Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1174/2024 du 28.11.2024 ( LCI ) , REJETE
REJETE par ATA/714/2025
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 28 novembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, ASSOCIATION B______ et C______ SA, représentés par Me Dominique BURGER, avocate, avec élection de domicile
D______ Sàrl, représentée par Me Nicolas GAGNEBIN, avocat, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de E______ (ci-après : la commune), qui se situe en partie en zone agricole et en partie en zone de bois et forêts.
2. Le 17 novembre 2023, un collaborateur du département du territoire (ci-après : le département) s’est rendu sur la parcelle précitée.
À cette occasion, il a constaté qu’un ou plusieurs éléments auraient été réalisés sans autorisation, soit l’aménagement d’une cour en enrobé au nord, est et ouest du hangar cadastré n° 2______, l’installation d’une serre tunnel au sud de la parcelle, l’installation de plusieurs containers, la construction d’un couvert en bois entre deux containers, le stockage de différents matériaux et le stationnement de nombreux véhicules.
Un dossier d’infraction portant la référence I 3______ a été ouvert.
3. Le 1er décembre 2023, le département a interpellé M. A______ au sujet des éléments susmentionnés et lui a imparti un délai de dix jours pour se déterminer à leur propos.
4. Le 14 décembre 2023, par l’intermédiaire de son conseil, M. A______ a répondu que l’aménagement de la cour avait été autorisé en 1982, en même temps que la construction d’un dépôt et de bureaux ; la cour était d’ailleurs cadastrée comme telle. Il n’y avait pas de serre tunnel au sud de la parcelle ; il s’agissait d’une simple tente gonflée, non fixée au sol, qui était occupée par l’association B______
(ci-après : l’association). Certains des containers entreposés, mobiles, étaient destinés à l’entreposage du matériel de C______ SA (ci-après : C______ SA), qui avait son exploitation depuis plus de quarante ans sur place. Les autres étaient utilisés par D______ SÀRL (ci-après : D______). Le couvert en bois entre deux containers n’était pas une construction, mais un couvert posé sur le container. Les matériaux et les véhicules appartenaient aux deux sociétés précitées. Aucun des éléments mentionnés dans le courrier du 1er décembre 2023 n’étaient des installations fixes ou des constructions.
5. Le 19 janvier 2024, le département a communiqué à M. A______ les courriers qu’il avait adressés le jour même à l’association, à D______ et à C______ SA.
Il se réservait le droit de revenir vers lui, en sa qualité de propriétaire, en fonction de la suite donnée à ces demandes. À cet égard, toutes mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient expressément réservées.
6. Les courriers précités, semblables à celui du 1er décembre 2023, impartissaient à leurs destinataires un délai de dix jours pour se déterminer au sujet des éléments sis sur la parcelle en cause.
7. Le 30 janvier 2024, par l’intermédiaire de son conseil, C______ SA a indiqué que l’aménagement de la cour avait été autorisé en 1982, en même temps que la construction d’un dépôt et de bureaux. Certains des containers lui appartenaient ; ils étaient destinés à l’entreposage de son matériel et à la chaufferie provisoire nécessaire lors de certains travaux de modernisation d’installations en vue de la suppression des énergies fossiles. Aucun couvert en bois n’avait été construit ; il ne s’agissait que d’une protection posée sur les containers. D’une manière générale, elle stockait effectivement des matériaux sur la parcelle, où elle s’était installée avant les années 1980, et y garait des véhicules. L’exploitation autorisée impliquait nécessairement du matériel et des véhicules. Si leur entreposage était impossible, cela l’empêcherait irrémédiablement d’exploiter son entreprise, avec le risque de devoir cesser son activité et de licencier son personnel.
8. Le 31 janvier 2024, par l’intermédiaire de son conseil, D______ a indiqué que son activité consistait en l’entretien de jardins privés. Depuis le 1er juin 2023, elle était locataire de M. A______ et, selon son bail, la destination des locaux visés était
« à l’usage de stockage, de lieu administratif et stationnement de véhicules à moteur exclusivement ». Seuls certains des éléments étaient de son ressort : les containers, posés à même le sol, sans fondation fixe, étaient mobiles. Les couverts en bois entre deux containers étaient simplement posés sur leur dessus et n’étaient aucunement fixés sur des fondations : il s’agissait d’installations déplaçables. Son exploitation professionnelle n’était ni invasive ni ne débordait de manière fixe dans l’espace loué.
9. Le 6 février 2024, l’association a indiqué souhaiter régulariser sa situation. Elle avait pour but de sauver « B______ », bateau datant de ______ qui était un des deux derniers petits yachts, anciennement à vapeur, témoin de la belle plaisance de la fin du 19ème début 20ème siècle. Association à but non lucratif, elle avait été créée en 2017 suite au retrait du permis de navigation et au délai de deux ans imparti pour sortir ce bateau mesurant 23 m de long sur 3,30 m de large du domaine public. Plusieurs chantiers navals genevois capables d’accueillir B______, qui faisait partie du patrimoine tant genevois que lémanique, et la CGN avaient refusé de l’entreposer. Un emplacement provisoire au chantier naval F______ de H______ avait été trouvé jusqu’en juin 2019 et les travaux de restauration avait débuté. Ce chantier cessant son activité, le bateau était parti, grâce à une aide financière de la Loterie Romande, sur un chantier naval lucernois. La survenue de l’épidémie Covid-19 avait cependant stoppé les travaux et contraint un retour au « bout du lac ». M. A______ lui avait alors proposé un emplacement sur sa parcelle à titre gracieux, le temps de finir la restauration. L’installation provisoire des deux conteneurs et du tunnel était indispensable pour protéger, stocker les nombreuses pièces détachées et accueillir les apprentis et ouvriers des différentes entreprises intervenantes. La cabine salon en bois de ______, construite selon les méthodes de l’époque et pratiquement dans son état d’origine, était actuellement restaurée par les élèves genevois du Centre de formation professionnelle construction, section bois. Une fois la restauration achevée, tous les matériels et infrastructures seraient démontés et évacués. Une place dans la rade était d’ores et déjà acquise aux côtés de la barque historique O______. À réception du courrier du 19 janvier 2024, elle avait pris contact avec différents chantiers navals qui lui avaient soit refusé une place, soit annoncé un prix de location dépassant ses moyens.
10. Le 14 février 2024, suite à ce courrier, le département a prié l’association de lui transmettre un planning de restauration de la B______ ainsi qu’une estimation de la fin des travaux.
Il ne résulte pas du dossier que l’association ait répondu.
11. Par décisions du ______ 2024, le département a exigé qu’une situation conforme au droit soit rétablie d’ici au 15 mai 2024 et a ainsi ordonné à :
- M. A______ de procéder à la remise en état de la cour conformément à l’autorisation de construire DD 4______ et à la remise en état du terrain naturel ;
- l’association de procéder à la suppression et l’évacuation de la serre tunnel au sud de la parcelle, à l’évacuation des containers et à la remise en état du terrain naturel après les réalisations précitées ;
- D______ et C______ SA de procéder à la suppression et l’évacuation des containers, de la structure en bois entre les containers, du stockage des matériaux, du stationnement de véhicules et à la remise en état du terrain naturel après les réalisations précitées.
Dans ces quatre décisions, le département a précisé confirmer, après avoir procédé aux vérifications d’usage, que la réalisation des éléments en cause était soumise à l’obtention d’une autorisation de construire conformément à l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), mais que vu la situation de la parcelle hors zone à bâtir, le dépôt d’une requête en autorisation de construire serait superfétatoire, de sorte que les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l’état. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de la remise en état devait lui parvenir dans le même délai. Au surplus, la sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit restait réservée.
12. Par acte du 30 avril 2024, sous la plume d’un conseil, D______ a interjeté recours à l’encontre de la décision la concernant auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à être dispensée de procéder à la suppression et à l’évacuation requises. Elle a requis, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé « dans la même procédure de recours pour le mêmes faits et la même décision contre le propriétaire Monsieur A______ ».
Elle n’avait pas déposé de demande d’autorisation de construire pour la simple raison qu’elle était certaine que ce n’était pas nécessaire. Recevoir un nouveau bail prévoyant expressément la possibilité d’exploiter son commerce d’entretien de jardins l’avait amenée à considérer qu’il n’y avait aucune requête particulière à solliciter pour développer son activité. Sa bonne foi était entière d’autant que le propriétaire jouissait lui-même d’une situation de dépôt et d’entretien pour ses diverses activités sur les mêmes lieux depuis des années. Le représentant dudit propriétaire, soit la I______, n’avait de plus pas évoqué de restriction dans le cadre de la conclusion du contrat de bail. Elle pouvait ainsi se fier au libellé de l’objet de la location, dont la teneur était la suivante : « Espace de stockage d’env. 112 m2, Espace de stockage d’env. 65 m2, Espace de stockage d’env. 79 m2, Emplacement container vestiaire d’env. 18 m2, Bureaux d’env. 62 m2, trois emplacements de parking extérieurs, huit emplacements de parking extérieurs ». Elle n’avait à aucun moment voulu se mettre en marge des dispositions légales.
Sa situation la contraignait de déposer le présent recours afin d’attendre que le recours principal du propriétaire aboutisse. Elle précisait encore qu’elle avait été acquise par J______ en date du 1er septembre 2022 et que les vendeurs des parts sociales, Monsieur et Madame K______ et L______, avaient délibérément caché qu’ils étaient en procédure judiciaire de contestation de congé et qu’un délai péremptoire leur avait été fixé pour ce faire. Ses démarches en vue de trouver un nouvel espace pouvant accueillir son activité professionnelle avait abouti à la conclusion du contrat de location avec M. A______.
Ce recours, accompagné d’un chargé d’une pièce (le bail à loyer pour locaux commerciaux du 1er juin 2023), a été ouvert sous le numéro de cause A/1584/2024.
13. Par trois actes distincts du 1er mai 2024, sous la plume du même conseil, M. A______, l’association et C______ SA ont respectivement formé recours contre la décision les concernant par-devant le tribunal, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens. Préalablement, ils ont requis la comparution personnelle des parties.
a. M. A______ a en substance exposé qu’en 1936, Monsieur M______ avait acheté l’ancienne parcelle n° 5______ et créé son entreprise, dont le but était le nettoyage et la révision de citernes. En 1950, il avait acheté l’actuelle parcelle n° 1______ dans le but de développer son entreprise. Le 3 octobre 1972, par le biais d’un architecte, il avait déposé une demande définitive d’autorisation de construire un hangar sur la parcelle. Le ______ 1973, cette autorisation lui avait été délivrée DD 7______. Un mois plus tard, il avait déposé une nouvelle requête dans le but de diminuer le volume du hangar projeté, laquelle avait été autorisée le ______ 1973. Dans son préavis du 19 octobre 1972 relatif à cette autorisation DD 4______, le département de l’agriculture avait constaté que « L’entreprise M______, spécialisée dans la révision, réfection et entretien de citernes et containers à carburants de tous genres, est installée depuis fort longtemps sur la parcelle en question (signalons, à titre d’information, que cette entreprise a été reconnue par l’État et qu’elle est dûment habilitée à exercer le genre de travail auquel il est fait allusion ci-dessus). Le terrain n’est plus utilisé à des fins agricoles, vu que le requérant y entrepose en permanence des citernes, ainsi que des machines nécessaires à son activité. Cette parcelle constitue, en fait, un chantier de travail. Une construction dans le but d’abriter tout ce matériel ne nuit pas à la zone agricole stable puisqu’elle est séparée de cette dernière par la route de N______. Cette construction nuirera (sic) certainement moins au paysage que la vision de ces citernes en plein air, comme c’est le cas aujourd’hui. (…) C’est pourquoi considérant ce qui précède, nous sommes favorables à l’édification d’un hangar dans le but d’abriter tout le matériel (…) ». La commune de E______ n’avait pas émis d’observations dans le cadre de son préavis du 9 octobre 1972. Le 9 juin 1977, le département lui avait en outre délivré un permis d’occuper le hangar, lequel avait pour but d’abriter les citernes à réviser ou à modifier par l’entreprise.
En 1980, Monsieur G______, son père, avait acheté l’entreprise de M. M______, qui prenait sa retraite, puis, en 1981, avait acheté la parcelle n° 1______. Deux demandes d’autorisation avaient ensuite été déposées par un architecte, pour le compte de l’entreprise, et accordées. Ainsi, les ______ 1982 (DD 8______) et ______ 1983 (DD 8______/2), le département avait respectivement accordé une autorisation définitive dans le but de construire une annexe au hangar comprenant des bureaux, vestiaires, toilettes et un dépôt respectivement et une autorisation complémentaire de construire une citerne double manteau enterrée, à deux compartiments (10’000 litres d’essence et 10’000 litres de diesel) sur la parcelle. Par la suite, le 24 mai 1985, en relation avec la DD 8______/2, le service sécurité salubrité de la police des constructions (ci-après : SSS) avait informé l’architecte du fait qu’une aire de remplissage pour les véhicules à sol étanche devait être créée devant les distributeurs à essence. À cette occasion, le service de l’agriculture, dans le cadre de son préavis, avait rappelé que la parcelle avait perdu sa vocation agricole et qu’il n’était donc pas opposé à l’agrandissement du hangar. L’office de l’aménagement n’avait pas émis d’observations au vu du préavis du service de l’agriculture susmentionné et la commune n’avait formulé aucune observation particulière. Afin de permettre aux utilisateurs de la pompe à essence un accès aux distributeurs et surtout de faciliter les allers-retours quotidiens ainsi que le stationnement des employés de l’entreprise et de leur matériel, une cour entourant le hangar avait été créée, en même temps que l’aire de remplissage, sur la parcelle. Il n’était en effet pas possible et imaginable d’avoir une activité d’entreprise viable sans que le terrain entourant le hangar, les bureaux et la pompe à essence ne soit goudronné. Le 31 mars 1989, un permis d’occuper les locaux précités, soumis à la condition que les bureaux ne soient utilisés qu’à temps partiel, ainsi qu’un permis d’exploiter la citerne avaient été délivrés par le département, soit après qu’il ait constaté l’existence de la cour et de l’aire de remplissage. La cour avait été cadastrée et figurait depuis de nombreuses années au plan du registre foncier. En 2018, l’entreprise avait fusionné avec deux sociétés pour devenir C______ SA, dont il était l’ayant-droit économique.
Une autre entreprise appartenant à sa famille ayant quitté les lieux, les locaux libérés avaient été loués à D______ qui ne pouvait exercer sans disposer de suffisamment d’espace de stockage, raison pour laquelle des containers mobiles avaient encore été installés sur la parcelle.
Depuis 2020, la parcelle accueillait également B______, embarcation datant de la fin du 19ème siècle en cours de restauration par l’association, qui était reconnue d’utilité publique. Cette dernière se heurtant à l’absence d’emplacement pouvant accueillir le bateau et ne disposant que de peu de ressources financières, il lui avait gracieusement proposé un emplacement sur son terrain, le temps de finir la restauration. Dans ce but et afin de stocker le matériel y relatif, une tente démontable ainsi que deux containers avaient été installés par l’association.
Au fond, la décision entreprise était infondée et contraire au principe de la bonne foi. Dans le cadre du processus d’obtention des autorisations de construire délivrées en 1973 et 1982 (DD 7______ et DD 8______), le département de l’agriculture avait souligné que la parcelle avait perdu sa vocation agricole et constituait en fait un chantier de travail. Il avait également considéré que la construction du hangar ne nuirait pas à la zone agricole stable au vu du fait qu’elle était séparée de cette dernière par la route de P______. Il rappelait le permis d’occuper les bureaux de l’entreprise et ses annexes délivré le 31 mars 1989 par le département, lequel avait ensuite autorisé l’exploitation de la pompe à essence. La parcelle en cause avait ainsi perdu depuis plus de cinquante ans sa vocation agricole et pouvait faire l’objet de constructions n’ayant aucun lien avec l’agriculture ou l’horticulture. Lui et ses prédécesseurs s’étaient fondés de bonne foi sur toutes ces autorisations, dont ils n’avaient pas à douter de la validité. La construction de la cour litigieuse avait été entreprise dans le cadre de l’autorisation de construire DD 8______/2, en même temps que l’aire de remplissage ordonnée par le SSS. Confirmer l’ordre de remise en état litigieux reviendrait à révoquer une autorisation délivrée il y avait plus de quarante ans et à condamner C______ SA à devoir cesser son activité pratiquée depuis plus de cinquante ans. De plus, lorsqu’il en était devenu propriétaire en 2019, la parcelle n’avait plus aucune vocation agricole depuis de nombreuses années et était utilisée comme un chantier de travail, respectivement les constructions présentes sur cette dernière y étaient dûment autorisées et cadastrées, sans que cela n’aient jusqu’ici posé de problème. Dans ce contexte, il devait être considéré que la parcelle faisait l’objet de dérogations et il devait être protégé dans la confiance qu’il avait légitimement accordée aux autorités administratives compétentes. La cour ayant été autorisée, les conditions d’une révocation n’étaient pas réalisées. De plus, le département avait ordonné la remise en état du terrain naturel, ce qui signifiait que le terrain devrait « être à nouveau apte à être exploité pour l’agriculture, le sol devant être reconstitué au niveau du terrain naturel préexistant » ; en d’autres termes, le hangar pourrait être maintenu mais deviendrait inaccessible du fait de l’enlèvement de la cour alors que son pourtour ne pourrait pas revenir à une exploitation agricole.
En faisant fi des circonstances particulières du cas d’espèce et des intérêts privés en jeux, le département avait abusé et excédé le pouvoir d’appréciation qui lui était conféré et violé le principe de proportionnalité. Ainsi, s’il devait contester que la cour avait été autorisée, il faudrait admettre que celle-ci, absolument nécessaire à l’exploitation de l’entreprise, ainsi que la pompe à essence avaient été construites en toute bonne foi en raison des assurances données par les autorités compétentes. En outre, il serait absurde de demander la démolition de la cour entourant le hangar, incluant l’aire de remplissage ordonnée par le SSS en 1985, tout en reconnaissant que le hangar et son annexe étaient conformes. Cela reviendrait en effet à empêcher l’accès au hangar autorisé et à rendre impossible l’exploitation de C______ SA.
Ce recours, accompagné d’un chargé de trente-deux pièces, a été ouvert sous le numéro de cause A/1580/2024.
b. L’association a également soutenu qu’en prononçant l’ordre de remise en état querellé, le département avait violé et excédé son pouvoir d’appréciation ainsi que le principe de proportionnalité. Elle occupait une partie de la parcelle n° 1______ dans le but de restaurer une embarcation datant de la fin du 19ème siècle. Elle n’avait aucune raison de douter de la légalité des installations qu’elle occupait compte tenu de l’utilisation actuelle, et depuis plus de cinquante ans, de la parcelle. Il serait absurde de lui refuser le droit d’entreposer, à titre temporaire, une tente gonflable et deux containers mobiles, respectivement de lui demander, alors que la parcelle n’avait plus aucune vocation agricole depuis des années et qu’elle n’avait pas procédé aux constructions en question, de « reconstituer le sol au niveau du terrain naturel préexistant » afin qu’il puisse à nouveau être exploité pour l’agriculture. Son intérêt privé à pouvoir finir la restauration d’une embarcation historique et à forte valeur patrimoniale primait l’intérêt public à la séparation entre zones à bâtir et zones inconstructibles. Il devait également être tenu compte de la difficulté de trouver un endroit non seulement capable mais également enclin à accueillir son embarcation. Au vu de ces circonstances, la décision contestée était indubitablement disproportionnée.
Ce recours, accompagné d’un chargé de vingt-trois pièces, a été ouvert sous le numéro de cause A/1581/2024.
c.C______ SA a pour sa part rappelé qu’elle avait été reconnue par l’État et était dûment habilitée à exercer la révision de citernes, l’entretien de pompes en tous genres ainsi que des opérations de nettoyage, de dépannage et d’entretien d’immeubles. Son activité la contraignait à stocker les matériaux, inhérents et nécessaires à son exploitation, dans des containers mobiles installés sur la parcelle, le hangar et le dépôt n’étant pas suffisants pour ce faire. Sans ces matériaux, elle devrait cesser son activité. Aujourd’hui, elle comptait huit ouvriers actifs sur le site de E______, qui travaillaient à l’aide de cinq fourgons et douze remorques et qui se rendaient sur leur lieu de travail en voiture. Un de ses containers abritait une chaufferie mobile pour chauffer les bureaux et permettre à ses employés un accès à l’eau chaude, installation qui ne pouvait qu’être contenue dans un container. La chaufferie mobile était aussi nécessaire pour les travaux de modifications des citernes.
Vu les autorisations et permis d’occuper délivrés pour le hangar et son annexe et sachant que le matériel nécessaire à l’exploitation de l’entreprise ne pouvait être stocké uniquement dans ces derniers, il était évident que des containers seraient utilisés à cet effet. Ceux-ci se fondaient parfaitement dans le « chantier de travail » qu’était désormais la parcelle en cause. De plus, cette parcelle se trouvant en pleine campagne et étant difficilement accessible autrement qu’en voiture, le stationnement des véhicules des employés sur celle-ci était inhérent à l’exploitation de ces installations. Il n’en allait pas différemment de ses véhicules, fourgons et remorques, également indispensables à son exploitation au vu de la taille d’une citerne et de l’ampleur de son activité, lesquels ne pouvaient qu’être stationnés ou stockés sur la parcelle.
Confirmer l’ordre de remise en état litigieux reviendrait à révoquer une autorisation délivrée il y avait plus de quarante ans et à la condamner à devoir cesser son activité pratiquée depuis plus de cinquante ans. Elle a repris les arguments avancés par M. A______ s’agissant des dérogations dont devait faire l’objet la parcelle dans ce contexte, du principe de la bonne foi qui devait la protéger, des conditions non réalisées d’une révocation de l’autorisation concernant la cour et de la remise en état du terrain naturel.
Ce recours, accompagné d’un chargé de vingt-huit pièces, a été ouvert sous le numéro de cause A/1582/2024.
14. Par décision du 27 mai 2024 (DITAI/329/2024), le tribunal a rejeté la demande de suspension de l’instruction du recours formée par D______ Sàrl dans le cadre de son recours du 30 avril 2024.
15. Le 12 juillet 2024, le département a transmis son dossier ainsi que ses observations dans les quatre causes précitées. Il a conclu au rejet des recours, s’en rapportant à justice quant à leur recevabilité. La comparution personnelle des parties demandée dans les causes A/1581/2024, A/1582/2024 et A/1584/2024 n’était pas nécessaire dans la mesure où le tribunal disposait de l’intégralité du dossier d’infraction, dont les déterminations des recourants qui n’expliquaient pas quelles indications ils ne pourraient pas retranscrire dans leurs écritures et nécessiteraient leurs auditions.
a.D______ ne saurait être suivie lorsqu’elle estimait que sa bonne foi devait être protégée dans la mesure où elle s’était fiée à l’intitulé de son contrat de bail qui stipulait l’usage de stockage, de lieu administratif et de stationnement de véhicules, s’agissant d’une question relevant du droit privé n’ayant pas à être prise en compte par les juridictions de droit public et n’ayant pas la priorité sur le respect du droit des constructions. L’ordre de remise en état querellé ne saurait par conséquent être annulé pour ce motif.
b. Il était difficile de croire à la bonne foi de M. A______ s’agissant de l’édification de la cour au regard des précédentes autorisations de construire délivrées. L’autorisation de construire DD 8______ portait uniquement sur l’agrandissement du bâtiment pour bureau, vestiaire et dépôt et les plans visés ne varietur ne faisaient état d’aucune cour ou autre surface correspondant à la construction litigieuse. Quant à la DD 4______ portant sur la construction du bâtiment lui-même, elle ne comprenait pas non plus de cour à cet endroit. Le recourant était ainsi malvenu de se fonder sur ces autorisations de construire pour démontrer sa bonne foi et il n’avançait pas d’éléments démontrant d’éventuelles assurances faites par l’autorité compétente.
Le recourant ne saurait pour le surplus être suivi lorsqu’il prétendait que la décision contestée serait disproportionnée en raison du fait que la construction non autorisée serait nécessaire à l’exploitation de son entreprise. S’il pourrait être admis que la cour était nécessaire à l’accès au hangar, et donc à l’activité exercée par le recourant, il n’en demeurait pas moins que la jurisprudence avait précisé, dans un cas similaire, que les intérêts publics du respect du principe de la séparation du bâti et du non-bâti, de la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l’égalité devant la loi primaient largement l’intérêt privé des recourants à conserver leurs aménagements, quand bien même ils étaient importants pour le fonctionnement de leur activité. Un intérêt purement économique ne saurait de plus avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit. Au surplus, la parcelle en cause se situait à ce jour en zone agricole et ce même si l’entreprise du recourant n’avait pas de vocation agricole, de sorte que seules les dispositions relatives à cette zone s’appliquaient. Il n’avait pas connaissance d’une procédure de désassujettissement au sens de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991
(LDFR - RS 211.412.11) de cette parcelle. Par ailleurs, la parcelle étant située tant en zone agricole qu’en zone des bois et forêts, l’intérêt d’en protéger ses caractéristiques originelles, notamment du point de vue de son sol, apparaissait être important. Il était indéniable que l’intérêt public à la préservation des terres agricoles, et donc au rétablissement d’une situation conforme au droit, devait l’emporter sur l’intérêt privé purement économique du recourant au maintien de la cour et qu’aucune mesure moins incisive n’aboutirait au même résultat. Par ailleurs, la remise en état du sol visait à retrouver les qualités initiales (état naturel) au sol impacté par l’objet litigieux. Il allait de soi, qu’en zone agricole, une remise en état du terrain naturel préexistant, pour qu’il lui soit restitué ses caractéristiques propres, était nécessaire pour chaque emplacement où une construction/installation ou un aménagement avait été retiré. Cette exigence trouvait confirmation dans la jurisprudence. Dès lors, la mesure de remise en état apparaissait proportionnée et parfaitement justifiée.
c. L’association ne saurait être suivie lorsqu’elle prétendait que la décision contestée serait disproportionnée en raison du fait que les installations non autorisées seraient nécessaires à sa mission. Il rappelait les principes de séparation du bâti et du non-bâti, de limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole et de l’égalité devant la loi ainsi que la jurisprudence y relative. Quand bien même la parcelle n’avait plus de vocation agricole, elle se trouvait toujours en zone agricole - il n’avait pas connaissance d’une procédure de désassujettissement au sens de la LDFR - et seules les dispositions relatives à cette zone pouvaient être appliquées. Sa situation tant en zone agricole qu’en zone des bois et forêts impliquait également une protection particulière. En outre, rien n’empêchait la recourante d’entreposer son embarcation et toute autre installation utile à sa restauration hors la zone agricole. Il a repris pour le surplus les mêmes explications que celles données dans la cause A/1580/2024, s’agissant de la remise en état du sol. Dès lors, la mesure de remise en état apparaissait proportionnée et parfaitement justifiée.
d.C______ SA prétendait à tort que les installations litigieuses auraient été autorisées par de précédentes autorisations de construire, de sorte que sa bonne foi devrait être reconnue. Elle n’avançait pas d’éléments démontrant d’éventuelles assurances faites par l’autorité compétente. Il a repris à cet égard ses explications dans la cause A/1580/2024. De même, pour les motifs avancés dans la cause précitée qu’il reprenait, la recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle prétendait que la décision contestée serait disproportionnée en raison du fait que les installations non autorisées seraient nécessaires à l’exploitation de son entreprise et que la parcelle n’avait plus de vocation agricole. Il était indéniable que l’intérêt public à la préservation des terres agricoles, et donc au rétablissement d’une situation conforme au droit, devait l’emporter sur l’intérêt privé purement économique de la recourante au maintien de la cour et qu’aucune mesure moins incisive n’aboutirait au même résultat. Il a repris pour le surplus les mêmes explications que celles données dans la cause A/1580/2024, s’agissant de la remise en état du sol. Dès lors, la mesure de remise en état apparaissait proportionnée et parfaitement justifiée.
16. Invitée à répliquer par courrier du tribunal du 16 juillet 2024, D______ n’a pas donné suite.
17. Par répliques du 6 août 2024, les recourants ont respectivement persisté dans leurs conclusions et demandes de comparution, relevant que l’ordre de remise en état avait indéniablement des conséquences de droit civil sur la parcelle concernée et pour eux. Lesdites conséquences, leur bonne foi et les explications qu’ils pourraient fournir quant au contexte et les circonstances dans lesquelles les aménagements et constructions litigieux avaient été réalisés, respectivement quant à la nécessité et l’utilisation de ces derniers, rendaient nécessaires la tenue d’une audience.
a. M. A______ a encore relevé que le département se référait à la DD 8______ et omettait de prendre en compte la demande d’autorisation complémentaire du ______ 1983 relative à la citerne double manteau enterrée, laquelle avait été autorisée un mois plus tard. Or, dans le cadre des travaux relatifs à cette citerne, le SSS lui avait ordonné de créer une aire de remplissage à sol étanche. C’était à cette occasion que la cour litigieuse avait été construite, laquelle avait par la suite été validée par le permis d’exploiter la citerne du 31 mars 1989. Réalisée en même temps que l’aire de remplissage afin de permettre aux voitures d’accéder à la citerne et aux distributeurs, soit postérieurement aux plans des DD 4______ et DD 8______, il était normal qu’ils n’en fassent pas état. Les allégations du département selon lesquelles aucunes assurances n’aurait été données par l’autorité compétente étaient particulièrement audacieuses au vu des nombreuses fois où le département avait affirmé que la parcelle avait perdu sa vocation agricole, que cette dernière constituait un chantier de travail et qu’il y avait autorisé des constructions sans lien aucun avec l’agriculture.
Sous l’angle du principe de proportionnalité, il devait être tenu compte du fait que l’on ne se trouvait pas dans le cas d’une construction sciemment édifiée sans autorisation et pour laquelle le département était mis devant le fait accompli, vu en particulier les assurances données par les autorités compétentes confortant les anciens propriétaires de la parcelle dans l’idée qu’ils pouvaient, de bonne foi, ériger des constructions sans lien avec l’agriculture, dont la cour litigieuse. Revenir sur ces promesses après plus de quarante années de tolérance active était contraire aux règles de la bonne foi et disproportionné, vu les intérêts privés en jeu et dès lors que la parcelle ne pouvait d’aucune manière retrouver la qualité de « terrain naturel préexistant » propre à la zone agricole.
b. L’association a rappelé que l’ordre de remise en état violait les principes de proportionnalité et de subsidiarité. La différence majeure entre les jurisprudences citées par le département et le cas d’espèce était que ses installations étaient temporaires et qu’elle s’était engagée à les démonter entièrement et à les évacuer dès la fin de la restauration de l’embarcation. Elle a également rappelé sa bonne foi, le caractère altruiste et patrimoniale de l’activité déployée sur la parcelle et les difficultés rencontrées pour trouver un emplacement pouvant accueillir B______. Au vu des autorisations délivrées au propriétaire, la parcelle ne pouvait d’aucune manière retrouver la qualité de « terrain naturel préexistant » propre à la zone agricole et la mesure ordonnée conduirait à un résultat absurde si le hangar et l’annexe - sans vocation agricole ou horticole - étaient autorisés à demeurer sur la parcelle alors que la tente et deux containers devaient être enlevés.
c.C______ SA a également relevé que l’ordre de remise en état violait les principes de proportionnalité et de subsidiarité. À cet égard, le département avait omis de prendre en compte qu’elle était installée sur la parcelle litigieuse depuis
« fort longtemps », soit bien avant 1972, était d’ores et déjà spécialisée dans la révision, réfection et entretien de citernes et containers à carburants de tous genres à l’époque, et qu’elle était, depuis sa création, reconnue par l’État et dûment habilitée à exercer ce genre de travail. Elle a rappelé le déroulement des faits, les « assurances » données par le département et les éléments devant être pris en compte sous l’angle du respect du principe de la proportionnalité. À ce sujet, son développement est le même que celui de M. A______ dans sa réplique du 6 août 2024 (cause A/1580/2024).
18. Par dupliques du 3 septembre 2024, le département a persisté dans ses conclusions dans les trois causes concernées, aucun élément de nature à remettre en cause sa position n’ayant été amené.
a. M. A______ avançait désormais que la cour litigieuse n’aurait pas été autorisée en 1982 mais aurait fait l’objet d’une demande d’autorisation de construire complémentaire délivrée le ______ 1983. Il n’en était rien. Comme il résultait de la pièce 13 du recourant, l’autorisation de construire complémentaire DD 8______/2, délivrée le ______ 1983, ne portait que sur l’adjonction d’une citerne double manteau enterrée, à deux compartiments. Le recourant ne saurait en outre déduire du courrier du SSS du 24 mai 1985 une quelconque autorisation de construire portant sur la cour litigieuse ; il en résultait uniquement que celui-ci avait conditionné la construction de la citerne objet de la DD 8______/2 à la création, devant le distributeur, d’une aire de remplissage. Il ne s’agissait dès lors pas de l’aménagement d’une cour entourant au nord, est et ouest le hangar n° 2______. Cette cour n’avait ainsi jamais été autorisée et aucune assurance n’avait été donnée au recourant, de sorte que sa bonne foi ne pouvait être protégée.
b.C______ SA maintenait la thèse selon laquelle les installations litigieuses, à savoir les containers, la structure en bois entre lesdits containers, le stockage de matériaux et le stationnement de véhicules auraient été autorisés à l’occasion de précédentes autorisations de construire. Ces installations ne figuraient pourtant dans aucune autorisation de construire et elle ne parvenait pas démontrer le contraire, se fondant uniquement sur le fait qu’il aurait constaté que la parcelle avait perdu sa vocation agricole. Une telle constatation, fut-elle avérée, ne signifiait nullement que les installations litigieuses auraient été autorisées ou tolérées. Il apparaissait ainsi que les installations en cause n’avaient jamais été autorisées et que, partant, sa bonne foi ne pouvait être protégée. S’il n’était pas insensible au fait que l’entreprise était exploitée depuis plus de cinquante ans sur la parcelle, il n’en demeurait pas moins qu’un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit, pour les motifs déjà évoqués, étant rappelé que la prescription trentenaire ne s’appliquant pas hors de la zone à bâtir.
19. Le 13 novembre 2024, faisant suite à une demande de renseignements du tribunal, l’association a communiqué le planning de restauration du bateau et a indiqué que la durée du chantier était estimée à 30 mois et devrait permettre la remise à l’eau du bateau à l’été 2027 ; il s’agissait des travaux indispensables pour une mise à l’eau et qui ne pouvaient donc être effectués qu’à terre. Les travaux de finition intérieure et extérieure, la fabrication des aménagements, etc. pourraient se faire à son amarrage.
20. Interpellé à ce sujet, le département a indiqué, par courrier du 25 novembre 2024, que le planning des travaux de restauration du bateau n’était pas de nature à remettre en cause sa position. Il apparaissait que les installations litigieuses devraient demeurer sur la parcelle au moins pendant encore trois ans, la remise à l’eau du bateau étant prévue d’ici à la fin de l’année 2027. S’il n’était pas indifférent à la mission menée par l’association, il n’en demeurait pas moins que les intérêts publics du respect du principe de la séparation du bâti et du non bâti, de la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l’égalité devant la loi primaient largement l’intérêt privé des recourants à conserver leurs aménagements, même s’ils étaient importants pour le fonctionnement de leur activité. En outre, celui qui plaçait l’autorité devant un fait accompli devait s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlaient pour lui. Au demeurant, l’association échouait à démontrer n’avoir trouvé aucun autre lieu lui permettant d’entreposer l’embarcation.
Quant à la critique selon laquelle la parcelle n’aurait pas de vocation agricole, il n’avait pas connaissance d’une procédure de désassujettissement de cette dernière au sens de la LDFR et l’absence de vocation agricole n’était, selon la jurisprudence, pas décisive.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. À teneur de l’art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.
3. En l’occurrence, les recours interjetés dans les causes nos A/1580/2024, A/1581/2024, A/1582/2024 et A/1584/2024 reposent sur un complexe de faits semblables et liés, concernant plus ou moins les mêmes éléments sur la parcelle n° 1______, de sorte qu’ils soulèvent des questions connexes.
Il se justifie dès lors, au vu des éléments rappelés ci-dessus et par souci d’économie de procédure, d’ordonner leur jonction sous le numéro de cause A/1580/2024.
4. Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.
5. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 146 V 16 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_706/2022 du 5 décembre 2023 consid. 6.1.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
6. Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).
7. À titre préliminaire, des recourants requièrent leur audition.
8. Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).
Toutefois, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).
9. En l’espèce, le tribunal relève que les recourants sollicitant leur audition ont eu l’occasion de s’exprimer par écrit, d’exposer leur point de vue et de produire toutes les pièces qu’ils estimaient utiles à l’appui de leurs allégués par le biais des écritures usuelles. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige.
En conséquence, la mesure d’instruction requise, en soi non obligatoire et qui ne s’avère pas nécessaire pour trancher le litige, sera rejetée.
10. Sur le fond, les recourants contestent les décisions du département du ______ 2024.
11. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700). L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).
Sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice
(art. 16a al. 1 1ère phr. LAT).
Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l’art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l’homme, exerçant une incidence sur l’affectation du sol, soit parce qu’ils modifient sensiblement l’espace extérieur, soit parce qu’ils chargent l’infrastructure d’équipement ou soit encore parce qu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; ATF 123 II 256 consid. 3). L’exigence de la relation fixe avec le sol n’exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables (ATA/208/2021 du 23 février 2021 consid. 5).
Par ailleurs, au sens de l’art. 22 al. 1 LAT, il y a transformation lorsque, même sans modifier l’aspect extérieur, on procède à un changement d’affectation d’une construction ou d’une installation, soit la modification du but de son utilisation. En l’absence de travaux, un changement d’affectation peut être dispensé d’autorisation uniquement si la nouvelle affectation correspond à celle de la zone en question ou si son effet sur l’environnement et la planification est manifestement mineur
(ATF 113 Ib 219 consid. 4d ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 6.1 ; 1C_150/2016 du 20 septembre 2016 consid. 9.1 et les références ; 1C_395/2015 du 7 décembre 2015 consid. 3.1.1 ; cf. également ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; ATA/1346/2015 du 15 décembre 2015 consid. 6b et les références). Les simples travaux d’entretien, rénovations, petites réparations ou changements d’affectation de moindre importance ne sont pas non plus soumis à autorisation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_150/2016 du 20 septembre 2016 consid. 9.1 et la référence). En revanche, si les effets engendrés par la nouvelle utilisation se révèlent plus importants que précédemment, une autorisation de construire est requise ; il en va en particulier ainsi en cas d’augmentation significative des immissions (arrêts du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 6.1 ; 1C_395/2015 du 7 décembre 2015 consid. 3.1.1 ; 1C_347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.2).
La qualité d’installation au sens de l’art. 22 al. 1 LAT a par exemple été reconnue à des bureaux aménagés dans un hangar, le parking visiteur, les véhicules de chantier, les installations de stockage de matériaux de chantier et les matériaux eux-mêmes (ATA/519/2022 du 17 mai 2022), un paddock, son chemin d’accès et sa barrière, un marcheur à chevaux, de même qu’un abri en bois pour ces derniers (ATA/161/2021 du 9 février 2021), à une piscine hors-sol (ATA/610/2017 du 30 mai 2017 consid. 6c), à un entreposage de voitures (ATA/1128/2020 du 23 janvier 2021 consid. 9 ; ATA/690/1999 du 23 novembre 1999 consid. 7 ; ATA D. du 7 septembre 1999) ou de matériel d’une entreprise de maçonnerie (ATA T. du 27 avril 1999). Un entreposage massif de voitures en zone villas a été considéré comme sujet à autorisation et contraire à la destination de la zone et la remise en état confirmée (ATA/208/2021 du 23 février 2021 consid. 11). La jurisprudence a par ailleurs soumis à autorisation trois pyramides métalliques de couleur rouille, de 3,68 m de largeur à la base et 2,76 m de hauteur, destinées à orner un alpage et sous lesquels les cendres des défunts pouvaient être répandues celles-ci ayant été considérées comme ayant un impact esthétique sur le paysage (ATF 119 Ib 444 consid. 3b) ; quatre panneaux solaires de 4 m2 à flanc de montagne (ZBI 1988 p. 333) ; des statues de chevaux éclairées la nuit dans une allée d’une propriété privée, mais située en zone de protection (arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2012 du 29 janvier 2013). Pour les impacts sur l’environnement, une place d’atterrissage pour planeurs, même sommairement aménagée (ATF 119 Ib 222), et des installations d’éclairage d’une montagne (ATF 123 II 256) sont soumis à autorisation.
12. Selon l’art. 20 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), la zone agricole est destinée à l’exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui : a) sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l’exerçant à titre principal ; b) respectent la nature et le paysage ; c) respectent les conditions fixées par les art. 34 et suivants de l’ordonnance fédérale.
13. À teneur de l’art. 1 al. 1 let. a LCI, nul ne peut élever sur le territoire cantonal une construction ou une installation sans y avoir été autorisé. Les clôtures et portails figurent expressément dans la liste, exemplative, citée par la loi. Selon l’art. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), sont des constructions ou des installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol. Les « dépôts de tous genres » en font notamment partie (let. c).
Les constructions mobilières peuvent également nécessiter une autorisation de construire, notamment lorsqu’elles sont installées pour un temps
non négligeable en un lieu fixe (AEMISEGGER Heinz/MOOR Pierre/RUCH Alexander/TSCHANNEN Pierre, Commentaire pratique LAT : autorisation de construire, protection juridique et procédure, Schulthess, 2020, ad art. 22 LAT n. 32).
Notamment, la chambre administrative (ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 consid. 10b) a confirmé l’ordre d’évacuation de deux containers posés sur un socle en béton car ils n’avaient pas été autorisés, considérant implicitement qu’il s’agissait de constructions soumises à autorisation.
14. En l’espèce, force est de constater que les éléments dont le département exige la suppression constituent des constructions soumises à autorisation. En effet, ils sont en place depuis des années et peuvent donc être considérés comme des installations durables. Bien que leur déplacement soit possible et qu’ils ne comportent, pour certains d’eux, pas de fondation ou d’autre point d’ancrage, leurs dimensions les rendent néanmoins fixes. Ils ont en outre indubitablement été créés par la main de l’homme et leur présence a une incidence sur l’affectation du sol, qui ne devrait accueillir que des objets en lien avec l’exploitation agricole ou horticole, ce qui n’est à l’évidence pas le cas. À cet égard, il sied de souligner, d’une part, que la parcelle n° 1______ n’est pas affectée à la zone à bâtir et qu’elle demeure ainsi une parcelle agricole respective de bois et forêts soumise aux règles régissant de telles zones. Elle n’a en outre pas été désassujettie à la LDFR, ce qui n’aurait d’ailleurs pas été déterminant puisque cela n’aurait pas modifié le fait qu’elle demeure affectée à la zone agricole respectivement de bois et forêts et ainsi aux prescriptions applicables à ces zones (cf. ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 5f). Enfin, le fait qu’il aurait constaté à réitérées reprises dans le passé que ladite parcelle avait perdu sa vocation agricole ne modifie pas non plus sa situation juridique, le classement d’une parcelle en telle ou telle zone relevant, sauf exception non réalisée in casu, d’une loi et non d’une simple décision administrative (cf. art. 15 à 16 LaLAT). D’autre part, si une serre a, en principe, vocation à servir à la culture de plantes, l’association l’a toutefois détourné de son usage habituel. Admettre aujourd’hui qu’elle puisse construire et se servir, sans autorisation, de la serre-tunnel pour abriter son embarcation reviendrait à lui permettre d’éluder les prescriptions applicables à la construction d’un dépôt, ce qui n’est évidemment pas admissible.
15. Les éléments litigieux constituant donc des constructions qui nécessitent une autorisation, il convient d’examiner si de telles autorisations ont été délivrées.
Les recourants ne prétendent pas que les éléments en cause ont été autorisés, hormis pour la cour. M. A______ a en effet fait valoir, dans un premier temps, que celle-ci a été autorisé en 1982, en même temps que la construction du dépôt et de bureaux, puis il a soutenu qu’elle avait été créée dans le cadre de l’autorisation de construire DD 8______/2, en même temps que l’aire de remplissage ordonnée par le SSS en mai 1985. Ces dires ne sont toutefois pas corroborés par les pièces du dossier. L’autorisation DD 8______ ne porte que sur l’agrandissement du bâtiment pour bureau, vestiaire et dépôt et les plans visés ne varietur y relatifs ne font état d’aucune cour ou autre surface y correspondant. L’autorisation DD 8______/2 ne concerne que l’adjonction d’une citerne double manteau enterrée, à deux compartiments. Enfin, l’autorisation DD 4______ a trait à la construction du bâtiment lui-même et ne comprend pas non plus de cour. En outre, comme le note à juste titre le département, aucune autorisation de construire portant sur la cour litigieuse ne peut être déduite du courrier du SSS du 24 mai 1985, lequel a uniquement conditionné la construction de la citerne objet de la DD 8______/2 à la création, devant le distributeur, d’une aire de remplissage. Il ne peut être retenu que ce courrier autorisait l’aménagement d’une cour entourant au nord, est et ouest le hangar n° 2______. Il résulte de ce qui précède que ni la cour litigieuse ni les autres éléments litigieux n’ont été autorisés en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation.
Le tribunal tient enfin à préciser que le permis d’exploiter la citerne délivré par le département en mars 1989, soit après avoir vraisemblablement constaté l’existence de la cour et de l’aire de remplissage, ne peut être assimilé à la délivrance d’une autorisation de construire. En effet, le fait de permettre l’exploitation du distributeur d’essence respectivement de diesel en signifie pas que le SSS a constaté que tous les éléments sis sur la parcelle en cause étaient conformes à la loi ; il a uniquement analysé si les conditions nécessaires pour l’exploitation du distributeur étaient réalisées. Partant, ce permis d’exploiter ne vaut pas autorisation de construire pour la cour litigieuse.
16. Il reste à examiner si c’est à bon droit que le département a ordonné la suppression des objets en cause et la remise en état du terrain naturel.
17. Conformément à l’art. 129 let. e LCI, le département peut notamment ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être prises lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).
Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application de ces deux dispositions (art. 131 LCI).
18. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, il doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s’être écoulé depuis l’exécution des travaux litigieux ; les constructions illégales hors de la zone à bâtir ne bénéficient cependant pas de ce délai de péremption (ATF 147 II 309 consid. 5.7). L’autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l’administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu’elle serait liée par la bonne foi. En particulier, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l’autorité d’une façon qui serait constitutive d’une autorisation tacite ou d’une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. Finalement, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit doit l’emporter sur l’intérêt privé de l’intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/701/2023 du 27juin 2023 consid. 3.3 ; ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b).
Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit, et donc qu’elles soient démolies si elles ne peuvent pas être légalisées a posteriori. Le principe de la séparation de l’espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d’utilisation mesurée du sol de l’art. 75 al. 1 Cst. (ATF 147 II 309 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1 ; ATA/258/2024 du 27 février 2024 consid. 6.2). Cette séparation doit donc, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d’application stricte et l’ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée n’est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Si des constructions illégales, contraires au droit de l’aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s’en trouve récompensé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1), alors que celui qui place l’autorité devant un fait accompli doit au contraire s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1). S’ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d’autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole, ainsi que le respect du principe de l’égalité devant la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). À cet égard, l’absence de vocation agricole et la proximité d’habitations ne sont pas déterminantes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3 ; ATA/290/ 2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/1190/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4b).
S’il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d’un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1 ; 1C_469/2019 consid. 5.5 et 5.6).
19. L’art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d’appréciation à l’autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l’égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/355/2024 du 12 mars 2024 consid. 3.5). Elle peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage (sachant que son intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit [arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2]), si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 132 II 21 consid. 6 ; ATF 123 II 248 consid. 3a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; ATA/258/2024 du 27 février 2024 consid. 6.3).
20. De manière générale dans l’examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l’importance de préserver la zone agricole d’installations qui n’y ont pas leur place. Concernant le canton de Genève, « s’agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l’aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit l’emporte sur celui, privé, du recourant à l’exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011 consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/68/2013 du 6 février 2013).
Sous l’angle de la proportionnalité, on peut prendre en compte le fait que les frais de démolition et de remise en état des lieux engendreraient des charges excessives que l’intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2). Donner de l’importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C’est pourquoi il n’est habituellement pas accordé de poids particulier à l’aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).
Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d’enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : une palissade en bois, un mobil home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d’une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (arrêt du tribunal fédéral 1C_482/2017 du 26 février 2018), un paddock et un abri pour chevaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018). Dans un arrêt plus récent, il a retenu qu’une clôture destinée à protéger les lieux des animaux sauvages ou d’intrus n’était pas conforme à la zone agricole, de sorte qu’elle devait être évacuée. La proportionnalité d’une telle mesure a en outre été confirmée (arrêt du Tribunal fédéral 1C 535/2021 du 14 avril 2023 consid. 2.4 et 3.2).
La chambre administrative a, pour sa part, confirmé l’ordre de remise en état d’une clôture en zone agricole au motif que l’intérêt public à la préservation des terres agricoles, comprenant de plus des surfaces d’assolement, ainsi que l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit doivent l’emporter sur l’intérêt privé du recourant à mettre en place diverses installations non autorisées et non autorisables sur la parcelle (ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018 consid. 10). Dans un autre arrêt, elle a également confirmé un ordre de démolition, en zone à bâtir, s’agissant de travaux dans une villa qui ne figuraient pas dans l’autorisation de construire délivrée par l’autorité et relevant que le fait qu’une remise en état entraînerait aujourd’hui des contraintes, notamment en termes financiers, n’était pas déterminant, cette situation étant uniquement due à l’attitude de la recourante, qui s’était affranchie de l’obligation de solliciter au préalable une autorisation de construire pour les installations litigieuses (ATA/213/2018 du 6 mars 2018 consid. 12).
21. À Genève, ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à l’activité agricole ou horticole et aux personnes l’exerçant à titre principal (art. 20 al. 1 let. a LaLAT) et qui respectent la nature et le paysage (art. 20 al. 1 let. b LaLAT) ainsi que les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (art. 20 al. 1 let. c LaLAT). De jurisprudence constante, les mesures nécessaires à éliminer une situation contraire au droit doivent être dirigées contre le perturbateur (ATA/432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c ; ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 consid. 8c), à savoir celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d’un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l’objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 122 II 65 consid. 6a et les références cités). Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s’agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa ; ATA/1299/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7e).
L’autorité peut adresser l’ordre de rétablir un état conforme au droit aux perturbateurs par comportement et par situation, jouissant d’une certaine marge d’appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l’obligation d’éliminer la perturbation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_650/2018 du 22 mai 2019 consid. 4.1.3). Face à une pluralité de perturbateurs, l’autorité doit agir envers celui ou ceux qui sont le plus en mesure de rétablir une situation conforme au droit, lorsque la mesure de police vise ce but. Cela peut impliquer, suivant les circonstances, une prise en compte cumulative de tous les perturbateurs, une action prioritaire envers le perturbateur par comportement, ou une action envers le perturbateur par situation, s’il est davantage en mesure de faire cesser le trouble de l’ordre public. L’autorité dispose d’une plus grande marge de manœuvre lorsque le rétablissement d’une situation conforme au droit peut prendre un certain temps que lorsqu’il est urgent, ce qui implique de s’adresser au perturbateur qui est le premier à même d’agir (ATF 107 Ia 19 consid. 2b et les références citées ; ATA/1299/2020 précité consid. 7e ; Thierry TANQUEREL, op. cit., 2018, n. 563).
22. Découlant directement de l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée et que l’intérêt à l’application correcte du droit n’apparaisse pas prépondérant (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_53/2022 du 15 mai 2023 consid. 4.1.3 ; 1C_418/2021 du 10 mars 2022 consid. 3.1). Ne peut se prévaloir du principe de la bonne foi que celui qui a lui-même agi conformément à ce principe (ATF 136 II 359 consid. 7 ; Rudolf MUGGLI, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, n. 36 ad Remarques préliminaires art. 24 à 24e et 37a LAT).
23. En l’espèce, les recourants étant perturbateurs par situation ou par comportement, c’est à juste titre que le département leur a adressé les décisions querellées. En outre, les objets en cause, comme relevé ci-dessus, n’ont pas été autorisés et la question de la prescription trentenaire ne se pose pas en l’espèce, ne s’appliquant pas hors de la zone à bâtir. Il n’apparaît pour le surplus pas que l’autorité aurait suscité d’une quelconque façon des expectatives qu’il se justifierait de protéger sous l’angle de la bonne foi. Ainsi que déjà relevé, il ne peut être retenu ni des anciennes autorisations de construire délivrées ni du courrier du SSS du 24 mai 1985 que l’aménagement d’une cour entourant au nord, est et ouest le hangar n° 2______ avait été autorisé. Aucune pièce du dossier ne permet par ailleurs de retenir que des assurances ont été données par le département au sujet d’un maintien des objets litigieux. À ce sujet, il sied de noter que les indications obtenues par D______ dans le cadre d’une relation contractuelle de droit privé n’engage nullement le département. Enfin, les recourants ne sauraient être suivis lorsqu’ils prétendent que les décisions contestées seraient disproportionnées en raison du fait que leur mise en œuvre mettrait fin à leur activité. En effet, les intérêts publics - de rang constitutionnel - au respect du principe de la séparation du bâti et du non-bâti, de la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l’égalité devant la loi priment l’intérêt privé des recourants concernés à conserver les objets litigieux, même si ceux-ci sont importants voire essentiels pour le fonctionnement de leur activité. Un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit. Au surplus, la parcelle en cause se situant en zone agricole, seules les dispositions relatives à cette zone s’appliquent et ce quand bien même la parcelle n’est plus utilisée à des fins agricoles depuis de très nombreuses années. Le but des décisions entreprises est d’ailleurs de rendre la parcelle en cause à sa vocation agricole. Enfin, s’agissant du bateau B______, il ressort du planning des travaux de sa restauration que cette embarcation et les installations y relatives devraient demeurer sur la parcelle au moins pendant encore près de trois ans. Cette durée est trop importante pour admettre que les intérêts publics susmentionnés puissent être mis en parenthèse, dans le cadre d’une pesée des intérêts à la lumière du principe de la proportionnalité, durant un tel laps de temps. Au surplus, il faut noter que l’association n’a pas démontré qu’aucun autre emplacement ne serait disponible pour y entreposer le bateau.
24. Au vu de ce qui précède, les recours, mal fondés, seront rejetés.
25. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 2’000.- ; il est couvert par les avances de frais, en CHF 2’800, versées à la suite du dépôt des recours. Le solde des avances de frais sera restitué aux recourants, à hauteur de CHF 200.- chacun.
Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. ordonne la jonction des causes A/1580/2024, A/1581/2024, A/1582/2024 et A/1584/2024 sous le numéro de cause A/1580/2024 ;
2. déclare recevables les recours interjetés le 30 avril 2024 par D______ Sàrl et le 1er mai 2024 par Monsieur A______, l’ASSOCIATION B______ et C______ SA contre les décisions du département du territoire du ______ 2024 ;
3. les rejette ;
4. met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2’000.-, selon la clef de répartition précisée aux considérants du jugement, lequel est couvert par les avances de frais ;
5. ordonne la restitution aux recourants, à hauteur de CHF 200.- chacun, du solde de l’avance de frais de CHF 800.- ;
6. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
7. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Patrick BLASER et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties
| Genève, le |
| Le greffier |