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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1513/2012

ATA/244/2013 du 16.04.2013 sur JTAPI/1184/2012 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ; INTÉRÊT ACTUEL ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL) ; EXCEPTION(DÉROGATION) ; PROTECTION DES EAUX ; DOMAINE PUBLIC ; EAU ; IMPLANTATION IMPOSÉE PAR LA DESTINATION ; ZONE À PROTÉGER
Normes : LAT.17 ; LaLAT.29.al1.leta ; LDPu.1.letb ; LPMNS.35.al1 ; LEaux-GE.15.al3.leta
Parties : FAID (FONDS D'AIDE INTERNATIONALE AU DEVELOPPEMENT) / VILLE DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'URBANISME, DEPARTEMENT DE L'INTERIEUR, DE LA MOBILITE ET DE L'ENVIRONNEMENT
Résumé : L'amarrage sur pieux et corps-morts de deux barges faisant office de ponton flottant et destinées à l'exploitation de deux bars et d'un service de restauration pendant six mois sur le lac, ne constitue pas une installation d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par sa destination sur le lac, au large du Jardin anglais. Ce périmètre est une zone protégée par le plan de site de la Rade. L'une des conditions légales faisant défaut, la dérogation doit être annulée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1513/2012-LCI ATA/244/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2013

2ème section

 

dans la cause

FONDS D'AIDE INTERNATIONALE AU DÉVELOPPEMENT (FAID)
représenté par Me Malek Adjadj, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

DÉPARTEMENT DE L'INTÉRIEUR, DE LA MOBILITÉ ET DE L'ENVIRONNEMENT

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 octobre 2012 (JTAPI/1184/2012)


EN FAIT

1) Le Fonds d'Aide Internationale au Développement (ci-après : le FAID) est une association de droit privé sans but lucratif, constituée pour une durée indéterminée et ayant son siège à Genève (art. 1 et 2 des statuts du FAID). Elle a pour but l'étude et le soutien au financement de projets ainsi que l'accompagnement à la réalisation de ceux-ci dans les domaines de la santé, de la formation, de l'éducation et du développement rural, essentiellement dans des pays en développement (art. 3 des statuts du FAID).

2) Depuis 2004, le FAID a installé, chaque année, pendant l'été, deux pontons sur le lac, connus sous la dénomination les « îles de la Rade », au large du Jardin anglais. En mars 2011, pour la première fois, le FAID a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA) afin d'installer les pontons sur le lac. Il l'a abandonnée avant qu'une décision ne soit prise.

3) La Ville de Genève est propriétaire de la parcelle n° 4'130 sise en zone de verdure et adjacente au lac, qui est située sur la parcelle n° 2'980 et rattachée au domaine public.

4) Le 21 novembre 2011, le FAID a déposé, auprès du département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI), devenu entre-temps le département de l'urbanisme (ci-après : DU), une demande d'APA, enregistrée sous le n° 35'727/4. Elle visait l'amarrage sur pieux et corps-morts de deux barges faisant office de ponton flottant et destinées à l'exploitation de deux bars et d'un petit service de restauration, dans le lac, au large du Jardin anglais sis sur le territoire de la Ville de Genève. La mise en place du ponton principal de 252 m2 était demandée pour la période du 1er avril au 30 septembre 2012 et celle du ponton supplémentaire de 54 m2 pour la période du 1er juin au 31 juillet 2012. Cette installation se dénommait les « îles de la Rade ».

5) Le projet litigieux a fait l'objet de préavis favorables par les services spécialisés, parfois sous certaines réserves.

a. Les 24 novembre et 19 décembre 2011, le service de l'aménagement du territoire puis la direction générale de l'eau (ci-après : DGE) du département de l'intérieur et de la mobilité (ci-après : DIM), devenu entre-temps le département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement (ci-après : DIME), ont émis tous deux un préavis favorable au projet susmentionné, sans réserves.

b. Le 23 décembre 2011, le service de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (ci-après : SPBR) a préavisé favorablement ledit projet, sous réserve de l'installation d'un limiteur-enregistreur sur le système de sonorisation, réglé avec une valeur limite de 80 dB(A). Entre 22 heures et 7 heures, le niveau sonore dans le voisinage ne devait pas dépasser la valeur de 40 dB(A).

c. Le 9 janvier 2012, la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) du DIME a donné un préavis favorable, sous réserve des conditions mises à l'autorisation n° LRC 11-751, conformément à l'art. 8 de la loi fédérale sur la pêche du 21 juin 1991 (LFSP - RS 923.0).

d. Le 1er février 2012, la sous-commission nature et sites (ci-après : SCNS) de la Commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a préavisé favorablement le projet, sous réserve du choix des teintes et des matériaux à soumettre à la sous-commission architecture (ci-après : SCA) de la CMNS. Elle soulignait le caractère exceptionnel d'une telle installation mais octroyait la dérogation prévue à l'art. 15 al. 3 let. a de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05).

e. Le 8 février 2012, la SCA a donné, malgré l'emplacement particulièrement sensible de la construction, un préavis favorable avec réserves, vu le préavis favorable de la SCNS du 1er février 2012, l'absence de but lucratif de l'exploitation et le caractère provisoire de son installation. Elle émettait des réserves concernant les teintes et matériaux. Une recherche pour réduire l'impact visuel sur le plan d'eau de la Rade était aussi très souhaitable. Les éléments de service tels que frigos et congélateurs devaient être cachés à la vue.

f. Le 13 février 2012, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a émis un préavis favorable en reprenant les réserves exprimées par la SCA.

6) La Ville de Genève a préavisé négativement le projet litigieux, le 17 janvier 2012.

Elle était totalement opposée au principe même dudit projet. Ce dernier était contraire aux efforts visant à réduire notablement l'encombrement de la Rade de Genève du foisonnement des activités qui l'occupaient. Le déplacement des pavillons sur les quais marchands et la réduction des emprises des activités sur ces quais permettaient de restituer l'espace et les vues sur la Rade aux promeneurs. Le projet litigieux transférait ce problème sur l'eau, ce qui était contraire aux objectifs de protection du site de la Rade. Son ampleur, sa hauteur et son emplacement masquaient totalement la vue sur la Rade. De plus, la LEaux-GE ne permettait que des constructions d'intérêt général. Tel n'était pas le cas dudit projet, étant donné que le pourtour de la Rade était déjà largement pourvu de buvettes.

7) Le 20 mars 2012, la Capitainerie cantonale a délivré au FAID la permission d'occupation du domaine public sur la Rade, pour l'exploitation d'un restaurant dénommé les « îles de la Rade » entre le 1er avril et le 31 octobre 2012, avec une interruption de l'exploitation entre le 1er et le 16 août 2012 pendant les fêtes de Genève. La permission faisait l'objet d'une série de conditions particulières, parmi lesquelles figurait l'interdiction des animations musicales.

8) Le 17 avril 2012, sur la base du préavis positif de la commission de la pêche du 20 décembre 2011, le DIM a accordé au FAID l'autorisation spéciale fondée sur l'art. 8 LFSP et portant le n° LRC 11-751. Elle comportait des charges. Toutes les précautions d'usage devaient être prises pour éviter la pollution de l'eau du lac avec des eaux de nettoyage ou des détritus issus de l'exploitation du bar.

Ce même jour, le DCTI a octroyé l'autorisation sollicitée en raison des durées limitées des installations et en se fondant sur l'art. 15 LEaux-GE et l'art. 27 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). Les conditions figurant dans les préavis devaient être strictement respectées.

Ces deux décisions ont été publiées simultanément le 24 avril 2012 dans la Feuille d'avis officielle de la République et du canton de Genève.

9) Le 17 avril 2012, le président du DCTI a informé la Ville de Genève qu'il octroyait l'autorisation de construire sollicitée au motif que le projet faisait l'objet de préavis favorables et respectait les dispositions légales.

10) Le 23 avril 2012, le service du commerce a autorisé l'exploitation du café-restaurant à l'enseigne les « îles de la Rade » pour la période du 1er avril au 30 juillet 2012 et du 17 août au 31 octobre 2012.

11) Le 18 mai 2012, la Ville de Genève a recouru contre les décisions du DCTI et du DIM auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) en concluant à l'octroi de mesures provisionnelles, au constat de l'effet suspensif dudit recours, à l'admission de celui-ci et à l'annulation des décisions attaquées.

Elle joignait notamment un avenant au protocole d'accord du 9 mai 1974, conclu entre la Ville de Genève et l'Etat de Genève et entré en vigueur le 1er janvier 2012 (ci-après : l'avenant). Cet avenant portait sur le transfert de compétences concernant l'entretien des voies publiques de la Ville, l'enlèvement des ordures ménagères sur le territoire de la Ville et les autorisations et les permissions pour l'utilisation du domaine public excédant l'usage commun. L'avenant précisait que toute occupation excédant l'usage commun du domaine public cantonal sur le lac était du ressort de l'Etat de Genève (art. 6 avenant). Lorsqu'un projet nécessitait une coordination entre le domaine public cantonal et le domaine public communal, les parties agiraient de concert en vue de trouver un accord (art. 5 avenant).

12) Le 24 mai 2012, le DIM a déclaré se rallier à la position du DCTI.

13) Le 25 mai 2012, le DCTI a conclu au rejet des mesures provisionnelles et s'en est rapporté à justice en ce qui concernait l'effet suspensif.

14) Le 30 mai 2012, le FAID a conclu au retrait de l'effet suspensif du recours et au rejet des mesures provisionnelles.

15) Par décision du 5 juin 2012, la présidente du TAPI a retiré l'effet suspensif au recours de la Ville de Genève et rejeté sa demande de mesures provisionnelles.

16) Le 13 juin 2012, le TAPI a entendu les parties. La Ville de Genève a souhaité un jugement quant au principe du bien-fondé des installations litigieuses. Jusqu'alors, elle avait laissé à bien-plaire la possibilité d'utiliser son espace public pour le montage et le démontage des installations. Elle doutait pouvoir l'admettre à nouveau l'année suivante au vu du plan de site existant et de la convention conclue avec l'Etat de Genève. Cette dernière lui donnait compétence pour la gestion de la rade et avait pour but de restituer les espaces de la rade au public. La réalisation d'un tel but impliquait l'évacuation de certaines installations sur terre et sur l'eau.

17) Le 20 juillet 2012, le DIME a conclu au rejet du recours.

18) Le 23 juillet 2012, le DU s'en est rapporté à justice sur la recevabilité du recours et a conclu à son rejet.

19) Le même jour, le FAID a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet ainsi qu'à la confirmation des décisions litigieuses.

Il avait été reconnu comme une organisation non gouvernementale internationale d'utilité publique au bénéfice d'un statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies depuis 1999. Il faisait l'objet d'une exonération fiscale. Pour réaliser sa mission, il récoltait des fonds grâce à l'exploitation des « îles de la Rade » depuis huit ans, pendant l'été, avec l'assentiment des autorités compétentes.

20) Le 8 août 2012, la Ville de Genève a persisté dans ses conclusions.

21) Par jugement du 2 octobre 2012, le TAPI a admis le recours de la Ville de Genève. Les décisions attaquées ne procédaient pas d'une juste appréciation des intérêts en présence. Les intérêts public et privé de tiers au respect des dispositions de protection des rives du lac primaient dans le cas d'espèce ceux du FAID à l'octroi d'une dérogation pour sa neuvième édition.

Le TAPI a renoncé à l'exigence de l'intérêt actuel. La question du bien fondé de l'autorisation litigieuse pouvait à nouveau se poser l'année suivante. C'était la première fois qu'une autorisation était délivrée pour l'installation litigieuse, qui était aménagée depuis neuf ans dans la Rade.

Les deux départements excédaient leur pouvoir d'appréciation en qualifiant de « provisoire », de « temporaire » et d'« autorisation spéciale » l'autorisation dérogatoire attaquée. L'installation litigieuse avait été mise en place d'année en année, pour la neuvième année consécutive, au même endroit, pour une durée de six mois, sans que le FAID n'ait jamais demandé d'autorisation auparavant hormis celle abandonnée en mars 2011. De plus, il n'était pas démontré que l'exploitation d'un bar offrant une petite restauration ne pouvait pas se faire à un autre endroit de la Rade. Le fait que ces pontons permettraient à tous les usagers de la Rade de profiter d'un emplacement sur le lac pour boire et se restaurer n'était pas un intérêt public prépondérant, ce d'autant plus que les buvettes, les bars et les restaurants abondaient au bord du lac. Les préavis favorables pour les projets « Cinélac » et « Geneva Art Festival » se déroulant du 4 juillet au 26 août ne justifiaient pas la dérogation accordée au FAID. La durée et l'emplacement de deux manifestations différaient sensiblement de ceux des pontons du FAID.

22) Le 5 novembre 2012, le FAID a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu'à la confirmation de l'APA 35'727 et à l'autorisation spéciale (décision n° LRC 11-751).

En se fondant sur les préavis favorables et circonstanciés de tous les services spécialisés de l'administration, le DCTI n'avait pas excédé son pouvoir d'appréciation. Ces derniers avaient tenu compte du caractère provisoire et exceptionnel de la dérogation litigieuse. Celle-ci était aussi conforme au principe de la proportionnalité car le FAID était une association poursuivant des buts d'intérêt public, son financement se faisant uniquement par le biais de l'organisation des « îles de la Rade ». Sans cette dernière, le FAID et ses activités humanitaires disparaîtraient. Sa situation était ainsi différente de celle des exposants tenant un stand pendant les fêtes de Genève. Il s'était vu imposer des charges afin de réduire au minimum l'impact de l'installation litigieuse sur le lac et la Rade. L'octroi de la dérogation attaquée ne constituait pas un blanc-seing car une nouvelle autorisation de construire devait être demandée chaque année et faire l'objet d'une nouvelle instruction. En annulant l'autorisation litigieuse délivrée par le DU, le TAPI avait outrepassé son pouvoir d'appréciation.

23) Le 8 novembre 2012, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

24) Le 14 décembre 2012, le DU a conclu à la confirmation de l'APA 35'727.

25) Le 17 décembre 2012, le DIME s'est rapporté à justice quant à la recevabilité et au fond du recours.

26) Le 17 décembre 2012, la Ville de Genève a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement contesté.

Il existait d'autres lieux dans la Rade pour l'installation litigieuse. L'intérêt du recourant était purement financier et ne saurait constituer un intérêt prépondérant ni un intérêt public. L'absence de but lucratif du recourant était un élément étranger aux dispositions légales applicables et sans pertinence pour décider de l'octroi de la dérogation litigieuse, sous peine de créer des inégalités de traitement. Les autres manifestations organisées au bord du lac, dans le périmètre protégé de la Rade, étaient d'une plus courte durée, à savoir deux mois au maximum, et non pas de six mois.

27) Par courriers séparés du 10 janvier 2013, le DU et le DIME n'ont pas formulé de requête complémentaire.

28) Le 11 janvier 2013, la Ville de Genève a persisté dans ses conclusions.

29) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Selon la jurisprudence constante, il est renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 136 II 101 consid. 1.1 p. 103 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_9/2012 du 7 mai 2012 ; ATA/224/2012 du 17 avril 2012). Tel est le cas en l'espèce, dans la mesure où les autorisations annulées par le TAPI portent sur une période maximale de six mois et que la question de leur conformité au droit est susceptible de se reposer, à nouveau, dans des circonstances similaires, en cas de nouvelle demande de la part du recourant. Par conséquent, le recours est recevable.

2) En l'espèce, le recours ne porte sur la conformité au droit de l'autorisation dérogatoire octroyée par le DU permettant l'installation de deux barges faisant office de ponton flottant sur le lac, à hauteur du Jardin anglais, pendant respectivement une période de deux et six mois, afin d'y exploiter deux bars et un petit service de restauration. La juridiction inférieure estime que le DU n'a pas procédé à une correcte pesée des intérêts, alors que le recourant considère que le TAPI a outrepassé son pouvoir d'appréciation en annulant ladite autorisation.

Le recourant n'invoque aucun grief portant sur l'autorisation du DIME, dont dépend celle du DU, mais conteste le jugement du TAPI qui l'a annulée sur ce point.

Par ailleurs, aucune des parties ne conteste, et ce à juste titre, que l'installation d'une barge principale de 252 m2 pendant six mois, à laquelle s'ajoute pendant deux mois une barge supplémentaire de 54 m2, amarrées toutes deux sur pieux et corps-morts dans le lac, faisant office de ponton flottant et destinées à l'exploitation d'un bar-restaurant, constituent une installation soumise à autorisation. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, sont notamment assujettis à une telle obligation une clôture métallique de deux mètres de haut (ATF 118 Ib 49), des projecteurs destinés à illuminer le sommet du Mont Pilate et simplement vissés à des parois et à des câbles (ATF 123 II 256) ainsi que l'installation de ski nautique sur un lac, comprenant un slalom et un tremplin, pendant quatre mois (ATF 114 Ib 81 ; A. RUCH, Commentaire LAT, 2010 ad art. 22 n° 23 ss). L'élément déterminant n'est pas tant l'installation en soi que l'utilisation qui en sera faite et en particulier son impact sur l'environnement au sens large (ATA/61/2011 du 1er février 2011 ; A. RUCH, op. cit., ad art. 22 n° 28 ; DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, ad art. 22 n° 5 ss).

3) Le lac est une zone à protéger au sens de l'art. 17 al. 1 let. a LAT ainsi qu'au sens de l'art. 29 al. 1 let. a LaLAT. Il fait partie du domaine public conformément à l'art. 1 let. b de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 05). Son régime est fixé par la LEaux-GE (art. 1 let. b LDPu, art. 2 et art. 3 al. 4 LEaux-GE).

Le plan de site fait partie des mesures prévues par la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) destinées à protéger notamment des sites et des paysages présentant un intérêt historique ou esthétique (art. 35 al. 1 et art. 38 ss LPMNS).

Le périmètre litigieux entre dans le champ d'application du plan de site de la Rade n° 28'392-610. Le règlement y relatif adopté le 4 octobre 1993 par le Conseil d'Etat (ci-après : le règlement sur la Rade) a pour but de préserver le site de la rade et, à ce titre, le caractère architectural et historique des bâtiments et ensembles situés à front de quai de la rade et des places attenantes, ainsi que les autres éléments rattachés aux quais et au plan d'eau qui méritent protection (art. 1 du règlement sur la Rade). En règle générale, le caractère du site doit être préservé, notamment l'implantation des constructions (art. 3 al. 1 du règlement sur la Rade). L'architecture, les matériaux et teintes des constructions doivent respecter le caractère historique du quartier (art. 3 al. 2 du règlement sur la Rade).

4) Il convient d'examiner les conditions d'octroi de l'autorisation dérogatoire litigieuse.

a. Il n'est pas contesté que la surface du lac, sur laquelle le projet litigieux est envisagé, est une zone inconstructible au sens de l'art. 15 LEaux-GE. L'art. 15 al. 3 LEaux-Ge offre cependant au département compétent la possibilité d'accorder des dérogations pour des projets de construction, à certaines conditions. D'une part, il faut que les dérogations ne portent pas atteinte aux fonctions écologiques du cours d'eau et de ses rives ni à la sécurité de personnes et des biens (art. 15 al. 3 in fine LEaux-GE). D'autre part, ces dérogations doivent concerner l'un des trois objets suivants : a) les constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination, b) les constructions ou installations en relation avec le cours d'eau, c) la construction de piscines au bord du lac, pour autant que celles-ci ne dépassent pas le niveau moyen du terrain naturel (art. 15 al. 3 let. a à c LEaux-Ge). Ces dérogations doivent être approuvées par le DIM et faire l'objet d'une consultation de la commune et de la CMNS (art. 15 al. 4 LEaux-GE). Elles peuvent être assorties de charges ou conditions (art. 15 al. 5 LEaux-GE).

En l'espèce, seule l'hypothèse de l'art. 15 al. 3 let. a LEaux-GE entre en considération. L'art. 15 al. 3 LEaux-GE a remplacé l'art. 26 al. 5 LEaux-GE dans sa teneur de 1975 (ci-après : aLEaux-GE). En particulier, la situation visée à l'actuelle lettre a correspond à celle de l'ancienne lettre a. L'examen de cette disposition ne requiert pas l'établissement de préavis par les services spécialisés. Les préavis émis dans cette affaire ne sont ainsi pas pertinents.

b. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, l'art. 26 al. 5 aLEaux-GE doit être interprété à la lumière des principes dégagés par la LAT en matière de zones à protéger ainsi que des principes généraux relatifs au régime des dérogations (ATA du 10 janvier 1990, dans la cause S. consid. 9).

L'art. 15 al. 3 let. a LEaux-GE reprend la condition figurant à l'art. 24 let. a LAT, selon laquelle l'implantation de l'installation litigieuse hors de la zone à bâtir doit être imposée par sa destination. La destination d'une installation impose que celle-ci soit implantée hors de la zone à bâtir lorsqu'elle ne peut, pour des raisons objectives, être édifiées qu'à un endroit précis hors de la zone à bâtir (implantation imposée positivement par la destination de la construction) ou lorsqu'aucune zone à bâtir existante ne s'y prête et qu'il ne serait pas admissible d'en délimiter une, si bien que l'installation en question ne peut être réalisée à l'intérieur de la zone à bâtir (implantation imposée négativement par la destination de la construction - R. MUGGLI, Commentaire LAT, 2009, ad art. 24 n° 4 ss). L'analyse de cette condition implique une évaluation du site et ne peut être séparée de l'examen des intérêts s'opposant au projet (R. MUGGLI, op. cit., ad art. 24 n° 6 ss). En ce qui concerne la motivation de la décision, les intérêts soulevés et pondérés, ainsi que les conclusions qui en sont tirées, doivent y être exposés au moins sommairement (art. 3 al. 2 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 - OAT - RS 700.1 ; R. MUGGLI, op. cit., ad art. 24 n° 18 ; P. TSCHANNEN, Commentaire LAT, 1999, ad art. 3 n° 34). L'ensemble des avis exprimés par les divers services concernés ne constitue pas une pesée complète des intérêts ; c'est à l'autorité compétente de pondérer et d'évaluer les intérêts déterminants (R. MUGGLI op. cit., ad art. 24 n° 15).

L'art. 17 LAT doit être interprété à la lumière des art. 1 et 3 LAT (ATA du 24 avril 1991, dans la cause C. consid. 3). En particulier, le paysage doit être préservé (art. 3 al. 2 LAT). Il convient notamment de veiller à ce que les constructions prises isolément ou dans leur ensemble ainsi que les installations s'intègrent dans le paysage (art. 3 al. 2 let. b LAT) ainsi que de tenir libres les bords des lacs et des cours d'eau et de faciliter au public l'accès aux rives et le passage le long de celles-ci (art. 3 al. 2 let. c LAT). « Tenir libre » n'implique toutefois pas le déplacement de constructions existantes ou l'interdiction de nouveaux bâtiments ou ouvrages à proximité de l'eau, lorsque leur implantation est justifiée par des intérêts prépondérants (DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, ad art. 3 n° 34 p. 98 ; ATA du 24 avril 1991 précité).

c. Une dérogation est une décision administrative de nature discrétionnaire (ATF 97 I 40). Elle est et doit rester exceptionnelle. Les conditions légales de son octroi s'interprètent restrictivement (ATF 112 I b 200). Cependant, l'autorité est tenue d'accorder la dérogation dans un cas où le texte légal l'y oblige expressément ou implicitement, ou encore lorsque la dérogation se justifie par des circonstances particulières, notamment lorsqu'elle répond mieux aux buts généraux poursuivis par la loi ou qu'elle est commandée par un intérêt public ou par un intérêt privé auquel ne s'opposent pas un intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants (ATA du 10 janvier 1990 précité consid. 9).

Le Tribunal administratif avait confirmé la dérogation accordée par le département au sens de l'art. 26 al. 5 let. a aLEaux-GE dans le cadre du réaménagement du site de Genève Plage. Ledit projet a été considéré comme « manifestement d'intérêt général ». En effet, il visait à restaurer certaines installations vétustes et délabrées, à améliorer le confort des usagers et à leur permettre de pratiquer les sports aquatiques tout au long de l'année. Il était également imposé par sa destination vu que les nouvelles constructions se situaient au même endroit que les anciennes. De plus, ledit projet, préavisé favorablement par la CMNS et la commune, ne concernait qu'une surface très réduite de la zone protégée d'environ 50 m2, élément sur lequel la chambre de céans a particulièrement insisté (ATA du 10 janvier 1990 précité consid. 9).

En l'espèce, le TAPI n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en annulant l'autorisation litigieuse. En effet, la condition concernant l'objet visé par la lettre a de l'art. 15 al. 3 LEaux-GE n'est pas réalisée. L'installation des « îles de la Rade » ne constitue pas une installation d'intérêt général. L'intérêt privé poursuivi en l'espèce par le FAID, à savoir le financement de ses activités par l'exploitation des « îles de la Rade », ne doit pas être confondu avec l'intérêt général de l'ensemble de la collectivité. Le FAID est une association privée et n'a pas reçu de mandat légal particulier de la part du législateur afin de réaliser une tâche d'intérêt général. Par ailleurs, il n'existe aucune raison objective imposant l'emplacement de l'installation querellée à l'endroit litigieux, ce d'autant plus que la Rade constitue une zone protégée au sens de l'art. 17 LAT et du plan de site. Le DU a donc violé l'art. 15 al. 3 let. a LEaux-GE en accordant l'autorisation dérogatoire litigieuse. Le jugement du TAPI ne peut dès lors qu'être confirmé.

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le jugement du TAPI confirmé.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 novembre 2012 par le Fonds d'Aide Internationale au Développement (FAID) contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 octobre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Malek Adjadj, avocat du recourant, à la Ville de Genève, au département de l'urbanisme, au département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :