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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1036/2015

ATA/364/2015 du 20.04.2015 sur JTAPI/387/2015 ( MC ) , ADMIS

En fait
En droit

épublique et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1036/2015-MC ATA/364/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 avril 2015

en section

 

dans la cause

 

OFFICIER DE POLICE

contre

Monsieur A______
alias B______
représenté par Me Imad Fattal, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mars 2015 (JTAPI/387/2015)


EN FAIT

1) Monsieur A______, ressortissant algérien né le ______1982, alias B______, né le ______ 1988, a été interpellé pour la première fois en Suisse le 7 mars 2005, puis a fait l’objet d’une interdiction d’entrer en Suisse d’une durée de deux ans, prononcée le 22 mars 2005.

Depuis lors, il a été interpellé et condamné à de multiples reprises pour vol, infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), tentative de viol, infraction à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) notamment.

Diverses interdictions locales de pénétrer au centre de la Ville de Genève (ci-après : la ville) ont été prononcées à son encontre, et une interdiction d’entrée en Suisse, d’une durée indéterminée, a été prononcée par l’office fédéral des migrations, devenu depuis janvier 2015 le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le 21 janvier 2011.

2) M. A______ ayant déposé, le 7 décembre 2012, une demande d’asile, le SEM a prononcé une décision de non entrée en matière le 15 janvier 2013, l’attention de l’intéressé étant attirée sur le fait qu’il devait quitter la Suisse dès que cette décision serait entrée en force.

3) Le 4 avril 2013, le Ministère public du canton de Genève (ci-après : MP) a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de six mois, pour infraction à la LEtr.

4) Le 15 mai 2013, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a demandé à la Confédération de le soutenir dans l’exécution du renvoi de M. A______. Ce dernier a été acheminé à Berne, le 10 octobre 2013, pour être entendu par une délégation algérienne.

5) M. A______ a été interpellé par la police le 9 mai 2014. Il a été condamné le jour suivant à une peine privative de liberté de cent vingt jours, pour infraction à la LEtr, par le MP.

6) Le 11 juin 2014, l’OCPM a reçu un pli anonyme contenant le passeport de l’intéressé, au nom d’A______.

7) Une nouvelle condamnation à une peine privative de liberté de trente jours a été prononcée le 2 juillet 2014 par le MP, pour infraction à la LEtr.

8) Par ordonnance pénale du 29 novembre 2014, le MP a condamné l’intéressé à une peine privative de liberté de trente jours.

Il lui était reproché d’avoir « à Genève, le 28 novembre 2014, à tout le moins, pénétré sur territoire Suisse depuis la France, ceci alors qu’il fait l’objet d’une interdiction d’entrer en Suisse prises à son encontre par le SEM, valable du 22 mai 2012 au 31 décembre 2099 (sic) et notifié le 27 janvier 2011.

Le prévenu a partiellement reconnu les faits qui lui sont reprochés, indiquant avoir passé la douane à pied en provenance d’Annemasse et n’avoir pas souhaité se rendre plus loin que Genève, où il voulait récupérer son passeport qu’il disait penser se trouver auprès de la Police Suisse. »

9. Le 31 janvier 2015, M. A______ a, à nouveau, été appréhendé par les services de police. Il n’avait entrepris aucune démarche depuis sa dernière condamnation. Il a été écroué à la Prison de Champ-Dollon.

Une nouvelle ordonnance a été prononcée par le MP, condamnant l’intéressé à une peine privative de liberté de trente jours, pour avoir continué à séjourner sur le territoire Suisse depuis le lendemain de sa dernière condamnation du 31 décembre 2014.

10. Au terme de l’exécution de ses peines, M. A______ a été remis à la police, le 28 mars 2015. L’Officier de police a ordonné sa mise en détention administrative, pour une durée de cent vingt jours, le jour-même.

Les démarches en vue du renvoi de l’intéressé avaient continué pendant la détention pénale, et une place dans un vol à destination de l’Algérie devrait être à disposition entre le 18 mai et le 26 juin 2015. L’intéressé avait fait l’objet d’une décision de renvoi du SEM, le 15 janvier 2013. Il existait des motifs concrets indiquant que ce dernier entendait se soustraire à son refoulement.

11. Le 30 mars 2015, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a entendu les parties, M. A______ étant représenté par un avocat, lequel n’avait pu rencontrer son mandant qui n’avait pas voulu sortir de sa cellule.

L’OCPM a confirmé être en possession du passeport de l’intéressé. Une place dans un avion à destination d’Alger était en cours de réservation, mais le vol prévu initialement avait été reporté, pour des questions de concession de la liaison aérienne.

L’attention de l’autorité administrative a été attirée sur le fait que, selon l’ordonnance pénale du 29 novembre 2014, la décision de renvoi aurait été exécutée. Le représentant de cette autorité a contesté ce point de vue, dès lors que cette mention dans l’ordonnance pénale n’avait pas fait l’objet d’une instruction particulière.

12. Par jugement du 30 mars 2015, le TAPI a confirmé la mise en détention administrative de l’intéressé pour une durée de trente jours. Le motif retenu par l’officier de police n’était pas fondé, dès lors que le renvoi de l’intéressé avait été exécuté du fait de son départ en France, ressortant de l’ordonnance pénale prononcée le 29 novembre 2014. La détention a été toutefois maintenue par substitution de motif, fondée sur l’art. 75 al. 1 LEtr, dès lors que M. A______ ne disposait pas d’un droit de séjour en Suisse. Il appartenait au SEM de prendre sans délai une décision quant au droit de séjour de l’intéressé.

S’agissant de détention en phase préparatoire, la durée ordonnée par l’officier de police, de cent vingt jours, apparaissait excessive. Une durée de trente jours était suffisante pour permettre aux autorités de se prononcer sur le séjour de M. A______.

13. Le 9 avril 2015, l’officier de police a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre le jugement précité. Le TAPI avait procédé à une véritable analyse préjudicielle de la question du renvoi et ne s’était pas limité à constater un caractère manifestement arbitraire ou nul de la décision de renvoi. La seule référence à une ordonnance pénale, sans aucune explication de l’intimé, apparaissait insuffisante pour fonder un tel examen et une telle conclusion. Les considérations pénales retenues par le MP étaient différentes de celles pertinentes en matière administrative, dès lors que l’aveu de l’intéressé, s’il était suffisant pour retenir une infraction à l’art. 115 LEtr, ne permettait pas d’admettre que le renvoi avait été exécuté. L’intéressé, de plus, n’indiquait pas et ne démontrait pas disposer d’un droit de séjour en France.

14. Le 15 avril 2015, le conseil de M. A______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement querellé. Le TAPI n’avait pas examiné le bien-fondé de la décision de renvoi, mais uniquement l’exécution de cette dernière. Les aveux de M. A______, selon lesquels il aurait quitté la Suisse pour la France, étaient parfaitement crédibles et, dès lors que le renvoi avait été exécuté, la détention administrative n’était pas justifiée si elle était fondée sur l’art. 76 al. 1 LEtr.

15. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 10 avril 2015 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

La chambre administrative est en outre compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 2ème phr. LaLEtr).

3) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4) L’étranger faisant l’objet d’une décision de renvoi peut être placé en détention administrative en vue de l’exécution de celle-ci si des éléments concrets font craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion, en particulier parce qu’il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l’art. 90 LEtr (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr). Il en va de même si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr).

L’existence d’une décision de renvoi est une condition nécessaire à la mise en détention administrative fondée sur les art. 76 à 78 LEtr. Si, ainsi que le relève l’autorité recourante, le contrôle préjudiciel auquel doit procéder la juridiction de recours se limite à l’arbitraire, à la nullité de la décision de renvoi ou encore au cas où ce dernier apparaît manifestement impossible, illicite ou inexigible, cette juridiction dispose d’un plein pouvoir d’examen afin de vérifier qu’une décision de renvoi ait été prononcée et qu’elle déploie ses effets, c’est-à-dire qu’elle n’ait été ni révoquée, ni exécutée.

5. L’art. 7 al. 1 LEtr prévoit que l’entrée et la sortie de Suisse sont régis par les accords d’association à Schengen énumérés dans l’annexe 1 de la LEtr.

Selon l’art. 3 ch. 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l’acquis de Schengen (Directive sur le retour - RO 2010 5925), le « retour » est le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer - que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé - dans son pays d’origine, ou un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis.

En l'espèce, M. A______ ne dispose d'aucun titre de séjour qui lui permettrait de se rendre légalement dans un autre État que son pays d'origine. Il ne soutient en particulier pas disposer d’un droit de séjour en France. Bien au contraire, dès lors qu’il a déposé une demande d’asile, refusée, en Suisse, la confédération helvétique serait obligée de le réadmettre, en vertu des accords d'association à Dublin (accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un État membre ou en Suisse - AAD - RS 0.142.392.68), s’il devait être interpellé par les autorités françaises dans ce pays.

Dans ces conditions, c’est à tort que le TAPI a considéré que l’intéressé ne faisait plus l’objet d’une décision de renvoi et a procédé à une substitution des motifs de détention administrative. Le recourant fait encore l’objet, de la part du SEM, d’une décision fédérale de renvoi de Suisse, définitive, exécutoire et qui n’a pas été exécutée. La première condition posée par l'art. 76 al. 1 LEtr est ainsi réalisée.

6. Il ressort du dossier que, suite à la décision du SEM précitée, le recourant n'a entrepris aucune démarche en vue d’obtempérer à l’ordre de retourner dans son pays d’origine, seule solution dont il dispose pour quitter définitivement la Suisse. Il a concrétisé son opposition en ne communiquant pas, pendant des années, sa véritable identité. Il a, de la sorte, manqué au devoir de collaboration que lui impose l'art. 90 let. a et c LEtr. Il a en outre par la suite régulièrement démontré sa volonté de ne pas vouloir quitter la Suisse.

Ces éléments, pris ensemble, font craindre que le recourant, s'il pouvait disposer de sa liberté de mouvement, disparaisse à nouveau dans la clandestinité et puisse ainsi se soustraire aux mesures d’exécution de la décision de renvoi prise à son encontre. Le risque de fuite justifiant une détention administrative est ainsi avéré, ainsi que l’officier de police, à juste titre, l’a retenu dans sa décision initiale.

Dans ces circonstances, la détention administrative est fondée.

7. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEtr). Tel est le cas en l’espèce, au vu des pièces produites concernant la réservation d’une place dans un avion à destination de l’Algérie.

Le principe de célérité est ainsi respecté.

8. La détention en vue de renvoi ne peut excéder six mois au total (art. 79 al. 1 LEtr) et elle doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 Cst.. Elle est susceptible de prolongation pour une durée pouvant aller jusqu’à dix-huit mois au total (art. 79 al. 2 LEtr).

Ordonnée le 28 mars 2015 pour une durée de cent-vingt jours, la détention administrative du recourant respecte le cadre fixé. Elle est au surplus conforme au principe de la proportionnalité car aucune autre mesure n'apparaît propre à permettre l'exécution du renvoi de l'intéressé.

9. Au vu des considérants qui précèdent, le recours de l’officier de police sera admis et sa décision initiale sera confirmée tant dans son principe que dans sa durée - cent vingt jours - et sa motivation.

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). De même, vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l’intimé (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 avril 2015 par l’officier de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mars 2015 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mars 2015 en ce qu’il confirme la mise en détention de Monsieur A______ pour une durée de trente jours seulement ;

cela fait, confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par l’officier de police le 28 mars 2015 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de cent vingt jours, soit jusqu’au 26 juillet 2015 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’officier de police, au Tribunal administratif de première instance, à Me Imad Fattal, avocat de Monsieur A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :