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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4010/2022

JTAPI/931/2023 du 30.08.2023 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;DÉNONCIATEUR;PERMIS DE CONSTRUIRE;REMISE EN L'ÉTAT;CONSULTATION DU DOSSIER;CONCLUSIONS;TRANSACTION JUDICIAIRE
Normes : Cst.29.al2; Cst.36; LPA.77; LPA.44.al1; LPA.45; LPA.67; LPA.69; LCI.129; LCI.130
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4010/2022 LCI

JTAPI/931/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 août 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______

Madame B______ et Monsieur C______

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC


 

EN FAIT

1.             Le département du territoire (ci-après : le département) a délivré plusieurs autorisations de construire à Madame D______, portant sur la réalisation de trois villas contigües avec studio, sur la parcelle n° 1______ (divisée depuis lors en parcelles nos 2______, 3______, 4______ et 5______) de la commune de E______, respectivement les 3 septembre 2013 (DD 1______), 7 septembre 2015 (DD 2______) et 1er mars 2017 (DD 3______).

2.             L’autorisation de construire complémentaire du 1er mars 2017 (DD 3______) a fait l’objet d’un recours de la part de Madame B______ et de Monsieur C______, propriétaires de la parcelle n° 6______, et de Monsieur A______, propriétaire de la parcelle n° 7______ (ci-après : les consorts A______), situées en face de la parcelle n° 1______, séparées par une voie d’accès.

3.             Le 22 décembre 2017, sur recours des consorts A______, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a confirmé l’autorisation de construire complémentaire du 1er mars 2017 (JTAPI/1______). Ce jugement a fait l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

4.             Le 10 juillet 2018, la chambre administrative a donné acte à Mme D______, aux consorts A______ et au département de l’accord du 7 juin 2018 (recte : 28 juin 2018) qu’ils ont signé, lequel fait intégralement partie du dispositif et les a condamnés, en tant que de besoin, à exécuter leurs engagements (ATA/1______).

L’accord prévoyait que l’autorisation de construire DD 3______ était modifiée et que les plans réalisés en exécution de cette autorisation de construire étaient ceux établis le 7 juin 2018 par Monsieur F______, architecte, et signés par Mme D______, les conseils des parties et les représentants du département. Mme D______ s’engageait à réaliser ses futures constructions dans le respect des plans précités. Ces modifications avaient pour effet de rabaisser la hauteur des bâtiments prévus et, dès lors, d’en diminuer les incidences pour les tiers, quels qu’ils soient.

Les modifications portaient également sur la diminution du gabarit, la fermeture du couvert à voiture sur le côté nord-ouest, ainsi que la réalisation de six places de stationnement pour voitures et quatre pour les deux-roues.

5.             Le 26 août 2021, les consorts A______ ont sollicité l’intervention du département afin de faire exécuter l’intégralité des engagements pris par-devant la chambre administrative, lesquels n’avaient pas été respectés.

6.             Le 27 septembre 2021, ils ont détaillé leur demande. Un accès entre le garage et le studio avait été réalisé avec comme conséquence l’augmentation de la surface brute de plancher et, ainsi, l’indice d’utilisation du sol autorisé. La dimension des fenêtres n’était pas conforme à l’autorisation de construire tout comme la fermeture du couvert à voiture qui devait être de structure identique au bâti et d’une épaisseur de 5 cm. Ils subissaient dès lors des nuisances du fait de la proximité directe entre ledit couvert et leurs chambres. Le règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 17 mai 2023 (RPSFP – L 5 05.10) avait été violé puisqu’aucune place de stationnement pour deux-roues n’avait été réalisée. Le chemin piéton exigé par préavis de la direction générale des transports (ci-après : DGT) le 16 juillet 2015 n’avait pas été effectué. Huit arbres avaient été abattus au lieu des cinq autorisés. Des palissades de séparation et des panneaux brise-vue avaient été installés en limite de parcelle, sans autorisation. Ils devaient être retirés. Il était ainsi manifeste que l’attestation de conformité remise le 29 mars 2021 était erronée.

7.             Par courriel du 21 octobre 2021, le département a informé les intéressés qu’il les considérait comme dénonciateurs et que leur requête serait traitée de manière confidentielle.

8.             Le 26 octobre 2021, M. A______ a écrit au département. Il entendait que sa requête soit traitée comme une demande d’exécution des conclusions d’accord entérinées par la chambre administrative et contestait l’exclusion de ses droits de partie.

9.             Le 5 novembre 2021, le département l’a informé qu’après les vérifications d’usage, une procédure d’infraction avait été ouverte et que les plans établis le 7 juin 2018 seraient utilisés pour rétablir une situation conforme au droit.

10.         Entre le 22 novembre 2021 et le 11 septembre 2022, divers courriers ont été échangés entre les consorts A______ et le département, lequel leur déniait la qualité de partie à la procédure et refusait leur demande d’accès au dossier. La procédure de médiation ouverte auprès du préposé cantonal à la protection des données n’a pas abouti.

11.         Par décision du 12 octobre 2022, le département a refusé d’accorder la qualité de partie à la procédure aux consorts A______ et leur a dénié l’accès à l’intégralité du dossier. Un intérêt pouvait éventuellement leur être reconnu pour la fermeture de la face sud et nord du couvert à voiture, à l’exclusion des autres points dénoncés. Or, après vérifications, les travaux réalisés étaient conformes à l’autorisation de construire. Ils avaient reçu toutes les informations nécessaires et utiles à ce sujet. Leur communiquer l’ensemble des éléments figurant au dossier serait alors disproportionné.

12.         Le 21 novembre 2022, les consorts A______ ont recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant préalablement à un transport sur place, principalement à ce que leur qualité de partie à la procédure ayant pour but de s’assurer de la conformité des réalisations édifiées sur les parcelles nos 2______, 3______, 4______ et 5______ de la commune de E______ soit reconnue et qu’il soit ordonné au département de leur mettre à disposition l’intégralité du dossier de la procédure, subsidiairement à ce qu’il soit ordonné au département de leur mettre à disposition les pièces concernant la fermeture du couvert à véhicule et des places de stationnement deux-roues.

Ils n’avaient jamais reçu d’information concernant la fermeture du couvert à véhicule. Une annonce parue à la fin du printemps sur le site internet de l’agence immobilière « My Family House Sàrl » montrait la façade sud du couvert, ouverte. D’ailleurs, les plans conformes à l’exécution déposés ne représentaient aucune fermeture de façade. Dans la mesure où ils étaient au profit de conclusions d’accord qui prévoyaient leur exécution, entérinées par la chambre administrative, ils devaient se voir conférer la qualité de partie et accéder au dossier afin de s’assurer que les engagements pris avaient été réalisés. Ils subissaient des immissions sonores dues à l’absence de fermeture du couvert et de réalisation de places de stationnement pour les deux-roues, lesquels devaient longer la limite parcellaire pour se garer en face des entrées des habitations, ce qui générait un surplus de trafic.

13.         Dans ses observations du 24 janvier 2023, le département a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Il s’agissait d’une procédure d’infraction ouverte à la suite d’une dénonciation, laquelle ne donnait pas le droit d’être entendu, de consulter le dossier ni d’exiger des mesures d’instruction. La procédure disciplinaire et l’éventuelle sanction qui en découlait étaient destinées à assurer la protection de l’intérêt public et non ceux de la victime. Hormis la problématique du couvert à voiture, lequel faisait l’objet de l’accord du 28 juin 2018, les autres éléments dénoncés ne portaient que sur l’autorisation de construire délivrée et dont le contrôle, au sens de l’art. 7 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ne relevait pas de la compétence des recourants. La problématique du stationnement invoquée était indépendante des conclusions d’accord. Le fait que les places prévues soient réalisées n’avaient pas d’impact sur la possibilité que les véhicules puissent se parquer hors des places prévues et induire ainsi des nuisances pour les recourants, sans que l’autorité ne puisse intervenir à ce sujet. Les conclusions d’accord avaient été correctement exécutées dans la mesure où l’épaisseur de couvert à voiture n’était pas indiquée sur les plans modifiés et qu’aucune indication n’était apportée s’agissant de la protection sonore que la fermeture était censée apporter aux recourants. Ces derniers voulaient se substituer au département afin de s’assurer que les travaux réalisés étaient conformes à l’autorisation de construire délivrée. Ce faisant, ils ne démontraient pas être touchés de manière directe et concrète, avec une intensité plus grande que la généralité des administrés et semblaient vouloir s’arroger des prérogatives qu’ils n’avaient pas.

14.         Dans leur réplique du 16 février 2023, les consorts A______ ont notamment expliqué que le plan modifié (pièce 8 de leur chargé de pièces) comportait une échelle de 1:50 et que la largeur du trait correspondant à la fermeture du couvert à voiture, permettait de constater que l’épaisseur à réaliser était de 5 cm. L’existence de places de stationnement était incitative et leur réalisation ne pouvait que diminuer les immissions qu’ils subissaient, ce qui était suffisant pour reconnaître leur qualité de parties.

15.         Par duplique du 15 mars 2023, le département a persisté dans ses conclusions en rejet du recours. Si l’art. 11 al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) spécifiait quelles échelles devaient être utilisées sur les plans joints au département, ceux-ci n’avaient pas pour but de lui permettre de vérifier la conformité du projet soumis. Il ne s’agissait pas de plans d’exécution, beaucoup plus précis, et déposés une fois l’autorisation de construire délivrée. Contrairement à ce que soutenaient les recourants, il n’était pas possible de déterminer la largeur de la fermeture du couvert à voiture sur la base des plans visés ne varietur. Si l’autorisation de construire avait été correctement mise en œuvre et que les places de stationnement réalisées n’étaient pas utilisées, le département n’avait aucun moyen légal pour contraindre qui que ce soit à les utiliser. Sur la base de l’attestation globale de conformité, les consorts A______ avaient pu se rendre compte de la conformité des travaux réalisés aux conclusions d’accord.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Il convient tout d'abord de déterminer si les recourants ont la qualité pour recourir.

3.             À cet égard, ces derniers allèguent que leur requête s’inscrit dans une procédure d’exécution des conclusions d’accord entérinées par la chambre administrative alors que pour le département, il s’agit d’une procédure d’infraction. Il y a donc lieu de déterminer dans quel type de procédure s’inscrit le présent litige et au préalable, quel est le sort d’un jugement rendu suite à une transaction judiciaire entre l’autorité intimée et un recourant.

4.             En vertu de l’art. 69 al. 1 LPA, le tribunal est lié par les conclusions des parties mais non par les motifs qu’elles invoquent.

5.             Dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours (art. 67 al. 1 LPA). Toutefois, l’autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. En pareil cas, elle notifie, sans délai, sa nouvelle décision aux parties et en donne connaissance à l’autorité de recours (art. 67 al. 2 LPA). L’autorité de recours continue à traiter le recours dans la mesure où la nouvelle décision ne l’a pas rendu sans objet (art. 67 al. 3 LPA).

6.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (cf. ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_641/2018 du 3 août 2018 consid. 3 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1 , 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l’arrêt cité ; ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b). La contestation ne peut donc excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (cf. ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

7.             Si l’autorité attaquée et le recourant ont transigé, l’autorité de recours se contentera de prendre acte de la décision modifiée, à moins qu’elle ne soit contraire à une disposition impérative ou à l’intérêt public (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, p. 823).

8.             Les mesures administratives peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction n’est pas conforme aux autorisations délivrées (art. 130 LCI). Il peut ordonner la suspension des travaux, l’évacuation, le retrait du permis d’occupation, l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 LCI).

En l’espèce, l’arrêt de la chambre administrative du 10 juillet 2018 (ATA/1______), donnant acte aux parties de l’accord du 28 juin 2018 et qui fait intégralement partie du dispositif, a mis fin à l’instance. Dans la mesure où il n’a pas fait l’objet d’un recours, il est définitif et exécutoire et l’autorisation de construire complémentaire du 1er mars 2017 (DD 3______), modifiée par la transaction du 28 juin 2018, est entrée en force, à l’instar de toute autorisation de construire modifiée par l’autorité intimée durant la procédure de recours et n’ayant pas fait l’objet d’une transaction entre les parties. La convention judiciaire, signée par l’autorité intimée en cours de procédure, n’est en réalité qu’une reconsidération (Widerruf), de caractère souverain et unilatéral, de sa propre décision (art. 67 al. 2 LPA). Que l’autorisation de construire ait été querellée ou non ou qu’elle ait abouti suite à une convention d’accord ou une modification de la part de l’autorité intimée uniquement, n’y change rien. Par leur courrier du 26 août 2021, les recourants ont en réalité sollicité l’intervention du département, afin qu’il vérifie la conformité des travaux à l’autorisation de construire, entrée en force, suite à l’arrêt du 10 juillet 2018 (ATA/1______), conformément à la procédure prévue aux arts. 129 et 130 LCI, où il peut intervenir d’office. Suite au dit courrier, le département a ouvert une procédure d’infraction, soit une procédure de rétablissement de l’état de droit ou procédure de remise en état. Il y a donc lieu d’examiner si les recourants peuvent se voir conférer la qualité de partie à cette procédure.

9.             Ont qualité de partie les personnes dont les droits ou les obligations pourraient être touchés par la décision à prendre, ainsi que les autres personnes, organisations ou autorités qui disposent d’un moyen de droit contre cette décision (art. 7 LPA).

10.         Celui qui veut se voir reconnaître la qualité de partie doit retirer un avantage pratique d’une éventuelle annulation ou modification de la décision contestée. En d’autres termes, sa situation doit pouvoir être influencée de manière significative par l’issue de la procédure. L’intérêt digne de protection réside dans le fait d’éviter de subir directement un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre qui serait causé par la décision entreprise. Il implique que le recourant doit se trouver dans une relation spécialement étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et qu’il soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, de manière à exclure l’action populaire (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1 ; 1C_96/2017 du 21 septembre 2017 consid. 2.1 ; 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; 2C_687/2016 du 17 novembre 2016 consid. 2.2 ; 1C_198/2015 du 1er février 2016 consid. 4.1).

11.         Dans une procédure non contentieuse, la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne confère pas le droit de recourir contre la décision prise et, partant, la qualité de partie, le plaignant ou le dénonciateur devant encore pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l’autorité intervienne (cf. ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_885/2014 du 28 avril 2015 consid. 5.3 ; 2C_587/2012 du 24 octobre 2012 consid. 2.3 ; cf. aussi arrêt 2C_35/2017 du 13 janvier 2017 consid. 3).

12.         La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n’importe quel administré peut attirer l’attention d’une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l’État dans l’intérêt public. Elle est possible dans toute matière où l’autorité pourrait intervenir d’office. De manière générale, la dénonciation est un moyen informel ne conférant au dénonciateur ni le droit d’être considéré comme une partie, ni celui d’obtenir une décision à proprement parler (ATF 133 II 468 consid. 2 et références citées). Pour jouir d’une telle qualité, le dénonciateur doit non seulement se trouver dans un rapport étroit et spécial avec la situation litigieuse, mais aussi pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l’autorité intervienne (ATF 135 II 145 consid. 6.1; 133 II 468 consid. 2). En d’autres termes, le dénonciateur ayant un intérêt digne de protection à l’issue d’une procédure, a la qualité de partie si cette procédure est le seul moyen pour lui de voir protégé son intérêt digne de protection, direct et spécial (arrêt du tribunal fédéral 5A_422/2020 du 25 novembre 2020 consid. 1.4 ; ATF 120 Ib 351 consid. 3a). Tel peut être le cas du voisin dénonciateur dans une procédure de remise en état des lieux lorsqu’à cette occasion l’autorité examine la possibilité de régulariser l’installation érigée illégalement (arrêt 1C_327/2020 du 29 mars 2021 consid. 4.2 ; arrêt 1C_611/2017 du 13 novembre 2018 consid. 2).

13.         Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a admis la qualité de partie de plusieurs voisins d’un parc pour dressage de chiens, suite à leur dénonciation d’une situation non conforme et concluant à la remise en état des lieux. Dans un autre arrêt, il a confirmé la qualité de partie de riverains d’une centrale nucléaire, relevant que l’absence d’action populaire n’empêchait pas de procéder à un examen soigneux de la qualité pour recourir en tant que voisin (ATF 140 II 315 consid. 4.7). Dans un arrêt 1A.1/2005 du 11 novembre 2005, il a examiné la qualité pour recourir d’un voisin dénonciateur et l’a rejetée car l’objet du litige ne concernait plus que des parties de construction illicite, ne constituant pas une gêne, compte tenu de la distance qui l’en séparait.

Il résulte de ce qui précède que le voisin dénonciateur doit se voir conférer la qualité de partie à la procédure d’infraction si la construction prétendument édifiée de manière illicite (sans autorisation ou contraire à l’autorisation) porte atteinte à ses intérêts et s’il possède un intérêt particulier à participer à la procédure de remise en état.

14.         Le recourant n’est pas libre d’invoquer n’importe quel grief. Il ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection à invoquer des dispositions édictées dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers que si elles peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 1.1 ; 1C_386/2014 du 13 novembre 2014 consid. 1.2 ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 10 et les arrêts cités). Le tiers peut ainsi être habilité à se prévaloir de normes qui ne sont pas destinées à le protéger seulement si l’admission de son grief est susceptible de lui procurer un avantage pratique (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3-2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 du 18 septembre 2015 consid. 4 ; 1C_386/2014 du 13 novembre 2014 consid. 1.2 ; 1C_15/2014 du 8 octobre 2014 consid. 4.1 ; 1C_320/2010 du 9 février 2011 consid. 2.3). Un recours dont le seul but est de garantir l’application correcte du droit demeure en effet irrecevable, parce qu’assimilable à une action populaire (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_320/2010 du 9 février 2011 consid. 2.3 ; 1C_236/2010 du 16 juillet 2010 consid. 1.4 et 1.5 et les références citées).

15.         En l’espèce, il est indéniable que les recourants pourraient être gênés par des éventuelles nuisances sonores liées à la fermeture du couvert à voiture, situé à proximité directe de leurs habitations, ce qu’admet d’ailleurs le département. Par contre, on ne saurait le suivre lorsqu’il nie l’atteinte à leurs intérêts au motif qu’après vérifications, il avait constaté que les travaux réalisés étaient conformes à l’autorisation de construire et que toutes les informations utiles à ce sujet leur avaient été transmises. Si, comme en l’espèce, l’autorité constate la conformité des travaux à l’autorisation de construire, cette constatation doit faire l’objet d’une décision dans le cadre de laquelle le voisin dénonciateur doit être entendu (art. 41 LPA). La décision de l’autorité constatant, suite à une dénonciation par le voisin, la conformité de l’exécution avec le permis et, partant, la renonciation à exiger une nouvelle mise à l’enquête, peut être portée par ce dernier devant le tribunal. Cela vaut également si la construction n’est pas conforme au permis mais qu’il est renoncé au rétablissement de l’état de droit.

16.         Par contre et à l’instar du département, le tribunal retiendra que les recourants ne sont pas touchés spécialement, au sens de la jurisprudence précitée, s’agissant des autres points qu’ils ont dénoncés. Plus particulièrement, que les deux-roues se garent dans des places de stationnement prévues à cet effet ou non, ne les impacte pas plus que quiconque et ce, même s'il en résulte du trafic et des nuisances sonores supplémentaires.

17.         Il en découle que la qualité de partie à la procédure d’infraction sera reconnue aux recourants et partant, leur qualité pour recourir, admise.

18.         Préalablement, les recourants ont requis un transport sur place.

19.         Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1).

20.         En revanche, le droit d’être entendu ne confère pas celui de l’être oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA), ni à la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1).

21.         En l’espèce, l’objet du litige est de nature purement procédurale. Il n’est pas nécessaire d’effectuer un transport sur place pour statuer sur la qualité de partie des recourants et les conditions d’accès au dossier. La question de savoir si les travaux ont été réalisés conformément à l’autorisation de construire et/ou des conclusions d’accord n’est pas pertinente in casu et exorbitante au litige, étant rappelé que l’objet du litige correspond au contenu de la décision attaquée qui délimite strictement le cadre matériel dans lequel le contrôle juridictionnel doit s’opérer (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a).

22.         Partant, la conclusion préalable des recourants sera rejetée.

23.         Le département relève qu’il serait disproportionné de communiquer aux recourants l’ensemble des éléments figurants au dossier.

24.         Le principe de proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; ATA/1229/2018 du 16 novembre 2018 consid.5).

25.         L’accès au dossier découle du droit d’être entendu consacré à l’art. 29 al. 2 Cst. Les parties peuvent consulter les pièces du dossier qui sont destinées à servir de fondement à une décision (art. 44 al. 1 LPA). L’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (art. 45 al. 1 LPA). Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à celles qu’il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu’elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu’elles ont faites (art. 45 al. 2 LPA). La décision par laquelle la consultation d’une pièce est refusée peut faire l’objet d’un recours immédiat (art. 45 al. 4 LPA).

26.         Est déterminant le contenu de la pièce. Si elle est propre à déterminer l’évaluation d’un fait pertinent pour la décision à prendre, elle doit être accessible. Il n’est pas nécessaire qu’elle serve effectivement à la motivation de la décision, ce qui ne peut être su d’avance. De manière générale, doit être possible la consultation de toute pièce qui incorpore sur des faits pertinents un savoir, notamment technique, dont l’autorité ne disposerait pas autrement (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, p. 328 et références citées).

27.         Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (art. 45 al. 3 LPA). Cette règle, également prévue en procédure fédérale à l’art. 28 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021), a valeur constitutionnelle (ATF 115 Ia 293 cons. 5c = JdT 1991 IV 108, 116). La décision de refuser l’accès de tout ou partie du dossier doit résulter d’une soigneuse pesée des intérêts (ATF 122 I 153 consid. 6).

28.         En l’espèce, les recourants doivent pouvoir consulter les pièces du dossier relatives à la fermeture du couvert à voiture dans la mesure où elles ont pour but d’établir s’il a été réalisé conformément à l’autorisation de construire. En revanche, l’accès aux autres pièces relatives à des aspects où ils ne sont pas touchés spécialement, doit leur être dénié, afin de respecter les intérêts privés prépondérants des propriétaires des parcelles nos 2______, 3______, 4______ et 5______. Si certains documents comportent des informations sur la fermeture du couvert à voiture ainsi que sur des questions qui ne concernent pas les recourants, il y aura lieu de procéder à un caviardage afin que ces derniers n’aient pas accès aux éléments qui ne les touchent pas spécialement. Il sied de souligner que toutes les pièces propres à déterminer si le couvert à voiture a été réalisé en toute légalité, doivent leur être accessibles. Cette manière de procéder permet de respecter les intérêts en présence et le principe de proportionnalité.

29.         Il résulte de ce qui précède que le recours sera partiellement admis.

30.         Vu cette issue, un émolument réduit de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, conjointement et solidairement, dès lors qu’ils n’obtiennent que partiellement gain de cause (art. 87 al.1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnité en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA – E 5 10.03). Il est couvert par l’avance de frais. Le solde de l’avance de frais, soit CHF 500.-, leur sera restitué.

31.         Non assistés d’un mandataire professionnel, aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 novembre 2022 par Madame B______ et Monsieur C______ et Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 12 octobre 2022 ;

2.             l’admet partiellement au sens des considérants ;

3.             dit que Madame B______ et Monsieur C______ et Monsieur A______ ont la qualité de partie à la procédure ouverte ensuite de leur dénonciation du 26 août 2021 ;

4.             renvoie le dossier au département du territoire pour la suite à y donner au sens des considérants  ;

5.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 400.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

6.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 500.- ;

7.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière