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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1897/2011

ATA/829/2012 du 11.12.2012 sur JTAPI/114/2012 ( LCI ) , REJETE

Parties : ASLOCA / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, CFPI SA ET LA RENTE IMMOBILIERE S.A., LA RENTE IMMOBILIERE SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1897/2011-LCI ATA/829/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 décembre 2012

1ère section

 

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES (ASLOCA)
représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

DéPARTEMENT DE L'URBANISME

et

COMPAGNIE FINANCIèRE DE PROMOTION IMMOBILIèRE S.A.
et
LA RENTE IMMOBILIèRE S.A.
représentées par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 janvier 2012 (JTAPI/114/2012)


EN FAIT

1. L’Association genevoise de défense des locataires (ci-après : l’ASLOCA) a recouru le 17 juin 2011 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à l’annulation d’une décision définitive d’autorisation de construire (DD 103’613-3) délivrée le 12 mai 2011 par le département des constructions et des technologies de l’information, devenu le département de l’urbanisme (ci-après : le département) à la Compagnie financière de promotion immobilière S.A. (ci-après : CFPI). Dite autorisation portait sur la construction de quatre immeubles de logements avec garage souterrain sur les parcelles nos 3610, 3619, 3620, 3621, 3622 et 4765, feuille 11 de la commune de Lancy au 16 à 22 du chemin de Tivoli, propriétés de La Rente immobilière S.A (ci-après : RISA), pour laquelle le département a rendu un arrêté autorisant l’application des normes de la 3ème zone aux bâtiments à construire en date du 9 mai 2011.

2. Dans son recours, l’ASLOCA a fait valoir que l’art. 5 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) était violé par le projet de construction qui ne prévoyait que 25 % de logements dits d’utilité publique, dont une partie n’était pas des logements sociaux, le solde était constitué des logements en propriété par étages (ci-après : PPE).

En outre, le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) applicable au projet (PLQ n° 28’038-312) prévoyait l’affectation des immeubles en immeubles d’habitation à loyers modérés (ci-après : HLM), ce que le Conseil d’Etat ne saurait modifier postérieurement.

Elle invoquait également l’art. 1 al. 2 let. a de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et l’art. 4 de la loi pour la construction de logements d’utilité publique (LUP - I 4 06) du 24 mai 2007 qui obligeait l’Etat à acquérir des terrains pour construire des appartements locatifs.

Finalement, l’art. 80A de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE - A 2 00) imposait que l’aliénation de tout bien immobilier, propriété privée de l’Etat, à une personne privée, soit soumise au Grand Conseil par une loi ad hoc portant sur l’aliénation.

3. Par jugement du 25 janvier 2012, le TAPI après avoir procédé à un échange d’écritures et appointé une audience d’instruction, suivie d’un second échange d’écritures, a déclaré irrecevable le recours déposé par l’ASLOCA pour absence de qualité pour recourir.

L’ASLOCA ne remplissait pas les conditions des art. 145 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et celles d’un recours corporatif n’étaient pas non plus remplies.

4. Le 14 mars 2012, l’ASLOCA a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, reçu le 13 février 2012, en concluant à son annulation ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Ses statuts avaient été modifiés lors de son assemblée générale ordinaire du 7 mars 2012. Elle s’appelait désormais « Association genevoise des locataires (ASLOCA) ». Elle invoquait sa qualité pour agir de manière générale dans certains domaines concernant les locataires.

L'art. 1 § 3 des statuts de l'ASLOCA disposait désormais ce qui suit : « Quant à la qualité de l'habitat, l'ASLOCA intervient également sur les enjeux concernant la législation applicable aux rapports entre locataires et bailleurs, à la politique du logement, à la propriété foncière, à l'aménagement du territoire, aux dispositions légales de construction, tout particulièrement la qualité des immeubles et leur harmonie, la protection de l'environnement et du patrimoine ainsi que les principes du développement durable en relation avec l'habitat. L'ASLOCA intervient aussi pour la fiscalité équitable pour les locataires ».

Par ces modifications, elle devenait la seule association cantonale de locataires ayant un but idéal sans but lucratif et pour vocation l’intervention dans la politique générale du logement.

La Fédération des associations de quartiers et d’habitants (ci-après : FAQH) se voyait admettre la qualité pour agir en tant qu’association d’importance cantonale, il serait paradoxal que ce ne soit pas le cas pour elle.

5. Le 21 mars 2012, le TAPI a déposé son dossier sans observation.

6. Le 30 avril 2012, le département a déposé ses observations et conclu au rejet du recours.

Les conditions de l’art. 145 al. 3 LCI conférant la qualité pour recourir à une association n’étaient pas remplies par l’ASLOCA.

S’agissant de la modification des statuts de l’ASLOCA, les conditions de recevabilité d’un recours devaient être remplies au moment du dépôt de celui-ci, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

7. Le 27 avril 2012, la CFPI et la RISA ont déposé des observations conjointes et conclu au rejet du recours ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

L’absence de qualité pour recourir de l’ASLOCA devait être confirmée. Sur le fond, en cas d’admission de la qualité pour recourir de l’ASLOCA, le recours devait être rejeté.

8. Le 4 juin 2012, le département a déclaré ne pas avoir de requête ou d’observations complémentaires à formuler.

9. Le 19 juin 2012, l’ASLOCA a persisté dans ses conclusions en argumentant sur le fond du litige.

10. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recours devant la chambre de céans porte sur la question incidente de la qualité pour agir de l’ASLOCA dans le cadre d’un recours contre une autorisation de construire.

3. Les conditions de recevabilité d’un recours, dont notamment la qualité pour agir du recourant, doivent être examinées dans la situation existant au moment du dépôt du recours initial ou dans le délai de recours. En outre, cette condition de recevabilité doit encore être remplies au moment du jugement (ATF 136 II 497 consid. 3.3 ; 127 II 32 consid. 2h ; 127 II 60 consid. 1b ; ATA/425/2012 du 3 juillet 2012). La légitimation active ne peut ainsi s’acquérir en cours de procédure.

En conséquence, comme l’a déjà jugé la chambre de céans, peu importe les changements de statuts intervenus en cours de procédure, la qualité pour recourir de l’association doit exister au moment du dépôt du recours devant le TAPI (ATA/425/2012 du 3 juillet 2012). Les changements statutaires du 7 mars 2012 ne peuvent ainsi modifier la solution apportée au présent litige et il en va de même de l’analogie invoquée par la recourante entre ses nouveaux statuts et ceux de la FAQH.

4. L’ASLOCA fonde son recours contre une autorisation de construire sur une violation de l’art. 5 LGZD.

a. Les modalités de recours prévues par les art. 145, 146 et 149 LCI sont applicables aux décisions prises par le département en application de la LGZD (art. 7 LGZD).

b. L'art. 145 al. 3 LCI prévoit que les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir.

Selon la jurisprudence, tant fédérale que cantonale, une association dont les statuts poursuivaient la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites ne dispose pas de la qualité pour recourir prévue à l'art. 145 al. 3 LCI (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004, consid. 2.2 et 2.3 ; ATA/632/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/742/2010 du 2 novembre 2010).

5. La chambre de céans a déjà jugé à de nombreuses reprises que le but premier de la recourante, selon les statuts antérieurs au 7 mars 2012, consistait dans la défense de ses membres, en particulier leur assistance juridique. En conséquence, elle ne se vouait pas par pur idéal aux questions visées à l'art. 145 al. 3 LCI (ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/425/2012 précité ; ATA/50/2012 du 24 janvier 2012 ; ATA/664/2011 du 18 octobre 2011).

Le fait qu'elle ait, par exemple, été amenée à négocier avec le Conseil d'Etat la législation sur la surélévation d'immeubles, ou qu'elle soit d’importance cantonale et que la qualité pour recourir lui soit reconnue au sens de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) ne modifie en rien ce constat (ATA/50/2012 précité ; ATA/664/2011 précité).

6. Il convient d’examiner aussi si les conditions du recours corporatif sont remplies. Celles-ci supposent que l’association en question dispose de la personnalité juridique, que ses statuts la chargent d'assurer la défense des intérêts de ses membres et que la majorité de ceux-ci possède, à titre individuel, la qualité pour recourir (ATA/632/2011 du 11 octobre 2011 et les références citées).

En l'espèce, ces conditions ne sont manifestement pas remplies et l’ASLOCA ne l’allègue d’ailleurs pas.

7. Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que le TAPI a dénié la qualité pour recourir à l’ASLOCA, dont le recours sera rejeté.

8. Compte tenu de l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à la Compagnie financière de promotion immobilière S.A. et une autre du même montant à La Rente immobilière S.A., à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 mars 2012 par l’ASLOCA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 janvier 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de l’ASLOCA un émolument de CHF 500.- ;

alloue une indemnité de CHF 500.- à la Compagnie financière de promotion immobilière S.A et une indemnité de CHF 500.- à La Rente immobilière S.A., à la charge de l’ASLOCA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de la recourante, à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de la Compagnie financière de promotion immobilière S.A. et de La Rente immobilière S.A, au département de l’urbanisme ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :