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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/557/2022

JTAPI/1063/2022 du 12.10.2022 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;AMENDE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;DÉLAI;PROLONGATION
Normes : LCI.137; LPA.16.al2; Cst.5.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/557/2022 LCI

JTAPI/1063/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 octobre 2022

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             Madame A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______, d'une surface de 199'874 m2, laquelle est située en zone agricole, à l'adresse C______.

2.             La majorité de la parcelle est composée de surfaces d'assolements, à l'exception de zones d'habitation, de bâtiments agricoles, de vignes, de bois et bosquets, de vergers traditionnels ainsi que des zones de grandes cultures, pâturages et prés maraîchers.

3.             Par courrier du 17 octobre 2019, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a informé Mme A______ que l'office de l'urbanisme, lequel réalisait alors un inventaire des surfaces d'assolement, lui avait signalé que des équipements équestres avaient été installés dans la zone nord-ouest de sa parcelle.

Ces équipements, au sujet desquels le département n'avait été saisi d'aucune demande d'autorisation de construire, étaient susceptibles d'être soumis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Un délai de dix jours lui était accordé pour se déterminer.

4.             Le 4 novembre 2019, Mme A______ a transmis ses observations au département.

Propriétaire de la parcelle concernée, elle s'occupait du domaine agricole dénommé « D______ » depuis bientôt vingt ans, lequel comprenait des champs de cultures, des vergers, de la culture maraîchère et de l'apiculture.

Elle détenait sur sa parcelle des chevaux de loisirs ainsi qu'un élevage de demi-sang suisses pour son usage personnel. Le paddock était composé de sable et entouré d'une petite barrière avec une haie de charmille. Le sable pouvait être très facilement enlevé afin de permettre rapidement l'exploitation de la surface agricole. Le terrain n'avait dès lors subi aucune modification, ne créant aucune incidence sur l'affectation du sol ou sa configuration. Le paddock ne pouvait ainsi pas être considéré comme une construction ou installation soumise à autorisation.

5.             Par décision du 14 novembre 2019, le département a ordonné la suppression du paddock et de sa barrière, du chemin d'accès au nord du paddock, du bâtiment au nord-est du paddock, du bâtiment circulaire à l'est du bâtiment au nord-est du paddock dans un délai de soixante jours, ces constructions et installations n'ayant fait l'objet d'aucune autorisation. Un reportage photographique attestant de la remise en état devait parvenir au département dans le même délai.

Les zones affectées par lesdites constructions et installations devaient être rétablies et être prêtes à l'exploitation l'agricole, le sol devant être reconstitué au niveau préexistant. Les surfaces reconstituées devaient répondre aux critères des surfaces d'assolement.

Compte tenu de la situation de la parcelle en zone d'assolement, le dépôt d'une requête en autorisation de construire serait superfétatoire. Mme A______ pouvait néanmoins soumettre une telle requête dans les trente jours suivant la notification de la décision.

6.             Cet ordre a été confirmé sur recours par jugement du 1er octobre 2020 (JTAPI/2______) du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) puis par arrêt du 9 février 2021 (ATA/3______) de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative).

7.             Par courriers recommandé et électronique du 8 mars 2021 adressés au chef de service auprès de l'OAC, Mme A______, par l'intermédiaire de son conseil, a sollicité un délai supplémentaire de six mois pour exécuter l'ordre précité.

8.             Par courriel du 16 mars 2021, adressé à l'inspectrice du service en charge de la procédure, avec copie au chef de service, le conseil de Mme A______ a sollicité une réponse du département quant à sa demande de prolongation de délai.

9.             Par courriel du même jour, l'inspectrice en charge du dossier lui a octroyé la prolongation sollicitée, soit jusqu'au 16 septembre 2021.

10.         Par courrier recommandé du 9 juillet 2021, le département a imparti à Mme A______ un délai de dix jours pour lui transmettre un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque que la remise en état ordonnée avait bel et bien été complètement exécutée, réservant toutes mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

11.         Par courriel du 14 juillet 2021, adressé à son interlocutrice précitée, avec copie au chef de service, Mme A______, sous la plume de son conseil, a sollicité du département qu'il sursoit à sa demande du 9 juillet 2021, en se référant à la prolongation de délai accordée et en précisant que la terre végétale nécessaire devait lui être livrée en septembre 2021.

12.         Aucune réponse n'a été donnée à ce courriel.

13.         Par courriel du 6 septembre 2021, sous la plume de son conseil, Mme A______ a indiqué à l'inspectrice précitée avec copie au chef de service que la terre végétale serait livrée le 13 septembre 2021 et que sa mise en place prendrait environ deux semaines. Les autres travaux seraient terminés simultanément. Elle sollicitait ainsi une nouvelle prolongation de délai au 15 octobre 2021 pour transmettre au département un reportage photographique démontrant la remise en état des lieux.

14.         Aucune réponse n'a été donnée à ce courriel.

15.         Par courriel du 13 octobre 2021, adressé aux même personnes, Mme A______, sous la plume de son conseil, a transmis un reportage photographique attestant de la remise en état du carrousel, de l'abri et du paddock, précisant que ce dernier ne serait planté en herbe qu'au printemps suivant, le froid automnal du moment ne s'y prêtant pas. S'agissant des barrières autour du paddock, elles seraient enlevées au cours des semaines suivantes. Il restait enfin des cheminements d'accès à restituer en terre végétale pour lesquels elle sollicitait un nouveau délai à mars 2022, en raison du fait que s'ils devaient être enlevés à ce moment, il serait impossible de circuler avec les chevaux pendant l'hiver dès lors que la terre serait encore fraîche et meuble sans herbe.

16.         Aucune réponse n'a été donnée à ce courriel.

17.         Par décision du 14 janvier 2022, le département a infligé à Mme A______ une amende administrative de CHF 500.-, constatant que les preuves de l'exécution de l'ordre de remise en conformité au droit ne lui étaient pas parvenues dans le délai imparti. Il lui ordonnait simultanément de produire un reportage photographique ou tout élément attestant de la bonne exécution de l'ordre dans un nouveau délai de trente jours.

18.         Par courrier recommandé du 17 janvier 2022, adressé à l'inspectrice en charge du dossier, Mme A______, sous la plume de son conseil, a relevé que la décision du 14 janvier 2022 ne prenait pas en compte les documents transmis le 13 octobre 2021, lesquels attestaient de la remise en état complète du carrousel, de l'abri et du paddock, rappelant les réserves émises s'agissant du paddock et des barrières. Elle sollicitait en conséquence l'annulation de cette dernière décision.

Une copie des courriels des 16 mars, 14 juillet, 6 septembre et 13 octobre 2021 adressés au département étaient joints à ce courrier.

19.         Par courriel du 4 février 2022, l'inspectrice du DT a informé Mme A______ qu'après vérification, le courriel du 13 octobre 2021 n'avait pas été reçu. En l'absence de preuve de son envoi, la décision du 14 janvier 2022 était maintenue et comme elle n'était pas encore entrée en force, un recours était possible.

20.         En date du 16 février 2022, Mme A______ a formé recours auprès du tribunal contre la décision du 14 janvier 2022 du département, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Le délai pour l'envoi du reportage photographique attestant de la remise en état conformément à l'ordre du 9 juillet 2021 avait été prolongé au 15 octobre 2021, ce qu'admettait explicitement le département en relevant dans sa décision que plusieurs délais avaient été accordés. Elle avait ainsi remis en état les principaux éléments de l'ordre prononcé dans le délai imparti et avait réalisé des reportages photographiques en attestant, précisant que les barrières autour du paddock et les chemins d'accès seraient remis en état peu après. Ces reportages avaient été transmis au département par courriel du 13 octobre 2021. Partant, elle avait respecté l'ordre de remise en état, de sorte que l'amende était injustifiée.

La décision querellée se basait, à tort, sur un défaut de communication dudit reportage photographique alors qu'elle avait sollicité et obtenu un délai prolongé au 15 octobre 2021 pour réaliser la remise en état de sa parcelle et informé le département des contraintes liées à la météo et à l'état des sols qui empêchaient momentanément la plantation de l'herbe sur le paddock et sur les cheminements d'accès. Au sujet des barrières du paddock, elle s'engageait à les supprimer en mai 2022. Au vu du silence de l'administration à ses mails et du fait que celui-ci ne s'était pas manifesté après le 16 septembre 2021, délai initialement fixé pour la prolongation, elle avait considéré de bonne foi que la prolongation sollicitée le 6 septembre 2021 avait été acceptée. Ainsi, dans le délai prolongé au 16 octobre 2021, elle avait remis le reportage photographique attendu, par courriel du 13 octobre 2021, dans lequel elle avait requis une nouvelle prolongation de délai concernant les cheminements d'accès, mais auquel le département n'avait pas répondu.

En affirmant n'avoir jamais reçu le courriel du 13 octobre 2021, puis en considérant que la copie de ce courriel adressée le 17 janvier 2022 ne constituait pas une preuve suffisante, le département avait violé le principe de la bonne foi et versé dans l'arbitraire.

21.         Le 20 avril 2022, le département a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. S'en rapportant à justice quant à sa recevabilité, il concluait au rejet du recours.

Il ressortait clairement de la décision litigieuse qu'il était principalement reproché à la recourante de ne pas avoir donné suite, dans le délai prolongé, à l'ordre du 14 novembre 2019. Son insoumission, qu'elle admettait, constituait incontestablement une faute justifiant l'amende dans son principe.

Non seulement elle n'avait pas démontré que les courriels des 6 septembre et 13 octobre 2021 avaient été valablement adressés au département mais surtout elle ne pouvait pas se prévaloir d'un quelconque acquiescement à ses requêtes de délai supplémentaire. En l'absence de réponse du département, elle ne pouvait pas partir du principe qu'elle bénéficiait d'une prolongation. Enfin, ce n'était qu'après le prononcé de la décision querellée qu'elle était à nouveau intervenue auprès du département.

De plus, il était surprenant qu'elle lui reproche de ne pas avoir accusé réception de ses courriels des 6 septembre et 13 octobre 2021, alors qu'il lui incombait e démontrer que l'ordre de remise en état avait bien été exécuté. Par ailleurs, elle avait interpellé le département par courrier recommandé et courriel dans le cadre de sa première demande de prolongation, contrairement à son interpellation du 13 octobre 2021.

L'amende était donc justifiée et proportionnée, dès lors que son montant se situait au bas de la fourchette prévue et que la recourante n'avait jamais affirmé que le paiement de cette dernière la confronterait à une quelconque difficulté financière.

22.         Par écriture du 17 mai 2022, sous la plume de son conseil, la recourante a répliqué.

Concernant les critiques relatives au mode d'envoi qu'elle avait choisi, le département omettait de signaler que son courrier recommandé du 8 mars 2022 était resté sans réponse, de sorte que son conseil avait dû interpeller le département à ce sujet le 16 mars 2022 et avait obtenu une réponse par retour de courriel le même jour. Suite à la décision erronée du 9 juillet 2021, son conseil avait à nouveau écrit par courriel au département, lequel avait bien été reçu par celui-ci, puisqu'il admettait avoir fait une erreur. Le comportement du département relevait de la mauvaise foi, alors qu'elle avait suivi le mode de communication précédemment utilisé. Elle n'avait donc commis aucune faute.

23.         Le 8 juin 2021, le département a informé le tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (cf. ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_641/2018 du 3 août 2018 consid. 3 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1 , 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b). La contestation ne peut donc excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts citées ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

5.             En l’espèce, l'objet du litige est l'amende de CHF 500.- prononcée le 14 janvier 2022, prise en application de l'art. 137 al. 1 let. c LCI. Cette amende a été infligée au motif que la recourante ne s'est pas entièrement soumise à l'ordre donné le 14 novembre 2019 malgré plusieurs délais accordés. Ce dernier consistait à obliger la recourante à procéder à la suppression du paddock et de sa barrière, du chemin d'accès au nord du paddock, du bâtiment au nord-est du paddock, du bâtiment circulaire à l'est du bâtiment au nord-est du paddock dans un délai de soixante jours. Un reportage photographique attestant de la remise en état devait parvenir au département dans le même délai. La décision précisait qu'un délai spécifique pourrait être accordé sur présentation d'un planning.

Le présent litige consiste donc à déterminer si la recourante a satisfait ou non à ses obligations découlant de l'ordre du 14 novembre 2019 et, en cas d'infraction, à vérifier si l'amende respecte les principes applicables en matière pénale. 

6.             Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

7.             Selon l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant :

a) à la présente loi ;

b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi ;

c) aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci

8.             Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction ; la violation des prescriptions par cupidité ainsi que les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI).

9.             L'art. 137 al. 1 let. c LCI érige la contravention aux ordres donnés par le département en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d'application (let. a et b). De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), soit l'insoumission à une décision de l'autorité, qui, d'une part, constitue un moyen d'exécution forcée, dans la mesure où elle permet d'exercer une certaine pression sur le destinataire d'une injonction de l'autorité afin qu'il s'y conforme et, d'autre part, en tant que disposition pénale, revêt un caractère répressif (cf. Alain MACALUSO/ Laurent MOREILLON/ Nicolas QUELOZ [éd.], Commentaire romand du Code pénal II, Art. 111-392 CP, 2017, n. 2 ad art. 292 p. 1887). À l'instar de cette disposition pénale, la condamnation de l'auteur pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. a LCI n'a pas pour effet de le libérer du devoir de se soumettre à la décision de l'autorité. S'il persiste dans son action ou son omission coupable, il peut être condamné plusieurs fois pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. c LCI, sans pouvoir invoquer le principe ne bis in idem, dès lors que l'on réprime à chaque fois une autre période d'action ou d'omission coupables. De plus, la sanction de l'insoumission peut être augmentée chaque fois qu'une menace de l'appliquer est restée sans effet (cf. ATA/147/2014 du 11 mars 2014 consid. 11 et les références ; ATA/455/2000 du 9 août 2000 consid. 3d).

10.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/263/2016 du 22 mars 2016 ; ATA/163/2014 du 18 mars 2014 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013).

11.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les art. 1 à 110 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal, comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013).

Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute (cf. not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014).

12.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 ; Günter STRATRENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, 2006, p. 39).

13.         Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et, selon l'art. 47 CP, jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

14.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

15.         La recourante conteste avoir commis l'infraction reprochée et considère qu'en la sanctionnant le département a contrevenu au principe de la bonne foi et est tombé dans l'arbitraire. Selon la recourante, elle aurait non seulement remis le reportage photographique attendu par le département mais également dans le délai qu'elle considérait comme valablement prolongé.

16.         Selon l'art. 16 al. 2 LPA, le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration. La demande doit être antérieure à l’échéance du délai (ATA/687/2010 du 5 octobre 2010 consid. 3). Si la requête est déposée le dernier jour du délai, l’administré porte alors seul le risque des conséquences du refus (arrêt du Tribunal fédéral 5D_87/2013 du 16 juillet 2013 consid. 6.2).

Il n’existe cependant pas un droit « automatique » à une prolongation de délai (arrêt du Tribunal fédéral 5D_87/2013 du 16 juillet 2013 consid. 6 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, ad art. 16 n. 294 p. 83).

17.         En droit public, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), en vertu duquel les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_587/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.1 ; 1C_102/2017 du 16 janvier 2018 consid. 2.2). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'Etat, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 138 I 49 consid. 8.3.1 ; 136 I 254 consid. 5.2 ; 135 IV 212 consid. 2.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_587/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.1 ; 1C_380/2016 du 8 mars 2017 consid. 2.1). Il exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 consid. 2.2 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/700/2014 précité consid. 4a ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 203 n. 568).

18.         À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004, in RDAF 2005 I).

19.         De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (cf. ATF 129 II 361 consid. 7.1 ; ATA/751/2022 du 26 juillet 2022 consid. 4d). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

20.         La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (cf. ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

21.         En l'occurrence, il doit être relevé d'emblée que dans le cadre de la procédure devant le département, les parties ont échangé entre elles tantôt par courrier postal, tantôt par courriers électroniques.

Il ressort des pièces produites par la recourante qu'elle a formulé plusieurs demandes de prolongation du délai pour l'exécution de l'ordre de remise en état. Elle a ainsi requis le 8 mars 2021, une prolongation du délai de six mois par courrier recommandé et par mail. En l'absence de réponse du département, elle lui a rappelé sa demande par courriel du 16 mars 2021, lequel a été suivi d'effet puisque par courriel du même jour, le département lui a accordé la prolongation sollicitée, jusqu'au 16 septembre 2021. Puis, par courriel du 6 septembre 2021, elle a sollicité une nouvelle prolongation du délai d'exécution au 15 octobre 2021, sans cette fois obtenir de réponse du département. Par courriel du 13 octobre 2021, elle a transmis un reportage photographique attestant de l'exécution partielle de l'ordre de remise en état, et sollicité au surplus une nouvelle prolongation de délai à mars 2022, toujours sans obtenir de réponse du département.

S'il n'y a pas lieu de douter que la recourante a sollicité l'octroi de délais supplémentaires – avant l'échéance des délais précédemment fixés – elle n'a cependant formellement reçu qu'une seule réponse positive, à l'occasion de sa première demande de prolongation formulée le 8 mars 2021, ses autres demandes étant demeurées sans réponse. Dès lors qu'elle était tenue d'exécuter l'ordre prononcé à son encontre et d'en prouver la réalisation dans un certain délai, il lui incombait de s'assurer, comme elle l'a d'ailleurs fait à une reprise, que le département lui accorderait la prolongation requise, étant rappelé que l'autorité intimée disposait d'une grande marge d'appréciation pour accepter ou rejeter sa requête, ce que son conseil ne pouvait ignorer. Le fait que la décision contestée évoque différents délais octroyés ne saurait revêtir la portée que la recourante tente de lui attribuer, étant relevé que le département lui a effectivement imparti deux délais d'exécution différents, soit le délai initial et le second fixé au 16 septembre 2021.

Dans ces circonstances, la recourante ne saurait valablement invoquer le principe de la bonne foi pour soutenir que l'absence de réponse du département valait acceptation de ses demandes de prolongation de délai.

Ainsi, force est de constater que dans le délai prolongé jusqu'au 16 septembre 2021, la recourante n'avait pas entièrement exécuté l'ordre de remise en état, ni prouvé sa réalisation par la transmission d'un rapport photographique, ce qui justifie le prononcé de l'amende administrative querellée dans son principe.

22.         Reste à déterminer si la quotité de l’amende respecte le principe de proportionnalité.

Comme relevé plus haut, le département a accepté, par actes concluants, les échanges par courriers électroniques avec la recourante. S'il n'entendait accepter ce mode de communication que pour certains actes, il lui appartenait, en application du principe de la confiance, de le faire savoir explicitement à la recourante. Partant, le DT est malvenu de reprocher à cette dernière de ne pas être en mesure de prouver l'envoi par mail le 13 octobre 2021 du reportage photographique illustrant les travaux exécutés.

D'ailleurs, les explications du département relatives au fait qu'il n'aurait jamais reçu les différents e-mails de la recourante, y compris celui du 13 octobre 2021 et le reportage photographique, ne sont pas convaincantes. En effet, il ressort des éléments du dossier que la recourante a adressé ses courriels, dont celui du 13 octobre 2021, aux adresses e-mail – correctement orthographiées – de ses interlocuteurs, de sorte qu'elle pouvait légitimement partir du principe que le reportage photographique avait valablement été acheminé, conformément au principe de la confiance.

23.         Au vu des éléments précités pris dans leur ensemble, le tribunal de céans considère que si une sanction pouvait certes être infligée à la recourante pour ne pas avoir entièrement donné suite à l'ordre prononcé dans le délai imparti, le département a toutefois abusé de son pouvoir d'appréciation en ne prenant pas en compte le dossier photographique transmis le 13 octobre 2021 lequel révélait qu'une grande partie des travaux de remise en état avaient été exécutés. Le montant de l'amende de CHF 500.- sera ramené à CHF 300.-, montant qui tient mieux compte de l'ensemble des circonstances tout en sanctionnant de manière proportionnée la faute de la recourante.

24.         Il résulte de ce qui précède que le recours sera partiellement admis.

25.         Vu cette issue, un émolument réduit de CHF 350.- sera mis à la charge de la recourante, dès lors qu'elle n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il est partiellement couvert par l'avance de frais.

Une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'autorité intimée, sera par ailleurs allouée à la recourante (art. 87 al. 2 LPA et 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 février 2022 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du 14 janvier 2022 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             annule la décision précitée en tant qu'elle fixe le montant de l'amende infligée à Madame A______ à CHF 500.- ;

4.             réduit le montant de cette amende à CHF 300.- ;

5.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 350.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

6.             alloue à Madame A______, à la charge du département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Saskia RICHARDET VOLPI et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière