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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1878/2022

JTAPI/1391/2022 du 14.12.2022 ( LCI ) , REJETE

REJETE par ATA/488/2023

Descripteurs : REMISE EN L'ÉTAT;PROPORTIONNALITÉ;ZONE AGRICOLE
Normes : LAT.22; LCI.1.al1; rCL.1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1878/2022 LCI

JTAPI/1391/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 décembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Julien PACOT, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______, sis en zone agricole.

2.             Cette parcelle est issue de la division parcellaire de la parcelle n° 2______. Sur cette dernière, un pavillon préfabriqué pour week-end et vacances de 32 m2 – trois pièces - avait été autorisé le 7 août 1969 (DD 3______).

3.             Selon le registre foncier, un bâtiment d’habitation à un seul logement n° 4______ y est cadastré, d’une surface de 116 m2.

4.             Le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a adressé à M. A______ un courrier le 1er avril 2022 l’informant avoir été saisi d’une dénonciation de laquelle il ressortait que plusieurs éléments auraient été réalisés sur la parcelle sans autorisation, soit la construction du bâtiment d’habitation n° 4______, l’aménagement d’une cour au nord-ouest de la parcelle (objet A), la construction d’une terrasse le long de la façade sud du bâtiment n° 4______ (objet B) et la construction d’une terrasse le long de la façade est du bâtiment n° 4______ (objet C). Un plan localisant les objets concernés était joint.

Un délai de dix jours lui était octroyé pour transmettre ses explications et/ou observations.

5.             M. A______ a transmis ses observations le 11 avril 2022. Le bâtiment n° 4______ n’était pas une nouvelle construction car elle existait depuis le début du XXe siècle ; il y avait évidemment fait quelques rénovations et entretiens au cours des années. La cour objet A existait certainement depuis la même époque puisqu’il s’agissait du seul accès depuis le route de C______ : il entretenait ce passage et le désherbait pour pouvoir garer les voitures au sec et passer facilement avec le tracteur. Il avait enfin créé une simple terrasse en bois devant (objet B) et sur le côté (objet C) du bâtiment afin de ne plus marcher dans l’herbe ni dans les crottes des moutons tout en restant près d’eux et de mieux profiter de ce bel endroit.

Le domaine était habité depuis trois générations et la quatrième était déjà là : il avait toujours eu pour objectif d’entretenir les lieux afin d’offrir à ses enfants et petits-enfants un cadre de vie harmonieux dans la nature, entouré par ses animaux. Il était également attentif à la bonne entente avec ses voisins et n’irait pas à l’encontre de leur bien-être.

6.             Par décision du 29 avril 2022, le département a ordonné à M. A______ de rétablir une situation conforme au droit d’ici au 31 octobre 2022 en procédant à la suppression et à l’évacuation du bâtiment d’habitation n° 4______, de la cour au nord-ouest de la parcelle (objet A), de la terrasse le long de la façade sud du bâtiment n° 4______ (objet B) et de la terrasse le long de la façade est dudit bâtiment (objet C) et la remise en état du terrain naturel. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait lui parvenir dans le même délai.

Au vu de l’analyse des images aériennes de 2016 et 2020, s’agissant du bâtiment et de l’objet A, il ne pouvait que constater que le bâtiment avait été reconstruit. La réalisation des éléments listés était soumise à l’obtention d’une autorisation de construire et, vu la situation de la parcelle hors de la zone à bâtir et partiellement en zone d’assolement, le dépôt d’une requête en autorisation de construire était superfétatoire : dès lors, les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l’état.

La sanction administrative était en l’état réservée.

7.             Par acte du 7 juin 2022, M. A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et au renvoi de la cause au département pour qu’il ordonne la remise en état du bâtiment n° 412 conformément à l’autorisation de construire 3______ délivrée le 21 août 1969 et autorise le maintien de la cour située au nord-ouest de la parcelle, subsidiairement qu’il ordonne la remise en état du bâtiment n° 4______ conformément à l’autorisation de construire 3______ délivrée le 21 août 1969 et autorisant le maintien de la cour située au nord-ouest de la parcelle, sous suite de frais et dépens. Il a produit un chargé de pièces.

Il était camionneur et éleveur de moutons et avait acquis les parcelles n° 1______ et n° 5______ dans le but notamment d’y élever des moutons. Il avait entrepris certains travaux et agrandissements sur le pavillon sans autorisation de construire préalable, ce qu’il regrettait sincèrement à ce jour, étant précisé qu’il n’avait jamais réalisé le caractère illicite, la portée et les conséquences de ses démarches avant l’intervention de son conseil. Il pensait honnêtement qu’il avait procédé à de simples travaux d’entretien et de rénovation qui ne nécessitaient aucune demande d’autorisation de construire.

Le sous-sol du bâtiment litigieux avait été maintenu dans son état d’origine, ce que confirmait les photographies aériennes auxquelles le département faisait référence ; en revanche, il était vrai que de nouvelles fondation en béton et des façades en bois avaient été construites, le rez-de-chaussée avait été transformé et des aménagements extérieurs ajoutés.

Il demandait à être condamné à remettre le bâtiment conformément à l’autorisation de construire du 21 août 1969 et qu’il puisse garder la cour nord-ouest (objet A) dès lors qu’elle était d’origine et qu’il s’agissait du seul accès depuis la route de C______.

8.             Le département a répondu au recours le 8 août 2022, concluant à son rejet. Il a déposé son dossier.

Les constructions et aménagements litigieux n’étaient manifestement pas conformes à la zone d’affectation puisqu’ils n’étaient pas nécessaires à une exploitation agricole ou horticole productrice ; le recourant ne démontrait d’ailleurs pas le contraire. La consultation des photographies aériennes permettait de constater que le bâtiment d’origine avait été complètement démoli pour être remplacé par le bâtiment actuel : or, la démolition avait eu lieu sans autorisation et la jurisprudence retenait que la démolition volontaire d’un bâtiment sans autorisation faisait perdre tout droits acquis à son égard. Le recourant ne pouvait ainsi se prévaloir de l’autorisation de construire délivrée en 1969. Par ailleurs la surface actuelle du bâtiment représentait à peu près le double de la surface préexistante et le recourant reconnaissait avoir transformé le rez-de-chaussée. Dès lors le bâtiment n° 4______ devait être démoli.

Le recourant reconnaissait avoir construit deux terrasses qui n’avaient pas été autorisées, pour ne plus marcher dans l’herbe ni dans les crottes de ses moutons tout en pouvant rester près d’eux : elles devaient dès lors être démolies.

S’agissant de la cour nord-ouest, il ressortait des vues aériennes de 2001 qu’elle n’existait pas lors de la délivrance de l’autorisation de construire du 21 août 1969 ; elle apparaissait sur la photo aérienne de 2015. Le recourant ne revendiquait pas une prétendue nécessité en lien avec une quelconque activité agricole, du reste nullement démontrée et il reconnaissait implicitement ne disposer d’aucune autorisation de construire permettant le stationnement de véhicules. Elle devait dès lors être remise en état.

9.             Par courrier du 29 août 2022, le conseil du recourant a indiqué que ce dernier entendait déposer une demande de renseignement dans l’optique d’une modification des limites de zones concernant sa parcelle, d’ici le fin septembre 2022.

Il sollicitait dès lors la suspension de la procédure en application de l’art. 78 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

10.         Le département s’est déterminé le 12 septembre 2022, considérant qu’il n’y avait pas lieu de suspendre la procédure.

11.         Le recourant a répliqué le 21 octobre 2022.

La maison n’avait jamais été entièrement détruite puis reconstruite, ayant simplement entrepris des travaux de transformation en 2016 ; il se justifiait ainsi de garantir la situation acquise découlant du permis de construire du 21 août 1969. Il en allait de même de la cour au nord-ouest de la parcelle, laquelle était d’origine. Il concluait ainsi à être condamné à la remise en état du bâtiment conformément à l’autorisation de construire n° 3______.

Le 20 octobre 2022, il avait déposé une demande de renseignements auprès du département enregistrée sous le n° 6______, laquelle visait au déclassement partiel de la parcelle n° 1______ en zone 4BP. Si ce déclassement devait être admis, il rendrait compatibles les constructions et installations y érigées avec leur zone d’affectation, et ce dans leur état actuel. Ainsi, l’intégralité de l’ordre de remise en état perdrait toute légitimité et portée. Dès lors, une suspension devait être prononcée en application de l’art. 14 al. 1 LPA.

12.         Le DT a dupliqué le 17 novembre 2022. La demande de renseignement avait fait l’objet d’un renvoi d’entrée en date du 4 novembre 2022 et il n’avait pas connaissance d’une nouvelle demande. Cela n’avait de toute manière pas d’influence sur sa position.

Pour le surplus il renvoyait à ses écritures de réponse.

13.         Par courrier du 24 novembre 2022, le recourant a transmis un accusé de réception de l’office de l’urbanisme du 23 novembre 2022 confirmant l’enregistrement du dossier n° DR 7______ – demande de renseignements relative à une modification du régime de zone partiel de la parcelle n° 1______ de la commune d’Avully.

14.         Le DT a indiqué, le 5 décembre 2022 que le dépôt de cette demande n’avait pas d’influence sur sa position. Il maintenait ainsi ses conclusions du 8 août 2022.

15.         Le contenu des pièces sera repris dans a partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

4.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/285/2013 du 7 mai 2013), de sorte qu'il peut admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (cf. ATF 135 III 397 consid. 1.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 2.1).

5.             A titre préliminaire, le recourant sollicite la suspension de l’instruction de la cause en attendant la réponse du département sur la demande de renseignements relative à une modification du régime de zone de la parcelle n° 3704 de la commune d’Avully enregistrée le 23 novembre 2022.

6.             Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur cette question.

Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité serait utile à l'autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l'autorité saisie n'ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d'une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l'interdiction du déni de justice formel fondé sur l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d'attendre la décision d'une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d'autres motifs (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c).

7.             En l’espèce, la demande de renseignements déposée auprès de l’office de l’urbanisme du département porte sur la possibilité de modifier le régime de zone sur laquelle se situe la parcelle n° 1______. Or, une telle demande n’a pas pour finalité la délivrance d’une décision formatrice de droits et obligations mais simplement une information sur la faisabilité du projet de modification de zone. Dès lors qu’au terme de celle-ci, la situation juridique de la parcelle ne sera aucunement modifiée, il ne peut être retenu que l’issue de la présente procédure dépend de celle de la demande de renseignement.

Il n’y a dès lors pas lieu de suspendre l’instruction de la présente procédure en attendant l’issue de ladite demande de renseignements.

8.             Le recourant ne conteste pas la décision en ce qu’elle ordonne la suppression et l’évacuation de la terrasse le long de la façade sud du bâtiment n° 4______ (objet B), la suppression et l’évacuation de la terrasse le long de la façade est du bâtiment n° 4______ (objet C) et la remise en état du terrain naturel.

Seule est donc litigieuse la suppression et l’évacuation du bâtiment n° 4______ et de la cour nord-ouest de la parcelle (objet A).

9.             Selon l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente.

10.         L'art. 1 al. 1 LCI prévoit que sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a); modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b) ; modifier la configuration du terrain (let. d) ; aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 1ère phrase LCI).

11.         L'art. 1 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05 01) précise que sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment, les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, chenils (let. b).

12.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).

13.         De jurisprudence constante (ATA/463/2021 du 27 avril 2021 consid. 5b ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 7 ; ATA/330/2021 du 16 mars 2021 consid. 3c), pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur, par comportement ou par situation. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux pour la zone à bâtir. La situation diffère hors de la zone à bâtir, puisque depuis avril 2021, le Tribunal fédéral a renoncé à appliquer aux constructions illégales situées en zone agricole le délai de péremption de trente ans, à l’échéance duquel l’État ne peut plus exiger la démolition d’une installation pour rétablir une situation conforme au droit (arrêt 1C_469/2019 du 28 avril 2021). L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses.

14.         Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (cf. Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1; arrêt 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 p. 40; arrêt 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c publié in ZBl 2002 p. 364). Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé (arrêt 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1). S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (cf. ATF 132 II 21 consid. 6.4 p. 40; 111 Ib 213 consid. 6b p. 225; arrêt 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c in ZBl 2002 p. 364) ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêt 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3).

15.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées ; ATA/738/2017 du 3 octobre 2017 consid. 8).

16.         Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5a ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

17.         Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/213/2018 précité consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).

18.         L'autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/213/2018 précité consid. 11; ATA/738/2017 précité consid. 8).

19.         Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d'enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : une palissade en bois, un mobil home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d'une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (ATF 1C_482/2017 précité), un paddock et un abri pour chevaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018). De manière générale dans l'examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l'importance de préserver la zone agricole d'installations qui n'y ont pas leur place. Le Tribunal fédéral a déjà énoncé concernant le canton de Genève, que "s'agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l'aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur celui, privé, du recourant à l'exploitation de son entreprise sur le site litigieux" (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011, consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/68/2013 du 6 février 2013).

La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a, pour sa part, confirmé l'ordre de remise en état d'une clôture en zone agricole au motif que l'intérêt public à la préservation des terres agricoles, comprenant de plus des surfaces d'assolement, ainsi que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doivent l'emporter sur l'intérêt privé du recourant à mettre en place diverses installations non autorisées et non autorisables sur la parcelle (ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018 consid. 10). Dans un autre arrêt, elle a également confirmé un ordre de démolition, en zone à bâtir, s'agissant de travaux dans une villa qui ne figuraient pas dans l'autorisation de construire délivrée par l'autorité et relevant que le fait qu'une remise en état entraînerait aujourd'hui des contraintes, notamment en termes financiers, n'était pas déterminant, cette situation étant uniquement due à l'attitude de la recourante, qui s'était affranchie de l'obligation de solliciter au préalable une autorisation de construire pour les installations litigieuses (ATA/213/2018 précité consid. 12).

Le Tribunal fédéral a enfin déjà souligné qu'il était dans l'intérêt public d'appliquer les règles en vigueur dans un cas de démolition volontaire suivie d'une reconstruction, ce cas se distinguant clairement de celui d'une transformation partielle ou d'une rénovation, où la protection de la situation acquise pouvait être déduite du droit constitutionnel (arrêt du Tribunal fédéral 1P.56/2006 du 22 février 2007, consid. 2.3).

20.         Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

21.         En l’espèce, le recourant reconnait avoir procédé sans autorisation à des travaux et des agrandissements sur le bâtiment n° 4______: il a ainsi réalisé de nouvelles fondations en béton, construit de nouvelles façades en bois, transformé le rez-de-chaussée et ajouté des aménagements extérieurs. Il indique toutefois ne pas avoir entièrement détruit le bâtiment pour l’avoir ensuite reconstruit mais n’avoir procédé qu’à des travaux de transformation. Or, il ressort clairement des photographies aériennes consultables sur le Système d'Information du Territoire à Genève que le bâtiment n° 4______ ne correspond plus à celui autorisé le 21 août 1969 tant en ce qui concerne ses dimensions - passant de 32 m2 à 116 m2 - que son implantation et orientation : il en découle qu’il ne peut y avoir eu que démolition du bâtiment puis reconstruction de celui-ci pour parvenir à une telle modification du bâtiment, étant rappelé que de nouvelles fondations ont été créées.

Dès lors qu’il y a eu démolition volontaire du bâtiment puis reconstruction, eu égard à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le recourant ne peut plus faire valoir de droit acquis sur ladite construction, et donc l’autorisation de construire délivrée en 1969. C’est donc à juste titre que le département en a demandé la démolition.

Concernant la cour située au nord-ouest de la parcelle (objet A), contrairement à ce que prétend le recourant, elle n’existait pas au moment de la délivrance de l’autorisation de construire de 1969. Selon les photographies aériennes, elle apparait clairement entre 2016 et 2017, soit à la fin de la construction du nouveau bâtiment. N’ayant jamais été autorisée et ne servait pas à l’exploitation agricole – ce que le recourant ne prétend du reste pas – elle devra également être supprimée.

Pour le surplus et comme déjà indiqué, la remise en état des autres éléments présents sur la parcelle (objets B et C et remise en état du terrain naturel) ne sont pas contestés par le recourant.

22.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté et la décision confirmée.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 29 avril 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Patrick BLASER et Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière