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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3150/2022

JTAPI/238/2023 du 03.03.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3150/2022

JTAPI/238/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 mars 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par M. Thierry HORNER Syndicat SIT, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1995, est ressortissant du Kosovo.

2.             Par décision du 26 août 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), donnant suite à une demande déposée par M. A______ le 22 avril 2022 en vue de la régularisation de son séjour en Suisse, a refusé de soumettre son dossier au secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) avec un préavis positif sous l'angle du cas individuel d'extrême gravité et a renoncé son renvoi de Suisse, le précité étant également tenu de quitter le territoire des états membres de l'Union européenne et des Etats associés à Schengen.

S'agissant des faits de la cause, cette décision retient que M. A______, ainsi que sa mère, Madame B______ et ses sœurs C______ et D______, avaient déposé le 17 mars 2010 une demande d'autorisation d'entrée et de séjour auprès de l'Ambassade de Suisse à Pristina dans le cadre du regroupement familial avec le père de famille [Monsieur E______]. Une décision de refus avait été rendue le 8 juillet 2015. À l'appui de sa requête du 22 avril 2022, il avait fourni divers documents, dont une lettre d'accompagnement mentionnant une arrivée en Suisse le 26 novembre 2014, des lettres de recommandation, une attestation d'inscription à des cours de français auprès de l'Université ouvrière de Genève (UOG), une copie de ses contrats de travail et de toutes ses fiches de salaire depuis septembre 2018, un extrait de son casier judiciaire, une attestation d'absence d'aide financière de l'Hospice général et une attestation de non poursuite de l'office des poursuites. Le 13 avril 2021, il avait été interpellé par les services de police et prévenu infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), puis condamné par ordonnance pénale rendue le 1er septembre 2021 par le Ministère public du canton de Genève. Suite à cela, par courrier du 23 février 2022, l'OCPM l'avait informé de son intention de prononcer son renvoi de Suisse, ainsi qu'une mesure d'interdiction d'entrée.

Sur le plan juridique, son arrivée en Suisse le 26 novembre 2014, à l'âge de 19 ans, signifiait qu'il n'avait pas démontré un séjour continu de 10 ans au minimum pour une personne célibataire et sans enfants scolarisés. Il avait passé toute son enfance et son adolescence au Kosovo, c'est-à-dire les années les plus importantes pour son développement personnel et son intégration sociale et culturelle. Cela permettait de penser qu'il avait encore un cercle de connaissances et de proches susceptibles de favoriser son retour, à commencer par l'une de ses sœurs et son frère. Malgré le refus de regroupement familial du 8 juillet 2015, il était arrivé en Suisse le 26 novembre 2014, accompagné de sa mère et de sa sœur D______, lesquelles étaient actuellement titulaires d'une autorisation de séjour sous l'angle du regroupement familial depuis 2019. Le drame particulièrement horrible qu'avait vécu la famille au Kosovo, selon les explications qu'il avait données dans sa demande d'autorisation de séjour du 22 avril 2022, à savoir que l'une de ses sœurs avait été violée et assassinée alors que le père se trouvait à Genève, s'était produit selon ses explications en août 2002, c'est-à-dire six ans avant le dépôt de la demande d'autorisation de séjour du père datée du 11 février 2008 et huit ans avant la demande d'autorisation d'entrée et de séjour en Suisse pour regroupement familial déposée par la famille en 2010. Sans minimiser la gravité de ce drame et l'impact qu'il avait eu sur la famille, il paraissait peu crédible d'en faire un élément déterminant plus de 20 ans après, pour justifier une impossibilité de retourner au Kosovo, alors qu'il y était resté au moins jusqu'en 2015, soit pendant 13 ans après les faits. De plus, il n'avait pas respecté l'ordre juridique suisse puisqu'il avait été condamné pour d'autres infractions que séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. En effet, il avait été condamné pour infraction à la LCR car il avait conduit une trottinette électrique alors qu'il était démuni de permis de conduire. Il s'agissait d'une condamnation suite à un comportement dangereux avec un véhicule dont l'utilisation était réglementée, qui plus est sur les voies du tram. Cela n'apparaissait pas anodin dans l'appréciation de son respect général de l'ordre juridique suisse.

Concernant ses études en Suisse, il avait participé à des cours de langue française de septembre 2016 à juin 2017, puis de novembre 2017 à juin 2018, mais aucune attestation mentionnant son niveau de français n'avait été transmise. On pouvait dès lors partir du principe qu'il ne possédait pas le niveau de langue requis pour obtenir une autorisation de séjour. Il n'avait pas non plus démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Son intégration correspondait au comportement ordinaire pouvant être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. En outre, il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place. Il n'invoquait pas non plus l'existence d'obstacles à son retour dans son pays d'origine, ni le fait que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigé.

3.             Par acte du 26 septembre 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant principalement à son annulation et préalablement à son audition, à celle de son père et de sa sœur, ainsi qu'à celle de son employeur.

Il ne contestait pas les éléments de faits retenus dans la décision querellée, mais relevait que l'OCPM n'avait en revanche pas prise en considération un certain nombre de preuves qu'il avait produites et avait instruit le dossier uniquement à charge.

S'agissant de l'historique familial, il fallait préciser que le refus de regroupement familial en faveur de l'épouse et des enfants de Monsieur E______ [en 2015] n'avait résulté que d'une problématique de logement. Ne croyant plus en ses chances de pouvoir obtenir légalement l'autorisation de faire venir sa famille auprès de lui, mais hanté par le souvenir du drame qui avait frappé sa fille aînée et ne supportant plus de vivre éloigné de sa famille, Monsieur E______ avait décidé de faire malgré tout venir illégalement celle-ci auprès de lui. Il avait déposé une demande de regroupement familial le 24 juillet 2018, uniquement pour son épouse et sa fille D______, puisque son fils A______ était arrivé à Genève à l'âge de 19 ans. Pour finir, ce n'était qu'à la suite d'un malencontreux contrôle de police pour conduite d'une trottinette pour laquelle il ignorait devoir disposer d'un permis de conduire, que ce dernier avait fait l'objet d'une ordonnance de condamnation et avait été dénoncé pour séjour illégal.

Arrivé à Genève à l'âge de 19 ans, il n'avait pas pu s'inscrire dans une école publique, mais s'était malgré tout inscrit auprès de l'UOG pour suivre des cours intensifs de français. Parallèlement, il avait effectué différents « petits boulots », jusqu'à son engagement en qualité de mécanicien auprès de la société G______ le 1er septembre 2018. Depuis, il avait poursuivi son travail pour cette société et gagnait désormais un confortable salaire de près de CHF 6'000.- bruts par mois. Il n'avait ni dette, ni poursuite et n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale. Selon courrier de son employeur du 8 avril 2022, il était une personne « très rigoureuse, dynamique, ponctuelle et motivée dans l'exercice des missions qui lui ont été confiées. Aussi, sa capacité d'adaptation et son enthousiasme l'ont rendu opérationnel et autonome plus rapidement que la plupart des gens que j'ai pu avoir par la suite dans mon équipe. Depuis ces dernières années, il a acquis de solides compétences en matière de mécanicien, ce qui m'a conduit à le passer chef d'atelier et responsable de stocks. Il a grandement contribué au développement de la société, ce qui a augmenté significativement le chiffre. À ce jour et pour le bon fonctionnement de mon entreprise, il serait difficile de me passer des compétences de M. A______ ». En outre, par courrier du 16 juillet 2022, son employeur avait ajouté qu'il était « un très bon élément au sein de mon entreprise et que son évolution a été exceptionnelle, tant par sa motivation professionnelle que sociale. Il occupe depuis des années une place de chef d'atelier, répond aux clients par téléphone, les accueille au magasin, établit des devis et a donc acquis un excellent niveau de français durant ces dernières années ( ) ». Enfin, conformément à une attestation jointe à son recours, il avait atteint un niveau de français C1. Le fait qu'il avait été condamné pour avoir circulé avec une trottinette entamée valable ne devait pas entacher une intégration en tous points exceptionnelle en Suisse.

Il fallait encore souligner que son père, sa mère, ainsi que sa sœur D______ vivaient désormais réunis à Genève, cette dernière exprimant l'espoir de pouvoir continuer à vivre auprès de son frère.

Il résultait de l'ensemble de ces éléments que l'OCPM avait examiné sa situation de manière extrêmement restrictive, s'attachant de manière isolée aux différents critères d'appréciation, alors qu'il aurait fallu les examiner dans leur ensemble. L'OCPM avait également minimisé à dessein son intégration exceptionnelle en tentant également de le faire passer pour un profiteur. L'OCPM n'avait pas non plus tenu compte des liens qu'il entretenait avec les membres de sa famille, notamment avec sa jeune sœur D______, ni des conséquences de son renvoi de Suisse et du fait qu'il avait désormais construit toute sa vie sociale et professionnelle à Genève. Pour finir, il fallait encore tenir compte du fait que s'il n'avait pas été contrôlé au guidon d'une trottinette, il aurait pu déposer sa demande de régularisation en disposant d'une durée de séjour à Genève d'au moins 10 ans.

4.             Par écritures du 23 novembre [2022], l'OCPM a répondu recours en concluant à son rejet et en renvoyant pour l'essentiel aux motifs de sa décision.

5.             Par courrier du 19 décembre 2002 (recte : 2022) M. A______ a simplement persisté dans ses conclusions.

6.             Par courrier reçu par le tribunal le 24 janvier 2023, l'OCPM a transmis à ce dernier une ordonnance pénale rendue par le Ministère public du canton de Genève le 5 décembre 2022 à l'encontre de M. A______. Il lui était reproché d'avoir, à Genève, depuis une date indéterminée en 2022 jusqu'au 10 mai 2022, détenu à son domicile un canon de carabine semi-automatique ainsi qu'un accessoire d'arme, soit un silencieux, puis d'avoir tenté, en mai 2022, de les exporter à destination du Kosovo sans être au bénéfice des autorisations nécessaires, à savoir un permis d'exportation délivré par le secrétariat d'État à l'économie. La police cantonale vaudoise avait saisi le colis, alors que le bon de livraison rempli par le précité indiquait qu'il contenait des peluches, une souffleuse à feuilles et de la vaisselle. M. A______ avait contesté les faits qui lui étaient reprochés en expliquant qu'il avait trouvé ces éléments d'armes dans le garage d'un appartement qu'il sous-louait et qu'il ignorait que des autorisations étaient nécessaires pour les exporter, ce qui apparaissait peu vraisemblable, puisqu'il n'avait pas mentionné les objets litigieux dans le bon de livraison. Pour ces motifs, il était reconnu coupable d'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les armes ainsi qu'à l'art. 14 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires, des biens militaires spécifiques et des biens stratégiques, et condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende.

7.             Par pli du 26 janvier 2023, le tribunal a transmis ce document au mandataire de M. A______.

8.             À ce jour, celui-ci n'y a pas réagi.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant sollicite d'abord son audition par le tribunal, ainsi que celle de son père, de sa sœur et de son employeur.

4.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2 ; ATA/134/2015 du 3 février 2015 ; ATA/66/2015 du 13 janvier 2015).

Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_842/2014 du 17 février 2015 consid. 6.2 ; 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.3 ; 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.5 ; ATA/158/2016 du 23 février 2016 consid. 2a ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/118/2014 du 25 février 2014).

En revanche, le droit d'être entendu ne confère pas celui de l'être oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; 125 I 209 consid. 9b ; 122 II 464 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

L'instruction orale de la cause, en dérogation au principe de la procédure écrite institué par l'art. 18 LPA, nécessite en tout état que la requête tendant à ce que le tribunal ordonne une telle mesure soit motivée et permette de comprendre clairement en quoi l'audition d'une partie ou d'un témoin serait susceptible d'apporter des éléments que la procédure écrite ne serait pas apte à fournir (arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2017 du 3 octobre 2017 consid. 4 ; ATF 1C_122/2016 du 7 septembre 2016 ; 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.2).

5.             En l'occurrence, le recourant semble avant tout souhaiter sa propre audition, ainsi que celle de son père, de sa sœur et de son employeur, afin de confirmer différents éléments qu'il a allégués par écrit et qui tiennent principalement, d'une part, à l'attachement qu'il a avec sa famille d'origine et, d'autre part, à la qualité de son travail et de son intégration professionnelle. Or, ainsi que cela résulte des considérants qui suivent, il n'y a pas lieu de remettre en question la réalité de ces éléments. C'est uniquement sur la manière d'en apprécier la portée sur le plan juridique que se joue l'issue de la procédure. Or, l'audition des personnes concernées n'a à cet égard aucune influence. Par conséquent, il ne se justifie pas de procéder à ces auditions.

6.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière, ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de sa réintégration dans l'État de provenance (let. g).

7.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

8.             Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

9.             S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Le fait qu'un ressortissant étranger se soit toujours comporté de manière correcte, qu'il ait tissé des liens non négligeables avec son milieu et qu'il dispose de bonnes connaissances de la langue nationale parlée au lieu de son domicile ne suffit ainsi pas pour qualifier son intégration socio-culturelle de remarquable (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

10.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

11.         En l'espèce, s'agissant tout d'abord de la durée du séjour en Suisse du recourant, il est constant qu'elle a commencé le 26 novembre 2014, c'est-à-dire il y a un peu plus de huit ans, alors qu'il était âgé de 19 ans. Certes, il ne s'agit plus d'une durée particulièrement courte, mais pas encore non plus d'une durée suffisante pour considérer qu'à elle seule, elle impliquerait une véritable intégration en Suisse et qu'un renvoi constituerait de facto un véritable déracinement. Certes, comme jeune adulte actuellement âgé de 28 ans, il a certainement commencé à s'insérer dans le tissu culturel et social genevois, mais, comme l'a relevé à juste titre l'autorité intimée, il a tout de même passé la plus grande partie de son existence, et notamment les années décisives de l'enfance et de l'adolescence, dans son pays d'origine, dans lequel il a nécessairement gardé suffisamment de racines pour qu'un renvoi de Suisse ne signifie pas une perte complète de repères.

12.         S'agissant de son intégration sociale, les explications du recourant ne font apparaître aucun élément particulier, au-delà des liens affectifs qu'il a avec ses parents et sa sœur installés à Genève, ce qui est très loin de correspondre aux critères définis par la jurisprudence en la matière. Certes, le recourant dispose désormais d'un niveau de français suffisant, n'a jamais dépendu de l'assistance publique et ne fait l'objet d'aucune poursuite, ce qui constitue autant d'éléments positifs. En revanche, il a fait l'objet de deux condamnations pénales. La première, contrairement à l'appréciation de l'autorité intimée qui insiste pour faire de la conduite d'une trottinette sans permis ad hoc une infraction menaçant l'ordre et la sécurité publique, peut être considérée comme relativement anodine. En revanche, la seconde, qui correspond à l'ordonnance pénale du 5 décembre 2022, est sensiblement plus préoccupante, à un double titre. Non seulement elle concerne une exportation d'armes, ce qui constitue une menace nettement plus grave pour la sécurité et l'ordre public que la conduite illicite d'une trottinette, mais encore, l'infraction en cause a été commise en mai 2022, alors que par courrier du 23 février 2022, suite à la première ordonnance de condamnation, l'autorité intimée avait informé le recourant de son intention de prononcer son renvoi de Suisse, ainsi qu'une interdiction d'entrée. Le recourant était alors âgé de plus de 27 ans, ce qui permet également d'exclure l'acte irréfléchi d'un très jeune adulte, et il ne pouvait pas ne pas se rendre compte de la portée de son acte et des risques que cela pouvait comporter pour sa demande de régularisation déposée à peine un mois plus tôt.

13.         Quant à son intégration professionnelle, elle est certes très bonne et il apparaît a priori peu vraisemblable qu'il trouverait le moyen, en cas de retour au Kosovo, de mettre facilement à profit les compétences qu'il a acquises dans le domaine de la mécanique des trottinettes électriques. On n'est ainsi pas loin du cas d'une intégration professionnelle exceptionnelle.

14.         Ce dernier élément, ajouté à l'absence de recours à l'aide sociale ainsi qu'à l'absence de poursuites, de même qu'aux huit années désormais passées par le recourant en Suisse de l'âge de 19 à 28 ans, aurait pu conduire le tribunal à porter sur la situation du recourant un regard différent de celui de l'autorité intimée, si le précité n'avait pas fait l'objet de l'ordonnance pénale susmentionnée du 5 décembre 2022, qui remet profondément en question sa volonté de s'intégrer en Suisse en respectant les règles de base de l'ordre juridique.

15.         Au vu de ceci, la décision litigieuse apparaît bien fondée quant à son résultat.

16.         Il convient encore de préciser à ce sujet, s'agissant de l'analyse à laquelle a procédé l'autorité intimée sur la question des conséquences du retour du recourant dans son pays d'origine, qu'il n'y a pas matière à la critiquer. Certes, ce retour s'accompagnera indéniablement d'une modification du niveau de vie du recourant, qui devra en outre retrouver du travail. Cependant, aucun élément du dossier ne permet de retenir que le précité serait confronté à des difficultés sensiblement plus importantes que l'ensemble de la population restée sur place. Au contraire, son parcours professionnel depuis 2018 démontre une très bonne capacité d'apprentissage et d'adaptation, ainsi que ses compétences en matière d'encadrement. Il s'agit d'atouts dont il pourra vraisemblablement se servir au Kosovo, cas échéant en ouvrant son propre commerce dans un domaine voisin de celui dans lequel il a travaillé ces dernières années.

17.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1; cf. aussi not. ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9).

18.         En l'espèce, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour au recourant, l'autorité intimée devait en soi ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

19.         Intégralement infondé, le recours sera donc rejeté.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

21.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 septembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 26 août 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière