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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1687/2015

ACJC/830/2016 du 13.06.2016 sur JTBL/1023/2015 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : BAIL À LOYER ; PROLONGATION DU BAIL À LOYER ; CONTRAT DE DURÉE DÉTERMINÉE ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : CPC.317.1; CST.9;
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1687/2015 ACJC/830/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 13 JUIN 2016

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (GE), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 septembre 2015, comparant par Me Lorenzo PARUZZOLO, avocat, route des Acacias 6, case postale 588, 1211 Genève 4, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, intimé, p.a. et représenté par C______, _____ (GE).

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1023/2015 du 17 septembre 2015, expédié pour notification aux parties le 18 septembre 2015, le Tribunal des baux et loyers a débouté A______ de ses conclusions en prolongation du bail, a débouté les parties de toutes autres conclusions et a dit que la procédure était gratuite.

En substance, les premiers juges ont retenu que le contrat de bail conclu le 22 février 2010 entre B______ et A______ ne prêtait pas à confusion concernant sa durée fixe de cinq ans et que celle-ci était par ailleurs largement suffisante pour permettre à A______ de prendre ses dispositions en temps utile afin de trouver une solution de relogement à la fin du contrat.

Le Tribunal a également retenu que A______ n'avait fait preuve d'aucun empressement dans ses recherches de logement, qu'il n'avait pas non plus effectué de recherches intensives et qu'il avait refusé, sans motifs sérieux, les propositions de relogement qui lui avaient été soumises en cours de procédure par la régie C______, correspondant pourtant parfaitement à ses critères de recherche.

Concernant la situation de B______, le Tribunal a retenu qu'aucun élément du dossier ne permettait de mettre en doute le besoin de logement invoqué pour son petit-fils, lequel s'était marié le 4 juillet 2015, ni le fait que celui-ci percevait des revenus modestes vu son jeune âge et qu'il poursuivait encore des études.

B. a. Par acte expédié le 21 octobre 2015 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, préalablement, à l'audition de D______, puis principalement, à l'annulation du jugement, à l'octroi d'une prolongation de bail unique au 30 septembre 2016 tant pour l'appartement que la place de parc louée conjointement, ainsi qu'au déboutement de toutes autres ou contraires conclusions de B______.

A______ a allégué, à titre de faits nouveaux, avoir perdu son emploi et être inscrit au chômage depuis le 1er octobre 2015.

Il a également indiqué avoir appris le 26 septembre 2015 que D______ avait rendu le 30 juin 2015 l'appartement qu'elle louait au 2ème étage dans le même immeuble et dont B______ serait propriétaire.

b. Par réponse expédiée le 25 novembre 2015, B______ a conclu à l'irrecevabilité de l'appel formé par A______, et principalement, à la confirmation du jugement JTBL/1023/2015 du 17 septembre 2015, ainsi qu'au déboutement de toutes les conclusions de A______.

B______ a contesté le fait qu'il s'agisse de faits nouveaux car il avait déjà été indiqué par-devant le Tribunal qu'il était propriétaire de l'immeuble. De plus, son petit-fils ne disposait pas de moyens suffisants pour assumer un autre loyer dans l'immeuble concerné.

c. Par réplique du 17 décembre 2015, A______ a déposé des pièces nouvelles, soit deux réponses écrites de régies refusant l'attribution de logements visités, un relevé de chômage attestant de son solde de jours restants de droit au chômage, ainsi qu'un contrat de travail conclu avec E______.

d. Par courrier du 2 février 2016, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger, l'intimé n'ayant pas fait usage de son droit de duplique.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. Les parties ont été liées par un contrat de bail, conclu le 22 février 2010 et portant sur la location d'un appartement de 2,5 pièces au 1er étage de l'immeuble sis ______, ainsi que sur une place de parking extérieure au rez-de-chaussée du même immeuble.

b. Le loyer a été conclu pour une durée déterminée de cinq ans, du 1er avril 2010 au 31 mars 2015, non renouvelable.

Le loyer de l'appartement a été fixé à 801 fr. par mois, charges comprises, et celui du parking à 200 fr. par mois.

c. En février 2014, A______ a déposé sa candidature pour l'attribution d'un logement dans le cadre du projet immobilier « ______ », expliquant qu'il devrait quitter son logement en 2015 pour cause de bail à terme fixe. Le 2 avril 2014, il a reçu une réponse négative à sa candidature.

d. En janvier 2015, A______ a demandé à la régie C______, en charge de la gestion de l'immeuble, s'il était possible de renouveler son bail au-delà de son échéance le 31 mars 2015. La régie lui a répondu par la négative par lettre du 13 janvier 2015.

e. Par requête formée le 29 janvier 2015 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, A______ a sollicité l'octroi d'une première prolongation de bail de deux ans. Il a expliqué ne pas avoir trouvé de logement de remplacement, et avoir traversé une période de chômage entre avril et décembre 2014.

Non conciliée le 12 mars 2015, l'affaire a été portée devant le Tribunal des baux et loyers le 24 avril 2015.

f. Dans sa réponse écrite du 27 mai 2015, le bailleur a conclu au rejet de la demande, faisant valoir que l'appartement en cause était destiné à son petit-fils F______, né en 1996, qui allait se marier le ______ 2015.

Il a souligné l'urgence de la situation dans laquelle se trouvaient son petit-fils et sa future épouse, ainsi que le fait que les revenus modestes de ceux-ci ne leur permettaient pas d'être relogés dans les autres logements de 4 ou 5 pièces de l'immeuble, au vu de leurs loyers, trop élevés pour le jeune couple.

g. Lors de l'audience de débats du 17 septembre 2015, A______ a déclaré avoir commencé à chercher un appartement au début de l'année 2015, après la réponse négative de la régie à sa demande de renouvellement de bail. Il avait été au chômage en 2014 et n'avait retrouvé un emploi qu'en janvier 2015, réalisant un revenu mensuel brut de 7'600 fr. Son lieu de travail se trouvait à ______, mais il n'envisageait guère de se reloger à ______ ou ______, car il avait des activités comme ______ à Genève et souhaitait rester dans cette ville.

A______ a admis avoir reçu en juillet 2015 de la régie C______ deux offres de location correspondant à ses critères de recherche (un deux pièces en vieille ville et un trois pièces à Varembé), lesquelles qui, après visite, ne lui avaient pas convenu, car ne disposant pas d'une place de parking.

D. L'argumentation juridique des parties sera examinée dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de 1ère instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN, Code de procédure civile commentée, Bâle, 2011, n.13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1; 4A.72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée
(art. 91 al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (RETORNAZ, in Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; SPUHLER in Basler Kommentar Schweizerische Zivilprozessordnung, 2ème éd., n. 9 ad art. 308 CPC).

En l'occurrence, le litige porte sur une première prolongation de bail d'une durée de deux ans. Compte tenu du montant annuel du loyer de l'appartement et du parking, soit 12'012 fr., la valeur litigieuse est donc supérieure aux 10'000 fr. prévus à l'art. 308 al. 2 CPC pour que la voie de l'appel soit ouverte.

1.2 Le jugement querellé a été rendu en procédure simplifiée par le Tribunal. C'est donc une décision finale de première instance au sens de l'art. 308 al. 1 CPC.

1.3 L'appel et la réponse y relative ont été interjetés dans les délais et suivants les formes prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 et 312 CPC). Ils sont donc recevables.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2010, n° 2314 et 2416; RETORNAZ, op. cit., p. 349 ss, n. 121).

1.5 Dans le cadre de son appel formé le 21 octobre 2015, l'appelant a allégué deux faits nouveaux.

1.5.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et qu'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 CPC). Il s'agit de conditions cumulatives, la deuxième n'étant applicable qu'aux faux faits nouveaux (BOHNET, HALDY, JEANDIN, SCHWEIZER, TAPPY, Code de procédure civile commenté, n.6, ad art. 317 CPC).

1.5.2 En l'occurrence, l'appelant a déclaré avoir perdu son emploi et être inscrit au chômage depuis le 1er octobre 2015. S'agissant d'un vrai fait nouveau, il a été invoqué sans retard, respectant ainsi l'art. 317 al. 1 let. a CPC. Toutefois, cet élément de fait n'est pas pertinent pour les raisons suivantes. Le locataire s'est retrouvé au chômage une première fois du mois d'avril à décembre 2014. Il a mis en évidence ce fait pour justifier sa passivité dans le cadre de ses recherches de logement. De janvier à septembre 2015, il a retrouvé un emploi percevant un salaire mensuel net de près de 6'000 fr. Durant cette période, il s'est uniquement inscrit auprès de la ______ et a adressé sa candidature pour un logement auprès de la régie ______. Hormis ces deux démarches isolées, il n'a pas démontré avoir entrepris d'autres recherches et s'être montré actif, ce qu'il aurait pourtant dû faire à ce moment-là, étant donné qu'il avait un emploi et un revenu correct. Ce n'est qu'en octobre et novembre 2015, alors qu'il se trouvait au chômage, que le locataire a déposé deux dossiers de candidature et pour lesquelles il a essuyé un refus. Par conséquent, cet élément de fait nouveau ne fait que conforter l'idée que l'appelant n'a pas effectué de démarches comme il aurait dû le faire dans le but de se reloger.

Ensuite, l'appelant a soutenu qu'une locataire du même immeuble aurait rendu son appartement du 2ème étage le 30 juin 2015. Même si ce faux fait nouveau devait être admis, il ne changerait rien à l'appréciation du cas d'espèce comme cela sera examiné ci-après. En effet, s'agissant d'un contrat de bail à terme fixe, le locataire aurait dû entreprendre des démarches pour se reloger bien plus tôt. Il a manqué de diligence et n'a pas fourni les efforts que l'on peut exiger d'une personne se trouvant dans la même situation. Le fait que l'intimé puisse reloger son petit-fils dans un autre logement ou non n'est pas pertinent en l'espèce. Pour le surplus, le bailleur a indiqué que cet appartement libéré au 2ème étage était trop onéreux pour son petit-fils.

2. L'appelant soutient que le Tribunal a violé les art. 9 Cst. et 272 al. 2 CO, en refusant de lui accorder une prolongation de bail. La décision de n'accorder aucune prolongation de bail serait choquante et inéquitable dans son résultat, consacrant une appréciation arbitraire (art. 9 Cst.) de la pesée des intérêts de l'art. 272 al. 2 CO.

2.1 Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi (art. 9 al. 2 Cst.). L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait rentrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2.; 136 III 552 consid. 4.2). Le locataire peut demander la prolongation d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Dans la pesée des intérêts, l'autorité compétente se fondera notamment sur les circonstances de la conclusion du bail et le contenu du contrat, la durée du bail, la situation personnelle, familiale et financière des parties ainsi que leur comportement, le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que l'urgence de ce besoin; la situation sur le marché local du logement et des locaux commerciaux (art. 272 al. 1 et 2 CO).

2.2 En l'occurrence, l'appelant n'a pas prouvé avoir fourni les efforts que l'on peut raisonnablement attendre d'une personne cherchant à se reloger. Le fait d'être au chômage ne l'empêchait pas d'effectuer des recherches actives et régulières. Il s'est, au contraire, abstenu de recherches soutenues prétextant sa situation défavorable. De son aveu, l'appelant a indiqué avoir commencé ses recherches en février/mars 2015. En outre, il a refusé des propositions de logement de la régie, correspondant pourtant à ses critères de recherche, au motif qu'il n'y avait aucune possibilité de parking à proximité.

Concernant le besoin de logement allégué par l'intimé pour son petit-fils, aucun élément du dossier ne permet de le remettre en doute.

Dans le cadre de sa motivation, le Tribunal a pris en considération l'ensemble des faits établis pertinents à la résolution du présent litige. Il a en particulier relevé que la durée fixe du contrat de bail permettait à l'appelant de prendre ses dispositions à temps pour trouver un nouveau logement, que le locataire n'avait pas manifesté d'empressement dans ses recherches de logement, qu'il avait refusé, sans motifs sérieux, des propositions de logement soumises par la régie C______ et enfin, que le bailleur avait invoqué le besoin urgent de loger son petit-fils dans l'appartement litigieux. Le Tribunal a mis en balance l'ensemble de ces éléments, parvenant à la conclusion que le bail de l'appelant ne devait pas être prolongé. Il a par ailleurs ajouté qu'au vu de la procédure intentée, le locataire avait déjà pu bénéficier d'une prolongation de bail de six mois. Le Tribunal a pondéré de manière équitable l'ensemble des intérêts en présence selon les critères établis par l'art. 272 al.2 CO. Par conséquent, la décision du Tribunal n'est pas critiquable, ne se trouve pas en contradiction avec la situation de fait, ne viole pas une norme ou un principe juridique indiscuté, et ne heurte pas le sentiment de la justice et de l'équité.

2.3 Partant, le grief de la violation de l'interdiction de l'arbitraire découlant de l'art. 9 Cst. ainsi que le grief de la violation de l'art. 272 al. 2 CO doivent être rejetés.

3. La procédure est gratuite (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 octobre 2015 par A______ contre le jugement JTBL/1023/2015 du 17 septembre 2015 rendu par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1687/2015.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Pierre STASTNY et Monsieur Bertrand REICH, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.