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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2276/2016

ATA/902/2016 du 25.10.2016 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; MESURE DISCIPLINAIRE ; INTÉRÊT ACTUEL ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.60.letb; RRIP.42; RRIP.44; RRIP.45.leth; RRIP.47
Résumé : Rejet du recours contre une décision de placement d'un détenu de trois jours en cellule forte pour trouble à l'ordre de la prison et menaces envers le personnel, ainsi que refus d'obtempérer. Recours recevable, bien que le recourant ait déjà subi sa sanction, il conserve un intérêt actuel à agir, un nouveau placement en cellule forte étant à nouveau possible. Compte tenu des circonstances et de son comportement, la sanction disciplinaire prononcée à son encontre se justifiait et était proportionnée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2276/2016-PRISON ATA/902/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 octobre 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1. Par décision du 21 juin 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, la direction de la prison de Champ-Dollon a ordonné le placement en cellule forte de Monsieur A______, pour une durée de trois jours, en raison de trouble à l'ordre de l'établissement.

Selon le rapport des agents de détention, après s'être vu refuser la consultation d'un psychiatre au moment où il le réclamait, soit le 20 juin 2016 à 21h42, M. A______ avait menacé les gardiens en service de mettre le feu à sa cellule et de « faire des problèmes toute la nuit ».

2. Par acte du 29 juin 2016, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, contestant son bien-fondé.

Le soir des faits, il avait demandé aux deux agents de détention d'être emmené à l'infirmerie, ce que ces derniers avaient refusé, car ils regardaient un match de football à la télévision.

3. Dans ses observations du 23 août 2016, le directeur de la prison a conclu au rejet du recours, « sous suite de frais ».

En 2014, le détenu avait causé, à deux reprises, des problèmes similaires, notamment en menaçant de bouter le feu à sa cellule et en refusant d'obtempérer, ce qui lui avait valu, les deux fois, deux jours de placement en cellule forte.

Dans la matinée du 21 juin 2016, soit après sa détention en cellule forte, un gardien était venu chercher M. A______ pour le conduire au service médical mais le détenu avait refusé de l'accompagner.

Dès lors que les gardiens avaient suivi scrupuleusement la procédure en vigueur durant la nuit des faits, que malgré la possibilité de convenir d'un rendez-vous avec le service médical le lendemain, M. A______ avait refusé de s'y rendre, que ce dernier avait menacé de mettre le feu à sa cellule et de causer des problèmes toute la nuit, mettant en danger les détenus et le personnel de prison, qu'il avait déjà été sanctionné à deux reprises pour des faits similaires et que cette fois-ci il avait été sanctionné de trois jours de cellule forte, le maximum étant de dix jours, la mesure était justifiée et respectait le principe de proportionnalité.

4. Le 4 septembre 2016, M. A______ a exercé son droit à la réplique.

Il contestait avoir menacé de mettre le feu à sa cellule, mais admettait avoir dit aux gardiens que s'il ne dormait pas, ceux-ci ne dormiraient pas non plus. Au moment où un gardien était venu le chercher pour l'emmener au service médical, le détenu avait effectivement refusé de s'y rendre mais uniquement car, étant dans un état de fatigue intense, il n'était pas en mesure de se déplacer.

5. Le 5 septembre 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous cet angle (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164).

c. un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299). Si l'intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 139 I 206 consid. 1.1 p. 208) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1 p. 24).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 p. 208).

e. En l’espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui. La légalité d’un placement en cellule forte doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, puisque cette sanction a déjà été exécutée, dans la mesure où cette situation pourrait encore se présenter (ATA/183/2013 du 19 mars 2013 et la jurisprudence citée), dès lors qu'il ne ressort pas du dossier qu'il aurait quitté la prison à ce jour.

Le recours est donc recevable à tous points de vue.

3. Le recourant se plaint de ce que son placement en cellule forte pendant trois jours serait infondé, dès lors qu'il n'avait notamment pas menacé les gardiens de mettre le feu à sa cellule.

4. a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, sont l'objet d'une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/309/2016 du 12 avril 2016 consid. 5b ; ATA/972/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2).

5. a. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

b. Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire et les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP) et n’a d’aucune façon le droit de troubler l’ordre et la tranquillité de la prison (art. 45 let. h RRIP).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

d. Selon les art. 47 al. 3 et 47 al. 5 RRIP, le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes a) suppression de visite pour quinze jours au plus ; b) suppression des promenades collectives ; c) suppression d’achat pour quinze jours au plus ; d) suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ; e) privation de travail ; f) placement en cellule forte pour dix jours au plus, étant précisé que ces sanctions peuvent se cumuler (art. 47 al. 4 RRIP).

6. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/99/2014 du 18 février 2014 consid. 5b et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

7. En l'espèce, le recourant admet avoir dit aux gardiens, le soir des faits, que tant qu'il n'aurait pas vu un membre du personnel médical, il continuerait à faire du bruit. Le rapport des gardiens de détention mentionne également que le détenu a menacé de mettre le feu à sa cellule, ce qui emporte valeur probante au vu de la jurisprudence précitée, aucun élément permettant de s'écarter de ces déclarations. En adoptant un tel comportement, M. A______ a fait fi des injonctions qui lui étaient ordonnées par les gardiens en service et a également menacé l'intégrité physique des autres détenus et du personnel de prison travaillant le soir des faits. Le recourant a ainsi troublé l'ordre de la prison. C'est à juste titre que la direction de la prison a prononcé la sanction litigieuse, qui respecte le principe de proportionnalité au vu des circonstances du cas d'espèce.

8. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige et son issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 juin 2016 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 21 juin 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

 

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :