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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/290/2022

JTAPI/1178/2022 du 03.11.2022 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : AFFECTATION
Normes : LAT.22.al1; LCI.145.al3; RPUS.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/290/2022 LCI

JTAPI/1178/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 novembre 2022

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Manuel BOLIVAR, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______ SA, représentée par Me Thierry ADOR, avocat, avec élection de domicile

C______ SA, représentée par D______ SARL, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             C______, représentée par E______ SA, est propriétaire de la parcelle 1______, feuille______, de la commune de F______, sur laquelle est érigé un bâtiment d’une surface de 485 m2, composé de locaux d’habitations et, au rez-de-chaussée et au premier étage, d’activités commerciales, le long de la rue de G______, de la rue des H______ et l'avenue de la I______.

2.             Un premier contrat de bail a été conclu le 31 mai 2012 entre le C______, propriétaire, et J______ SA, locataire, représentée par Messieurs K______ et L______, pour la période du 1er juin 2012 au 31 mai 2017, pour des locaux commerciaux d'environ 194 m² situés au rez-de-chaussée et au premier étage de l'immeuble, avec entrée privative à l'avenue de la I______, les locaux étant destinés à « l'activité professionnelle du locataire, soins du corps-massages ».

3.             Le 3 novembre 2017, les deux parties ont renouvelé ce contrat pour la période du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2022, sans aucun changement hormis une hausse du loyer.

4.             Le 7 février 2018, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (devenu depuis lors le département du territoire, ci-après : le DT ou le département) a enregistré sous n° APA/2______ un formulaire de demande d'autorisation de construire en procédure accélérée. La rubrique « description » était complétée par la mention « demande changement des horaires d'ouverture ». Cette demande était accompagnée d'une lettre du 4 janvier 2018 par laquelle le mandataire du projet indiquait remettre au département une « APA avec demande de changement d'affectation soit modification des horaires d'ouverture d'un commerce pour activité de salon de massage, activité déjà pratiquée dans ces locaux depuis 2012 (voir baux ci-joint) ». Il était en outre précisé que « devant la remise en question de l'affectation commerciale de ces locaux », le conseil de la propriétaire s'était vu préciser par le service juridique du département que « le changement d'affectation sollicité par le DALE ne concerne dans le cas présent par la destination commerciale des locaux, mais uniquement les heures d'ouverture de ces derniers et que l'exploitation des locaux en salon de massage était uniquement en rapport avec les heures d'ouverture nécessitant une demande de changement d'affectation ( ) ».

5.             Le dossier d'autorisation de construire contient en outre un courrier adressé au département le 22 novembre 2017 par le conseil de la propriétaire, se référant au fait que le département semblait contester la destination commerciale des locaux commerciaux de 190 m² situés au rez-de-chaussée et au premier étage de l'immeuble. Il était rappelé que depuis les années 1960, ces locaux, qui disposaient d'une entrée privative sur l'avenue de la I______, avaient toujours été exclusivement loués à des fins commerciales. Le département était dès lors invité à rendre cas échéant une décision motivée en expliquant les motifs pour lesquels il exigeait du locataire qu'il sollicite une autorisation pour obtenir une modification de l'affectation des locaux afin que ceux-ci puissent être utilisés à des fins commerciales.

6.             Le dossier ne contient pas la réponse que le département aurait apportée à cette lettre.

7.             Tous les préavis rendus par les instances consultées indiquent sous la rubrique « Description de l'objet » la mention « Changement des horaires d'ouverture d'un salon de massage au rez-de-chaussée et au 1er étage ». L'instance LDTR (loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 - L 5 20), sous la rubrique remarque, a noté « Etude de cas en séance interne, changement d'affectation ».

8.             Le 2 mars 2018, le département a accordé l’autorisation APA/2______ et l’a publiée le même jour dans la feuille d’avis officielle (ci-après : FAO), cette publication indiquant sous la rubrique « Nature de l'ouvrage » la mention « Changement des horaires d'ouverture d'un salon de massage au rez-de-chaussée et au 1er étage ». Cette autorisation n'a pas fait l'objet d'un recours.

9.             Le 20 octobre 2021, B______ SA a déposé auprès du département, pour les mêmes locaux, une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée pour transformation/rénovation/assainissement, enregistrée sous n° APA/3______.

10.         Le 10 décembre 2021, cette autorisation a été accordée par le département et publiée le même jour dans la FAO.

11.         Le 25 janvier 2022, A______ (ci-après : la recourante), sise au _____ rue des M______, a formé recours contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Le recours était signé par Monsieur N______, président de l’association.

L’association était directement concernée, car les membres de l’association et leurs enfants fréquentaient le lieu de culte situé à moins de 10 m du salon de massages « érotiques » qui souhaitait rouvrir et dont les horaires d’ouvertures devaient être étendus. De plus, des cours de religion étaient dispensés au sein du centre U______ aux enfants, le centre étant situé en face du futur salon de massages « érotiques ». Ainsi, l’association avait un intérêt digne de protection à contester ladite APA.

12.         Par courrier du 11 février 2022 adressé au tribunal, la société O______ Sàrl (mandataire responsable de la gestion technique et locative de l’immeuble sis au rue des H______) a indiqué que la demande de travaux du locataire avait été approuvée par la société propriétaire et que la réalisation de ces derniers était exclusivement à la charge du locataire.

13.         Par courrier du 10 mars 2022, la recourante a transmis au tribunal les statuts de l’association, le procès-verbal de l’assemblée générale élisant le comité et le procès-verbal du comité ayant décidé de recourir contre l’APA/3______.

14.         Selon les statuts, adoptés en assemblée générale le 25 avril 2000, l'association a pour but l'organisation de manifestations et activités artistiques et culturelles, ainsi que de séminaires entre artistes, peintres et écrivains.

15.         Par courrier recommandé du 11 mars 2022, le tribunal a accordé un délai au 25 mars 2022 à la recourante pour produire la liste de tous les membres actuels de l’association, ainsi que leurs adresses.

16.         Dans ses observations du 21 mars 2022 adressées au tribunal sous la plume de son conseil nouvellement constitué, la recourante a conclu à la nullité des autorisations de construire APA/2______ et APA/3______ et au constat que les procédures d’autorisation susmentionnées et la publication des décisions étaient viciées.

Un salon de massage « érotique » était exploité dans les locaux au premier étage et rez-de-chaussée depuis 2012. Depuis 1960, les locaux avaient été exploités en habitations et commerces (notamment des arcades au rez-de-chaussée) et aucune demande de changement de destination ou de changement d’affectation des locaux en « salon de massage » n’avait jamais été formée. Ainsi, en 2012 la Ville de Genève n’avait pas été consultée au sujet du changement de destination. Elle avait été consultée uniquement pour le changement d'horaire sous l’APA/2______, ce qui n’avait pas provoqué de réaction, car le règlement relatif aux plans d’utilisation du sol de la Ville de Genève ne régissait pas de la même manière les changements de destination des arcades ou commerces en « salon de prostitution », que les seuls « changements d’horaires ». Ainsi, à l’examen des autorisations et des demandes APA/2______ et APA/3______, on constatait qu’aucune autorisation n’avait jamais été sollicitée ni délivrée pour l’aménagement d’un salon de massage dans les locaux.

17.         Par courrier du 5 avril 2022, suite à une demande du tribunal, la recourante a transmis au tribunal la liste des membres actuels de l’association et leur code postal.

Les membres étaient au nombre de 6 : M. N______ habitant au ______ Genève, M. P______ habitant au ______ Veyrier, Monsieur Q______ domicilié au Maroc, Monsieur R______ habitant au ______ Genève, Monsieur S______ habitant au ______ Thônex et Monsieur T______ habitant au ______ Chambésy.

Ces membres étaient directement concernés par l’autorisation APA/3______, car ils fréquentaient avec leur famille la mosquée se trouvant à moins de 10 m du salon de massage « érotique ». La mosquée (Centre U______) était située rue des H______ et les locaux qui faisaient l’objet des autorisations litigieuses étaient situés rue des H______. Ainsi, en leur qualité de fidèles du lieu de culte riverain, les membres (à l’exception de M. Q______) pouvaient faire valoir le caractère contraire au droit de l’autorisation querellée.

18.         Dans ses observations du 14 avril 2022, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours à l’encontre de sa décision du 10 décembre 2021, avec suite de frais et dépens.

La recourante n’avait pas la qualité pour recourir, car au regard des statuts qu’elle avait produits, elle ne se vouait pas par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection du patrimoine ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites, comme l'exigeait la loi.

La qualité pour recourir en tant que simple administrée ne semblait pas réalisée non plus au regard des pièces produites par la recourante. S’agissant de la personnalité juridique, les statuts qui avaient été remis ne paraissaient ni datés, ni signés. Seule la signature de M. N______ avait été légalisée. Il découlait du procès-verbal de l’assemblée générale du 2 janvier 2019, que les membres du comité étaient au nombre de sept. Ce procès-verbal avait été signé uniquement par le président et le vice-président, il n’indiquait pas qui était présent. Dans le procès-verbal de l’assemblée générale du 24 janvier 2022, il avait été décidé à l’unanimité de recourir contre l’APA/3______. Ce document était signé uniquement par le président et le vice-président et il n’indiquait pas qui était présent lors de cette assemblée. Par ailleurs, les membres actuels étaient au nombre de six et semblaient être les mêmes que ceux du comité, à l’exception de M. S______.

De plus, les statuts prévoyaient, s’agissant de la tenue de l’assemblée générale, qu’elle était valablement constituée pour autant que le nombre de membres présents soit supérieur à celui des membres du comité. Les votations se faisaient à la majorité. Il apparaissait que l’assemblée générale du 24 janvier 2022 n’était pas valablement constituée, car le nombre de membres présents était inférieur au nombre des membres du comité (étant précisé qu’il n’y avait pas de liste de présence).

En outre, le but de l’association concernait notamment l'organisation de manifestations et activités artistiques ou culturelles, de même que celle de séminaires entre artistes, peintres et écrivains. Elle ne visait donc pas la promotion, la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, ni de ses activités religieuses.

Enfin la liste des membres actuels ne contenait pas leur adresse, mais uniquement le code postal de leur domicile et aucun d’entre eux ne se situait « dans la commune de l’APA querellée, soit aux H______».

19.         Dans ses observations du 21 avril 2022, B______ SA (ci- après : l’intimée) a conclu à l’irrecevabilité et au rejet du recours du 25 janvier 2022.

La recourante n’alléguait pas être propriétaire de la parcelle sise rue des H______, ni exploitante du Centre U______ qui y était situé, voisin de la parcelle qui était exploitée par l’intimée, sise avenue de la I______. La mosquée n’était pas située à moins de 10 m du salon de massage exploité par l’intimée, mais à plus du double. Il y avait une absence totale de nuisances, du fait que ce salon était exploité exclusivement à l’intérieur des locaux. Les horaires d’ouverture affichés par le Centre U______ s’étendaient entre 4h00 et 11h00 du matin, sous réserve du vendredi où la fermeture était prévue à 15h00. Les griefs que la recourante avait tirés des horaires d’ouverture étendus du salon de massage, lequel était usuellement fréquenté en soirée, étaient privés d’objet. S’agissant des griefs relatifs au changement d’affectation et à l'extension d'horaire prévus au titre de l’autorisation de construire APA/2______, ils étaient irrecevables, dès lors que cette autorisation était entrée en force en 2018 sans qu’aucun recours n’ait été formé dans le délai légal. Pour ces motifs, la recourante n’avait pas un intérêt digne de protection.

La recourante ne disposait pas non plus de la qualité pour recourir, elle n’avait pas démontré que ses statuts avaient pour but la défense de ses membres, ni que ces derniers étaient spécialement touchés en l’absence de l’indication d’adresses précises et vérifiables, situées à proximité de l’avenue de la I______. De plus, rien n’indiquait que les membres fréquentaient le Centre U______ sis à la rue des H______. Il était plus vraisemblable que ces derniers fréquentaient la grande mosquée située au ______, plus proche de leur domicile respectif.

20.         Par courrier du 2 mai 2022, le tribunal a invité le département, suite aux écritures de la recourante plaidant la nullité de l'autorisation litigieuse en raison de l'absence autorisation originelle sur le changement d'affectation des locaux, à produire cette autorisation.

21.         Le département a répondu le 16 mai 2022 en produisant le dossier de l'APA/2______ (cf. ci-dessus consid. 4) et en précisant que la première autorisation portant sur la parcelle en cause portait le n° DD 4______ et concernait la construction de l'immeuble. Comme l'indiquait le plan du rez-de-chaussée, l'immeuble comportait dès l'origine des activités commerciales, notamment au rez-de-chaussée. Cela était également corroboré par le cahier de répartition des locaux du 1er février 1985, joint en annexe. Différentes autorisations avaient été délivrées depuis lors, en particulier l'APA/2______ portant sur le changement des horaires d'ouverture d'un salon de massage au rez-de-chaussée et au premier étage. Il découlait clairement de la lettre d'accompagnement du 4 janvier 2018 que la demande concernait une « demande de changement d'affectation », soit la modification des horaires d'ouverture d'un commerce pour activité de salon de massage. Les instances de préavis ne s'y étaient d'ailleurs pas trompées, l'instance LDTR ayant par exemple d'emblée relevé, dans son préavis du 15 janvier 2018, qu'il s'agissait d'un changement d'affectation. Une autorisation portant sur le changement d'affectation avait ainsi bien été délivrée.

22.         Par courrier du 8 juin 2022, la recourante a relevé que le département n'était pas capable de communiquer l'autorisation originelle de changement d'affectation des locaux. Cette transformation en salon de massage datait de 2012, comme cela découlait de la lettre du 4 janvier 2018. Aucune autorisation n'avait été sollicitée à cette occasion. L'ensemble de la procédure APA/2______ portait sur un changement des horaires d'ouverture et non sur un changement d'affectation ou de destination, comme l'indiquait non seulement la lettre d'accompagnement du mandataire du 2 février 2018, mais également le formulaire de demande d'autorisation, ainsi que l'ensemble des préavis. La publication de l'autorisation, le 2 mars 2018, indiquait que l'objet de cette dernière était un « changement des horaires d'ouverture d'un salon de massage ». La recourant était ainsi en droit de conclure à l'annulation, respectivement au constat de la nullité des autorisations APA/3______ et APA/2______. L'absence autorisation originelle de transformation des locaux en salon de massage était un vice grave qui ne pouvait être guéri par une demande d'autorisation changement des horaires d'ouverture.

23.         Par courrier du 14 juin 2022, le département a contesté le point de vue de la recourante selon lequel il n'aurait pas fourni au tribunal l'autorisation originelle. Il se référait à cet égard aux explications qu'il avait fournies dans ses écritures du 16 mai 2022. La présente procédure portait sur la décision relative à l'APA/3______ et non sur l'autorisation APA/2______ qui était entrée en force et ne pouvait être remise en question dans ce cadre.

24.         Par duplique du 14 juillet 2022, l'intimée a tout d'abord repris ses arguments précédents au sujet de l'irrecevabilité du recours. Par ailleurs, contrairement à ce que soutenait la recourante, l'APA/2______ portait précisément « sur une demande de modification des horaires d'exploitation dans la mesure de l'exploitation d'un salon de massage, préavisé favorablement par les instances compétentes ». On ne pouvait ainsi que s'en rapporter aux explications données par le département dans ses écritures du 16 mai 2022. Enfin, aucun recours n'ayant été déposé à l'encontre de l'APA/2______, celle-ci était entrée en force et ne pouvait être remise en cause en l'absence de nullité manifeste, a fortiori dans une procédure introduite par « une association sans personnalité juridique » qui n'avait manifestement pas la qualité pour agir, ni même pour défendre les intérêts de ses membres.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             La question se pose tout d'abord, en principe, de la recevabilité du recours, cette question étant en l'espèce débattue entre les parties sous l'angle de la qualité pour recourir de l'association en cause.

3.             Cependant, la recourante a soulevé la question de la nullité de la décision litigieuse, ainsi que de l'APA/2______, constat qui doit être effectué d'office en tout temps par l'ensemble des autorités étatiques (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 4A_142/2016 du 25 novembre 2016 consid. 2.2).

4.             Par conséquent, en l'espèce, la question de la nullité de la décision litigieuse doit être examinée par le tribunal indépendamment de la recevabilité du recours. Ce n'est qu'en l'absence de nullité de cette décision que l'examen de son annulabilité sera précédé de celui de la recevabilité du recours.

5.             La nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Si de graves vices de procédure, tels que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision, peuvent constituer des motifs de nullité, des vices de fond n'entraînent qu'à de très rares exceptions la nullité d'une décision (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 138 III 49 consid. 4.4.3 ; 137 I 273 consid. 3.1 ; 136 II 489 consid. 3.3 ; 133 II 366 consid. 3.2 ; ATA/845/2022 du 23 août 2022 ; ATA/835/2022 du 23 août 2022).

6.             De jurisprudence constante, une autorisation délivrée à la suite d'une procédure accélérée (APA) en lieu et place de la procédure ordinaire (demande définitive – DD) est considérée comme nulle. La publication des demandes d'autorisation (art. 3 al. 1 LCI) compte au nombre des dispositions impératives de droit public (ATA W. du 4 septembre 1974 in RDAF 1975 p. 33 ss). Le fait que d'autres publications sont prévues par la loi ne saurait modifier la gravité des vices sans enlever aux prescriptions de droit public contenues dans la LCI leur caractère impératif. La procédure d'APA est de nature à empêcher toute opposition émanant des voisins, des tiers intéressés et des associations de sauvegarde du patrimoine. Même dans les cas où les intéressés se sont manifestés par la suite, ils ont perdu un degré de juridiction. Il est d'intérêt public de priver l'acte vicié de tout effet juridique en raison de l'importance qu'il y a de ne porter aucune atteinte aux garanties de propriété ou de voisinage (ATA/725/2013 du 29 octobre 2013 consid. 5c ; ATA/599/2007 du 20 novembre 2007 consid. 2 ; ATA/303/2000 du 16 mai 2000 consid. 5 et les références citées). L'application de la procédure accélérée au lieu de la procédure ordinaire constitue un vice particulièrement grave, de sorte qu'il s'agit d'un cas de nullité (ATA/725/2013 précité ; ATA/303/2000 du 16 mai 2000 consid. 5 et les références citées).

Par ailleurs, une autorisation postérieure à une autorisation souffrant d'un vice juridique grave, mais non contestée à l'époque, ne saurait bénéficier d'un « effet guérisseur » et ne peut dès lors être délivrée sous la forme d'une APA, mais doit l'être sous la forme d'une DD si la décision d'origine aurait dû être traitée selon cette procédure et ne l'a pas été (ATA/462/2011 du 26 juillet 2011).

7.             Selon la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Le droit cantonal règle les exceptions prévues à l'intérieur de la zone à bâtir (art. 23 LAT).

Sur tout le territoire du canton de Genève, une autorisation de construire est nécessaire notamment pour élever en tout ou en partie une construction, pour rebâtir une construction, ou encore pour modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (art. 1 al. 1 LCI).

Aux termes de l'art. 2 LCI, les demandes d'autorisation sont adressées au département (al. 1).

Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI). Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation ait été délivrée (art. 1 al. 7 LCI).

8.             Le terme « transformation » de l'art. 22 al. 1 LAT vise également le changement d'affectation, soit la modification du but de l'utilisation, même lorsqu'il ne nécessite pas de travaux de construction (ATA/1346/2015 du 15 décembre 2015 et les références citées ; au sujet de l'art. 22 LAT : ATF 139 II 134, 140 consid. 5.2 ; au sujet de l'art. 24 LAT : ATF 119 Ib 222, 227 consid. 3a ; ATF 113 Ib 219, 223 c. 4d ; ATF 108 Ib 359, 361 consid. 3a ; Alexander RUCH, art. 22, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (VLP-ASPAN), 2009, p. 19 n. 34 ad art. 22 LAT ; ATF 132 II 21, 42 consid. 7.1.1 et ATF 127 II 215, 218-219 consid. 3a au sujet de l'art. 24al. 2 aLAT).

9.             Le règlement relatif aux plans d'utilisation du sol (PUS) de la Ville de Genève adopté par le Conseil municipal le 20 février 2007 et approuvé par le Conseil d'État le 27 février 2008 (RPUS - LC 21 211) a pour but, en vue de favoriser la qualité de vie en ville, de maintenir et rétablir l'habitat, tout en favorisant une implantation harmonieuse des activités qui garantisse le mieux possible l'espace habitable et limite les charges sur l'environnement qui pourraient résulter d'une répartition déséquilibrée des affectations (art. 1 al. 1 RPUS). À cette fin, il répartit notamment en logements et en activités les surfaces brutes de plancher supplémentaires obtenues par des transformations de bâtiments (surélévation, aménagement de combles) ou par des constructions nouvelles (art. 1 al. 2 let. a RPUS) et définit l'affectation et la destination des constructions existantes dans les cas où les dispositions du règlement leur sont directement applicables (art. 1 al. 2 let. b RPUS). Les dispositions du RPUS s'appliquent aussi bien aux constructions existantes qu'aux constructions nouvelles (art. 2 al. 1 RPUS).

Selon le PUS annexé au RPUS, la ville est découpée en trois secteurs : le premier comprend la vieille-ville (secteur 1), le deuxième (secteur 2) est composé de trois sous-secteurs couvrant tous les quartiers de la ville, à l'exception des zones faisant l'objet de plans localisés de quartier (ci-après : PLQ), ces dernières étant attribuées au troisième secteur.

L'art. 9 RPUS est intitulé « Règles applicables aux activités contribuant à l'animation des quartiers ». Selon son chiffre 1, qui traite des activités accessibles au public, « afin de développer l'animation et l'attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l'implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu'elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public ». À teneur de son chiffre 2, « par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l'artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l'exclusion des locaux fermés au public ». « Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l'entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d'avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc. » (ch. 2.2). Selon le chiffre 3, les cafés, restaurants, tea-rooms, théâtres, cinémas, musées, salles de concert, de spectacles, de conférences, de lieux de loisirs et d'animations divers, notamment sur le plan social, culturel et récréatif, ainsi que les magasins d'alimentation, situés tout particulièrement au centre-ville (secteur A) ou en bordure des rues commerçantes de quartier (secteur B) selon la carte annexée, conservent en règle générale leur catégorie d'activité en cours d'exploitation ou leur dernière exploitation, s'il s'agit de locaux vacants.

10.         Le but de l'art. 9 RPUS est l'interdiction d'affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les « vitrines mortes » dans les zones fréquentées et animées (arrêt du Tribunal fédéral 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 8.2 ; ATA/166/2018 du 20 février 2018 ; ATA/1639/2017 du 19 décembre 2017). Cette interdiction constitue manifestement un but d'intérêt public, en particulier dans les zones fréquentées et animées (ATA/166/2018 précité ; ATA/1639/2017 précité). En d'autres termes, cette disposition vise à préserver l'animation de la ville par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée (ATA/1639/2017 précité ; ATA/249/2009 du 19 mai 2009).

11.         Par application de ces dernières dispositions, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative), dans un arrêt du 7 juillet 2020 (ATA/662/2020), a considéré que la transformation, en Ville de Genève, d'un bar-restaurant en un salon de massages érotiques n'était pas admissible au sens de l'art. 9 RPUS cité plus haut. Cette conclusion s'imposait non seulement en raison du fait que les vitrines ne seraient pas transparentes et ne répondraient donc pas au maintien d'une activité d'animation sur le plan social, mais également en raison du fait que les enfants et les jeunes non adultes, qui potentiellement pourraient fréquenter le bar-restaurant, seraient de fait exclus du salon de massages (consid. 5c). Il faut relever que dans cette affaire, c'est la question de l'admissibilité du changement d'affectation qui était examinée par la chambre administrative. Celle de savoir si le fait de passer d'une activité commerciale à une autre constituait un changement d'affectation et était par conséquent soumis à autorisation au sens de la LCI était le préalable implicite de ce raisonnement et n'a, de fait, pas été débattue par les parties.

12.         En l'espèce, le tribunal a invité l'autorité intimée à produire dans la présente procédure l'autorisation originelle ayant permis le changement d'affectation des locaux en salon de massages (dont l'autre partie intimée n'a pas contesté le caractère érotique). En réponse, l'autorité intimée a produit le dossier relatif à l'autorisation APA/2______, requise le 7 février 2018 et délivrée le 2 mars 2018. Or, il découle très clairement du courrier du 4 janvier 2018 accompagnant cette requête qu'il s'agissant d'une « activité déjà pratiquée dans ces locaux depuis 2012 ». Par conséquent, c'est à partir de 2012 que les locaux en question ont accueilli une activité de salon de massages, changement qui, à cette époque-là, n'a manifestement fait l'objet d'aucune demande d'autorisation.

L'autorité intimée soutient que c'est l'APA/2______ du 2 mars 2018 qui a validé le changement d'affectation, mais son argumentation quelque peu forcée se heurte aux termes tout à fait explicites de cette autorisation et de l'ensemble du dossier s'y rapportant. Ainsi, la requête du 7 février 2018, déposée par le biais de la formule officielle, avait pour objet « Demande changement des horaires d'ouverture ». Toutes les instances de préavis se sont prononcées sur des formules ne portant ni plus ni moins que la mention « Changement des horaires d'ouverture d'un salon de massage au rez-de-chaussée et au 1er étage ». Le fait que l'instance LDTR, comme le relève l'autorité intimée, ait noté « Etude de cas en séance interne, changement d'affectation », n'y change rien pour les trois raisons suivantes: tout d'abord, cette instance n'était pas concernée et n'avait donc pas à se prononcer, dès lors que les locaux ont été affectés dès la construction de l'immeuble à des activités commerciales, et non à des logements soumis à la LDTR ; ensuite, le fait que l'instance LDTR a cru discerner de son côté un changement d'affectation n'a aucune espèce d'effet juridique sur le libellé de la requête, de l'autorisation et de sa publication ; enfin, une simple mention figurant dans un préavis non publié ne saurait l'emporter sur l'objet officiel de l'autorisation et en particulier sa désignation dans la publication qui en est faite. Pour finir, il convient justement de relever que la publication de l'APA/2______ dans la FAO indiquait que l'objet de l'autorisation était « Changement des horaires d'ouverture d'un salon de massage au rez-de-chaussée et au 1er étage ».

Il découle ainsi de l'ensemble des indications figurant au dossier de cette APA et de sa publication elle-même qu'elle ne concernait pas une modification de la nature de l'activité commerciale des locaux en cause (ce qui était dans le fond exact), mais uniquement un changement des horaires d'ouvertures du commerce déjà en place. En d'autres termes, l'APA/2______, quand bien même non contestée à l'époque et donc, en principe, devenue définitive et entrée en force, n'autorise aucunement de manière valable le changement d'affectation qui a eu lieu, de facto, en 2012. Il en va de même de l'APA/3______ qui fait l'objet du présent recours et qui ne concerne que des travaux projetés à l'intérieur des locaux.

Ce changement d'affectation, qui n'a pas été autorisé au moment où il a eu lieu, aurait donc dû faire l'objet d'une régularisation ultérieure, c'est-à-dire soit lors du dépôt de la demande d'autorisation APA/2______, soit lors du dépôt de la demande d'autorisation APA/3______.

13.         Si la jurisprudence rappelée plus haut retient qu'une autorisation délivrée selon une procédure illégale (autorisation accélérée APA au lieu d'autorisation définitive DD) est nulle, en particulier au motif que sa publication n'offre pas au public les droits et la protection qu'il est sensé en obtenir (cf. consid. 6), cette situation se distingue de la présente espèce en ce sens que l'autorisation APA/2______ et l'autorisation APA/3______concernent toutes deux des objets pour lesquels une autorisation accélérée est conforme à la loi, s'agissant dans le premier cas d'une demande de changement des horaires d'ouverture du salon de massage et, dans le second cas, de modifications relativement modestes à l'intérieur des locaux.1

14.         Ainsi, quand bien même une autorisation concernant le changement d'affectation commerciale des locaux n'a jamais été délivrée, les autorisations rendues postérieurement ne souffrent pas en elles-mêmes de vices si graves qu'il faille en constater la nullité.

15.         Cela n'empêche qu'il appartiendra à l'autorité intimée d'ouvrir à l'encontre des deux autres intimées une procédure de régularisation concernant l'ouverture d'un salon de massage.

16.         Compte tenu de ce qui précède, il reste encore à examiner la recevabilité du recours.

17.         L’art. 60 al. 1 let a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) octroie le droit de recourir aux parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et à toute personne qui est touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’Etat ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (let. b).

Une association jouissant de la personnalité juridique est ainsi autorisée à former un recours lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection au sens de la jurisprudence précitée (cf. ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_56/2015 du 18 septembre 2015 consid. 3.1).

18.         En l’espèce, il n’apparaît pas que l’aménagement projeté pourrait avoir une influence concrète et pratique sur le fonctionnement et l’activité de la recourante, ni que celle-ci serait atteinte dans ses droits (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_38/2015 du 13 mai 2015 consid. 3.3). Partant, on ne saurait lui reconnaître la qualité pour recourir sous l'angle de l'art. 60 let. a et b LPA.

19.         Par ailleurs, l'art. 60 al. 1 let e LPA octroie le droit de recourir aux autorités, personnes et organisations auxquelles la loi reconnaît la qualité pour recourir.

Selon l’art. 145 al. 3 LCI, les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir.

Le droit de recours des associations a en premier lieu été introduit à Genève lors de l'élaboration de la LPMNS. On ne trouve cependant dans les travaux préparatoires qu'une courte mention à ce sujet, à savoir : « la commission [parlementaire, NDR] a voulu attribuer aux communes et aux associations d'importance cantonale la qualité pour agir dans le domaine d'application de la loi » (MGC 1976 20/II 1908).

La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a déjà jugé que la qualité pour agir d'une association ne saurait être appréciée une fois pour toutes. Il convient notamment de vérifier, périodiquement au moins, si les conditions d'existence des associations sont réalisées, si les buts statutaires sont en rapport avec la cause litigieuse et si la décision d'ester en justice a bien été prise par l'organe compétent (ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 8 ; ATA/599/2013 du 10 septembre 2013 consid. 4).

La législation genevoise ne prévoit pas l'établissement, par l'autorité exécutive, d'une liste des associations d'importance cantonale habilitées à recourir en application de cette disposition. Il appartient dès lors aux autorités de recours de définir cette notion (arrêt du Tribunal fédéral 1C_38/2015 du 13 mai 2015 consid. 4.2 et l'arrêt cité).

La jurisprudence tant fédérale que cantonale a précisé qu'une association dont les statuts poursuivent la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites ne peut revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l'art. 145 al. 3 LCI (arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004 consid. 2.2 et 2.3 ; ATA/903/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/931/2014 précité consid. 5 ; ATA/824/2014 du 28 octobre 2014 consid. 2b). Toutefois, une association, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, peut encore recourir pour la défense des intérêts de ses membres si elle remplit les conditions du recours corporatif. Conformément à la doctrine et à la jurisprudence, ces conditions sont au nombre de quatre : il faut d’abord que l’association fournisse la preuve de sa personnalité juridique ; il faut ensuite que ses statuts la chargent de défendre les intérêts de ses membres ; il faut encore que ces intérêts soient touchés, du moins pour la majorité ou pour un grand nombre d’entre eux ; il faut enfin que chacun de ses membres ait, à titre individuel, qualité pour recourir (ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 p. 46 ss ; 136 II 539 consid. 1.1 p. 541 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_390/2010 du 17 mai 2011 consid. 2.1 ; ATA/829/2012 du 11 décembre 2012 ; ATA/790/2012 du 20 novembre 2012 ; Thierry TANQUEREL, op. cit. p. 455-456 n. 1384 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., 2006, p. 382 n. 1786 ss ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 2006, p. 727 n. 2051 ss ; François BELLANGER, op.cit. p. 33-55 et 45 ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., 2002, p. 643 ss. n. 5.6.2.4 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 492).).

20.         En l’espèce, étant donné qu'elle ne compte actuellement que six membres, la recourante n'est manifestement pas une association d'importance cantonale, mais ses statuts du 25 avril 2000 attestent qu'elle existe depuis plus de trois ans. En revanche, au-delà du fait qu'elle satisfait à cette première condition posée par l'art. 145 al. 3 LCI, la recourante ne se voue pas à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites, de sorte qu'elle ne saurait se voir reconnaître la qualité pour recourir au sens de ces dispositions légales.

21.         Reste encore à examiner si, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, la recourante remplit les conditions cumulatives du recours corporatif, telles qu'elles ont été rappelées ci-dessus. Or, deux au moins de ces conditions ne sont pas réalisées: tout d'abord, ses statuts ne la chargent pas de défendre les intérêts de ses membres, mais définissent uniquement des buts ayant trait à l'organisation de manifestations et rencontres artistiques et culturelles. Ensuite, aucun parmi ses membres n'est touché individuellement par la décision au sens où il faut l'entendre en droit de la construction, c’est-à-dire par l'occupation habituelle (dans le cadre privé ou professionnel) de locaux voisins du projet litigieux, puisqu'ils ont tous indiqué des adresses situées dans d'autres quartiers ou à l'extérieur de la ville de Genève. Leur voisinage occasionnel du salon de massage, à d'autres heures que celles où celui-ci est ouvert, ne constitue pas pour eux un rattachement suffisant pour considérer que leurs intérêts seraient touchés dans une mesure particulière, par exemple par rapport à n'importe quel habitant du quartier.

22.         Par conséquent, la recourante ne peut se voir reconnaître la qualité pour recourir, de sorte que son recours doit être déclaré irrecevable.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante sera condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 400.-, compte tenu du fait que pour l'essentiel, le présent jugement s'attache à une question qu'elle a soulevée avec raison, quand bien même sans entraîner le résultat auquel elle concluait. Vu l'issue du litige, il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

24.         Le solde de son avance de frais, soit CHF 500.-, lui sera restitué.

25.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, mise à la charge de la recourante, sera allouée à l'exploitante du salon de massage pour ses frais d'avocats, la société propriétaire n'ayant pour sa part pas exposé de frais particuliers (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours de A______;

2.             met à sa charge un émolument de CHF 400.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution à A______ du solde de son avance de frais, soit CHF 500.- ;

4.             condamne A______ à verser à B______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à A______ ni à C______ SA ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Bénédicte MONTANT et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière