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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1185/2024

JTAPI/352/2024 du 16.04.2024 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LaLEtr.7.al4.letg; LEI.76.al1; LEI.80.al6.leta; LEI.80.al5
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1185/2024 MC

JTAPI/352/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Raphaël ZOUZOUT, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______ (aussi connu sous d'autre identités), né le ______ 1989 et originaire d'Algérie, mais dépourvu de document de voyage, est arrivé en Suisse le 20 août 2008. Le 20 septembre 2008, il y a déposé une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi. Dans le cadre de cette procédure, l'intéressé avait été attribué au canton de B______.

2.             M. A______ a été identifié par les autorités algériennes en février 2015.

3.             Entre le 29 mai 2013 et le 20 décembre 2023, M. A______ a été condamné pas moins de sept fois, pour, notamment pour entrée illégale, séjour illégal, dommages à la propriété, violation de domicile, vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), vol par métier (art. 139 ch. 2 CP), vol en bande (art. 139 ch. 3 CP), recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP), délit contre la loi sur les armes, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, tentative d'incendie intentionnel avec dommage de peu d'importance, faux dans les certificats, violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires et lésions corporelles simples.

4.             Par arrêt du 17 janvier 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève a ordonné la réintégration de l'intéressé dans la mesure institutionnelle, au sens de l'art. 59 CP, prononcée à son endroit le 26 mars 2018 - libéré conditionnellement de cette mesure une première fois il est sorti de l'établissement fermé Curabilis le 31 août 2021, a rapidement récidivé, en rupture de traitement, et a été à nouveau arrêté puis placé en détention à la Prison de Champ-Dollon le 13 septembre 2021 -, ainsi que son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans, mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter.

5.             En date du 28 avril 2023, le Consulat d'Algérie à Genève s'est déclaré disposé à établir un laissez-passer en faveur de M. A______ en vue de son retour dans son pays d'origine et l'intéressé a par ailleurs, le 30 novembre 2023 - alors que l'examen relatif à sa libération conditionnelle était en cours -, signé des déclarations de retour volontaire en Algérie.

6.             Par jugement du 13 décembre 2023, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de la mesure institutionnelle à l'encontre de M. A______, avec effet au jour de son expulsion en Algérie, mais au plus tard le 28 février 2024. A titre de règle de conduite durant le délai d'épreuve de cinq ans, l'intéressé s'est vu imposer l'obligation de continuer son suivi psychothérapeutique et médicamenteux. À cet égard, il ressort du jugement précité ce qui suit: « […] une évolution très favorable a été constatée dès l'introduction du traitement dépôt, étant précisé que le cité accepte mieux ce type de traitement médicamenteux car il n'entrave pas son activité au quotidien. Il peut ainsi envisager de le maintenir à long terme. Lors de la réunion de réseau du mois de septembre 2023, il a été relevé que le maintien du traitement est un élément fondamental de la stabilité psychique du concerné et que le fait que ses parents, qui l'hébergeront, soient conscients de cette nécessité constitue la meilleure garantie qu'il soit suivi dans le temps. Le psychiatre en Algérie a été contacté par la famille du cité et a confirmé être prêt à assurer le suivi du cité. Enfin, la stabilité actuelle de l'intéressé permet de mettre en place ce projet de retour dans de bonnes conditions et d'assurer les meilleures chances de succès à la mise en place du suivi une fois sur place alors qu'un maintien de la mesure n'apporterait pas de plus-value et entraînerait au contraire un risque de péjoration de son état faute de perspective à court terme. Le cité se déclare prêt à retourner en Algérie et poursuivre son traitement dans son pays ».

7.             Dès l'annonce de la libération conditionnelle de M. A______, les autorités chargées de l'exécution de son expulsion ont procédé à la réservation d'une place sur un vol (DEPA) à destination de l'Algérie, conformément aux indications données par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) dans le cadre des échanges qui ont eu lieu entre les autorités concernées, au mois de novembre 2023 déjà, en vue du rapatriement de l'intéressé.

8.             La délivrance d'un certificat médical d'aptitude au rapatriement par voie aérienne étant nécessaire afin d'obtenir le billet d'avion, compte tenu de l'état de santé psychique de M. A______, un rapport médical a été sollicité le 14 décembre 2023 auprès du service médical de l'établissement fermé Curabilis, lequel n'avait pas encore été établi. A cet égard, il ressort des pièces du dossier du commissaire de police que M. A______ avait refusé de délier les médecins du secret médical et que ces derniers avaient ensuite à leur tour refusé de transmettre les informations médicales indispensables à l'organisation du rapatriement de leur patient dès lors que celui-ci s'opposait à son renvoi. Ces médecins avaient également refusé de saisir la commission ad hoc afin d'être déliés du secret médical et par courriel du 26 février 2024, le directeur du service protection, asile et retour (SPAR) avait enjoint la Cheffe de clinique des HUG de lui retourner le rapport médical de M. A______ dûment complété dans un délai de trois jours ouvrables, après lui avoir rappelé ses obligations légales en la matière.

9.             À sa sortie de l'établissement fermé Curabilis le 28 février 2024, M. A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

10.         Le 28 février 2024, à 14h53, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h ch. 3 et 4 LEI.

11.         Il ressortait du dossier que l'intéressé n'avait aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier démontré avec ce pays, ni non plus aucune source légale de revenu.

12.         Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu’il s'opposait à son renvoi en Algérie. Il était malade, avait besoin de soins et prenait son traitement pour sa pathologie psychique ici en Suisse. Il n’avait pas de famille en Algérie.

13.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

14.         Lors de l'audience, M. A______, dûment convoqué, ne s'est pas présenté. Il a été valablement représenté par son conseil nommé d'office pour sa défense. Il a expliqué avoir eu un contact téléphonique la veille à 17h00 et le matin même de l’audience avec ce dernier. M. A______ lui avait confirmé son refus de retourner en Algérie et qu’il suivait toujours régulièrement son traitement médical. Il ne comprenait pas pourquoi il devait quitter la Suisse et cette situation l’attristait. Il lui avait également indiqué qu’il souhaitait avoir des contacts, notamment téléphoniques, avec sa compagne et son frère, mais que cela n’avait pas été possible jusqu’alors avec son téléphone portable. Son frère venait régulièrement lui rendre visite.

15.         La représentante du commissaire de police a expliqué qu'ils étaient toujours dans l’attente de l’envoi, par les médecins compétents, des informations médicales à OSEARA en vue de la délivrance du certificat d’aptitude au vol de M. A______. La Dre C______ les ayant informés que l’intéressé était désormais sous la responsabilité de ses collègues du service de médecine et de psychiatrie pénitentiaire, ils avaient interpellé le Prof. D______, en charge dudit service, afin qu’il communique à OSEARA les renseignements médicaux nécessaires. Elle a versé à la procédure l’échange de correspondance y relatif. Pour le surplus, toutes les démarches utiles à ce stade avaient été effectuées. Dès réception du certificat d’aptitude au vol, ils pourraient concrètement confirmer la réservation du vol par l’émission d’un billet, étant précisé qu’il fallait tenir compte d’un délai de trois semaines entre l’obtention du certificat d’aptitude et la date du vol. Elle a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé le 28 février 2024 à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, vu ce qui précédait et l’incertitude que l'intéressé accepte, au final, de prendre place à bord du vol qui serait réservé en sa faveur.

16.         Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son client. Sa mise en détention était disproportionnée compte-tenu de sa pathologie psychiatrique (schizophrénie paranoïde). Elle était par ailleurs inopportune au vu de sa stabilisation psychique depuis juillet 2023, étant précisé que sa compagne Mme E______, domiciliée 1______, rue F______, était prête à l’accueillir. L’opposition de M.  A______ à son retour en Algérie était uniquement motivée par sa crainte de ne pas pouvoir y être pris en charge médicalement. Subsidiairement, elle a conclu à la réduction de la durée de la détention de M.  A______, la durée de trois mois requise étant disproportionnée pour les motifs précités et au vu des démarches encore à entreprendre. Elle n'avait pas d’attestation écrite de Mme E______ confirmant sa volonté d’accueillir M. A______, ce dernier n’ayant, comme indiqué auparavant, pas encore réussi à la joindre.

17.         La représentante du commissaire de police a encore relevé qu’il n’existait aucune trace de la compagne de M. A______ dans le dossier et que cette dernière n’avait en tout état pas confirmé par écrit sa volonté d’accueillir l’intéressé. Par ailleurs, les possibilités de traitement et de prise en charge de M. A______ en Algérie avaient été examinées dans le cadre de sa libération conditionnelle. C’était précisément le résultat de cet examen qui avait conduit à valider sa libération conditionnelle. Son traitement était disponible en Algérie. En réponse, le conseil de M. A______ a précisé que le refus de ce dernier était également lié à sa crainte de perte de sa stabilité psychique en cas de retour en Algérie. Une attestation de Mme E______ pourrait facilement être versée à la procédure.

18.         Par jugement du 29 février 2024, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 28 février 2024 à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 27 mai 2024 inclus (JTAPI/175/2024).

Ce jugement n’a fait l’objet d’aucun recours de sorte qu’il est définitif.

19.         Par requête du 11 avril 2024, M. A______ a sollicité sa mise en liberté, de façon à quitter rapidement le territoire suisse et s’installer chez son frère en France. Il a précisé que son frère avait déjà fait le nécessaire devant les autorités suisses et françaises, afin de se porter garant de son séjour en France.

20.         Lors de l’audience de ce jour devant le tribunal, M. A______ a confirmé s'appeler G______ et a indiqué qu'il ne souhaitait pas retourner en Algérie. Il y avait de la famille avec laquelle il n'avait plus de contacts depuis avant 2008. Il avait des amis en Suisse et ses deux frères résidaient en France. Il avait fait beaucoup de prison et voulait ressortir, ce qui motivait sa demande. Il souhaitait aller vivre en France chez l'un de ses frères, mais n'avait pas d'autorisation de séjour pour y aller. Il a versé à la procédure une attestation de la pharmacie H______ à L______ en Algérie à teneur de laquelle trois médicaments qu'il prenait avant n'étaient pas disponibles en Algérie et respectivement une attestation sur l'honneur de son frère I______ à teneur de laquelle il s'engageait à l'héberger à son domicile en France ainsi qu'un courrier de sa part mentionnant qu'il devrait être hébergé chez son autre frère J______. Un courrier de M. J______ était également produit. A sa teneur, M. A______ ne pouvait pas être pris en charge en Algérie et devait être hébergé chez son frère I______. La carte d'identité française de M. I______ et respectivement un justificatif d'abonnement au gaz et à l'électricité de M. J______ étaient également versés à la procédure.

Sur question de son conseil, il a indiqué qu'il prenait actuellement du Risperdal et du Tranxilium. A sa connaissance, ces deux médicaments n'étaient pas disponibles en Algérie. Il y était soigné dans son enfance pour ses troubles psychiatriques, les médecins lui ayant expliqué qu'ils ne pouvaient rien faire pour lui. Il a ajouté que cela faisait près de 16 ans qu'il était en Suisse.

La représentante de l’OCPM a versé à la procédure une déclaration de M. A______ de ce jour, à teneur de laquelle il déclarait ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine l'Algérie tout en s'engageant à quitter le territoire suisse pour se rendre en France au plus vite, tout seul dès sa mise en liberté. Elle a produit également une proposition de vol avec escorte policière pour M. A______ prévu pour le 13 mai 2024, le certificat d'aptitude au vol établi le 19 mars 2024 par OSEARA, un courriel du 25 mars 2024 de l'avocate stagiaire Me K______ montrant que M. A______ était disposé à retourner en Algérie et à bénéficier d'une aide au retour. Elle a produit également un rapport médical dans le domaine du retour qui n'indiquait pas d'empêchement au départ. La demande de laissez-passer avait été formulée aujourd'hui compte tenu du délai d'attente pour l'obtenir.

Elle a conclu au rejet de la demande de mise en liberté de M. A______. Toute démarche possible et utile pour son retour avait été entreprise dans les meilleurs délais possibles. S'agissant de son traitement médical, les autorités s'étaient assurées qu'il pourrait être bien soigné et pris en charge à son retour en Algérie. A noter que les médicaments prétendument indisponibles en Algérie figurant dans l'attestation versée ce jour par M. A______ n'étaient plus d'actualité au vu des rapports médicaux versés ce jour par l'OCPM à la procédure.

Le conseil de l’intéressé a conclu à la mise en liberté immédiate de M. A______. M. A______ était victime d'une pathologie psychiatrique grave qui était de nature à mettre sa vie en danger s'il retournait en Algérie où il ne pourrait être soigné faute de moyens suffisants, et respectivement d'existence de certains médicaments ainsi que de liens familiaux actuels. Son renvoi s'avérait donc impossible vers l'Algérie et était en tout état de cause disproportionné au vu de sa longue durée de présence en Suisse, à savoir depuis 2008.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 80 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

3.             Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

4.             Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

5.             Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

6.             En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ le 11 avril 2024 est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.

7.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF  125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

8.             Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid.  3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

9.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).

10.         L'art. 76 al. 1 let. b LEI stipule que lorsqu'une décision de renvoi a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entende se soustraire au renvoi, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (ch. 3) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

11.         Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

12.         Selon la jurisprudence, un risque de fuite existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.2 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_743/2009 du 7 décembre 2009 consid. 4), qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine (cf. ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; 130 II 56 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1139/2012 du 21 décembre 2012 consid. 3.2 ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014).

13.         Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera ainsi son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies. Dans ce cas, le juge de la détention dispose d’une certaine marge d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C.400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

14.         Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.2 ; 2C_142/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.2 ; 2C_1017/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4.1.1 ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014). Ne constituent pas des éléments suffisants le seul fait que l'étranger soit entré en Suisse de façon illégale ou le fait qu'il soit démuni de papiers d'identité (cf. ATF 129 I 139 consid. 4.2.1). De même, le fait de ne pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet n'est pas à lui seul suffisant pour admettre un motif de détention au sens de l'art. 76 al. 1 ch. 3 ou 4 LEI, mais peut tout au plus constituer un indice parmi d'autres en vue d'établir un risque de fuite (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2013 du 1er mars consid. 4.2 in fine ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014). En effet, si tel était le cas, il aurait appartenu au législateur d'indiquer expressément à l'art. 76 al. 1 LEI que le non-respect du délai de départ constitue à lui seul un motif justifiant la mise en détention de l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées). Dans la même ligne, le fait de travailler au noir ne constitue pas non plus un indice d'un risque de fuite (ATF 140 II 1 consid. 5.4.2 p. 5). A l'inverse, la circonstance que la personne concernée s'est tenue, assez longtemps et de manière ininterrompue, en un endroit stable à la disposition des autorités plaide en défaveur du risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées).

15.         Selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention administrative d'une personne étrangère devant quitter le territoire suisse doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1; arrêt 2C_216/2023 du 22 juin 2023 consid. 6.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible, respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1; 2C_233/2022 du 12 avril 2022 consid. 4.3.1; 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1; 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1; 2C_634/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1; arrêt 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités).

16.         Si l'étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs États, l'autorité compétente peut le renvoyer ou l'expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEI). La possibilité de choisir le pays de destination présuppose toutefois que l'étranger a la possibilité de se rendre de manière effective et admissible dans chacun des pays concernés par son choix. Cela implique qu'il se trouve en possession des titres de voyage nécessaires et que le transport soit garanti.

17.         Le renvoi ou l'expulsion dans un pays tiers du choix de l'étranger constitue par ailleurs seulement une faculté (« peut ») de l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; cf. également arrêts 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; 2C_393/2009 du 6 juillet 2009 consid. 3.4).

18.         En l’espèce, la légalité de la détention de l’intéressé a déjà été confirmée par le tribunal notamment dans son jugement du 29 février 2024 (JTAPI/175/2024).

19.         Pour rappel, l’intéressé a fait l’objet d’une décision fédérale de renvoi du 23 octobre 2008 prononcée par le SEM, ainsi qu’une mesure d’expulsion de Suisse définitive et exécutoire prononcée par la Chambre pénale d'appel et de révision le 17 janvier 2023. Il avait auparavant notamment refusé de délier ses médecins de leur secret professionnel afin que les autorisations médicales nécessaires à l’organisation d’un vol de retour puissent être obtenues. A teneur de l'attestation qu'il a signé et versé à la procédure ce jour, il souhaite persister à refuser de collaborer à son renvoi.

20.         L’intéressé ne dispose d'aucun titre de séjour qui lui permettrait de se rendre légalement en France, ou toute autre État que son pays d'origine (cf. ATA/364/2015 du 20 avril 2015 consid 5). La première condition posée par l'art. 76 al. 1 LEI est ainsi toujours réalisée.

21.         Aussi, l'intérêt public à son départ n'a pas disparu et aucune mesure moins incisive que la détention administrative n'est susceptible d'assurer son expulsion dans son pays d'origine au vu de sa situation et de son comportement laissant présager le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité s’il devait être libéré.

22.         Il pourrait donc décider de lui-même qu'il soit mis un terme à sa détention en acceptant de retourner en Algérie.

23.         Le grief de l’intéressé sera partant écarté.

24.         Quant à l’art. 83 al. 4 LEI, relatif à l’inexigibilité du renvoi, il s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée. Elle s’applique ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’objectivement, au regard des circonstances d’espèce, elles seraient, selon toute probabilité, conduites irrémédiablement à un dénuement complet, exposées à la famine, et ainsi à une dégradation grave de leur état de santé, à l’invalidité, voire à la mort. L’autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l’étranger concerné dans son pays après l’exécution du renvoi à l’intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; 2010/41 consid 8.3.6 ; 2009/52 consid. 10.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; D-5085/2010 du 14 février 2013 consid. 4.1 ; D-5434/2009 du 4 février 2013 consid. 15.1 ; ATA/731/2015 du 14 juillet 2015 consid. 11a).

25.         Les motifs résultant de difficultés consécutives à une crise socio-économique (pauvreté, conditions d'existence précaires, difficultés à trouver un travail et un logement, revenus insuffisants, absence de toute perspective d'avenir), ou encore, la désorganisation, la destruction des infrastructures ou des problèmes analogues auxquels chacun peut être confronté, dans le pays concerné, ne suffisent pas en soi à réaliser une mise en danger concrète selon l'art. 83 al. 4 LEI (ATAF D-3039/2014 du 13 mai 2015). Si, dans un cas d'espèce, le mauvais état de santé ne constitue pas en soi un motif d'inexigibilité sur la base des critères qui précèdent, il peut demeurer un élément d'appréciation dont il convient alors de tenir compte dans le cadre de la pondération de l'ensemble des éléments ayant trait à l'examen de l'exécution du renvoi (JICRA 2003 n° 24 consid. 5b p. 157).

26.         L'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (ATAF E-6672/2013 du 22 mai 2015).

27.         Cela étant, il ne faut pas perdre de vue que le juge de la détention, dans le contrôle de celle-ci, doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; ATA/184/2017 du 15 février 2017 consid. 6). Les objections concernant ces questions doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si une décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 LEtr, car l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7).

28.         En l'espèce, l'impossibilité du renvoi tiré de l’état de santé de l’intéressé n'apparaissant pas durablement incapacitante, elle ne peut être retenue par le tribunal dans le cadre de la présente procédure, qui ne saurait donc revenir sur la question de la validité de la décision de renvoi.

29.         A teneur du dossier, la prise en charge médicale de son traitement psychiatrique pourra être assurée en Algérie et ses troubles n’apparaissent pas comme suffisamment grave à constituer un empêchement à la procédure de renvoi (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2D_66/2011 du 13 décembre 2011 consid. 6.2 ; 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 7.1 ; ATA/88/2012 du 15 février 2012 consid. 6 ; ATA/449/2011 du 20 juillet 2011 consid. 5).

30.         Au demeurant, les autorités ont entrepris avec célérité toute démarche utile au renvoi de l'intéressé en lui organisant un vol, ainsi qu'en demandant un laissez-passer et en s'assurant même qu'il allait pouvoir être pris en charge médicalement à son retour en Algérie.

31.         Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée. En tant que de besoin, la détention administrative sera confirmée jusqu'au 27 mai 2024 inclus.

32.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 11 avril 2024 par Monsieur A______ ;

2.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 27 mai 2024 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

Le président suppléant

Michel CABAJ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 16 avril 2024

 

La greffière