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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1054/1999

ATA/303/2000 du 16.05.2000 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; AUTORISATION(EN GENERAL); PERMIS DE CONSTRUIRE; PROCEDURE ACCELEREE; DIMENSIONS DE LA CONSTRUCTION; PETITE CONSTRUCTION; TOIT; TPE
Normes : LCI.3 al.7
Résumé : Une autorisation accélérée ne peut être délivrée qu'aux strictes conditions posées par la loi; en l'absence, comme en l'espèce, d'urgence des travaux, ceux-ci ne pouvant pas non plus être qualifiés de peu d'importance (surélévation de 75 cm d'un bâtiment villageois en zone 4 B protégée), c'est la procédure ordinaire qui doit être suivie. Une autorisation par procédure accélérée ne peut être délivrée qu'aux conditions prévues par la loi. L'autorisation, traitée à tort par voie de procédure accélérée, est de nature à empêcher toute opposition émanant des voisins, des tiers concernés ainsi que des associations de sauvegarde du patrimoine. Elle est dès lors entachée d'un vice particulièrement grave, constitutif d'un cas de nullité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 16 mai 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur J. F. D.

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

Madame A. et Monsieur J.-P. D.

représentés par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat

et

Madame I. et Monsieur H. C.

et

Monsieur P. B.

et

Madame A. D.

et

Monsieur D. D.

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur J. D. est propriétaire de la parcelle 10159, feuille 6, commune de Soral/Genève, à l'adresse 5, ch. du Perron d'Enfer, sur laquelle s'élève une maison villageoise. Ladite parcelle est située en zone 4B protégée à l'intérieur du village de Soral, celui-ci figurant à l'inventaire des sites construits à protéger en Suisse (ISOS).

 

2. Le 5 janvier 1999, M. D. s'est adressé au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL) (ci-après : le département) en expliquant que la vétusté de la toiture de la construction l'obligeait à effectuer rapidement sa réfection. Ce bâtiment ne possédait pas de sous-sol et donc pas de cave pour le rangement. Les combles étaient inutilisables comme grenier vu leur faible hauteur et l'absence de sous-couverture. Il demandait l'autorisation d'effectuer des travaux indispensables à la salubrité de cette construction en surélevant la toiture d'environ 75 cm.

 

Le même jour, M. D. a rempli une demande d'autorisation en procédure accélérée dont l'objet était "maison villageoise, réfection toiture". Cette demande a été enregistrée sous APA 15'243. Le département a requis le préavis de la commune de Soral ainsi que celui de la commission des monuments et des sites (ci-après : CMNS).

 

Le 29 janvier 1999, le maire de Soral a émis un préavis favorable, au motif que la surélévation ne modifiait pas l'équilibre de l'ensemble des bâtiments voisins.

 

La CMNS, soit pour elle la sous-commission architecture (SCA), s'est déterminée le 9 mars 1999. Elle ne formulait pas d'objections à la réfection de la toiture, sous réserve du choix du matériau de couverture, et elle était défavorable à la surélévation proposée qui modifiait de manière négative la volumétrie du bâtiment et les proportions des façades, tout en entraînant une modification profonde de la charpente existante. Comme l'indiquait l'inventaire Isos, la maison faisait partie du centre historique du village et méritait protection.

 

3. Par courrier du 22 mars 1999, le département a demandé à M. D. d'établir un projet modifié tenant compte du préavis précité.

 

4. M. D. a alors pris contact personnellement avec le chef du département, lequel a prié le conservateur des monuments (DAEL/direction du patrimoine et des sites) d'étudier le dossier.

 

5. Après avoir pris connaissance du préavis de la CMNS du 9 mars 1999 et s'être rendu sur place avec le requérant, le conservateur des monuments a relevé les éléments suivants dans une note datée du 19 avril 1999 :

 


- Les superstructures du bâtiment étaient sans doute relativement anciennes (environ 1790); toutefois une importante transformation était intervenue en 1890, qui avait conféré au bâtiment son allure actuelle.

 

- Selon la position du requérant, un rehaussement du mur d'embouchature de 75 cm serait susceptible d'améliorer l'esthétique du bâtiment et permettrait ultérieurement d'envisager la création d'un jour latéral sur pignon côté sud, l'immeuble adjacent lui appartenant également.

 

- Le dossier avait été évoqué à la séance du comité de direction du département du mardi 13 avril 1999.

 

- Il était regrettable que l'enregistrement de la requête ait eu lieu sous forme d'une APA et non pas d'une demande définitive, ce qui malheureusement ne permettait pas d'avoir les réactions éventuelles d'associations de sauvegarde dans le cas d'espèce.

 

 


Cela étant, le conservateur des monuments a déclaré n'avoir plus d'observations pour le projet déposé sous les réserves suivantes :

 


1. Conserver des pièces maîtresses de la charpente (ferme existante).

 

2. Réserver la pose de tuiles plates nuancées rouge (conformément à la demande de la CMNS).

 

3. Prendre contact avant le début des travaux avec le service des monuments et des sites pour le suivi du chantier.

 

 


6. Le 29 avril 1999, le département a délivré l'autorisation sollicitée de surélévation et réfection de la toiture. Les conditions figurant dans le préavis devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrantes de l'autorisation (DPS du 19 avril 1999).

 

Dite autorisation a été publiée dans la Feuille d'avis officielle du 5 mai 1999.

 

7. Monsieur J.-P. D. et Madame A. D.-B., propriétaires de l'immeuble X dans lequel ils logent, ont saisi la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours) par acte du 20 mai 1999.

Ils s'étonnaient que les travaux projetés aient pu faire l'objet d'une procédure accélérée. S'agissant de la zone 4B protégée et d'un bâtiment historique datant de 1790 environ, il aurait été difficile de concevoir que la CMNS ait pu donner son accord compte tenu du fait que la surélévation projetée allait modifier profondément la volumétrie du bâtiment ainsi que son aspect extérieur parfaitement visible depuis la route de Soral. De plus, le fait de rehausser la toiture dont la façade nord-est se trouvait sur la limite de leur parcelle allait diminuer l'ensoleillement dont ils jouissaient de mi-septembre à mi-mars.

 

Le même jour, les époux D. ont porté le cas à la connaissance de la Société d'Art Public (SAP).

 

8. Le 30 juin 1999, plusieurs oppositions sont parvenues en main de la commission de recours.

 

C'est ainsi que Monsieur P. B., domicilié à Genève a déclaré s'opposer aux travaux projetés, reprenant les arguments développés par les époux D.. Monsieur D. D. locataire de l'immeuble X, a fait de même. Madame A. D., domiciliée à Genève, a également agi dans le même sens. Enfin, le 1er juillet 1999, Monsieur H. et Madame I. C., locataires de l'immeuble concerné, se sont également opposés aux travaux. Ils relevaient par ailleurs que l'état du toit ne nécessitait aucuns travaux urgent.

 

9. Parallèlement, la SAP a demandé au département de lui communiquer les préavis de la CMNS concernant le dossier.

 

Le 5 août 1999, le conservateur des monuments a répondu à la SAP. La CMNS avait rendu un préavis ambigu en date du 9 mars 1999, en ce sens qu'elle n'était pas opposée à la réfection de la toiture tout en étant défavorable à une surélévation. Après avoir pris connaissance de cette prise de position, M. D. s'était adressé directement au chef du département en contestant le fait qu'un rehaussement du mur d'embouchature d'environ 75 cm puisse être considéré comme surélévation. Dépêché sur place, le soussigné avait pu constater qu'il s'agissait d'un cas limite. En effet, dans l'hypothèse où le rehaussement du mur d'embouchature était effectué avec un souci du respect du bâtiment, l'intervention pouvait demeurer mineure. Dans la mesure où l'intervention était effectuée de façon brutale (coffrage, ferraillages et évacuation des matériaux de couverture), elle pouvait alors être de nature à porter atteinte au bâtiment. Pour cette raison et après avoir soumis ce dossier au comité de direction du département, la décision avait été prise d'accepter le principe de ce rehaussement mineur moyennant trois réserves essentielles. Conscient qu'il s'agissait d'un cas limite et regrettant que compte tenu de la forme de la requête retenue en APA d'éventuelles oppositions n'aient pas pu être communiquées dans le cadre de l'instruction du dossier, le département avait estimé que l'autorisation pouvait être délivrée moyennant les conditions précitées. Etaient joints à ce courrier le préavis de la CMNS du 9 mars 1999 ainsi que l'avis du conservateur des monuments du 19 avril 1999.

 

10. La commission a entendu les parties en audience de comparution personnelle le 21 septembre 1999. M. D. a confirmé que la réfection de la toiture avait pour but l'amélioration et l'assainissement de la maison. A l'heure actuelle, il n'était pas question de prévoir des pièces d'habitation sous la toiture. La demande visait à créer des espaces de rangement. Le département a relevé le préavis défavorable de la CMNS. Les locataires ont précisé que leur bail avait été résilié pour juin 2002. Ils voulaient éviter que les travaux aient lieu dans la maison pendant qu'ils y habitaient. Ils disposaient d'un local de plain-pied de 3 m sur 4 m qui servait de cave ainsi que d'un garage. Les époux D. ont persisté dans leur opposition.

 

11. Par décision du 28 septembre 1999, la commission de recours a admis le recours et annulé l'autorisation délivrée par le département.

 

Le principe de la réfection de la toiture n'était pas véritablement contesté par les recourants et intervenants. Sur ce point, l'autorisation ne prêtait pas le flanc à la critique ni la procédure accélérée adaptée à ce type d'intervention.

 

S'agissant de la surélévation, aucun caractère d'urgence n'avait véritablement été invoqué par les parties. C'était dès lors la procédure normale d'autorisation qui aurait dû être suivie. Cette informalité ne saurait cependant entraîner la nullité de la décision querellée. Sur le fond, la commission a retenu le préavis négatif de la CMNS motivée sur des éléments historiques et architecturaux. Celui de la commune était moins détaillé. Quant à celui de la direction du patrimoine et des sites il n'apportait pas d'éléments nouveaux mais reproduisait l'opinion du propriétaire sur l'esthétique du bâtiment après travaux. De plus, cet avis ne pouvait se substituer à celui de la CMNS. L'esthétique du bâtiment, même suite à une surélévation de faible importance, allait pâtir de la modification de la volumétrie. Cette modification ne paraissait pas en harmonie avec les bâtiments du village. Quant au but de rangement invoqué par le propriétaire, il pouvait être atteint sans surélévation de la toiture. Les photographies figurant au dossier établissaient la présence d'un espace suffisant pour servir de grenier. Au surplus, le bâtiment disposait d'autres locaux de rangement.

 

Dite décision a été communiquée le 6 octobre 1999 au recourant et à tous les intervenants.

 

12. En temps utile, M. D. a recouru devant le Tribunal administratif. Il a conclu a l'annulation de la décision de la commission.

 

L'argumentation relative à l'APA n'était "qu'argutie juridique qui ne pouvait mettre en cause [ma] bonne foi". C'est à tort que la commission avait donné plus d'importance au préavis de la CMNS qu'à celui de la commune. Ni la CMNS ni la commission ne s'étaient rendues sur place, ce qu'avait fait en revanche le conservateur des monuments et c'est la propre opinion de ce dernier qui était relatée dans sa note du 19 avril 1999. L'argumentation concernant les espaces de rangement ne faisait pas l'objet du recours, mais M. D. confirmait que la maison disposait de peu de place de rangement. La commission ne s'était pas prononcée sur la question de la perte d'ensoleillement invoquée par les époux D.. Sur le fond, la surélévation modeste ne modifiait pas de façon significative la volumétrie du bâtiment. Les travaux étaient parfaitement conformes aux normes de la zone 4B, "à ne pas confondre avec Ballenberg" (sic). Même surélevé, le bâtiment restait le plus petit du quartier. Les travaux permettaient d'améliorer son esthétique par un meilleur accrochage avec le bâtiment voisin et le matériau choisi pour la couverture était de la tuile plate, en lieu et place de la tuile mécanique actuelle. Enfin, dans le village, à la rue du Faubourg, un bâtiment avec clocheton, chaîne d'angle en molasse, avait été surélevé d'un mètre cinquante sans qu'aucune organisation de défense du patrimoine ne s'y oppose.

 

13. Dans ses écritures du 3 décembre 1999, le département a déclaré se rapporter à l'appréciation du Tribunal administratif.

 

14. Le Tribunal administratif a invité les intervenants à faire valoir leurs observations sur les mérites du recours.

 

Par acte du 10 décembre 1999, les époux D. s'y sont opposés et ont persisté dans leurs argumentations antérieures. Mme D. et M. B. en ont fait de même le 27 décembre 1999. Les autres intervenants, à savoir M. D. ainsi que M. et Mme C., ne se sont pas déterminés.

 

15. Le 9 février 2000, le Tribunal administratif a effecté un transport sur place, tout en en ayant pris soin de convoquer la SAP et la CMNS.

 

La SAP a confirmé au tribunal qu'elle n'avait pas de complément à apporter à cette procédure et l'a prié de l'excuser de son absence.

 

La CMNS était représentée par un membre de la sous-commission A ainsi que par le conservateur des monuments.

 

Le tribunal a visité l'immeuble du recourant dont il a pu se convaincre du parfait état d'entretien. Il a fait en outre les constatations suivantes :

 

Le rez-de-chaussée de l'immeuble abrite un garage (façade sud-est qui s'ouvre sur le chemin du Perron d'Enfer) et deux petites caves cimentées (façade nord-ouest s'ouvrant sur le jardin). Il n'y a en revanche pas de caves en sous-sol.

 

On accède au grenier par une échelle amovible. Celui-ci est vaste et couvre toute la surface de la maison. En son milieu, l'on peut se tenir debout. La toiture est en parfait état, les chevrons et les poutres étant probablement d'origine, aux dires des représentants de la CMNS. Le toit n'est pas doublé.

 

Au nord-est de l'immeuble du recourant se trouve celui des époux D. (ch. du Perron d'Enfer). L'immeuble comporte deux logements. La partie occupée par les époux D. s'ouvre sur l'ouest, soit directement sur l'immeuble de M. D.. Un petit logement a été aménagé au premier étage, dans la partie est de l'immeuble. Celui-ci n'a d'ouvertures que sur la façade sud-est. Il est actuellement occupé par Mme D..

 

Le représentant de la sous-commission A a confirmé que cette dernière était favorable à la réfection de la toiture qui constituait une mesure d'entretien du bâtiment. S'agissant de la surélévation, la sous-commission avait constaté qu'il n'y avait pas de projets précis.

 

Le conservateur des monuments a relevé que l'immeuble avait conservé son gabarit d'origine.

 

M. D. a admis qu'à plus ou moins long terme, il était possible que les travaux projetés permettent de rendre les combles habitables. Il a versé aux débats un relevé de l'institut suisse de météorologie pour les trente dernière années. Il s'était conformé aux instructions du département et il était prêt en tant que de besoin à déposer des plans pour la surélévation dans un délai de deux mois.

 

Le tribunal s'est ensuite transporté au chemin du Faubourg où il a constaté qu'une grande ferme en molasse avait été récemment surélevée. La surélévation, de plus d'un mètre, était revêtue de lattes de bois. L'immeuble en question n'était pas habité mais il servait de cave à Y.

 

16. A la demande du conseil des époux D., nouvellement constitué, un délai a été imparti à toutes les parties au 15 mars 2000 pour faire valoir leurs observations.

 

a. Le 13 mars 2000, M. D. a relevé que la surélévation envisagée était parfaitement conforme à la loi en vigueur. Les travaux projetés contribuaient à améliorer l'aspect architectural du bâtiment (couverture en tuiles plates) sans porter atteinte au site et sans causer des nuisances à la famille D.. L'exemple de Y était illustratif du projet qu'il voulait réaliser. Le préavis de la CMNS, sur lequel se fondait la commission pour prendre sa décision, était erroné et partant, la décision de la commission injustifiée. Il a persisté dans ses conclusions initiales.

 

b. Dans leurs observations du 15 mars 2000, les époux D. ont conclu au rejet du recours. Ils ont relevé le caractère inesthétique de la surélévation et le pouvoir d'appréciation limité du Tribunal administratif en matière d'esthétique, ce d'autant qu'il était en présence d'un préavis défavorable de la CMNS. Selon les dispositions de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), la hauteur de la construction de M. D. ne pouvait excéder 10 m (art. 32 al. 3 LCI) et devait en outre respecter le gabarit déterminé par l'article 40 LCI. La hauteur maximale était de 3,5 m. La construction actuelle dépassait déjà ce gabarit et la situation serait donc aggravée par une surélévation. M. D. avait violé le principe de la bonne foi de l'administré en prétendant que son projet avait uniquement pour but de créer des surfaces de rangement et d'asssainir la toiture, alors qu'il s'agissait manifestement de créer un appartement dans les combles. Enfin, l'autorisation était nulle de plein droit, ayant été délivrée sur la base de l'article 3 alinéa 7 LCI (APA) dont aucune condition n'était réalisée en l'espèce.

 

c. Les autres intervenants ne se sont pas déterminés.

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Aux termes de l'article 3 alinéa 7 LCI, le département peut traiter par procédure accélérée les demandes d'autorisations relatives à des travaux, soumis à l'article 1, portant sur la modification intérieure d'un bâtiment existant ou ne modifiant pas l'aspect général de celui-ci (...). A titre exceptionnel, cette procédure peut enfin être adoptée pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d'urgence. Dans ces cas, la demande n'est pas publiée dans la Feuille d'avis officielle et le département peut renoncer à solliciter le préavis communal. L'autorisation est, par contre, publiée dans la Feuille d'avis officielle et le bénéficiaire doit renseigner les locataires, avant l'ouverture du chantier, des travaux qu'il va entreprendre.

 

3. En l'espèce, le recourant a d'entrée de cause demandé au département l'autorisation de surélever la toiture d'environ 75 cm. Il a en outre allégué que la vétusté de la toiture l'obligeait à effectuer rapidement sa réfection. A cette fin, il a rempli une demande d'autorisation en procédure accélérée, l'objet étant défini : "maison villageoise, réfection toiture". La demande précise que le matériau employé sera de la tuile mécanique. Le coût estimatif global des travaux est fixé à CHF 30'000.-.

 

Il n'est pas contestable que pour les seuls travaux de réfection de la toiture, l'autorisation pouvait être traitée par voie de procédure accélérée, telle qu'elle est définie à l'article 3 alinéa 7 LCI.

 

4. L'étude du dossier montre cependant clairement que l'objet de la demande d'autorisation n'était pas tant la réfection de la toiture que la surélévation du bâtiment. Pour des raisons inconnues du tribunal de céans, la demande initiale ne visait pas la surélévation du bâtiment. En revanche, des croquis de surélévation, signés par le recourant le 5 janvier 1999, ont été produits par ce dernier à l'appui de sa demande. C'est dire que dès le départ, le département connaissait l'objet exact de la demande, dont la réfection de la toiture n'était qu'un aspect.

 

Il convient donc d'examiner si la demande en tant qu'elle avait pour objet la surélévation de la toiture pouvait être traitée sous la forme de la procédure accélérée.

 

a. La première condition posée par l'article 3 alinéa 7 LCI est que les travaux portent sur la modification intérieure du bâtiment existant ou ne modifient pas l'aspect général de celui-ci. Cette condition n'est à l'évidence pas remplie dans le cas où, comme en l'espèce, il s'agit d'une surélévation de 75 cm.

 

La seconde condition, à savoir qu'il s'agisse d'une construction nouvelle de peu d'importance ou provisoire, doit également être écartée.

 

Enfin et à titre exceptionnel, cette procédure peut être adoptée pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d'urgence. S'il est exact que dans sa lettre au département, M. D. a invoqué la vétusté de la toiture qui l'obligeait à effectuer rapidement les travaux, l'instruction du dossier a démontré l'absence totale de cet élément. L'immeuble est actuellement habité par une famille avec deux enfants en bas âge et les locataires ne se sont plaints d'aucun désagrément qui serait lié au mauvais état de la toiture.

 

Il résulte de ce qui précède qu'aucune des conditions prévues pour le traitement du dossier en procédure accélérée n'était réunie en l'espèce.

 

b. L'autorisation par procédure accélérée (APA) a été introduite par la modification législative du 18 décembre 1987. Jusqu'alors, toute demande d'autorisation de construire était soumise à la procédure prévue à l'article 3 LCI, procédure qui s'était révélée relativement lourde pour des travaux mineurs, tels que modification de quelques galandages à l'intérieur d'un immeuble, remplacement de la toiture d'un bâtiment, travaux de façades, constructions de peu d'importance telles que muret, portail, adjonction d'une cheminée, etc. Pendant de nombreuses années, le département a traité ce genre de demandes sous forme d'autorisations par lettre dite "APL", dont le tribunal de céans a eu l'occasion de relever qu'elle n'était pas prévue par la loi et qu'elle était donc nulle (ATA B. du 1er mai 1985). Pour pallier cette situation insatisfaisante, une modification de procédure s'imposait, ce d'autant plus que le département désirait maintenir, pour certains travaux, une procédure facilitée et accélérée. Cette procédure devait en outre permettre de soulager la police des constructions surchargée de travail. C'est dans ce contexte qu'a été élaboré le projet de loi permettant de modifier la procédure d'autorisation par lettre pour la remplacer par une procédure accélérée (APA), applicable aux demandes d'autorisation de construire portant sur des travaux de peu d'importance ou ne modifiant pas l'aspect général d'un bâtiment existant. D'emblée, il a été prévu que les autorisations APA feraient l'objet d'une publication dans la Feuille d'avis officielle et que la commune du lieu de situation en serait informée. La notion de "travaux de peu d'importance" devait s'analyser par rapport à l'article 1 LCI auquel échappait les travaux simples (entretien, etc.). La lecture des travaux préparatoires démontre que le législateur entendait bien limiter l'APA à des objets de peu d'importance, soit essentiellement à des projets de modification intérieure d'un bâtiment ne touchant ni les façades ou l'esthétique du bâtiment ou encore sa situation (Mémorial des séances du Grand Conseil du 10 décembre 1987, pp. 6971 ss, notamment 6972, 6979). L'article 3 alinéa 5 (nouveau) a finalement été adopté dans la teneur suivante : "Le département peut traiter par procédure accélérée les demandes d'autorisation portant sur des travaux de peu d'importance soumis à l'article 1 ou ne modifiant pas l'aspect général d'un bâtiment existant. Dans ce cas, la demande n'est pas publiée dans la Feuille d'avis officielle et le département peut renoncer à solliciter le préavis communal. L'autorisation est, par contre, publiée dans la Feuille d'avis officielle et son bénéficiaire est tenu, avant l'ouverture du chantier, d'informer, par écrit, les locataires et, le cas échéant, les copropriétaires de l'immeuble concerné des travaux qu'il va entreprendre. Une copie de l'autorisation est envoyée à la commune intéressée".

 

A l'occasion d'une révision de la LCI, le législateur s'est à nouveau penché sur la procédure accélérée - devenue dans l'intervalle l'alinéa 6 de l'article 3. On peut ainsi lire dans le mémorial du 18 septembre 1992 : "Entrée en vigueur en décembre 1987, la procédure accélérée dite APA a donné entière satisfaction. Elle permet, en effet, de simplifier tant la composition que l'instruction des dossiers auxquelles elle s'applique, facilitant ainsi la tâche des requérants et des services du département" (p. 4657). Les députés ont toutefois relevé que la pratique avait permis de mettre en évidence que le contenu de cette disposition devait être précisé, notamment en ce qui concernait sa portée. La référence aux travaux de peu d'importance n'était pas opportune, dès lors qu'elle ne figurait pas à l'article 1 de la loi. Il était donc préférable de préciser que la procédure accélérée pouvait être utilisée pour des projets portant sur des travaux soumis à l'article 1 précité, à condition qu'ils portent sur la modification intérieure d'un bâtiment ou ne modifie pas l'aspect général de celui-ci. L'APA devait également s'appliquer pour les constructions nouvelles de peu d'importance ou privisoires, voire également à titre exceptionnel, pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d'urgence. Présentaient un tel caractère notamment des travaux rendus nécessaires à la suite d'un incendie (p.4658). L'alinéa 6 a donc été modifié dans sa teneur actuelle.

 

c. En l'espèce, les travaux projetés par le recourant, présentés comme réfection de la toiture, devaient être accompagnés d'une surélévation de 75 cm. A l'évidence de tels travaux sont de nature à modifier l'aspect extérieur du bâtiment, travaux précisément exclus de la portée de l'APA.

 

C'est donc à tort que l'autorisation de construire a été traitée par le département sous forme d'APA, procédure manifestement inappropriée. De surcroît, le traitement de la demande par le département laisse songeur. Manifestement mécontent du préavis de la CMNS, le recourant n'a pas hésité à s'adresser au chef du département personnellement, ce qui a débouché sur un avis du conservateur des monuments qui s'est finalement substitué au préavis de la CMNS, pour finalement amener le département à délivrer l'autorisation sollicitée. Une telle pratique s'apparente à la procédure proscrite et abandonnée de l'APL, dont le tribunal de céans avait déjà pu constaté l'absence de base légale.

 

5. Reste à examiner les conséquences de la procédure utilisée par le département et de l'autorisation y relative.

 

Le Tribunal administratif a déjà eu l'occasion de relever que la publication des demandes d'autorisation (art. 3 al. 1 LCI) comptait au nombre des dispositions impératives de droit public (ATA W. du 4 septembre 1974 in RDAF 1975 p. 33 ss, notamment 39 consid. 5). Dans la cause précitée, le Tribunal administratif a jugé que l'omission de l'enquête publique, avant l'octroi de dérogation au sens de l'article 16 LCI, entraînait la nullité de l'autorisation délivrée. Le fait que d'autres publications soient prévues par la loi ne saurait modifier la gravité des vices sans enlever aux prescriptions de droit public contenues dans la LCI leur caractère impératif. Le tribunal de céans a estimé qu'il était d'intérêt public de priver l'acte vicié de tout effet juridique en raison de l'importance qu'il y avait de ne porter aucune atteinte aux garanties offertes par le législateur à des administrés, notamment dans l'exercice ou pour la protection de l'endroit de propriété ou de voisinage. Dans un ouvrage de référence, le Professeur Tanquerel a estimé que cette jurisprudence rigoureuse devait être pleinement approuvée (T. TANQUERREL, La participation de la population à l'aménagement du territoire, p. 321). Mutatis mutandis, le tribunal de céans ne saurait s'écarter de sa précédente jurisprudence. En effet, la procédure d'APA présentement appliquée par le département était de nature à empêcher toute opposition émanant des voisins, des tiers concernés ainsi que des associations de sauvegarde du patrimoine. Certes, ceux-ci se sont finalement manifestés, mais ils n'ont eu l'occasion de le faire que devant la commission de recours de telle sorte qu'ils ont perdu un degré de juridiction. En plus, l'ambiguïté de la procédure adoptée par le département a empêché la CMNS de se prononcer sur un projet concret et précis, si tant est que le dossier ne contenait aucun plan de la surélévation projetée.

 

L'autorisation accordée est donc entachée d'un vice, qui plus est, particulièrement grave. Il s'agit en conséquence d'un cas de nullité au sens de la jurisprudence (ATF 116 Ia 219 consid. c; ATA DTP c/ C.-B. du 11 décembre 1991; F. GYGI, Verwaltungsrecht, Berne, 1986, pp. 306 et 307).

 

6. Il convient encore d'examiner si le prononcé de la nullité ne serait pas contraire au principe de la sécurité juridique et de la proportionnalité.

 

A cet égard, ce prononcé n'entraîne pas pour le recourant un dommage irréparable. Il n'a engagé aucun frais sur la base de l'autorisation délivrée. Rien ne l'empêche de déposer une demande d'autorisation de construire en bonne et due forme qui devra respecter la législation en matière de construction et être traitée conformément à la loi.

 

7. En conséquence, le tribunal de céans constatera la nullité de l'autorisation accordée.

 

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant. Une indemnité de CHF 1'500.- sera allouée aux époux D., qui ont comparu par avocat et qui ont pris des conclusions dans ce sens, à charge de M. D..

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 4 novembre 1999 par Monsieur J. F. D. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 28 septembre 1999;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

prononce la nullité de l'autorisation accordée par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement le 29 avril 1999 à M. D.;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'500.-;

 

alloue aux époux D. une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de M. D.;

communique le présent arrêt à Monsieur J. F. D., à Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat de Monsieur J.-P. et Mme A. D., Monsieur H. et Madame I. C., Monsieur P. B., à Madame A D., M. D. D., à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.


 


Siégeants : M. Schucani, président, Mme Bovy, juges, MM. Peyrot, Bonard, Torello, juges suppléants.

 

Au nom du Tribunal administratif :

le secrétaire-juriste : le président :

 

O. Bindschedler D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci