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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4322/2020

JTAPI/1272/2021 du 15.12.2021 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AMENDE;SANCTION ADMINISTRATIVE;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;ANTÉCÉDENT
Normes : LCI.137; RChant.3.al1; RChant.55; RChant.92; RChant.99
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4322/2020 LCI

JTAPI/1272/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 décembre 2021

 

dans la cause

 

A______ Sàrl

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             A______ Sàrl (ci-après : la société) est une société à responsabilité limitée, ayant son siège à Genève. Son but est l'exploitation d'une entreprise de charpente couverture, menuiserie, achat, vente de bois et de tous matériaux du bâtiment.

Monsieur B______ en est l'associé gérant, avec signature individuelle. L'adresse de la société, à teneur du registre du commerce genevois, est chemin du C______ 1______, 2______ D______.

2.             Le 1er septembre 2020, lors d'un contrôle effectué sur le chantier situé au 3______, route du E______ (DD 4______), un inspecteur du département du territoire (ci-après : DT ou le département) a constaté diverses infractions au règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03).

En particulier, les ouvriers de la société travaillaient dans des conditions dangereuses, car ils exécutaient des travaux à une hauteur de plus de 2 m sur un échafaudage non réglementaire. Ils avaient édifié une charpente lourde supportée sur un pont mobile. Des photographies de la charpente en question et des échafaudages avaient été réalisées.

3.             Par décision du 8 septembre 2020, le département a confirmé l'interdiction de travailler dans les zones dangereuses signifiées sur place et ordonné à la société de rétablir une situation conforme au droit.

La reprise des travaux était subordonnée au contrôle préalable des protections sur place. Un délai de dix jours a été octroyé à la société A______ Sàrl pour faire valoir ses observations conformément au principe du droit d'être entendu. Il émettait une réserve quant à la possibilité de sanctionner l'infraction commise.

4.             Le 22 septembre 2020, A______ Sàrl a écrit à l’architecte en charge du chantier qu’elle avait réalisé les travaux de mise en conformité du support du faitage. Elle confirmait que le matériel utilisé était adapté à la situation et que la sécurité des personnes travaillant sur le site était assurée.

5.             Par décision du 24 novembre 2020, le département a infligé à A______ Sàrl une amende administrative de CHF 5'000.-.

Lors du contrôle du 1er septembre 2020, il avait été constaté que les ouvriers de la société travaillaient dans des conditions dangereuses au motif qu'ils exécutaient des travaux à une hauteur de plus de 2 m sur un échafaudage non conforme et qu'ils avaient édifié une charpente lourde, supportée par un pont mobile, mettant ainsi en danger leur sécurité et celle du public.

Le montant de l'amende tenait compte de la gravité objective et subjective du comportement tenu.

6.             Par acte du 17 décembre 2020, A______ Sàrl (ci-après : la recourante) a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision précitée, concluant à son annulation, subsidiairement à la réduction de son montant au minimum légal de CHF 100.-. Elle a produit des pièces.

Elle contestait les faits reprochés dans la décision litigieuse. Une panne faîtière d'environ 350 kg avait été posée sur un pont mobile, qui pouvait supporter 720 kg, afin de procéder au montage de la charpente. Ses ouvriers avaient procédé de la sorte puisqu'il n'y avait aucun point fixe d'altitude et de direction, la panne faîtière devant être réglée à plusieurs reprises dans la journée. Des étais devaient être mis en place par les ouvriers le jour même. Cette installation n'ayant pas pu être faite le jour même, il était prévu de la mettre en place le lendemain.

Une visite de chantier avait été faite par le département le 1er septembre 2020 en fin de journée alors que les étais n'avaient pas encore pu être installés.

Elle travaillait sur la place de Genève depuis plus de trente ans et n'avait jamais eu de reproche ou problème de sécurité. Elle pensait être assez professionnelle et de qualité pour exécuter les travaux dans les meilleures conditions de sécurité. Elle n'avait aucun intérêt à exposer ses ouvriers ou des tiers à un quelconque danger.

En outre, l'amende administrative infligée était disproportionnée, en particulier dans la période économique actuelle où il était déjà très difficile d'avoir du travail. Il n'y avait eu, dans les faits, aucune atteinte concrète aux droits d'un particulier ou d'une entreprise.

7.             Dans sa réponse du 23 février 2021, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 24 novembre 2020, sous suite de frais. Il a produit son dossier.

La recourante admettait avoir utilisé un pont mobile afin de servir de support à une panne faîtière d'environ 350 kg dans le cadre des travaux de montage de la charpente. Il s'agissait de travaux lourds. La recourante avait ainsi utilisé le pont mobile de manière non conforme à sa destination, puisqu'il n'était pas fixe et qu'il n'était pas établi qu'il puisse supporter 350 kg. Cette façon d'agir mettait en dangers les travailleurs. La recourante admettait elle-même que cette installation n'était pas adaptée, puisqu'elle avait précisé qu'elle n'était que provisoire et qu’elle entendait mettre en place des étais, ce qui avait par la suite été considéré par le département comme une protection adéquate.

La recourante avait également procédé à des travaux à une hauteur de plus de 2 m, sur un échafaudage non règlementaire. Il ressortait des photographies prises lors du constat que l'échafaudage n'était pas conforme puisqu'il avait subi une modification. En effet, une sangle devant soutenir un élément de la charpente avait été fixée à l'échafaudage et impliquait la reprise de charge de la charpente sur l'échafaudage. Cette installation affaiblissait la résistance de l'échafaudage. Des plateaux de l'échafaudage avaient été démontés et entreposés sur le pont mobile, ce qui violait l'art. 97 al. 1 RChant.

Un risque de chute élevé était avéré puisqu'il n'y avait pas de garde-corps adéquats sur certaines faces de l'échafaudage sur lequel travaillaient les ouvriers, ainsi que sur certains postes de travail de la charpente. La faute de la recourante était avérée et justifiait sur le principe le prononcé d'une amende administrative.

S'agissant du montant de l'amende, la faute reprochée était grave puisque la recourante mettait en danger la sécurité et la santé de ses ouvriers. Contrairement à ce qu'alléguait la recourante, elle avait déjà fait l'objet d'une amende de CHF 3'000.- pour violation des dispositions du RChant. Elle ne démontrait pas que le paiement de l'amende fixée à CHF 5'000.- la placerait dans une situation financière difficile, invoquant la période économique actuelle sans toutefois établir que cette situation entraverait la poursuite des chantiers.

Le montant de l'amende se situait dans la fourchette inférieure des montants fixés par l'art. 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05). La quotité de l'amende était ainsi également justifiée.

8.             Par courrier du 1er mars 2021, le tribunal a invité la recourante à répliquer.

9.             Aucune suite n'a été donnée à ce courrier.

10.         Par décision du 1er juin 2020, le tribunal a suspendu l’instruction de la procédure, d’entente entre les parties, jusqu’à droit connu dans la procédure A/5______ en cours devant le tribunal, relative à l’amende de CHF 3'000.- infligée à la recourante pour un autre chantier.

11.         Par jugement du 1er septembre 2020 (JTAPI/6______, cause A/5______), entré en force, le tribunal a partiellement admis le recours de A______ Sàrl, réduisant l’amende de CHF 3'000.- à CHF 2'000.-.

12.         Suite à ce jugement, le DT a sollicité, le 29 octobre 2021, la reprise de l’instruction de la cause, le jugement du tribunal ayant confirmé, dans son principe, l’amende prononcée.

13.         La recourante n’a pas donné suite à l’invite du tribunal du 19 octobre 2021 à se déterminer sur la suite de la procédure.

14.         Le DT a encore indiqué dans un courrier du 24 novembre 2021 ne pas avoir d’observations dans la mesure où la recourante ne s’était pas déterminée.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées).

4.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. not ATA/285/2013 du 7 mai 2013 ; ATA/402/2012 du 26 juin 2012).

5.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).La recourante conteste avoir commis une infraction en contrevenant au RChant.

6.             Conformément à l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT – RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente.

7.             En vertu de l'art. 1 al. 1 let. b LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation.

Conformément à l'art. 151 LCI, le Conseil d'État fixe par règlements les dispositions relatives à la sécurité et la salubrité des constructions et installations de tout genre, qu'elles soient définitives ou provisoires (let. c), à la sécurité et à la prévention des accidents sur les chantiers (let. d).

8.             La prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs, ainsi que la sécurité du public, des ouvrages et de leurs abords, sont réglées par les dispositions du RChant (art. 1 al. 1).

Tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est à dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet, sont tenus de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers. Il en est de même pour les personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d'ingénieurs, d'architectes et des entreprises générales (art. 1 al. 2 RChant).

Au même titre que, par exemple, la LCI dont il tire sa base légale, le RChant s'applique en tant que réglementation d'intérêt public sur tout le territoire cantonal, sur domaine public aussi bien que privé. Son art. 1 al. 2 mentionné ci-dessus indique clairement qu'il concerne toute personne impliquée dans l'acte de construire, c'est-à-dire notamment toutes les personnes physiques exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment. La définition très large du cercle de ces personnes signifie que le critère d'application du RChant n'est pas la qualité dans laquelle elles exécutent ces travaux, mais le fait qu'elles participent à l'acte de construire, et que dans cette mesure, elles déploient une activité susceptible de faire courir des dangers à elles-mêmes ou à autrui. Pour les mêmes raisons, ce règlement ne s'applique pas uniquement dans les zones vouées à la construction, mais dans toute zone, dès lors que s'y déroule une activité de construction au sens de la LCI. Le tribunal de céans a ainsi jugé que le RChant et les obligations en découlant s’appliquaient à une société de déménagements qui avait participé au transport de matériaux nécessaires à la rénovation d’un appartement (JTAPI/375/2016 du 13 avril 2016) et à un viticulteur qui exécutait un terrassement à l'aide d'une chargeuse sur chenilles sur sa propre parcelle, en zone agricole (JTAPI/109/2013 du 11 janvier 2013). Quant à la notion de chantier, il doit être admis, au vu de ce qui précède, qu’elle ne vise pas uniquement les chantiers ouverts dans le cadre de la réalisation de travaux soumis à autorisation de construire mais bien tout type de travaux (construction, démolition, transformation et/ou entretien) liés à une construction ou installation.

9.             En l'espèce, le comportement querellé tombe sous le coup du RChant et toutes les personnes œuvrant sur le chantier concerné, ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet, soit notamment, la recourante, étaient dès lors tenues de s'y conformer (art. 1 al. 2 RChant).

10.         La recourante allègue que l'amende administrative est injustifiée et disproportionnée.

11.         En vertu de l'art. 3 al. 1 RChant, le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par ledit règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession.

12.         De façon générale, sur un chantier, les installations et autres aménagements doivent être étudiés de manière à permettre l'application de toutes les mesures de sécurité et de protection de la santé (art. 7 al. 1 RChant).

13.         En particulier, la zone de travail doit être sécurisée par un échafaudage et un garde-corps (art. 55 RChant). Tout poste de travail doit être muni de garde-corps réglementaires sur toutes les faces exposées au vide dès qu'il atteint 2 m de hauteur et ceux-ci doivent rester en place jusqu'à l'achèvement de tous les travaux (art. 99 al. 1 et 2 RChant).

14.         Selon l'art. 2 RChant, en tant qu'elles ne sont pas déjà incorporées dans son texte, les ordonnances du Conseil fédéral sur la prévention des accidents font partie intégrante du présent règlement dans le domaine de la prévention des accidents (al. 2).

Aux termes de l'art. 8 al. 1 de l’ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 29 juin 2005 (Ordonnance sur les travaux de construction, OTConst - RS 832.311.141), les postes de travail doivent offrir toute la sécurité voulue et pouvoir être atteints par des passages sûrs.

15.         Selon l'art. 92 RChant, des échafaudages, conformes aux prescriptions de l'ordonnance sur les travaux de constructions, sont prescrits pour tout travail de construction de bâtiments exécuté à une hauteur de chute supérieur à 3 m. Le garde-corps supérieur de l'échafaudage doit, pendant toute la durée des travaux de construction, dépasser de 1 m au moins le bord de la zone la plus élevée présentant un risque de chutes.

Cette prescription figure également à l'art. 18 OTConst qui précise que dans les travaux de construction de bâtiments, un échafaudage de façade doit être installé dès que la hauteur de chute dépasse 3 m. Le garde-corps supérieur de l’échafaudage doit, pendant toute la durée des travaux de construction, dépasser de 80 cm au moins le bord de la zone la plus élevée présentant un risque de chutes.

16.         L'art. 99 RChant dispose que tout poste de travail doit être muni de garde-corps réglementaires sur toutes les faces exposées au vide dès qu'il atteint 2 m de hauteur (al. 1), ces garde-corps devant rester en place jusqu'à l'achèvement de tous les travaux (al. 2).

Cette prescription figure également à l'art. 15 al. 1 OTConst et est précisée par l'art. 16 OTConst.

17.         Le personnel assermenté du DT a le droit d'inspecter en tout temps les chantiers et de constater et signaler les infractions au RChant (art. 330 al. 1 RChant).

Les contrôles de l'administration ne libèrent pas les intéressés de leurs obligations et de leur responsabilité (art. 331 RChant). Dans la pratique, lorsque l'inspection des chantiers émet des doutes sur la sécurité d'un chantier, l'entreprise responsable des travaux apporte les modifications souhaitées dans les heures qui suivent l'intervention, de façon à éviter des risques inutiles (ATA/611/2004 du 5 août 2004 consid. 12 ; ATA/640/1999 du 2 novembre 1999 consid. 4b).

18.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) et le tribunal accordent généralement une valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 ; ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 ; ATA/902/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par les agents du DT, qui sont des fonctionnaires ayant mandat de veiller à l’application de la loi dans l’exercice de leurs activités (cf. ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 ; ATA/573/2017 du 23 mai 2017).

19.         Des mesures administratives telles que la suspension des travaux (art. 129 let. a LCI) peuvent être ordonnées par le département lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions légales ou aux autorisations délivrées en application de celles-ci (art. 130 LCI).

Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI).

20.         Selon l'art. 333 RChant, tout contrevenant aux dispositions du RChant est passible des peines prévues par la LCI (cf. aussi ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7a ; ATA/611/2004 du 5 août 2004 consid. 12 ; ATA/640/1999 du 2 novembre 1999 consid. 4a).

21.         Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à 150'000.- tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés conformément à l'art. 151 LCI, respectivement aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (art. 334 RChant).

Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction (art. 137 al. 3 LCI). Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité et les cas de récidive (art. 137 al. 3 LCI).

22.         Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).

23.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7c ; ATA/206/2020 du 25 février 2020 consid. 4b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6b ; ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 9b ; ATA/319/2017 du 21 mars 2017 consid. 3c et les références citées).

24.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les art. 1 à 110 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal, comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c).

Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 13c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c).

25.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

26.         Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende, le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/147/2021 du 9 février 2021 consid. 4d et e ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6d). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

27.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; cf. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d et les arrêts cités ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

28.         En l'espèce, la recourante reconnait elle-même que la structure installée pour maintenir la charpente était provisoire. Cela ressort notamment du courrier adressé à l’architecte en charge du chantier, le 22 septembre 2020, dans lequel elle indique avoir procédé à la mise en conformité du support de faitage. Forte de plus de trente ans d'expérience sur le marché du travail, elle connaissait les mesures de sécurité requises par le chantier en question. Elle aurait dû faire en sorte de respecter ces mesures en mettant à disposition de ses ouvriers un échafaudage réglementaire et en installant les étais nécessaires au maintien de la charpente sans utiliser de pont mobile. Elle aurait dû à tout le moins installer les étais dès le premier jour de chantier et ne pas reporter leur installation au lendemain, et surtout ne pas permettre l’utilisation des installations avant que leur installation ne soit totalement terminée.

La recourante ne conteste par ailleurs pas avoir fait travailler des ouvriers sur un échafaudage non réglementaire, à plus de 2 m.

Par conséquent, le tribunal estime que les manquements reprochés à la recourante par le département sont effectivement réalisés. Au vu de ce qui précède, la recourante a ainsi contrevenu au RChant, à l'OTConst et à la LCI. L'amende est dès lors justifiée dans son principe.

29.         Reste à déterminer si la quotité de l'amende respecte le principe de proportionnalité.

30.         L’amende doit respecter ce principe qui est garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014), lequel, notamment, exige un rapport raisonnable entre le but visé par la mesure et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

31.         L’amende doit faire l’objet d’une évaluation globale, dans laquelle l’autorité administrative qui sanctionne - partant le juge qui contrôle sa décision - doit prendre en compte, dans un calcul d’ensemble, la nature, la gravité et la fréquence des infractions (ATA/978/2015 du 22 septembre 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013), ainsi que les éléments liés à la culpabilité et les circonstances personnelles de l’auteur, dont ses capacités financières (ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 ; Günter STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, 2006, p. 39).

32.         À titre exemplatif, la chambre administrative a confirmé une amende de CHF 5'000.- infligée à deux mandataires professionnellement qualifiés (ci-après : MPQ) pour des travaux effectués en hauteur par des ouvriers avec des garde-corps manquants, en mauvais état ou incomplets et un risque de chute supérieur à 2 m, ainsi que pour avoir terminé le chantier dans l’irrespect de l’ordre d’arrêt de chantier (ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

Le tribunal de céans a quant à lui confirmé l’amende de CHF 3'000.- prononcée à l’encontre d’un MPQ pour avoir laissé travailler deux ouvriers sur le toit (plat) sans protection, le chantier étant en outre librement accessible au public (JTAPI/381/2020 du 14 mai 2020).

Il a de même confirmé des amendes de CHF 6'000.- envers respectivement un MPQ présentant déjà cinq antécédents qui avait laissé travailler des ouvriers sur un échafaudage non conforme, présentant un vide supérieur à 30 cm et une hauteur de chute supérieure à 2 m (JTAPI/17/2020 du 8 janvier 2020) et une entreprise ayant omis d’annoncer le chantier et permis des travaux en toiture sans protections collectives et sans échafaudages, et avec un accès se faisant par une nacelle conduite par un ouvrier ne disposant pas d’un permis réglementaire (JTAPI/889/2019 du 9 octobre 2019).

Il a en revanche réduit à CHF 15'000.- une amende de CHF 20'000.- infligée à une entreprise pour avoir débuté le chantier avant 7h00 et pour la conduite par un machiniste d’une pelle sur chenillette de 80 tonnes sans permis règlementaire (JTAPI/1109/2019 du 11 décembre 2019).

33.         En l'espèce, les manquements reprochés se rapportent à des règles essentielles visant à assurer la sécurité d'un chantier aux fins de prévenir des risques d'accidents potentiellement graves pour les ouvriers y travaillant, ce qui justifie une amende qui ne peut être réduite, comme demandé par le recourant, au minimum légal de CHF 100.-.

Cependant, le département a, dans sa décision, tenu compte à tort du fait qu'il s'agissait d'un cas de récidive. En effet, si une amende administrative de CHF 3'000.- a déjà été infligée à la recourante, les manquements et la procédure les sanctionnant se sont déroulés parallèlement à la présente procédure. Partant, ces éléments ne peuvent être pris en compte au titre de récidive.

Dès lors, en raison des manquements constatés mais en tenant compte de l'absence d'antécédents de la recourante, de la jurisprudence rappelée ci-dessus et de la fourchette fixée par l'art. 137 al. 1 LCI, le tribunal estime qu’une amende de CHF 5'000.- est disproportionnée ; le montant de l'amende sera ainsi réduit à CHF 2'000.-, montant qui apparait plus conforme au principe de proportionnalité.

Le tribunal relèvera enfin que la recourante n'a pas démontré ni même allégué que le paiement de la somme de CHF 5'000.-, a fortiori de CHF 2'000.- la placerait dans une situation financière difficile (cf. not ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/455/2009 du 15 septembre 2009 ; ATA/614/2008 du 9 décembre 2008 ; ATA/632/2007 du 11 décembre 2007). En effet, elle s'est contentée d'indiquer que la situation actuelle était difficile, sans en apporter aucun justificatif.

34.         Dans ces circonstances, le recours sera partiellement admis et la décision querellée annulée en tant qu'elle fixe le montant de l'amende à CHF 5'000.-; ce montant sera réduit à CHF 2'000.-.

35.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui n’obtient que très partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

36.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 décembre 2020 par A______ Sàrl contre la décision du département du territoire du 24 novembre 2020 ;

2.             l’admet partiellement ;

3.             annule la décision précitée en tant qu’elle fixe le montant de l’amende infligée à CHF 5'000.- ;

4.             réduit le montant de cette amende à CHF 2'000.- ;

5.             confirme ladite décision pour le surplus ;

6.             met à la charge de la recourante un émolument réduit de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

7.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 100.- ;

8.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

9.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Patrick BLASER et Bénédicte MONTANT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière