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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1142/2024

JTAPI/362/2024 du 18.04.2024 ( MC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1142/2024 et A/1225/2024 MC

JTAPI/362/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jordan WANNIER, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1998, est ressortissant sénégalais.

2.             Il est en possession d’un passeport sénégalais et d'un titre de séjour en Espagne, respectivement valables jusqu'aux 21 mars 2026 et 6 novembre 2027.

3.             M. A______ a été condamné le 11 octobre 2023, par le Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 10.-, avec sursis, délai d’épreuve 3 ans, pour trafic de crack (art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121)).

4.             Une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, pour une durée de douze mois, a été prononcée à son encontre le même jour, par le commissaire de police.

5.             Interpellé à Genève le 17 janvier 2024, M. A______ a fait l’objet d’un rapport de police du même jour, pour empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)) et infractions aux art. 115 et 119 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

6.             L’intéressé a, à nouveau, été interpellé à Genève, le 5 avril 2024. Alors qu’il était observé par la police, il a vendu trois boulettes de cocaïne à un toxicomane, à la rue de Berne, faits qu’il a reconnu lors de son audition du même jour.

7.             Le 6 avril 2024, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______ sur la base de l’art. 64c al. 1 let. a LEI et a sollicité un vol en faveur de l’intéressé, à destination de Madrid, entre le 9 et le 14 avril 2024.

8.             Le 6 avril 2024, à 15h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines sur la base de l’art. 75 al. 1 let. b et g LEI cum 76 al. 1 let. b ch. 1, 2 et 3 LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu’il était d’accord de retourner en Espagne. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 15h00.

9.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 18h18.

10.         A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 9 avril 2024 à 09h00.

11.         Par courriel adressé au tribunal le 9 avril 2024 à 08h58, le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à ce que toute autre mesure propre à palier sa détention administrative, notamment l’obligation de se présenter hebdomadairement au poste de police, soit prononcée.

M. A______ n’avait aucun rattachement avec la Suisse. Il n’avait ni parent, ni ami, ni logement, ni travail en Suisse et avait émis, à plusieurs reprises, son souhait de rentrer en Espagne. Il n’avait aucun intérêt à rester en Suisse dans les conditions déplorables qui étaient les siennes. C’était à cause de sa situation très précaire qu’il n’avait pas pu financer son voyage de retour en Espagne.

12.         Par jugement du 9 avril 2024, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois semaines (JTAPI/309/2024 dans la cause A/1142/2024).

La légalité de la mise en détention administrative de l’intéressé a été confirmée, notamment sous l’angle des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. b LEI dès lors qu’il avait enfreint à tout le moins à deux reprises l’interdiction de pénétrer sur l’ensemble du territoire genevois dont il faisait l’objet.

L’intéressé n’a pas été entendu oralement lors de cette procédure conformément à son accord du 6 avril 2024 et un délai au 14 avril 2024 a été imparti au commissaire de police pour indiquer si l’exécution du renvoi se concrétisera ou non.

13.         Dans le délai précité, le commissaire de police a informé le tribunal que le renvoi de M. A______ n’avait pas pu être effectué mais qu’un vol lui a été réservé visant un départ le 23 avril 2024.

14.         Par requête motivée du 15 avril 2024, l’OCPM a demandé la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée d’un mois, afin de mener à terme le renvoi de l’intéressé à destination de l’Espagne.

15.         Cette procédure a été enregistrée par le tribunal sous la référence A/1225/2024.

16.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il confirmait être d'accord de retourner en Espagne. Il n'avait pas de famille en Suisse. Son père était en Espagne et était retourné au Sénégal. Il était sans formation. Sur question de son conseil, il souhaiterait retourner à B______ (ES) où il pourrait trouver du travail.

 

 

La représentante du commissaire de police a déclaré que l'ensemble des documents pour le départ de M. A______ étaient prêts et les autorités espagnoles avaient donné leur accord pour son accueil. Elle ne pensait pas qu'on puisse accorder une confiance suffisante à l'intéressé pour le remettre en liberté dans l'intervalle, vu qu'il avait déjà été condamné à plusieurs reprises pour diverses infractions notamment à la LEI. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines et à la confirmation de la demande de prolongation pour une durée d'un mois.

Le conseil de M. A______ a conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention et partant que soit ordonnée la libération immédiate de son client. Dès lors qu'il souhaitait retourner en Espagne, il n'y avait pas de motif suffisant pour le garder en détention d'autant qu'il pourrait se présenter hebdomadairement auprès d'un poste de police pour marquer sa présence.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

3.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

4.             A ce propos, quand bien même M. A______ a accepté de renoncer à une procédure orale, et que donc le tribunal statuant dans les nonante-six heures sur la base d’une procédure écrite, a confirmé la mise en détention de l’intéressé par jugement du 9 avril 2024 (JTAPI/309/2024 dans la cause A/1142/2024), son renvoi n’a pas pu être exécuté dans le délai de huit jours dès la détention administrative qui débuté le 6 avril 2024 à 15h00, le vol n'ayant pu être confirmé que pour le 23 avril 2024 à 7h25, le tribunal doit procéder de manière orale et entendre l’intéressé.

5.             En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité de douze jours en statuant ce jour.

6.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

7.             En l’occurrence, le 15 avril 2024, le tribunal a été valablement saisi dans le délai légal précité, d’une requête de l’OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée d’un mois.

8.             Statuant ce jour dans la cause A/1225/2024, le tribunal respecte le délai fixé par l’art. 9 al. 4 LaLEtr, qui énonce qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

9.             Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

10.         En l'occurrence, les causes A/1142/2024 et A/1225/2024 se rapportant à un complexe de faits connexes et opposant les mêmes parties, leur jonction sous la cause A/1142/2024 sera ordonnée.

11.         La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

12.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

13.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

14.         Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI.

15.         Selon l'art. 76 al. 1 let. b LEI, lorsqu'une décision de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, placer la personne concernée en détention administrative lorsqu'elle menace sérieusement d'autre personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (ch. 1 en liaison avec l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI).

16.         Selon la jurisprudence constante, la participation à un trafic de stupéfiant comme de l'héroïne ou de la cocaïne constitue une menace pour les tiers et une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012; ATA/185/2008 du 15 avril 2008 ; ATA/65/2008 du 15 février 2008 ; ATA/39/2008 du 22 janvier 2008 ; ATA/352/2007 du 26 juillet 2007 et les arrêts cités).

17.         Comme la loi exige une menace sérieuse ou une mise en danger grave de la vie ou de l'intégrité corporelle d'autres personnes, il faut que le comportement répréhensible revête une certaine intensité. Les infractions, y compris en relation avec les stupéfiants, qui apparaissent comme des cas bagatelles ne suffisent pas (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b/bb ; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 5a). Enfin, comme la disposition est tournée vers le futur et tend à empêcher que l'étranger continue son comportement dangereux, il faut en outre faire un pronostic pour déterminer si, sur la base des circonstances connues, il existe un risque sérieux que d'autres mises en danger graves se reproduisent (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.1 et les nombreuses références citées).

18.         Un tel pronostic s'impose tout particulièrement en matière de stupéfiants, lorsqu'une procédure pénale a démontré que l'étranger s'est livré à un trafic de drogues dures, mais qui ne portait que sur de faibles quantités ; dans un tel cas de figure, il faut se demander s'il s'agit seulement d'un comportement coupable isolé ou s'il existe un risque que l'intéressé poursuive son trafic. En effet, la détention en phase préparatoire n'est pas d'emblée exclue en présence de petits trafiquants, s'ils présentent un risque de récidive (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.5). Il est fréquent que les petits revendeurs ne soient jamais en possession d'une grande quantité de stupéfiants, ce qui ne les empêche pas de procéder constamment à du trafic, de sorte qu'en peu de temps, ils parviennent à écouler une grande quantité de drogue. Or, un tel comportement constitue une mise en danger grave de la vie ou de l'intégrité corporelle des personnes permettant de justifier une détention en phase préparatoire (cf. ATF 125 II 369 consid. 3b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b/bb ; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 5b). En revanche, celui qui n'a agi que de manière isolée avec une petite quantité de stupéfiants ne représente pas encore un danger grave pour la vie ou l'intégrité corporelle d'autres personnes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.1 in fine ; 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b/bb; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 3b).

19.         Il en découle qu'un petit dealer condamné une fois pour trafic d'une faible quantité de drogue dure peut parfaitement tomber sous le coup de l'art. 75 al. 1 let. g LEI, indépendamment du fait qu'il ne remplit pas les conditions figurant à l'art. 19 al. 2 LStup, lorsque les circonstances dénotent un risque qu'il continue son trafic. Partant, le fait que l'intéressé ait été en possession d'une quantité en elle-même insuffisante, selon la jurisprudence (cf. ATF 109 IV 143 consid. 3b) à entraîner l'application de l'art. 19 al. 2 let. a LStup n'est pas pertinent, étant relevé que cette disposition pénale suppose une mise en danger de la santé de nombreuses personnes, alors que l'art. 75 al. 1 let. g LEI met l'accent sur la gravité de la mise en danger et non sur le nombre de personnes susceptibles d'être touchées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3).

20.         Dans cette mesure, le Tribunal fédéral a jugé que la position de la chambre administrative de Cour de justice, qui se fondait sur sa jurisprudence selon laquelle le seul fait que l'intéressé ait été condamné pénalement pour trafic de cocaïne, soit une drogue "dure", justifiait l'application de l'art. 75 al. 1 let. g LEI, ne pouvait être suivie. Il ressortait des principes exposés ci-dessus qu'en présence d'un petit dealer n'ayant été condamné qu'une fois pour un trafic d'une faible quantité de stupéfiants (même de drogues dures), il convenait d'examiner l'ensemble des circonstances, afin de former un pronostic sur le risque de réitération. Ce n'était qu'en présence d'indices concrets en ce sens que l'on pouvait retenir pour l'avenir une grave mise en danger de la vie ou de l'intégrité d'autres personnes, ce qui était la condition à une mise en détention en phase préparatoire au sens de l'art. 75 al. 1 let. g LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.5).

21.         De même, une mise en détention administrative est envisageable si des éléments concrets font craindre que la personne entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI), ou encore si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

22.         Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

23.         Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

24.         Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

25.         Comme cela ressort du texte même de l'art. 76 al. 1 LEI et de la jurisprudence constante, une mise en détention administrative n'implique pas que la décision de renvoi ou d'expulsion qui la sous-tend soit entrée en force et exécutoire (cf. ATF 140 II 409 consid. 2.3.4 ; 140 II 74 consid. 2.1 ; 130 II 377 consid. 1 ; 129 II 1 consid. 2 ; 122 II 148 consid. 1 ; 121 II 59 consid. 2a ; ATA/252/2015 du 5 mars 2015 consid. 6a ; Grégor CHATTON/Laurent MERZ in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II [Loi sur les étrangers], 2017, n. 5 p. 779).

26.         En l'occurrence, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi basée sur l’art. 64c al. 1 let. a LEI. Il a, à tout le moins à deux reprises, enfreint l’interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire genevois prise à son encontre par le commissaire de police le 11 octobre 2023. Il a d'ailleurs été condamné pour ces faits. Sa détention administrative se justifie par conséquent sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. b LEI.

27.         Bien qu’indiquant être d’accord d’être renvoyé en Espagne, son comportement consistant à revenir sur le territoire genevois qui lui avait été interdit, où il n’a ni attaches, ni lieu de résidence ni source de revenu légale démontre que le risque qu’il se soustraie à son renvoi et disparaisse dans la clandestinité est avéré.

28.         Au risque de fuite précité, s’ajoute que l’intéressé a été condamné pour vente de stupéfiants selon l’art. 19 al. 1 let. c LStup le 11 octobre 2023, et qu’il a reconnu avoir récidivé le 5 avril 2024 dans cette activité ce qui est de nature à mettre en danger la santé de nombreuses personnes.

29.         Dès lors qu’il ne dispose d’aucun moyen licite de subsistance en Suisse, un risque de réitération des infractions précitées doit être retenu, lequel préside également à la confirmation de la prolongation de sa détention en vue de renvoi sous l'angle des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et art. 75 al. 1 let. g LEI.

30.         L'assurance de son départ effectif répond en outre à un intérêt public certain et les autorités suisses doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire à destination de l’Espagne (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). Au vu des circonstances, notamment du comportement qu'il a adopté jusqu'ici, toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra quitter le pays. En particulier, le fait de se présenter chaque semaine dans un poste de police ne permet pas de pallier le risque de fuite de l’intéressé. Au mieux, cela permettrait de constater sa fuite et non pas de l’empêcher. Dans son principe, la mise en détention de M. A______ respecte donc aussi le principe de la proportionnalité.

31.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

32.         En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

33.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).

34.         En l’espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité au sens de l'art. 76 al. 4 LEI, dès lors qu'elle a réservé dans les meilleurs délais un vol à destination de Malaga qui devrait avoir lieu le 23 avril 2024. La détention de l'intéressé venant de commencer, sa durée de près de deux mois au terme demandé, est loin des maximas.

35.         Partant, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, et également sa prolongation pour une durée d’un mois, soit jusqu'au 26 mai 2024 inclus qui respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 al. 1 LEI et n'apparaît pas d'emblée inadéquate ou excessive.

36.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             joint les procédures A/1142/2024 et A/1225/2024 sous le numéro de procédure A/1142/2024 ;

2.             confirme l'ordre de mise en détention administrative émis le 6 avril 2024 par le commissaire de police à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines ;

3.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 15 avril 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

4.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 26 mai 2024 inclus ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président suppléant

Michel CABAJ

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière