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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3155/2015

ATA/830/2016 du 04.10.2016 sur JTAPI/1439/2015 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3155/2015-PE ATA/830/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 octobre 2016

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______ B______
représenté par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 décembre 2015 (JTAPI/1439/2015)


EN FAIT

1. Le 13 novembre 2000, M. A______ B______, ressortissant tunisien né le ______ 1969, a été condamné à une peine d'emprisonnement de vingt jours, assortie d'un sursis de cinq ans, ainsi qu'à une expulsion judiciaire de cinq ans, pour infraction à l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE).

2. Par ordonnance de condamnation du 12 juin 2001, il a été condamné à une peine d'emprisonnement de trente jours pour rupture de ban. Dépourvu de papier d'identité, son refoulement n'a pas pu être effectué après qu'il ait purgé sa peine.

3. Le 2 août 2005, M. B______ a fait l'objet d'un rapport de gendarmerie pour avoir giflé, le 20 juillet 2005, son amie – avec laquelle il avait auparavant vécu pendant plusieurs mois –, Mme C______, ressortissante tunisienne née en 1977 et résidant à Genève sans titre de séjour.

4. Le ______ 2005, l'enfant D______, issue de la relation de M. B______ avec Mme C______, est née à Genève.

5. Le 4 janvier 2006, M. B______ a été entendu par la gendarmerie suite aux doléances de Mme C______, qui n'avait cependant pas souhaité déposer plainte à son encontre. Depuis son arrivée en Suisse, il avait travaillé pour divers employeurs, sans les autorisations nécessaires. Il a refusé de nommer le restaurant à Genève pour lequel il travaillait alors pour un salaire mensuel net de
CHF 1'800.-. Ses parents, ses trois sœurs ainsi que son frère vivaient en Tunisie, où il avait effectué sa scolarité obligatoire et obtenu un diplôme en menuiserie. En Suisse, il avait une fille, D______, qui vivait avec sa mère ; il ne l'avait pas reconnue officiellement. Il s'était séparé de sa compagne, ne voulant pas de cette enfant avec elle.

6. Par lettre du 25 avril 2009, non signée, portant l'adresse chemin de la E______ ______ au Petit-Lancy, c/o F______ (sic ; recte : F______) G______,
M. B______ a demandé à l'office cantonal de la population, devenu l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), la régularisation de son séjour. Il avait quitté la Tunisie pour Genève en mai 1999, avait exercé plusieurs activités professionnelles (hôtellerie, agriculture, sécurité et déménagements) et jouissait d'un emploi stable.

7. Le 15 juillet 2009, la personne habitant à cette adresse, Madame F______ H______ a informé l'OCPM que l'intéressé ne résidait plus à son adresse depuis plusieurs années et qu'elle était sans nouvelles de sa part.

8. Par décision du 30 juillet 2009, l’OCPM, considérant que M. B______ ne se trouvait pas dans un cas individuel d’extrême gravité au sens de la législation, a rejeté sa requête de régularisation du 25 avril 2009 et lui a imparti un délai au
30 octobre 2009 pour quitter la Suisse, le dossier ne faisant pas apparaître que l’exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou pas raisonnablement exigible.

9. Par lettre portant l'adresse rue I______ ______ à Carouge, c/o M. J______, non datée et reçue le 6 octobre 2009 par l'OCPM, M. B______ a à nouveau sollicité une autorisation de séjour en sa faveur.

10. Selon le rapport de l'enquête domiciliaire du 11 janvier 2010 diligentée par l'OCPM à la rue I______ ______, M. J______ a indiqué que l'intéressé ne résidait pas chez lui ; il s'agissait d'une adresse destinée uniquement à la correspondance de l'intéressé, dont il ignorait l’adresse réelle.

11. Par lettres des 14 janvier et 16 mars 2010 adressées à la rue
I______ ______, l'OCPM a invité l'intéressé à compléter sa requête par l'apport de plusieurs documents.

12. Ces lettres sont demeurées sans réponse.

13. Par décision du 27 avril 2010, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité à M. B______ et lui a ordonné de quitter le territoire d'ici au 31 juillet 2010, l'exécution du renvoi n'apparaissant pas impossible, illicite ou non raisonnablement exigible.

Même si l'intéressé résidait effectivement à Genève depuis mai 1999, la durée de son séjour ne constituait pas un élément justifiant de donner une suite favorable à sa demande. En effet, cette durée devait être relativisée par rapport aux nombreuses années que l'intéressé avait passées en Tunisie et du fait qu'il était déjà âgé de trente ans à son arrivée en Suisse. Par ailleurs, il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée. Son comportement n'était pas exempt de tout reproche, puisqu'il avait été condamné à deux reprises, qu'il avait occupé à plusieurs reprises les services de police, notamment pour des faits de violences verbales ou physiques, et qu'il ne collaborait pas avec l'OCPM. Enfin, sa situation personnelle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités en Tunisie.

14. Par acte du 31 mai 2010, A______ B______ a, par l'intermédiaire de son conseil, interjeté recours contre la décision précitée auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, devenue le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Depuis le 19 février 2002, il avait travaillé successivement au service de trois établissements de restauration – dont le premier a établi le 27 août 2010 une attestation de travail en sa faveur mentionnant qu’il avait toujours donné entière satisfaction dans son travail –, et il avait été actif, en qualité d'agent de sécurité au sein de divers établissements et sur le site Artamis, durant une période d'environ quatre ans.

Il résidait en Suisse depuis mai 1999. La durée de son séjour constituait un élément extrêmement important susceptible de justifier une suite favorable à sa demande. De plus, il pouvait se prévaloir d'une intégration professionnelle et sociale relativement marquée au point de devoir admettre qu'il ne pouvait quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables.

À l'appui de ses allégations, il a produit un chargé de douze pièces, dont un curriculum vitae et trois lettres de soutien au texte similaire et à l’écriture manuscrite identique.

15. Le 19 novembre 2010, M. B______ a reconnu D______ auprès de l'office de l'état civil de la commune de Genève.

16. Par lettres des 20 septembre 2010 et 10 janvier 2011 et attestation du
28 février 2011, l’OCPM a refusé les demandes de M. B______ tendant à la modification des attestations des 30 juillet et 18 novembre 2010, au contenu suivant : « Réside sur le territoire de notre canton. Fait l’objet d’une décision de refus d’octroi d’une autorisation de séjour actuellement non exécutoire en raison d’un recours pendant devant la Commission cantonale de recours en matière administrative ». L’intéressé sollicitait que le terme « refus » ne soit pas mentionné.

17. Par ordonnance pénale du 1er février 2011, il a été condamné par le Ministère public à une peine pécuniaire de quarante jours-amende ainsi qu'à une amende de CHF 300.- pour lésions corporelles simples (coup de poing au visage le soir du 21 octobre 2010) à l'encontre de Mme C______.

18. Lors d’une audience de comparution le 22 mars 2011 devant le TAPI,
M. B______ s’est plaint de ce qu’à cause de la formulation de l’attestation de résidence que lui avait fournie l’OCPM, il était dans l’impossibilité de trouver du travail depuis environ deux ans. Aucun patron n’acceptait de l’engager du fait qu’il était en procédure. Actuellement, il n’avait pas de travail régulier, mais se débrouillait avec de petits emplois. Il s’occupait de sa fille de la sortie de l’école en fin d’après-midi jusqu’à 20h00 ou 21h00, sa mère travaillant tous les soirs de la semaine dans le secteur du nettoyage. Il n’avait aucune intention de retourner en Tunisie et n’avait pas discuté avec la mère de son enfant de la façon dont ils vivraient s’il devait quitter la Suisse. Il vivait en colocation avec d’autres personnes et avait appris qu’il ne pourrait pas exercer un droit de visite en faisant venir sa fille chez lui sans un logement approprié.

19. Par jugement du même jour (JTAPI/298/2011), le TAPI a rejeté le recours intenté par A______ B______ à l'encontre de la décision de refus d'autorisation de séjour du 27 avril 2010.

L’intéressé n’avait pas fait preuve d’une évolution professionnelle remarquable justifiant à elle seule l’admission d’un cas de rigueur – ou cas individuel d’extrême gravité – et son comportement ne pouvait pas être qualifié d’irréprochable. Il ne pouvait pas se prévaloir de ses relations avec sa fille, la mère de celle-ci ayant fait l'objet d'une décision de renvoi définitive.

20. En date du 19 avril 2011, un rapport de police a été établi à teneur duquel Mme C______ avait adressé une plainte au Ministère public le 18 février 2011 contre M. B______ pour l’avoir menacée de mort le 14 février 2011.

Mme C______ a déposé à l’encontre de M. B______, auprès du Tribunal de première instance (ci-après : TPI), une requête en interdiction d’approcher et de prendre contact, avec demande de mesures superprovisionnelles. Parallèlement, une procédure pénale a eu lieu.

21. Par arrêt du 21 juin 2011, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a déclaré irrecevable pour vice de forme le recours formé par le conseil de M. B______ contre le jugement du TAPI du
22 mars 2011.

22. Par lettre d’un mandataire du 23 décembre 2011, M. B______ a sollicité de l’OCPM le réexamen de son dossier notamment sous l’angle de l’inexigibilité de l’exécution de son renvoi (nécessité médicale), vu son état anxio-dépressif.

Selon le certificat établi le 8 décembre 2011 par une psychiatre et psychothérapeute, il était déprimé, angoissé et avait des idées noires ; il était capable de passer à l'acte – se suicider – car les autorités avaient mis fin à son autorisation de séjour, et il ne pouvait pas se séparer de sa fille et de la mère de cette dernière ; il était tendu, irritable, se plaignait de trouble de la concentration, de l'appétit et du sommeil, ainsi que d’une difficulté à faire face à la vie depuis qu'il était arrivé en Suisse ; il avait des sentiments d'injustice et de
non-reconnaissance de son droit d'être humain.

23. Dans sa réponse du 6 janvier 2012, l'OCPM a refusé de faire droit à cette demande.

24. Par requête adressée à l'OCPM le 26 janvier 2012, M. B______ a réitéré sa demande de reconsidération pour les mêmes motifs que celle du 23 décembre 2011, sans qu’il y ait de réponse de l’OCPM.

25. Le 4 octobre 2012, l'intéressé a été mis en détention administrative puis renvoyé en Tunisie le jour même.

26. Il serait revenu en Suisse à la fin de l'année 2013.

27. Par requête du 10 novembre 2014, M. B______ a sollicité une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité.

Il était bien intégré en Suisse, pays dans lequel il résidait depuis environ quinze ans. Il respectait l'ordre juridique, n'ayant jamais été condamné pour des infractions importantes. Il voyait régulièrement sa fille et s'en occupait le mieux possible. Il avait exercé divers emplois depuis son arrivée en Suisse, notamment en qualité d'aide-cuisinier. Il avait également travaillé comme agent de sécurité pour des lieux culturels alternatifs. Il était en bonne santé. Il aurait beaucoup de difficultés à se réintégrer en Tunisie. En cas d'obtention d'une autorisation de séjour, il aurait la possibilité de parfaire ses connaissances professionnelles ainsi que de trouver un emploi plus intéressant sur les plans social et financier.

28. Par courrier de son nouveau conseil du 18 juin 2015, M. B______ a, en réponse à des questions de l’OCPM, informé celui-ci de ce que, malgré de nombreuses recherches, il n’avait trouvé aucun employeur qui accepte de signer la formule M, étant donné qu’il était sans autorisation de séjour. Il poursuivait ses recherches. Il n’avait pas de domicile fixe, la conclusion d’un bail n’étant pas possible dans sa situation.

29. Par décision du 29 juillet 2015, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la requête précitée considérée comme une demande de reconsidération de sa décision du 27 avril 2010, retenant que les conditions de l'art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n'étaient pas remplies, en l’absence d’un fait nouveau susceptible de modifier sa position, et a imparti à l'intéressé un délai au 28 octobre 2015 pour quitter la Suisse.

30. Par acte du 14 septembre 2015, A______ B______, sous la plume de son conseil, a recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant, préalablement, à ce que l'effet suspensif soit accordé, principalement, à l'annulation de ladite décision et au renvoi du dossier à l’OCPM pour l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Il était arrivé à Genève en mai 1999. Il avait surtout habité avec son
ex-compagne, Mme C______, comme lui dépourvue de titre de séjour.

Il avait sollicité les droits parentaux à l’égard de D______. Le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) avait été chargé par le Tribunal tutélaire, devenu le Tribunal de protection de l'enfant et de l'adulte (ci-après : TPAE), en date du 28 mars 2012, de procéder à une évaluation. Dans un rapport du
20 septembre 2012, le SPMi avait préavisé favorablement l'octroi d'un droit de visite, à raison d’un week-end sur deux du samedi à 9h00 au dimanche à 18h00 ainsi que la moitié des vacances scolaires, dès lors qu’il bénéficierait d’un logement ; dans cette attente, ce droit s’exercerait, au minimum et sauf accord des parties, à cette même fréquence mais en journée seulement de 9h00 à 18h00.

Début octobre 2012, alors qu'il n'avait pas eu connaissance du rapport précité, il avait été expulsé de Suisse vers la Tunisie. Sa mère était décédée d'un arrêt cardiaque trois mois après son renvoi de Suisse. Il n'avait donc plus de lien avec son pays d'origine et était revenu en Suisse à la fin de l'année 2013.

Depuis son retour, il n'avait ni domicile ni travail fixes et survivait de « petits boulots ». Il gardait quotidiennement sa fille, soit de 18h00 à 20h30, lorsque sa mère travaillait, excepté le week-end. Il entretenait ainsi une relation régulière et suivie avec son enfant. Sa présence au domicile de la mère de sa fille pouvait être attestée par divers témoins, dont il sollicitait l'audition au besoin.

Par lettre au TPAE du 26 juin 2015, il avait persisté dans sa requête en octroi des droits parentaux sur sa fille. Par courrier du 26 août 2015, le TPAE avait demandé au SPMi d'évaluer la situation et d'émettre un préavis.

C'était à tort que l'OCPM avait refusé d'entrer en matière sur le cas de rigueur. En effet, les circonstances s'étaient modifiées de manière notable compte tenu tout particulièrement des relations qu'il entretenait avec sa fille, relevées dans le rapport du SPMi du 20 septembre 2012 dont l'OCPM n'avait apparemment pas eu connaissance avant de procéder à son expulsion. En outre, sa requête en octroi de l’autorité parentale conjointe et d’un droit de visite formée le 26 juin 2015 était – malgré l’attitude de refus de Mme C______ qui niait l’existence de ses relations denses avec sa fille – en cours, le TPAE ayant demandé le 26 août 2015 au SPMi d’évaluer la situation et d’émettre un préavis. Enfin, il était en bonne santé. Il remplissait partant les conditions du cas de rigueur.

31. Dans ses observations du 28 septembre 2015, l'OCPM s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif et a conclu au rejet du recours.

Dans ses écritures du 10 novembre 2014, A______ B______ avait invoqué les mêmes faits que ceux déjà connus de l'autorité lors de sa décision en 2010. Par ailleurs, Mme C______ et sa fille étaient dépourvues d'autorisation de séjour en Suisse et n'en avaient jamais eue.

Sur le fond, le recourant n'alléguait pas des faits nouveaux importants susceptibles de justifier l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Les relations du recourant avec sa fille étaient connues de l'office, mais n'étaient d'aucun secours dans la mesure où l'enfant précitée était dépourvue de titre de séjour.

Enfin, le recourant était en bonne santé et la Tunisie ne se trouvait pas dans une situation de guerre ou de violence généralisée. Rien ne s'opposait dès lors à son renvoi.

32. Par décision incidente du 5 octobre 2015 (DITAI/735/2015), le TAPI a admis la demande d'effet suspensif du 14 septembre 2015, traitée comme demande de mesures provisionnelles.

33. Le 15 octobre 2015, l'OCPM a informé le TAPI qu'il était saisi d'une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité en faveur de Mme C______ et de sa fille D______, actuellement en cours d’instruction.

34. Le 16 octobre 2015, M. B______ a versé au dossier une « fiche de renseignements » que la cheffe de la police genevoise avait communiquée à son avocat le 12 octobre 2015. Selon ce document, le 25 juillet 2015, des gendarmes s'étaient rendus à l'adresse de Mme C______, qui leur avait indiqué souhaiter que l’intéressé récupère ses affaires personnelles – qu'elle avait acceptées qu'il entrepose chez elle pour quelques semaines –, ce que celui-ci avait refusé. Les gendarmes avaient demandé au recourant de les attendre au bas de l'immeuble, le temps qu'ils aillent chercher ses affaires et documents d'identité dans le domicile de Mme C______. Ils l'avaient également averti que s'il quittait les lieux, ses affaires se trouveraient au poste de police. Or, après leur retour, M. B______ n'était plus sur place. En outre, le 12 août 2015, Mme C______ avait déclaré auprès de la police judiciaire que M. B______ l'avait suivie dès sa sortie du tram alors qu'elle se rendait à son domicile. Ce dernier n'avait ni l'autorité parentale ni le droit de visite sur leur enfant commun, mais elle acceptait cependant qu'il ait un large droit de visite à l’égard de leur fille s’exerçant dans son appartement, l’intéressé n'ayant aucun domicile. M. B______ passait régulièrement chez elle prétextant vouloir voir D______, mais en réalité dans le but de pouvoir manger, se doucher et dormir ; cette situation la dérangeait fortement.

35. Le 19 octobre 2015, M. B______ a produit un courrier du SPMi du
16 octobre 2015 adressé à lui-même et à Mme C______.

Le SPMi y informait les intéressés qu'après avoir discuté avec eux, et compte tenu de leur accord, il paraissait important que des visites entre
M. B______ et D______ puissent être mises en place à raison d'un week-end sur deux, sans les nuits. Celui-ci devrait venir chercher l'enfant à son domicile à 10h00 et la ramener à 18h00. D______ serait sous la responsabilité de son père durant les périodes définies par le planning de visites.

36. Par jugement du 10 décembre 2015, notifié le 14 décembre suivant à
M. B______, le TAPI a rejeté le recours interjeté le 14 septembre 2015 par celui-ci contre la décision de l’OCPM du 29 juillet 2015 et a mis à sa charge un émolument de CHF 500.-.

Tant l'OCPM dans sa décision initiale du 27 avril 2010 que le TAPI dans son jugement du 22 mars 2011 avaient déjà examiné les mêmes éléments invoqués par M. B______, à savoir qu'il était selon lui bien intégré en Suisse où il résidait depuis environ quinze ans, qu'il respectait l'ordre juridique, n'ayant jamais été condamné pour des infractions importantes, qu'il voyait régulièrement sa fille et s'en occupait, qu'il avait exercé divers emplois depuis son arrivée en Suisse et qu'il aurait beaucoup de difficultés à se réintégrer à la Tunisie. Ils avaient en effet retenu que la durée de séjour du recourant ne constituait pas un élément justifiant de donner une suite favorable à sa demande, qu'il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée, que son comportement n'était pas exempt de tout reproche, puisqu'il avait été condamné à deux reprises, et qu'il ne pouvait non plus pas se prévaloir de ses relations avec sa fille.

À ce jour, D______ n'était au bénéfice d'aucune autorisation de séjour.
M. B______ ne pouvait dès lors pas invoquer la protection de la vie familiale découlant de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Il ressortait toutefois du dossier qu'une demande d'autorisation de séjour en faveur de D______ était en cours d'examen auprès de l'OCPM. Cela étant et même dans l'hypothèse où l'OCPM accorderait un droit de séjour à l'enfant, le recourant ne pourrait être mis au bénéfice de la protection de la vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH. Aucune des trois conditions résultant de la jurisprudence du Tribunal fédéral afférente à cette disposition conventionnelle n'était remplie. En effet, premièrement, M. B______ ne pouvait pas se prévaloir de liens affectifs particulièrement forts avec sa fille, puisqu'il ne disposait pas d'un droit de visite usuel selon les standards définis ; deuxièmement, il n'entretenait avec son enfant aucune relation économique, dès lors qu'au vu du dossier, il ne versait aucune contribution pour son entretien ; troisièmement, il ne pouvait pas non plus faire valoir un comportement irréprochable en Suisse, ayant été condamné à deux reprises.

En conclusion, la relation avec D______ invoquée par M. B______ dans son recours ne constituait pas non plus une modification importante de l’état de fait, au sens de l'art. 48 LPA, de sorte qu'une reconsidération de la décision de l'OCPM du 27 avril 2010 pour ce motif était exclue.

37. Par acte expédié le 19 janvier 2016 au greffe de la chambre administrative, M. B______ a formé recours contre ce jugement, concluant principalement à son annulation, au retour de son dossier à l’OCPM pour octroi d’un titre de séjour pour cas de rigueur, dans le sens des considérants, à l’allocation d’une indemnité à titre de dépens, subsidiairement à la mise en œuvre de toute mesure probatoire utile, en particulier l’audition de témoins.

Par lettre du 22 décembre 2015, le TPAE lui avait imparti un délai au
19 janvier 2016 pour se déterminer sur les conclusions du rapport d’évaluation sociale du SPMi du 17 décembre 2015, à savoir l’autorité parentale conjointe à l’égard de D______, la garde de fait attribuée à Mme C______ et la fixation d’un droit de visite pour M. B______ d’accord entre les parties, mais à défaut deux après-midis par semaine, dès la sortie de l’école jusqu’à 20h30, et un dimanche à quinzaine, de 14h00 à 18h00 ; dès que le père aurait un logement pour accueillir D______, le droit de visite pourrait alors s’exercer à raison d’un week-end sur deux, du samedi 10h00 au dimanche 18h00 ainsi que durant la moitié des vacances scolaires. La communication entre Mme C______ et M. B______ était tendue et difficile, et ils se disputaient parfois, hors de la présence de leur fille. Mme C______, qui était « fatiguée » de voir M. B______ tous les jours et peinait à le faire sortir lorsqu’il essayait d’installer ses affaires chez elle, reprochait à celui-ci de ne pas contribuer à l’entretien de leur enfant ; celui-ci la suivait parfois dans la rue pour lui demander quelques sous, afin de pouvoir acheter un café. Pour l’instant, selon ses déclarations, M. B______ n’avait pas de permis de travail, ce qui l’empêchait de trouver un emploi plus stable et un domicile à Genève ; il faisait donc des « extras » dans des restaurants, des déménagements et « se débrouillait » comme il pouvait, avec de « petits boulots » occasionnels ; il dormait généralement chez un ami ou chez Mme C______, et n’avait pas de domicile fixe, donc pas de lieu où recevoir D______. Selon cette dernière, entendue le 17 décembre 2015 par le SPMi, sa mère travaillait autant qu’elle le pouvait et son père n’amenait jamais d’argent ; elle aimait bien voir son père en semaine, même si elle estimait que sa mère l’encourageait mieux pour ses études ; le week-end, elle préférait rester avec sa mère, car, avec celle-ci, elle pouvait faire des activités, alors que son père ne lui achetait rien et ne lui proposait aucune sortie intéressante ou de son âge ; elle souhaitait que celui-ci trouve un travail et qu’il aide financièrement sa mère, de sorte que cela se passerait mieux entre ses parents et qu’ils pourraient alors « se remettre ensemble ». Pour le SPMi, M. B______ était l’une des figures d’attachement principales de D______ et ils partageaient ensemble une relation affective proche, qui peinait à se développer – étant donné que les visites se faisaient au domicile de Mme C______ ou en sa présence – et qu’il convenait de renforcer par le droit de visite.

Un restaurant avait, le 16 décembre 2015, déposé auprès de l’OCPM une « demande d’autorisation de séjour à Genève pour ressortissant étranger avec activité lucrative » (formulaire M) en faveur de M. B______, pour un travail de « plongeur » à raison de 24h00 par semaine et pour un salaire annuel brut
(13ème salaire inclus) de CHF 29'289.-.

38. Par courrier du 25 janvier 2016, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d’observations.

39. Dans sa réponse du 17 février 2016, l’OCPM a confirmé sa décision du
29 juillet 2015, faute de modification importante des circonstances, et a conclu au rejet du recours.

Les mesures préconisées par le SPMi n’avaient pas d’incidence sur la présente procédure, étant rappelé que ni l’enfant, ni la mère ne bénéficiaient à ce jour d’un titre de séjour en Suisse.

40. Dans sa réplique du 23 mars 2016, M. B______ a persisté dans les conclusions de son recours, ajoutant que l’absence d’un titre de séjour de sa fille n’empêchait pas la protection de l’art. 8 CEDH selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Était produit un échange de courriers entre le 15 décembre 2015 et le
10 mars 2016 entre, d’une part, l’Hospice général (ci-après : l’hospice) et, d’autre part, M. B______. À teneur d’une lettre du 19 janvier 2016, l’hospice proposait à ce dernier une place dans un abri de protection civile (ci-après : abri PC) dès le
20 janvier 2016, avec les repas qui y seraient fournis en nature à l’intéressé et prise en charge des frais de santé LAMal (primes, franchises et quote-part) ainsi qu’un abonnement TPG mensuel, pour autant qu’il réponde aux conditions d’octroi définies dans le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01). Par courrier de son conseil du 10 mars 2016, M. B______ écrivait à l’hospice qu’il demandait à pouvoir être logé décemment, soit dans une chambre dans un foyer.

41. Le 1er avril 2016, M. B______ a produit une ordonnance rendue le 25 février 2016 par le TPAE, reprenant dans son dispositif les conclusions du SPMi du 17 décembre 2015. Selon le TPAE, il n’existait aucun indice concret ni élément objectif conduisant à considérer que M. B______ ne serait pas en mesure d’exercer l’autorité parentale, ni qu’il ne se serait pas soucié sérieusement de la mineure ou aurait gravement manqué à ses devoirs envers elle ; au contraire, le père s’investissait dans l’éducation de sa fille, se montrait présent et attentif à ses besoins et ce en dépit de ses difficultés personnelles.

42. Par écriture du 12 septembre 2016, sur question du juge délégué, l’OCPM a informé celui-ci de ce que la demande d’autorisation de séjour de
Mme C______ et de sa fille était toujours en cours d’instruction ; celles-ci devaient lui fournir différents documents d’ici au 19 septembre 2016.

43. Par lettre du 15 septembre 2016, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause demeurait gardée à juger.

44. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c LPA).

2. a. En droit genevois, l’obligation de reconsidération d’une décision par l’autorité qui l’a prise est réglée à l’art. 48 LPA.

Selon l’art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l’art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b). À teneur de l’al. 2, les demandes n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif.

Aux termes de l'art. 80 let. a à b LPA, il y a lieu à révision d'une décision judiciaire lorsque dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît que la décision a été influencée par un crime ou un délit établi par une procédure pénale ou d'une autre manière (let. a), ou qu’il existe des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b).

Il y a une modification notable des circonstances au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA dès lors que survient une modification importante de l’état de fait ou des bases juridiques ayant pour conséquence, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/36/2014 du 21 janvier 2014 consid. 2 ; ATA/811/2013 du 10 décembre 2013).

Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

Saisie d’une demande de reconsidération, l’autorité examine préalablement si les conditions de l’art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n’est pas le cas, elle rend une décision de refus d’entrer en matière qui peut faire l’objet d’un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1430). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1431).

b. En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2).

3. L'art. 8 CEDH ne confère en principe pas un droit à séjourner dans un État déterminé. Le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut toutefois entraver sa vie familiale et porter ainsi atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition. Il n'y a toutefois pas atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des membres de la famille qu'ils réalisent leur vie de famille à l'étranger ; l'art. 8 CEDH n'est pas a priori violé si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l'étranger auquel a été refusée une autorisation de séjour. En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 par. 2 CEDH. Celle-ci suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances et de mettre en balance l'intérêt privé à l'obtention d'un titre de séjour et l'intérêt public à son refus (ATF 140 I 145 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, le parent qui n'a pas l'autorité parentale ni la garde de l'enfant ne peut d'emblée entretenir une relation familiale avec celui-ci que de manière limitée, en exerçant le droit de visite dont il bénéficie. Or, il n'est en principe pas nécessaire que, dans l'optique de pouvoir exercer son droit de visite, le parent étranger soit habilité à résider durablement dans le même pays que son enfant. Sous l'angle du droit à une vie familiale (art. 8 par. 1 CEDH et art. 13 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. -
RS 101), il suffit en règle générale que le parent vivant à l'étranger exerce son droit de visite dans le cadre de séjours de courte durée, au besoin en aménageant ses modalités quant à la fréquence et à la durée. Le droit de visite d'un parent sur son enfant ne doit en effet pas nécessairement s'exercer à un rythme bimensuel et peut également être organisé de manière à être compatible avec des séjours dans des pays différents. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un droit plus étendu ne peut le cas échéant exister qu'en présence de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif et économique, lorsque cette relation ne pourrait pratiquement pas être maintenue en raison de la distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son parent, et que l'étranger a fait preuve en Suisse d'un comportement irréprochable (ATF 140 I 145 consid. 3.2 et les arrêts cités). Dans le cadre de l'examen de la proportionnalité de la mesure (art. 8 par. 2 CEDH et art. 13 cum art. 36 Cst.), il faut aussi tenir compte de l'intérêt fondamental de l'enfant à pouvoir grandir en jouissant d'un contact étroit avec ses deux parents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_516/2015 du
28 décembre 2015 consid. 4.2 et les références citées).

La jurisprudence a précisé, en lien avec l'art. 50 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), que l'exigence du lien affectif particulièrement fort doit être considérée comme remplie lorsque les contacts personnels sont effectivement exercés dans le cadre d'un droit de visite usuel selon les standards d'aujourd'hui, lorsque l'étranger détient déjà un droit de séjour en Suisse, de façon à prendre en compte l'art. 9 par. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107) sans toutefois déduire de dite convention une prétention directe à l'octroi d'une autorisation (ATF 140 I 145 consid. 3.2 et les arrêts cités).

4. a. En l’espèce, par sa décision du 29 juillet 2015, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formée le 10 novembre 2014 par le recourant.

Le contrôle juridictionnel effectué par le TAPI puis par la chambre de céans ne peut donc porter que sur la question de savoir si c’est à juste titre que l’OCPM n’est pas entré en matière sur ladite demande, en d’autres termes s’il y a eu ou non modification notable des circonstances au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA.

Si la chambre administrative retenait une telle modification des circonstances, elle devrait en principe renvoyer le dossier à l’intimé afin que
celui-ci le reconsidère (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2148), ce qui n’impliquerait pas nécessairement que la décision d’origine – celle du 27 avril 2010, confirmée le 22 mars 2011 par le TAPI – soit modifiée (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1429).

b. Actuellement comme avant son renvoi en Tunisie le 4 octobre 2012, et indépendamment de sa relation avec sa fille D______, le recourant, sans travail régulier ni domicile fixe, ne remplit manifestement pas les conditions générales posées par les art. 30 al. 1 let. LEtr et 31 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), en particulier une situation de détresse personnelle et une relation avec la Suisse si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine (à ce sujet, notamment
ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C_6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5 ; ATA/285/2016 du 5 avril 2016 consid. 5e).

Sous ce seul angle, la non-entrée en matière de l’OCPM est en tout état de cause justifiée.

c. Sous l’angle de la protection de la vie familiale par les art. 8 CEDH et
13 Cst., deux nouvelles circonstances sont apparues depuis la procédure d’autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité initiée par la demande de l’intéressé du 25 avril 2009, rejetée le 27 avril 2010 par l’OCPM, décision confirmée le 22 mars 2011 par le TAPI, et même depuis le prononcé de la décision litigieuse de l’intimé du 29 juillet 2015 : premièrement,
Mme C______ et D______ ont elles aussi déposé, à fin 2015, une demande d’autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité, actuellement en cours d’instruction ; secondement, par ordonnance du 25 février 2016, le TPAE a institué l’autorité parentale conjointe entre Mme C______ et le recourant à l’égard de D______, maintenu la garde de cette dernière par sa mère et réservé au père un droit de visite usuel dès qu’il aurait un logement approprié, plus restreint dans cette attente.

Certes, s’agissant de la première nouvelle circonstance susmentionnée, une autorisation de séjour n’a en l’état pas été octroyée à la fille de l’intéressé, mais il n’est pas exclu qu’elle le soit dans un avenir relativement proche. En faire abstraction et ne pas entrer sur la demande de reconsidération pour ce seul motif reviendrait, dans les circonstances tout particulières de cette cause et au regard des considérations suivantes afférentes à la seconde circonstance nouvelle, à créer inutilement une situation incertaine et précaire pour le recourant, alors qu’une nouvelle procédure de réexamen pourrait dans quelques semaines ou quelques mois être, le cas échéant, réouverte par celui-ci dans l’hypothèse où une autorisation de séjour était accordée à D______, ce qui constituerait indéniablement une modification notable des circonstances au sens de l’art. 48
al. 1 let. b LPA.

L’attribution récente au recourant de l’autorité parentale conjointe, en application du nouvel art. 298b du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) entré en vigueur le 1er juillet 2014, constitue également une nouvelle circonstance qui serait importante si une autorisation de séjour était octroyée à D______. En cas de réalisation de cette hypothèse, les conséquences de l’ordonnance du TPAE – dont le caractère définitif et exécutoire devrait être déterminé – mériteraient un examen approfondi concernant l’ampleur de la relation familiale qui pourrait être accordée par le droit des étranger au recourant à l’égard de sa fille, ce au regard notamment de la jurisprudence citée plus haut et de l’éventuelle nécessité de la préciser ou compléter. Les effets en droit des étrangers du droit de visite réservé par le TPAE à l’intéressé nécessiteraient aussi une analyse complète, plus circonstanciée que celle – sommaire – du TAPI, même si, vu l’absence de droit de séjour préalable du recourant, l’exercice d’un droit de visite usuel par celui-ci en cas de logement approprié ne présume pas l'exigence du lien affectif particulièrement fort au sens de la jurisprudence. Ces deux points devraient être examinés ensemble, et également avec toutes les circonstances pertinentes du cas, en particulier les questions du lien économique entre le père et son enfant et du comportement passé et présent – irréprochable ou non – de
celui-là, qui mériteraient aussi un examen approfondi. Seraient le cas échéant à examiner les allégations de l’intéressé relatives à son impossibilité invoquée – passée et actuelle – de contribuer à l’entretien de sa fille et à ce qu’il ferait en cas d’amélioration de sa situation socio-économique, ainsi que leurs éventuels effets en droit des étrangers.

d. Vu ce qui précède, c’est à tort que l’OCPM n’est pas entré en matière sur la demande de reconsidération du recourant du 10 novembre 2014. Partant, le jugement querellé et la décision de l’intimé du 29 juillet 2015 doivent être annulés et la cause renvoyée à celui-ci pour nouvelle décision statuant sur le fond de ladite demande, au sens des considérants, après le cas échéant une instruction complémentaire.

5. Le recours sera admis dans cette mesure.

Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant pour la première et la seconde instances, à charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2016 par M. A______ B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 décembre 2015 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 décembre 2015 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 29 juillet 2015 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision, au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à M. A______ B______ une indemnité de procédure de CHF 1’000.- pour la première et la seconde instances, à la charge de l’État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre-Bernard Petitat, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.