunal n’avoir entrepris aucune visite en raison des réponses reçues – une trentaine - qui ne lui convenaient pas et dont aucune n’a été documentée. Il n’apparaît pas non plus que la moindre démarche ultérieure à l’envoi du 24 septembre 2019 n’ait été entreprise si bien que les démarches, certes existantes, ne peuvent être qualifiées de suffisantes et suivies. La recherche de locaux de remplacement dans la seule rue 1______ constitue certes une mesure propre à limiter la perte d’un type de clientèle propre au quartier chic de la rue 1______ et habituée à fréquenter les enseignes de renom et de luxe s’y trouvant ; il pouvait toutefois être attendu de l’appelant qu’il démontre que les nombreuses offres qui lui avaient a priori été proposées – une trentaine à ses dires - ne pouvaient être acceptées en raison d’une localisation trop lointaine ou à des conditions inadaptées, ce qu’il a échoué à démontrer. Cette absence d’indication sur le suivi des recherches entreprises ne permet pas à l’appelant de se prévaloir de démarches suffisamment sérieuses pour trouver un nouvel emplacement.

L’appelant était au demeurant informé de la volonté de l’intimée de récupérer l’arcade litigieuse depuis le premier congé notifié en octobre 2016. La nullité de ce congé a, de fait, accordé à l’appelant une durée supplémentaire pour trouver de nouveaux locaux de remplacement, ce qui a été de nature à atténuer les rigueurs liées au congé. Cet élément, tout comme les recherches de locaux strictement limitées à la seule rue 1______, ont été pris en compte à bon droit par les premiers juges dans la pesée des intérêts en présence en défaveur d’une pleine prolongation de bail de six ans telle que demandée par l’appelant.

Quant au besoin de l’intimée de récupérer les locaux pour en modifier l’affectation et redynamiser cette entrée de l’hôtel, il n’apparaît pas urgent. Le projet d’implantation d’un coffee-shop a été avancé dans le courant de la procédure, au mois d’octobre 2020 et une plaquette de présentation a été produite en avril 2021. Ce projet apparaît néanmoins suffisamment concret et abouti, de sorte que le projet de réaffectation de l’arcade doit pouvoir désormais être mis en œuvre. L’écoulement du temps liés aux procédures menées depuis 2016 a largement contribué à atténuer les rigueurs du congé.

A cela s’ajoute, comme retenu par les premiers juges, que si l’appelant, âgé de plus de 75 ans, a déclaré vouloir poursuivre son activité dans l’arcade litigieuse le plus longtemps possible, il n'en demeure pas moins que le but de la prolongation de bail vise à accorder au locataire plus de temps que ne lui en donne le délai de résiliation ordinaire pour chercher de nouveaux locaux. Comme déjà exposé ci-dessus, l’appelant n’a pas démontré, eu égard à sa qualité d’important contribuable du canton, qu’il tirerait ses seuls revenus de l’exploitation de la bijouterie. De plus, l’activité déployée peut l’être dans un autre local de sorte qu'un déplacement de la bijouterie n’entraînerait pas nécessairement la fin de toute activité. Ainsi, l’appelant ne saurait être suivi lorsqu’il soutient que la fin de son activité dans les locaux serait de nature à lui causer des conséquences financières propres à mettre en péril sa situation financière. Il ne peut en tout état prétendre prolonger sans terme, l’occupation des locaux en raison de nécessités financières qui ne sont au demeurant pas établies.

Pour l’ensemble de ces motifs, la prolongation de bail de deux ans et demi accordée par le Tribunal apparaît adéquate pour atténuer les conséquences pénibles du congé. Elle a permis à l’appelant de continuer à exploiter son arcade bien au-delà de l’âge de la retraite dépassant, même pour un indépendant, l’âge ordinaire pour mettre fin à son activité lucrative (à ce propos, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.3). La procédure lui a en outre accordé un temps suffisant pour trouver un nouvel emplacement équivalent à la rue 1______ ou dans une rue à proximité immédiate, aucune pénurie de locaux commerciaux ne sévissant dans le canton de Genève.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu’il accorde une unique prolongation de bail de deux ans et demi venant à échéance le 31 août 2022.

6. Depuis l'expiration de la prolongation du bail le 31 août 2022, l’appelant ne dispose plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux.

Il viole l'article 267 al. 1 CO qui prévoit l'obligation de restituer la chose à la fin du bail.

Dès lors, la Cour fera droit aux conclusions en évacuation prises par l’intimée et prononcera l'évacuation immédiate de l’appelant.

Aucune conclusion en exécution de l’évacuation n’a été prise par l’intimée dans le cadre de la procédure d’appel, qui ne sollicite plus à être autorisée à requérir l’expulsion de l’appelant par la force publique. Elle sera renvoyée à agir devant le tribunal de l’exécution conformément à l’art. 338 al. 1 CPC.

Le chiffre 4 du dispositif du jugement entrepris sera donc annulé et l’évacuation immédiate prononcée.

7. Les autres points du dispositif du jugement n’étant pas contestés, ils seront confirmés.

8. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers
:


A la forme
:

Déclare recevables l'appel formé le 1er octobre 2021 par A______ et l’appel joint formé le 1er novembre 2021 par la VILLE DE GENEVE contre le jugement JTBL/721/2021 rendu le 26 août 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/19647/2019.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif du jugement, et statuant à nouveau sur ce point :

Condamne A______ à évacuer immédiatement de sa personne, de tous tiers et de ses biens l’arcade commerciale sise au rez-de-chaussée de l’immeuble situé rue 1______ no. ______, à Genève.

Confirme le jugement pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies et délais de recours :

Conformément aux art. 72 ss. de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF: RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.