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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/767/2024

JTAPI/818/2024 du 23.08.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : REMISE EN L'ÉTAT;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;PERMIS DE CONSTRUIRE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LCI.129.lete; LCI.130; LCI.137; LaLAT.20
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/767/2024 LCI

JTAPI/818/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 août 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Gilles DAVOINE, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Madame A______ et Monsieur B______ sont propriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ (ci-après : la commune).

Cette parcelle se situe en zone agricole, partiellement en zone des bois et forêts et contient pour partie des surfaces d'assolement.

2.             Le 3 octobre 2023, à la suite d'une dénonciation de la commune, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a effectué un contrôle sur la parcelle précitée et a constaté que plusieurs éléments soumis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) auraient été réalisés sans autorisation, à savoir :

-          l'installation d'une clôture en bois sur le pourtour de la parcelle ;

-          l'aménagement d'un cheminement en gravier ;

-          l'aménagement de places de parking en pavés engazonnés ;

-          l'aménagement d'un cheminement en pavés ;

-          l'installation d’une cabane de jardin en métal ;

Le non-respect des conditions de l'autorisation de construire DD 2______/2, essentiellement du préavis de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) concernant l'exploitation de la parcelle ainsi que l'inexactitude de l'attestation globale de conformité (AGC) transmise en date du 13 juillet 2021 étaient par ailleurs constatés.

Un dossier d'infraction portant la référence I-3______ a été ouvert.

3.             Par courrier du 4 décembre 2023, le département, soit pour lui la direction de l'inspection de la construction, a informé les propriétaires des constats effectués et les a invités à se déterminer sur ces derniers, dans un délai de 10 jours, toute mesure ou sanction étant réservée.

4.             Le 21 décembre 2023, les propriétaires ont transmis leurs déterminations ainsi que des photographies des lieux avant et après leurs aménagements.

Face aux difficultés rencontrées pour l'obtention d'un permis, ils avaient renoncé aux aménagements souhaités et uniquement remis en état le jardin afin de supprimer la zone chemin/parking de gravats qui avait été réalisée en plein centre de la parcelle par les anciens propriétaires. Confrontés à la découverte de tonnes de gravats et tuiles sur l'ensemble de la parcelle, ils avaient fait appel à une entreprise spécialisée pour les évacuer et recycler (9 camions pour 170 m3) et avaient dû excaver la quasi totalité de la parcelle sur 40 cm afin d'enlever le plus possible de gravats.

L’installation d'une clôture en bois sur le pourtour de la parcelle était provisoire dans l'attente de la croissance des haies. Les barrières leur avaient été prêtées par leur jardinier à la suite de la demande expresse de la régie s'occupant de la location de ce bien, les locataires ayant deux chiens. Des barrières similaires avaient été installées au milieu du jardin par les anciens propriétaires et sur la parcelle agricole n° 5______ adjacente. Ces barrières provisoires seraient enlevées dès que haies auraient une densité suffisante.

Concernant l’aménagement d'un cheminement en gravier, ce cheminement était présent de longue date, leur parcelle présentant une servitude de passage cadastrée pour accéder à la parcelle n° 4______. Ils l’avaient juste décalé de quelques mètres de son emplacement exact selon le cadastre.

L’aménagement de places de parking et en pavés engazonnés et du cheminement en pavés étaient les seuls vestiges des gravats qu’ils avaient découverts sur leur parcelle lors de sa remise en état pour mettre du gazon. Ils n'avaient rien construit mais avaient juste conservé deux petites zones de gravats. Le reste de la parcelle avait été remblayé avec 120 m3 de terre végétale.

La cabane de jardin en métal, de petite taille (250 x 170), avait été installée à la demande des locataires et posée sur des pavés amovibles sans dalle en ciment pour respecter la zone agricole.

S’agissant du non-respect des conditions de l'autorisation de construire DD 2______/2 et en particulier du préavis de l'OCAN concernant l'exploitation de la parcelle, ce préavis mentionnait que « les aménagements projetés ne doivent pas porter atteinte à l'exploitation agricole des terrains avoisinants ». Or, ils avaient réhabilité la parcelle en retirant 170 m3 de gravas et tuiles concassées qui constituaient la majeure partie de son sol et comblé l'ensemble de l'espace par 120 m3 de terre végétale mélangée à la terre déjà présente, ne laissant que quelques zones en gravats pour aménager deux places de parking et un chemin en pavés.

Les explications précitées valaient également concernant l’AGC.

5.             Par décision du 26 janvier 2024, prenant acte des observations des propriétaires, le département leur a confirmé que la réalisation des éléments constatés était soumise à l’obtention d’une autorisation de construire.

Toutefois, compte tenu de la situation de la parcelle hors zone à bâtir, le dépôt d'une autorisation de construire serait superfétatoire. Il leur a par conséquent ordonné de rétablir une situation conforme au droit d'ici au 29 mars 2024 en procédant à la suppression et l'évacuation de la clôture en bois sur le pourtour de la parcelle, du cheminement en gravier, des places de parking en pavés engazonnés, du cheminement en pavés ainsi qu’à la remise en état du terrain naturel après les réalisations précitées. Concernant cette remise en état, il était renvoyé à une note de bas de page précisant : « (…) la suppression de toutes les constructions et installations susmentionnées signifie également qu'une fois démolies, leurs emplacements devront être à nouveau aptes à être exploités pour l'agriculture, le sol devant être reconstitué au niveau du terrain naturel préexistant. Toutes les surfaces en pleine terre reconstituées devront répondre positivement aux critères d'aptitudes fixées pour les surfaces d'assolement (se référer au Rapport explicatif du Plan sectoriel des surfaces d'assolement : https://www-are.admin.ch/are/fr/home/developpement-et-amenagement-du-territoire/strategie-et-planification/conceptions-et-plans-sectoriels/plans-sectoriels-de-la-confederation/sda.html). Pour toute question à ce sujet, notamment sur la nature des matériaux terreux pouvant être entreposés sur la parcelle et leurs quantités, nous vous invitons à prendre contact directement avec le Service de géologie, sols et déchets (…). Un délai spécifique pourra vous être accordé quant à ses travaux de remise en état sur présentation d'un planning en la matière ».

Un reportage photographique ou toute autre preuve univoque de cette mise en conformité devrait être produit dans le même délai. A défaut, ils s’exposaient à toutes nouvelles mesures et/ou sanctions justifiées par la situation. La sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit ferait l’objet d’une décision à l’issue du traitement du dossier I-3______ de sorte qu’elle demeurait en l’état réservée. La présente pouvait faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) dans un délai de 30 jours dès sa notification.

6.             Par acte du 28 février 2024, sous la plume d’un conseil, les propriétaires ont interjeté recours auprès du tribunal à l’encontre de cette décision, concluant à son annulation sous suite de frais et dépens.

Ils étaient devenus propriétaires de leur parcelle, sur laquelle se trouvait un ancien moulin réaménagé en habitation ainsi qu’une ancienne grange, en 2019. Le ______ 2018, une requête en autorisation DD 2______ portant sur la rénovation de l’ancien moulin et de la grange avait été déposée auprès du département, suivie d’une demande complémentaire DD 2______/2.

Avant leur intervention, en dehors de l'ancienne grange, la parcelle était composée principalement de gravats, soit un mélange de cailloux de toutes tailles, de tuiles cassées et de terre. Le terrain avait été presque entièrement creusé sur plusieurs dizaines de centimètres et une entreprise spécialisée l'avait réaménagé avec de la terre agricole et une couche d'herbe en surface. Les travaux d'excavation et d'enlèvement des gravats s’étaient élevés à CHF 14'500.- et ceux de réaménagement avec de la terre agricole à plus de CHF 30’000.-. Seule une zone de 36 m2 sur laquelle se dessinait le cheminement en pavés avait été épargnée. Le chemin permettant de traverser la parcelle n° 1______ en direction de la forêt existait bien avant les travaux, comme le démontraient les photographies Google maps de 2013 et une photographie aérienne de 1991 qu’ils produisaient. Il offrait également un accès au champ situé sur la parcelle n° 5______, étant rappelé qu’une servitude de passage sur le fond n° 1______ existait en faveur des fonds n° 7______, 8______ et 5______. L'ancien chemin de graviers/gravats commençant à droite de l'assiette de la servitude (il n'était pas situé en bordure de terrain, comme la servitude) et traversant la parcelle en diagonale (ce qui ne servait personne), il avait été redessiné à l'occasion des aménagements.

D'une hauteur de 100 cm et en bois, la barrière clôturant le terrain entourant la grange aménagée était discrète, n'était pas fixée au sol et reprenait une structure identique à ce qui existait au préalable au coin entre la parcelle n° 1______, la parcelle n° 6______ et la forêt. Accolée à la haie faisant le tour de la parcelle, la barrière avait pour vocation de sécuriser le terrain, situé en bordure d’une route cantonale. Les locataires pouvaient ainsi profiter du jardin sans risquer que leurs deux chiens ne s’enfuient et/ou risquent de causer des dommages alentours, notamment à la faune et à la flore. Finalement, la barrière litigieuse, dont on trouvait des spécimens identiques partout dans la commune (notamment sur la parcelle voisine n° 5______), n'avait pas vocation à rester puisqu'une fois que la haie se serait densifiée, elle deviendrait superflue.

Le cheminement pavé, mince couloir de 36 m2 dont l’impact esthétique était inexistant, permettait enfin aux habitants de l'ancienne grange de sillonner la parcelle sans marcher dans la terre et de sortir de la parcelle par l'accès sud (où se trouvait la servitude de passage).

Au fond, ils précisaient à titre liminaire qu’ils ne s'opposaient pas à la suppression des places de parking en pavés engazonnés et y procéderaient dans le délai imparti.

Pour le surplus, les deux cheminements et la barrière ne tombaient pas sous la définition de constructions et installations, n’ayant pas d'incidence sur l'affectation du sol, l’environnement ou l’équipement et ne modifiant pas « sensiblement » l'aspect extérieur. Partant, n’étant pas des aménagements soumis à autorisation, ils pouvaient être maintenus.

En tout état et étant admis que les régime d’exception prévus aux art. 24 et ss de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 27 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ne s’appliquaient pas, l’ordre de remise en état devait être annulé, le principe de proportionnalité ayant été bafoué. En effet, s'agissant des deux chemins litigieux, aucun intérêt public n'avait été atteint par leur « création ». Il s’agissait au surplus de vestiges de l'état antérieur de la parcelle et non pas de zones transformées. Ils permettaient de traverser celle-ci sans avoir à emprunter une zone terreuse, susceptible d'être abimée et d'accéder aux parcelles n° 8______, 5______, 7______ et 9______ qui n'avaient pas d'accès propres et en faveur desquelles une servitude à charge de leur parcelle avait été constituée. Un passage était donc nécessaire à cet endroit, lequel pouvait se faire avec des engins agricoles, ce que ne permettait pas (en tout cas pas par tout temps) un sol naturel. Il y avait donc un intérêt certain à ce que les ayants-droits puissent continuer d'en user de la sorte. Démolir les aménagements existants pour y reconstiuer un sol meuble allait ainsi à l'encontre des intérêts des locataires, des propriétaires et des ayants-droits, en particulier des utilisateurs de la servitude de passage, sans qu'un intérêt public prépondérant ne le justifie. De plus, il en résultait un gain esthétique objectif pour la commune.

La démolition de la barrière serait également disproportionnée au vu des intérêts privés et publics protégés, en l’occurrence la sécurité des locataires, de leurs chiens et/ou éventuels enfants, des promeneurs et usagers de la route, d’une part, et la préservation de la flore et la faune environnantes, d'autre part. Il fallait également tenir compte du fait que de telles barrières étaient autorisées ou à tout le moins tolérées dans la commune. Ils rappelaient enfin que le département, lorsqu’il appliquait l'art. 129 LCI, disposait d'une marge d'appréciation dans le choix de la mesure adéquate et pouvait dans certaines circonstances renoncer à la démolition.

L'ordre de « remise en état » était enfin problématique en ce sens que la remise en l’état antérieur aurait pour conséquence qu'ils recouvrent de gravats les zones concernées. S'il s'agissait d’excaver des gravats sur les quelques mètres carrés que constituaient les deux chemins, l'ordre irait au-delà de la démolition ou de la remise en état puisqu’il serait tiré parti de leurs aménagements pour requérir une véritable transformation des sols sur les zones concernées (chemins), à leurs frais. Dans ce sens, la mesure était également disproportionnée.

Ils ont joint un chargé de pièces, dont des photographies du sol de leur parcelle et de la barrière incriminée.

7.             Le 13 mars 2024, les recourants ont transmis au tribunal une pièce complémentaire, soit une facture du 30 décembre 2022 relative aux travaux entrepris sur leur parcelle.

8.             Dans ses observations du 6 mai 2024, le département a conclu au rejet du recours sous suite de frais et dépens. Il a transmis son dossier.

Il prenait bonne note que seuls demeuraient litigieux les deux cheminements ainsi que la clôture en bois. Ces derniers, contrairement à ce que prétendaient les recourants, étaient assujettis à autorisation de construire. En effet, les cheminements en gravier et pavés, en tant qu'ils modifiaient la configuration du terrain naturel, remplissaient incontestablement les conditions de l'art. 1 al. 1 let. d LCI. Que le chemin en gravier soit prétendument identique à celui qui le précédait n’y changeait rien, ce d'autant plus que les recourants ne pouvaient être mis au bénéfice d'aucune prescription acquisitive, eu égard à l’affectation de la zone et qu’il ne s’agissait en tout état pas du même chemin. Les clôtures étaient quant à elles expressément assujetties à autorisation de construire par l’art. 1 al. 1 let. a LCI.

Les recourants ne prétendaient pas que les objets réalisés auraient été autorisés, ni même qu'ils seraient conformes à la zone agricole au regard des dispositions applicables.

Ils contestaient la légalité de l'ordre de remise en état, soit en particulier sa proportionnalité eu égard aux intérêts en jeu. A cet égard, ils invoquaient l'existence d'une servitude de passage en faveur des parcelles n° 8______, 5______, 7______ et 9______, lesquelles n'auraient pas d'accès propre, ce qui justifierait le maintien des deux cheminements litigieux, notamment pour les engins agricoles. Le cheminement, vu son étroitesse, semblait en réalité permettre uniquement l’accès aux places de parking aménagées depuis le bâtiment d'habitation. La suppression de ces dernières n’étant pas contestée, l'usage de ces cheminements ne sauraient désormais se justifier. En tout état, les parcelles n° 8______, 5______ et 9______ avaient un accès direct sur la voie publique, par les routes D______, respectivement E______, et la parcelle n° 7______ disposait d'un accès à la route D______, par la parcelle n° 10_____.

. Les motifs allégués par les recourants à l’appui du maintien de la clôture ne correspondait pas à des raisons objectives justifiant son implantation en zone agricole. Partant, aucun intérêt privé prépondérant ne saurait primer l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit.

L'ordre de remise en état était enfin proportionné et parfaitement justifié. Les recourants ne démontraient pas en quoi les dérogations à la règle devraient être considérées comme mineures ni quel serait concrètement le dommage que cet ordre leur causerait. La remise en état comprenait non seulement l'évacuation des constructions, installations ou aménagements mais visait aussi de restituer au sol la qualité préexistante avant l'atteinte. Le fait que la décision fasse référence, dans une note de bas de page, aux surfaces d'assolement n'avait qu'une valeur indicative qui visait à illustrer les critères d'aptitudes d'un sol naturel. Une telle reconstitution nécessitait, en effet, le respect de certains principes (règles de l'art) d'où l’invitation à contacter le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) pour le choix des matériaux et outils/machines à utiliser, fenêtres météo, végétalisation, etc.

11. Par réplique du 31 mai 2024, les recourants ont persisté intégralement dans leurs conclusions.

Ils persistaient à contester l'assujettissement de la clôture et du cheminement en pavés à autorisation de construire. Ces derniers ne sauraient être assimilés aux objets (serres-tunnels d’environ 18 x 10m servant d’abris pour chevaux) visés dans l'arrêt du Tribunal fédéral IC_112/2023 du 15 décembre 2023 sur lequel le département fondait son analyse. En l’espèce, le chemin pavé était dessiné par des matériaux naturels, large de moins d'un mètre et ne formait aucun relief. A peine visible depuis l'extérieur, il ne modifiait en rien, et encore moins « sensiblement », l'aspect extérieur de la parcelle. Il n’en allait pas différemment du chemin en gravier, étant rappelé qu’un chemin similaire préexistait. L’impact de la barrière n’était également en rien comparable avec celui de deux abris pour chevaux en plastique vert mesurant environ 10 x 18 x 3 m, ce d’autant plus que cette dernière se fondait dans le feuillage de la haie végétale contre laquelle elle était installée.

Sous l’angle de l'examen de la proportionnalité, ils rappelaient les divers intérêts publics et privés en jeu, lesquels devaient conduire le département à renoncer à l'ordre de démolition, ce d’autant que, comme expliqué dans le recours, photographies à l'appui, les aménagements litigieux étaient mineurs.

Enfin, l'objectif de l'ordre de remise en état était confus et peu clair puisqu'il tendait à deux résultats incompatibles. Le département souhaitait à l'évidence que les aménagements litigieux soient retirés et que l'état antérieur soit reconstitué. Or, l'état antérieur n'étant autre qu'un terrain de gravas, soit un sol caillouteux, inesthétique et impropre à la culture, l’on ne voyait pas quel intérêt public serait sauvegardé par cette reconstitution. Il était incompréhensible de leur demander à la fois de revenir à l'état antérieur et de veiller à ce que les emplacements des aménagements litigieux soient « aptes à être exploités pour l'agriculture ».

Ils ont produit des nouvelles photographies de la barrière.

12. Dans sa duplique du 30 janvier 2023, le département a persisté dans les conclusions prises dans ses précédentes observations.

Les faits allégués par les recourants selon lesquels la clôture permettrait de protéger les animaux domestiques de leurs locataires d'éventuels accidents routiers ainsi que la faune et la flore environnante n’étaient ni démontrés ni crédibles. Seuls des critères objectifs étaient déterminants, à l'exclusion de points de vue subjectifs du constructeur ou de motifs de convenance personnelle. Or, dans la mesure où la détention de ces animaux domestiques servait uniquement d'activité de loisirs, non conforme à l'affectation de la zone agricole, elle ne saurait l'emporter sur l'intérêt public important à ce que le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, déduit aujourd'hui de l'art. 75 al. 1 Cst., soit respecté et à limiter le nombre et les dimensions des constructions hors zone à bâtir.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les références citées ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

4.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

5.             Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 179 n. 515).

6.             En l’espèce, s’agissant des objets visés par la décision du 26 janvier 2024, les recourants ont indiqué qu’ils ne s’opposaient pas à la suppression des places de parking en pavé engazonnés et qu’ils y procèderaient dans le délai imparti. Il ne ressort pour le surplus pas de leurs écritures qu’ils s’opposent à l’évacuation de la cabane de jardin en métal. Il leur appartiendra néanmoins de faire parvenir au département un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de la mise en conformité les concernant, comme exigé dans la décision querellée.

Seules restent ainsi litigieuses les mesures, non réalisées, leur ordonnant la suppression et l'évacuation de la clôture en bois sur le pourtour de la parcelle, du cheminement en gravier, du cheminement en pavés ainsi que la remise en état du terrain naturel après les réalisations précitées.

Il s’agira dès lors d’examiner si le département était fondé à prononcer ces dernières à l’encontre des recourants.

7.             Les recourante considèrent que l’ordre de remise en conformité du département est infondé, ce dernier ayant considéré à tort que les cheminements et la clôture étaient des aménagements soumis à autorisation. L’ordre de remise en état était en tout état disproportionné dès lors qu’il ne tenait pas compte des intérêts privés et publics prépondérants au maintien des installations litigieuses. Son objectif était enfin confus et peu clair puisqu’il tendait à deux résultats incompatibles dès lors qu’un retour à l’état antérieur, soit un terrain de gravas, ne permettrait pas de veiller à ce que les emplacements litigieux soient « aptes à être exploités pour l’agricultures ».

8.             Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

9.             Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3; ATF 119 Ib 222 consid. 3a). La définition jurisprudentielle susmentionnée comporte quatre conditions cumulatives (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 214-218) :

1.      La création par la main de l'homme, excluant toute modification naturelle du terrain telle que des éboulis ;

2.      La durabilité de l'aménagement, contrairement à une construction provisoire qui peut être enlevée sans frais excessifs et dont l'existence est limitée dans le temps de manière certaine. La condition est remplie pour l'installation d'une caravane pour une durée supérieure à deux mois, un dépôt de matériel d'excavation aménagé pour une durée supérieure à trois mois ou neuf projecteurs qui ne sont pas ancrés solidement au sol mais vissés sur des socles, des parois ou des câbles et sont rapidement démontables parce qu'ils sont destinés à éclairer la pointe du Pilate (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259). Ont en revanche un caractère provisoire, l'édification répétée, mais pour quelques jours seulement d'un pavillon destiné à des manifestations musicales ou une installation de triage de gravats et de déchets de construction, régulièrement démontée (exemples tirés de Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit. p. 215) ;

3.      La fixation au sol de la construction. Sont assimilés à des constructions tous les bâtiments en surface, y compris les abris mobiles, installés pour un temps non négligeable en un lieu fixe. L'exigence de la relation fixe avec le sol n'exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables. Ainsi, neuf projecteurs qui ne sont pas fixés au sol mais à des socles, rattachés par des vis à des parois et des cordes et démontables rapidement, remplissent cette condition, l'installation étant aménagée afin de rester là à demeure (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259 ; arrêt du Tribunal fédéral du 5 juillet 2011 dans la cause 1C_75/2011 consid. 2.1; Alexander RUCH, in Heinz AEMISEGGER/Alfred KUTTLER/Pierre MOOR/Alexander RUCH, Commentaire de la LAT, 2010, n. 24 ad art. 22 LAT). Des nattes en géotextile, utilisées pour aménager une parcelle d'une superficie de 5'773 m2, couvrant les talus en pente depuis plus de deux ans et demi sont indéniablement des éléments durablement fixés au sol (arrêt du 5 septembre 2011 du Tribunal fédéral du 1C_107/2011 consid. 3.3) ;

4.      L'incidence sur l'affectation du sol, laquelle peut se manifester de trois manières, alternatives ou cumulatives, à savoir l'impact sur le paysage, les effets sur l'équipement et l'atteinte à l'environnement au sens large, soit la protection des eaux, de la forêt, de la faune, de la nature et du paysage par son impact esthétique sur le paysage (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit., p. 216). L'élément déterminant n'est pas tant l'installation en soi que l'utilisation qui en sera faite et en particulier son impact sur l'environnement au sens large (ATA/244/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/61/2011 du 1er février 2011 ; Alexander RUCH, op. cit., ad art. 22 n. 28 ; DFJP/OFAT, Étude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, ad art. 22 n. 5 ss).

10.         Ainsi le Tribunal fédéral a récemment confirmé qu’étaient soumis à autorisation des serres-tunnels, une cour, des parkings et un chemin litigieux, relevant, concernant les trois derniers qu’il importait peu qu'en l'espèce, le revêtement soit semi-perméable. En effet, de tels aménagements modifiaient sensiblement l'espace extérieur et tombaient par conséquent dans la notion de construction ou d'installation telle que prévue à l'art. 22 al. 1 LAT (arrêt du Tribunal fédéral 1C_112//2023 du 15 décembre 2023 consid. 2.2). Il en a fait de même concernant des clôtures et barrières hors la zone à bâtir (arrêt du Tribunal fédéral 1C_535/2021 du 14 avril 2023 consid. 2.4).

11.         Conformément à l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), modifier la configuration du terrain (let. d) et aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

12.         L'art. 1 al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) précise que sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol, ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit, notamment, les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c) et les installations extérieures destinées à l’exploitation d’une industrie ou à l’extraction de matières premières (let. e).

13.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescription de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).

14.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, il doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux ; les constructions illégales hors de la zone à bâtir ne bénéficient cependant pas de ce délai de péremption (ATF 147 II 309 consid. 5.7). L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. En particulier, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l'autorité d'une façon qui serait constitutive d'une autorisation tacite ou d'une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (cf. ATA/1599/2019 du 29 octobre 2019 consid. 8b ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 consid. 11 ; ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4a et les références citées).

15.         Des constructions ou aménagements formellement non autorisés doivent en principe être démolis s'ils ne peuvent pas être légalisés a posteriori (cf. ATF 136 II 359 consid. 6), surtout lorsqu’ils sont réalisés en dehors de la zone à bâtir car le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel et fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (cf. Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c) et l'ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Si des constructions illégales sont indéfiniment tolérées, ce principe de séparation est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1), alors que celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit au contraire s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1). S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (cf. ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; ATF 111 Ib 213 consid. 6b ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c) ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3).

16.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées ; ATA/738/2017 du 3 octobre 2017 consid. 8).

17.         Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5a ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

18.         Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/213/2018 précité consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).

19.         L'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b et la référence citées). Elle peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage (sachant que son intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit [arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2]), si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 132 II 21 consid. 6 ; ATF 123 II 248 consid. 3a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c).

20.         À Genève, ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à l'activité agricole ou horticole et aux personnes l’exerçant à titre principal (art. 20 al. 1 let. a LaLAT) et qui respectent la nature et le paysage (art. 20 al. 1 let. b LaLAT) ainsi que les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (art. 20 al. 1 let. c LaLAT).

21.         Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d'enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : portail d’entrée, clôture, haie, divers bâtiments (pergola, couverts à poules et lapins, containers) et aménagements extérieurs (arrêt du tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021) et : une palissade en bois, un mobil home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d'une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (ATF 1C_482/2017 du 26 février 2018). De manière générale dans l'examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l'importance de préserver la zone agricole d'installations qui n'y ont pas leur place.

22.         La chambre administrative a, pour sa part, confirmé l'ordre de remise en état d'une clôture en zone agricole au motif que l'intérêt public à la préservation des terres agricoles, comprenant de plus des surfaces d'assolement, ainsi que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doivent l'emporter sur l'intérêt privé du recourant à mettre en place diverses installations non autorisées et non autorisables sur la parcelle, dont deux chemins et deux cours servant de parking (ATA/684/2022 du 28 juin 2022). Plus récemment, elle a confirmé l’ordre de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la remise en état du terrain naturel suite à un remblayage effectué sans autorisation (ATA/111/2024 du 30 janvier 2024), respectivement à l’enlèvement d’une clôture en métal en vue de la garde d’animaux à titre de loisirs (ATA/1112/2023 du 10 octobre 2023). Ces deux arrêts font l’objet de recours au Tribunal fédéral, en cours d’examen.

5.             S'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1 ; 1C_469/2019 consid. 5.5 et 5.6).

6.             Enfin, donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

7.             En l’espèce, il n’est pas contesté que les constructions visées par la décision querellée ne sont pas autorisées, ni d’ailleurs autorisables, en zone agricole. A cet égard, les recourants admettent que les régime d’exception prévus aux art. 24 et ss LAT et 27 LaLAT ne s’appliquaient pas. L’ordre de remise en état est pour le surplus dirigé contre les propriétaires de la parcelle qui sont les perturbateurs. Le délai de péremption de trente ans ne s’applique pas en dehors de la zone à bâtir et il n’apparaît pas que le DT aurait créé d’une quelconque manière des expectatives légitimes qu’il se justifierait de protéger sous l’angle de la bonne foi ; les recourants ne l’invoquent d’ailleurs pas. Il existe un intérêt public certain, de rang constitutionnel, à la préservation de la zone agricole et de la séparation entre espace bâti et non-bâti et le fait que les objets en cause existeraient depuis de très nombreuses années – ce qui n’est manifestement pas le cas, sous leur forme actuelle, à teneur de l’évolution des photographies aériennes disponibles sur le site du SITG –, n’y change rien. On ne voit enfin pas quelle mesure moins incisive permettrait de protéger les intérêts publics compromis, étant de plus rappelé que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit qu’à éviter les inconvénients qui en découlent pour lui.

A cet égard, en relation avec le principe de la proportionnalité, les recourants invoquent que la clôture serait nécessaire pour la sécurité de leurs locataires, des deux chiens de ces derniers et d’éventuels enfants. De tels motifs ne sauraient toutefois légaliser une situation contraire au droit étant relevé que des solutions plus respectueuses de la zone concernée devraient pouvoir être trouvées. Au demeurant, même si les risques mis en avant par les recourants étaient avérés, leurs intérêts purement privés ne l’emporteraient pas sur l’intérêt public et de rang constitutionnel rappelé ci-dessus. En tout état, les locataires restent libres d’emménager dans un autre logement s’ils estiment que leur sécurité n’est plus garantie. Il sera par ailleurs rappelé que l’ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne peut être accordée n’est, en principe, pas contraire au principe de proportionnalité.

Quant aux cheminements litigieux, l’intérêt des ayants-droits, en particulier les bénéficiaires de la servitude de passage sur la parcelle des recourants, n’apparait pas prépondérant, si tant est qu’il existe, respectivement subsiste, dans la mesure où les parcelles n° 8______, 5______, 7______ et 9______ concernées disposent toutes d’un autre accès à la voie publique.

S’agissant enfin des modalités de la remise en état, en particulier du sol, le département a expressément précisé dans sa décision ce qui était attendu, renvoyant au Rapport explicatif du Plan sectoriel des surfaces d'assolement : https://www-are.admin.ch/are/fr/home/developpement-et-amenagement-du-territoire/strategie-et-planification/conceptions-et-plans-sectoriels/plans-sectoriels-de-la-confederation/sda.html) et invitant, au besoin, les recourants, pour toute question à ce sujet, notamment sur la nature des matériaux terreux pouvant être entreposés sur la parcelle et leurs quantités, à prendre contact directement avec le Service de géologie, sols et déchets (…). Il ne fait aucun doute que dans ce cadre un solution pragmatique et respectueuse tant de l’intérêt public à la préservation de la zone agricole que des intérêts privés, notamment financiers, des recourants pourra être trouvée.

En conclusion, l’ordre de remise en conformité au droit respecte le principe de proportionnalité et remplit à l’évidence les conditions posées par la jurisprudence. Il doit ainsi être confirmé, le département n’ayant commis aucun excès ou abus de son pouvoir d’appréciation, étant une fois encore rappelé que les intérêts mis en avant par les recourants, pour l’essentiel de confort, ne saurait l'emporter sur l’intérêt public ici protégé.

8.             Au vu de ce qui précède, l’ordre de remise en conformité sera confirmé tant dans son principe que dans ses modalités.

9.             Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté.

10.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, conjointement et solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du département du territoire du 26 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Patrick BLASER et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier