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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3724/2021

JTAPI/671/2022 du 23.06.2022 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/1098/2022

Descripteurs : RECONSIDÉRATION
Normes : LPA.48
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3724/2021

JTAPI/671/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 juin 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Frédéric HENSLER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le______ 1991, est ressortissant de Macédoine.

2.             Le 11 mars 2016, une interdiction d'entrer en Suisse valable du 1er février 2016 au 31 janvier 2018 lui a été notifiée.

3.             Par décision du 10 octobre 2016, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse au motif qu'il ne disposait d'aucun visa ou titre de séjour valable. Interpellé le 11 septembre 2016, il avait déclaré [à la police] qu'il résidait en Suisse depuis 2011 et y exerçait des activités lucratives pour le compte de tiers, alors qu'il n'était au bénéfice d'aucune autorisation de séjour. Un délai au 10 novembre 2016 lui était imparti pour quitter le territoire suisse.

4.             Par courrier du 2 mars 2017, sous la plume de l'avocat qu'il s'était alors constitué, il a déposé auprès de l'OCPM une demande de reconsidération de la décision susmentionnée, en concluant à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Des faits et circonstances nouvelles étaient apparues depuis cette décision. Il a expliqué en détail son parcours à Genève depuis son arrivée dans ce canton 2006 et le soutien qu'il avait reçu de membres de sa famille qui y résidaient également. Il a produit de nombreux documents se rapportant notamment à ses revenus professionnels.

5.             Par décision du 23 avril 2018, devenue définitive à défaut d'avoir fait l'objet d'un recours, l'OCPM a refusé de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (SEM) et a prononcé son renvoi de Suisse en lui impartissant un délai au 30 juin 2018 pour quitter le pays. Cette décision tenait compte du fait qu'il avait régulièrement travaillé en Suisse depuis 2011, qu'il n'avait en Suisse aucune famille, excepté trois oncles et tantes, ainsi que ses grands-parents maternels, alors que dans son pays d'origine vivaient ses parents, son frère, sa sœur, ainsi qu'un oncle et une tante, et enfin que dans le cadre d'une ordonnance pénale rendue le 14 février 2017 par le Ministère public, il avait expliqué à cette autorité qu'il effectuait depuis 2011, chaque année, un aller-retour entre la Suisse et la Macédoine, où il restait trois mois. Sa situation ne représentait pas un cas de détresse personnelle et il vivait en Suisse depuis une courte durée, tout en ayant maintenu des liens étroits avec son pays d'origine.

6.             Sous la plume de son conseil actuel, M. A______ a déposé auprès de l'OCPM, le 17 juin 2021, une « demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité ». Il expliquait quel avait été son parcours en Macédoine et les difficultés économiques qui l'avaient amené à quitter ce pays en 2011, rejoignant en Suisse trois de ses oncles ainsi qu'une tante. Il a par ailleurs indiqué en détail les sociétés qui avaient été ses précédents employeurs jusque-là. Il réalisait un salaire mensuel entre CHF 3'500.- et CHF 7'000.- et avait toujours subvenu seul à ses besoins, n'ayant jamais recouru à l'aide sociale et ne faisant l'objet d'aucune dette. Il s'était parfaitement intégré à la Suisse, qu'il considérait comme sa patrie de cœur et il parlait parfaitement le français. Parmi les nombreux documents qu'il a produits à l'appui de sa requête figurent plusieurs lettres de soutien.

7.             Après que l'OCPM l'ait informé de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa requête, M. A______ a exercé son droit d'être entendu par courrier du 26 août 2021, rappelant pour l'essentiel les éléments qu'il avait déjà mis en avant.

8.             Par décision du 1er octobre 2021, l'OCPM a retenu que la demande formulée le 17 juin 2021 par M. A______ était une demande de reconsidération de la décision du 23 avril 2018, sur laquelle cette autorité refusait d'entrer en matière. La durée de son séjour en Suisse était due au fait qu'il ne s'était pas conformé aux décisions de renvoi prises à son encontre les 10 octobre 2016 et 23 avril 2018. Le fait qu'il se soit grandement perfectionné au niveau professionnel et sa maîtrise du français constituaient certes des modifications des circonstances, mais qui ne pouvaient être qualifiées de notable dans la mesure où elles résultaient du fait qu'il ne s'était pas conformé aux deux décisions précédentes, malgré leur entrée en force.

9.             Par acte du 1er novembre 2021, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, en concluant principalement à son annulation. Préalablement, il a conclu à son audition ainsi qu'à celle de plusieurs personnes à titre de témoins.

Reprenant les éléments qu'il avait déjà exposés dans sa demande du 17 juin 2021, il a par ailleurs insisté sur l'expérience professionnelle qu'il avait désormais acquise dans la carrosserie des voitures électriques, ainsi qu'en attestait son employeur actuel, la société B______SA, qui louait « sa qualité de travail ( ) en tout point excellente » et relevait qu'il était particulièrement difficile de trouver un bon peintre [en carrosserie] sur le territoire genevois.

Son audition était nécessaire afin qu'il puisse s'exprimer sur les modifications notables des circonstances permettant de reconsidérer la décision du 23 avril 2018, étant relevé que l'OCPM n'avait procédé à aucune analyse de ses observations, ni des nombreux documents qu'il avait produits. Quant aux témoins dont il avait demandé l'audition, ils seraient en mesure d'attester du fait que sa situation s'était modifiée dans une notable mesure, qu'il était parfaitement intégré et qu'il disposait d'une spécialisation professionnelle.

L'OCPM n'avait pas réellement cherché à analyser si les conditions d'une demande de reconsidération, telle que définies légalement, étaient réalisées et s'était contenté de les nier d'office. Il avait d'ailleurs repris à quelques passages près la même argumentation que celle qu'il avait avancée dans son préavis négatif du 16 juillet 2020 [recte : 2021]. Ses compétences professionnelles pointues, ses progrès significatifs dans l'apprentissage du français et les relations étroites qu'il avait nouées en Suisse non seulement avec les membres de sa famille mais avec d'autres personnes, constituaient autant d'éléments démontrant à la fois un changement notable des circonstances, mais également une intégration rare et exemplaire.

La décision litigieuse violait par ailleurs le principe d'égalité de traitement, puisque la précédente décision négative du 23 avril 2018 lui faisait grief de ne résider en Suisse que depuis une trop courte durée et que la décision litigieuse refusait une entrée en matière sur sa demande de reconsidération. Ainsi, l'OCPM traitait différemment, sans aucune justification, une personne dont le dossier était déjà connu et celle qui était demeurée pendant plus de 10 ans dans la clandestinité.

La décision litigieuse violait encore le principe de la proportionnalité, puisqu'elle refusait de tenir compte de son excellent degré d'intégration, de sa résidence de plus de 10 ans en Suisse et de ses perspectives quasiment nulles de réintégration dans son pays d'origine.

Enfin, la décision litigieuse violait son droit d'être entendu, puisqu'il avait vainement sollicité à deux reprises l'audition de divers témoins permettant de confirmer ses propos et, par là-même, d'invalider le point de vue selon lequel il n'y avait pas de changement notable des circonstances. En outre, l'autorité intimée avait ignoré les pièces probantes qu'il avait fournies.

10.         Par courrier du 2 novembre 2021, le tribunal s'est adressé à Monsieur C______ en lui demandant si, d'avril 2011 à juillet 2015, l'activité de M. A______ au sein du garage-carrosserie D______ avait été suspendue pendant des périodes de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois par année, ou si elle s'était poursuivie sans interruption hormis les périodes usuelles de vacances.

11.         Par courrier du 5 novembre 2021, M. C______ a répondu que d'avril 2011 à 2015, M. A______ avait poursuivi son activité professionnelle sans interruption, hormis les vacances auxquels il avait droit.

12.         Par courrier du 9 novembre 2021, le tribunal a invité M. A______ à fournir les certificats de salaire que son employeur lui avait délivrés pour les années 2011, 2012, 2014 et 2015, étant relevé qu'il avait déjà produit son certificat 2013. Il était par ailleurs invité à se procurer auprès de sa caisse de compensation un relevé faisant état du montant annuel des cotisations sociales versées de 2011 à 2015 inclusivement.

13.         Le 2 décembre 2021, M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a répondu que M. C______ ne se souvenait plus des dates auxquelles il avait demandé à la caisse de compensation de régulariser sa situation. Il résultait de l'extrait AVS qu'il avait pu obtenir auprès de cette caisse qu'il n'avait été affilié auprès d'elle qu'à partir de 2013, et ce sans discontinuer depuis lors. Quant au garage-carrosserie D______, il avait été liquidé cinq ans auparavant, de sorte qu'il n'était plus possible d'obtenir de documents de cette entité.

14.         Il résulte de l'extrait du compte individuel AVS de M. A______ établi par la Caisse cantonale genevoise de compensation le 24 novembre 2021 que ses périodes de cotisations ont concerné les mois de juillet à décembre 2013, janvier à septembre 2014, juin à décembre 2015, janvier à novembre 2016, juillet à décembre 2017, puis janvier à décembre de 2018 à 2020.

15.         Le 16 décembre 2021, l'OCPM a répondu au recours en concluant à son rejet.

16.         Le 19 janvier 2022, M. A______ a répliqué en regrettant que l'OCPM se contente de reprendre à nouveau les arguments qu'il avait déjà développés précédemment. Il n'était pas acceptable que l'OCPM, dans sa décision du 23 avril 2018, lui oppose tout d'abord une durée de séjour insuffisante en Suisse, puis, 10 ans après son arrivée dans le pays, lui objecte que les conditions d'une reconsidération ne seraient pas remplies. On ne pouvait pas lui opposer une jurisprudence-type selon laquelle l'écoulement du temps ne suffirait pas à entrer en matière sur une demande de reconsidération. Sa situation personnelle n'avait précisément rien de typique, tant son intégration professionnelle, personnel et linguistique était exemplaire. La stricte application des règles sur lesquels se fondait l'OCPM ne se justifiait par aucun intérêt digne de protection, sauf à considérer différemment une personne attendant 10 ans pour déposer une demande de régularisation et une autre qui en déposerait une trop tôt, puis déposerait à nouveau une telle demande après coup.

17.         Le 3 février 2022, l'OCPM a indiqué n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler.

 

 

 

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             En préambule, le tribunal précisera que les mesures d'instruction auxquelles il a procédé durant la présente procédure s'avèrent finalement inutiles, au vu de l'analyse juridique du dossier telle qu'elle est développée ci-dessous.

4.             Au titre de conclusion préalable, le recourant demande son audition, ainsi que celle de plusieurs témoins.

5.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2s p. 157 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2013 du 10 juin 2013 consid. 1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1, 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2, 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/249/2013 du 10 décembre 2013 ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012). Le droit d’être entendu n’implique pas non plus une audition personnelle des parties, qui doivent seulement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/302/2012 du 15 mai 2012). Il ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2013 du 30 juillet 2013 consid. 2.2).

Aux termes de l’art. 67 al. 1 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en fait l’objet passe à l’autorité de recours. La jurisprudence admet que le tribunal, peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu’il peut l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position (ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 4a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3b ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 4).

Cependant, l’ensemble des actes d’instruction ne sont pas obligatoires (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5D_204/2016 du 15 mars 2017 consid. 4.4 ; 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 3.4 ; 6B_594/2015 du 29 février 2016 consid. 2.1 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d, s'agissant de l'audition orale des parties ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; 1C_327/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 et ATA/384/2011 du 21 juin 2011, s'agissant de l'inspection locale) dès lors qu’ils n'apparaissent pas indispensables, si le dossier contient déjà les éléments utiles et nécessaires permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le litige (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 137 III 208 consid. 2.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_109/2015, 2C_110/2015 du 1er septembre 2015 consid. 4.1 ; 1C_61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.1). L'autorité peut par ailleurs renoncer à effectuer des mesures d'instruction lorsqu'elles sont requises sans qu'il soit expliqué en quoi elles peuvent être utiles à la résolution du litige (arrêt du Tribunal fédéral 1C_846/2013 du 4 juin 2014 consid. 6 ; 2C_946/2013 du 29 avril 2014 consid. 3.2).

Le droit d'être entendu ne confère donc pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

6.             En l’espèce, l'objet du litige consiste à déterminer, comme on le verra plus en détail ci-dessous, si c'est à bon droit que l'autorité intimée a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération présentée par le recourant le 17 juin 2021. Dans cette mesure, il s'agit uniquement d'examiner si les éléments sur lesquels le recourant a fondé cette demande auraient dû être considérés par l'autorité intimée comme une modification notable des circonstances et ainsi l'amener à entrer en matière sur la demande de reconsidération. À cet égard, il convient d'attirer l'attention du recourant sur le fait que les éléments factuels dont il se prévaut ne sont pas en eux-mêmes remis en cause par l'autorité intimée, qui s'est contentée d'en apprécier l'importance par rapport à l'ensemble des éléments du dossier. Par conséquent, il n'apparaît pas utile d'entendre le recourant ou les témoins, dans la mesure où leur audition tendrait à confirmer des éléments dont la réalité n'est pas contestée en tant que telle. Seule est contestée leur portée, ce qui relève du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée et ne peut faire l'objet que d'un débat juridique entre les parties.

Par conséquent, il ne se justifie pas d'ordonner l'audition du recourant et des personnes qu'il a désignées en tant que témoins.

7.             Le recourant conclut à l’annulation de la décision prononcée le 1er octobre 2021, refusant d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération du 17 juin 2021.

Il sied tout d'abord de relever que cette demande, quand bien même elle n'était pas intitulée explicitement comme telle, constituait bien une demande de reconsidération au sens des dispositions légales citées ci-dessous, puisque l'autorité intimée était invitée à rendre à nouveau une décision ayant le même objet qu'une décision précédemment prononcée et entrée en force, soit celle du 23 avril 2018. Le recourant ne conteste d'ailleurs pas ce point.

8.             Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'il existe un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

À teneur de l'al. 2, les demandes n'entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif.

L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA : faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b et l'arrêt cité).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquelles l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1430). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non pas la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1 ; ATA/1786/2019 du 10 décembre 2019 consid. 4d).

Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 2b ; ATA/1620/2019 précité consid. 3a).

9.             En l'espèce, conformément à ce qui précède, la question que le tribunal doit trancher dans la présente procédure est uniquement de savoir si c'est de manière justifiée que l'autorité intimée a considéré que les conditions d'une entrée en matière sur la demande de reconsidération du 17 juin 2021 n'étaient pas réalisées.

10.         Le premier grief soulevé à cet égard par le recourant concerne le fait que selon lui, la décision litigieuse n'examine pas spécifiquement la portée des éléments nouveaux dont il s'est prévalu dans sa demande de reconsidération, mais se contente de les nier d'office.

11.         Cette manière de présenter les choses est biaisée, car la décision litigieuse ne conteste pas la réalité des éléments présentés par le recourant dans sa demande de reconsidération ; elle se contente de relever que ces éléments résultent de l'écoulement du temps et du fait que le recourant ne s'est pas conformé aux deux décisions de renvoi prises à son encontre les 10 octobre 2016 et 23 avril 2018.

Le tribunal ne peut que constater que l'autorité intimée a fait un usage correct de la jurisprudence rappelée plus haut, selon laquelle la modification des circonstances ne peut pas être qualifiée de notable lorsqu'elle résulte uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force.

12.         Par conséquent, dans la mesure où la décision litigieuse se fonde à bon escient sur cette jurisprudence, le grief de violation de l'art. 48 LPA ne peut qu'être rejeté.

13.         Le recourant critique la jurisprudence qui vient d'être rappelée en lui opposant le principe d'égalité de traitement. Selon lui, le refus de tenir compte des changements de circonstances découlant, nonobstant une précédente décision de renvoi entrée en force, de la poursuite du séjour de l'étranger en Suisse, entraîne une inégalité de traitement entre celui dont le dossier est déjà connu et celui dont le séjour clandestin se poursuit pendant plus de 10 ans.

14.         Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_310/2017 du 14 mai 2018 consid. 6.2). Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l'État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais dénie ceux-ci à une autre personne qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1).

15.         En l'espèce, c'est en vain que le recourant se plaint d'une inégalité de traitement, car sa situation n'est pas comparable à celle d'une personne demeurée dans la clandestinité pendant une dizaine d'années. En effet, la jurisprudence qui écarte la possibilité de considérer comme un changement notable de circonstances les éléments nouveaux découlant de la simple poursuite du séjour en Suisse malgré une décision de renvoi entrée en force, établit une différence pertinente entre celui qui a fait l'objet d'une décision individuelle et concrète lui ordonnant de quitter la Suisse et celui qui n'a encore jamais fait l'objet d'une telle décision. Certes, cette jurisprudence peut avoir pour effet d'avantager l'étranger qui n'a jamais fait l'objet de l'ouverture d'une procédure par une autorité de droit des étrangers et qui parvient ainsi à séjourner pendant une très longue durée en Suisse, mais il serait d'un autre côté inconcevable de traiter de la même manière celui qui se sait devoir quitter la Suisse et qui, faisant fi de cette obligation, tente de mettre l'autorité devant le fait accompli en demeurant dans le pays au mépris d'une décision entrée en force.

16.         Par conséquent, le grief de violation du principe d'égalité de traitement sera rejeté.

17.         Le recourant se plaint également de la violation du principe de proportionnalité, au motif que l'autorité intimée n'aurait pas procédé à une réelle pesée des intérêts et n'aurait en particulier pas tenu compte de son excellent degré d'intégration.

18.         L'examen de ce grief reviendrait à examiner si l'autorité intimée a fait une correcte application des dispositions de fond relative au cas individuel d'extrême gravité, au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 al. 1 ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Or, dans la mesure où la décision litigieuse est un refus d'entrer en matière sur la demande de reconsidération du recourant, elle ne constitue pas un cas d'application des dispositions légales susmentionnées.

19.         Par conséquent, le grief de violation du principe de la proportionnalité sera rejeté.

20.         Enfin, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, en ce sens que l'autorité intimée aurait refusé sa proposition d'entendre des témoins permettant de confirmer ses propos.

21.         Le recourant étant renvoyé plus haut au considérant relatif au contenu du droit d'être entendu, son grief doit lui aussi être rejeté, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, le recourant oublie que l'autorité intimée n'est pas compétente pour entendre des témoins (art. 28 al. 1 LPA). Ensuite et surtout, il a été souligné précédemment que la décision litigieuse ne remet pas en question les faits que le recourant a soumis à l'autorité intimée dans sa demande de reconsidération du 17 juin 2021. Il n'y avait dès lors aucune utilité à entendre des témoins susceptibles de confirmer ces faits.

22.         Intégralement non fondé, le recours sera rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 1er novembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 1er octobre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière