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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/217/2003

ATA/611/2004 du 05.08.2004 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; AMENDE; FAUTE; RESPONSABILITE; SANCTION ADMINISTRATIVE; PERSONNE MORALE
Normes : RChant.3; RChant.7; RChant.332; RChant.66; RChant.334; LCI.137; LCI.151 litt.d
Résumé : En tant que responsable du chantier, la recourante doit se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers. Violation des art. 3, 7 , 332 et 66 RChant justifiant le prononcé d'une amende administrative. Prise en compte, lors de la fixation du montant de l'amende, de la proximité de la récidive et du fait que l'un des recourants est un multirécidiviste.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/217/2003-TPE ATA/611/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 5 août 2004

dans la cause

 

ATELIER X__________(X__________)

Monsieur B__________

Monsieur A__________

représentés par Me Gérard Brutsch, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

et

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT


 


1. Le présent arrêt traite de plusieurs recours formés contre des décisions rendues par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) au sujet de travaux entrepris dans un immeuble sis 47, rue de__________ en 2001.

Par souci de clarté, les faits seront exposés ci-après sous des chapitres séparés.

A. Amende administrative du 12 juin 2001 infligée à l’Atelier X__________(ci-après : X__________)

2. Le 5 mars 2001, le département a délivré une autorisation de transformation d’un immeuble sis sur la parcelle 2333, feuille 63, de la commune de Genève-Cité, à l’adresse, rue de__________, propriété du Crédit Suisse, dont le mandataire était Monsieur B__________, architecte pour X__________, de siège à Carouge (DD 96’968/7).

3. Le chantier y relatif a été ouvert le 2 mai 2001.

4. Lors d’un contrôle effectué le 16 mai 2001 par la police des constructions du département, il a été constaté que les ouvriers travaillaient dans des conditions dangereuses. Les mesures de sécurité prises pour assurer la sécurité des occupants de l’arcade du rez-de-chaussée étaient inexistantes. Le plafond s’était écroulé dans les WC et le lustre de la chambre à coucher était tombé sur le parquet.

Par courrier recommandé du 18 mai 2001, le département a demandé à X__________ de faire fermer par un platelage toutes les trémies et de remplacer les planches pourries et cela pour tous les travaux réalisés dans les étages. De plus, l’approvisionnement et l’évacuation des matériaux devaient se faire par l’extérieur du bâtiment.

Parallèlement, il a interdit la suite des travaux aussi longtemps que X__________ n’aurait pas donné des ordres nécessaires pour remédier à cette situation (prises de mesures de sécurité et de salubrité relatives aux occupants de l’arcade). Le département entendait sanctionner les infractions commises. X__________ était invitée à se déterminer dans les cinq jours.

5. Par fax du 17 mai 2001, X__________ a informé le département que les travaux de fermeture aux étages seraient effectués dans la matinée ; les matériaux stockés sur le passage latéral de l’immeuble seraient enlevés dans la journée ; le plafond de l’arcade réparé en début d’après-midi.

6. Sous la plume de M. B__________, X__________ s’est déterminée le 23 mai 2001.

Les locataires de l’arcade avaient accepté de modifier les heures d’ouverture durant l’exécution des travaux d’évacuation et de démolition et ils n’ouvraient leur boutique qu’à partir de 17 heures. Le dégât causé au plafond des WC était survenu le 16 mai à 14 heures, alors que l’arcade était fermée. Personne n’avait été mis en danger et le plafond en question avait été réparé le 17 mai 2001 à 14 heures. La pose du platelage avait été effectué le 17 mai également et les matériaux stockés le long de la façade évacués le même jour.

7. Par décision du 12 juin 2001, le département a infligé à X__________ une amende administrative de CHF 1'500.-, retenant une contravention aux articles 1, 3 alinéa 1, 7 alinéa 1, 60 alinéa 1 et 64 du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant – L 5 05.03).

Dite décision indiquait le délai et la voie de recours à la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission).

8. X__________ a saisi la commission par acte du 6 juillet 2001 d’un recours contre la décision précitée (recours 7079).

B. Amende administrative du 8 octobre 2001 infligée à X__________

9. Lors d’une visite sur le chantier, rue de__________ effectuée le 18 juin 2001, les inspecteurs du département ont constaté que des travaux étaient en cours dans l’immeuble susmentionné, alors qu’un arrêt de chantier lui avait été notifié le 18 mai 2001 et confirmé lors d’un entretien dans les locaux du département le 15 juin 2001.

Vu la mise en danger de la sécurité du public et en particulier celle des exploitants et des clients de l’arcade du rez-de-chaussée, le département a confirmé, par décision du 18 juin 2001, l’ordre d’arrêt immédiat du chantier en application des articles 129 et suivants de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Dite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours et comportait l’indication des voie et délai de recours au Tribunal administratif.

10. Sous la plume de Monsieur A__________, X__________ a réagi le 19 juin 2001. Les termes de la décision susmentionnée étaient en contradiction avec ce qui avait été convenu avec les inspecteurs du département et ne correspondaient en rien avec la réalité des faits.

La locataire de l’arcade était animée par une volonté de nuire et de tirer un parti financier des inconvénients du chantier, alors qu’elle n’avait pas fait opposition à l’autorisation de construire.

Il avait été convenu avec les inspecteurs du département de poursuivre les travaux entrepris mais de les interrompre provisoirement le lundi 18 juin à 11 heures pour la réunion de chantier hebdomadaire.

La locataire de l’arcade n’avait jamais été mise en danger parce que les travaux s’étaient déroulés à des heures durant lesquelles elle n’était pas là. Les travaux se déroulaient avec un étage « tampon » entre l’arcade et le chantier, comme le voulait la tradition des chantiers à Genève.

11. Par courrier recommandé du 21 juin 2001, le département a levé la suspension des travaux contenue dans sa décision du 18 juin 2001, sous réserve du respect des conditions expressément stipulées qui devaient être réalisées en quatre phases, à savoir :

- Le nettoyage complet du sol du premier étage ;

- La remise par un ingénieur du schéma du positionnement de l’étayage et la mise en place de celui-ci entre le premier et le deuxième étage ;

- La condamnation totale du premier étage ;

- Le coulage d’une dalle béton au deuxième étage.

L’attention d’X__________ était attirée sur le fait qu’en cas de nouvelle menace pour la sécurité des occupants de l’arcade ou de non-respect des mesures de mise en sécurité convenues avec M. A__________, un nouvel arrêt immédiat des travaux serait ordonné.

12. Par courrier simple du 24 juillet 2001, le département a confirmé à M. A__________ qu’il maintenait l’ordre de ne pas ouvrir le chantier dans les étages inférieurs de l’immeuble, interdiction qui ne pourrait être levée que lorsque ces locaux seraient libres de tout occupant.

13. Le 13 août 2001, M. A__________ a confirmé au département qu’en raison des démêlés avec la locataire de l’arcade, le chantier avait subi un important retard. A partir du 23 juillet, le commerce étant fermé et libre de tout occupant, X__________ avait procédé à la pose des connecteurs, des tubes électriques, des conduites de chauffage, des tubes sanitaires, de l’armature et procéder au bétonnage. Tous les étages de l’immeuble étaient sécurisés.

14. Le 15 août 2001, les inspecteurs du département se sont rendus sur place. Ils ont constaté que l’arcade du rez-de-chaussée était occupée tant par les exploitants, que par les clients.

15. Le 17 août 2001, le département a informé M. A__________ qu’il maintenait l’ordre de ne pas ouvrir le chantier dans l’étage « tampon » situé directement au dessus de l’arcade. Comme déjà indiqué, cette interdiction ne pourrait pas être levée tant que ces locaux seraient occupés.

16. Le 20 août 2001, M. A__________ a informé le département qu’à la demande des inspecteurs du département, les mesures de sécurisation de solivage sur le rez-de-chaussée avaient été effectuées lors de la fermeture annuelle de l’arcade.

17. Par courrier recommandé et adressé par télécopie le 14 septembre 2001, le département s’est adressé à M. B__________. Il constatait que X__________ n’avait pas respecté la décision du département entrée en force, notifiée les 18 et 21 juin et confirmée le 17 août 2001. En effet, X__________ avait donné l’ordre le 12 septembre 2001 de procéder à des travaux dans l’étage « tampon » interdit d’accès aux ouvriers, ceci pour raison de sécurité.

X__________ était priée de transmettre sans délai les conventions passées avec les entrepreneurs concernant les mesures à prendre pour garantir la sécurité et la protection de la santé dans les travaux de construction effectués sur le chantier.

18. X__________, sous la plume de M. A__________, s’est déterminée le 17 septembre 2001. Manifestement, les ordres donnés sur place par les inspecteurs du département étaient ignorés par ce dernier.

19. L’inspection des chantiers du département s’est déterminée par fax également le 17 septembre 2001. Aucune autorisation ni ordre n’avait été donné sur place pour entreprendre les travaux de l’étage « tampon ». Par conséquent, toute reprise des travaux constituait une infraction.

20. Par décision du 19 septembre 2001, le département a confirmé à X__________ le maintien de l’interdiction de travailler au premier étage, décision notifiée les 18 et 21 juin 2001. Cette interdiction ne pourrait être levée que si la sécurité des exploitants ainsi que des clients de l’arcade était garantie. L’interdiction de travailler dans l’étage « tampon » pourrait également être levée sur production soit d’un document attestant qu’un accord avait été trouvé avec les occupants pour convenir de la libération des locaux en question, soit d’un titre juridique garantissant l’absence de locataires.

Dite décision contenait l’indication de la voie et délai de recours à la commission.

21. Par courrier recommandé du 25 septembre 2001, le département a constaté que X__________ n’avait pas respecté la décision du département entrée en force, décision notifiée par pli recommandé les 18 et 21 juin 2001, confirmée les 17 août et 19 septembre 2001. En effet, X__________ avait fait procéder à des travaux dans l’étage « tampon » interdit d’accès aux ouvriers. Par ailleurs, X__________ n’avait pas transmis au département les documents demandés dans son courrier du 14 septembre 2001.

22. X__________ s’est déterminée sous la plume de son conseil le 2 octobre 2001. Postérieurement au 19 septembre 2001, les travaux n’avaient pas été entrepris, du moins dans l’étage « tampon ».

23. Par décision du 8 octobre 2001, le département a infligé à X__________ une amende administrative de CHF 5'000.- pour avoir contrevenu aux articles 1, 3 alinéas 1 et 2, 7 alinéas 1 et 3 RChant.

24. X__________ a saisi la commission d’un recours contre la décision précitée par acte du 8 novembre 2001 (recours 7237).

C. Amende administrative du 21 novembre 2001 infligée à M. A__________

25. Lors d’une visite sur place le 24 octobre 2001, le département a constaté que des travaux avaient repris dans l’étage « tampon » interdit d’accès aux ouvriers selon les décisions des 18 et 21 juin 2001, confirmées les 17 août et 19 septembre 2001.

De plus, à l’occasion d’une enquête effectuée le 25 octobre 2001, le département avait dû déplorer la survenance d’un incident lors d’opérations de forage, ce qui avait eu pour regrettable conséquence la mise en danger des occupants de l’arcade.

Par ailleurs, la police des constructions avait récemment été avisée du changement intervenu concernant le mandataire professionnellement qualifié pour cet ouvrage, à savoir M. A__________ en remplacement de M. B__________.

Le département devait être renseigné sans délai sur les événements constatés le 25 courant. L’ordre d’arrêt immédiat des travaux notifié sur place le 25 octobre 2001 était confirmé et M. A__________ était invité à se déterminer sur cette question dans les 48 heures.

26. M. A__________ s’est déterminé, sous la plume de son conseil, le 26 octobre 2001. Les décisions successives du département d’interdire d’exécuter des travaux dans l’étage « tampon » n’impliquaient pas en revanche que l’accès à ces locaux ait été interdit. Ils étaient donc utilisés comme vestiaire, réfectoire et dépôt. Il était formellement contesté que des travaux aient été entrepris sur cet étage.

Quant à l’incident de forage, les travaux y relatifs, exécutés au sous-sol, étaient rendus nécessaires dans le cadre de l’autorisation de construire en force. Aucun état de fait dangereux n’avait été créé, car aucun fil électrique sous tension n’avait été coupé ou risquait de l’être.

27. Par décision du 21 novembre 2001, le département a infligé à M. A__________ une amende administrative de CHF 20'000.-, montant tenant compte de la gravité tant objective que subjective des infractions commises et notamment de la récidive. Il était reproché à M. A__________ d’avoir gravement contrevenu aux articles 1, 3, 7 alinéa 1 et 66 RChant ainsi que d’avoir outrepassé délibérement les ordres donnés par le département.

Dite décision, notifiée sous la menace de la peine prévue à l’article 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O), pouvait être contestée dans un délai de trente jours auprès de la commission (sic).

28. Le 29 novembre 2001, les services industriels de Genève (SIG) ont établi une note à l’intention du département. Suite à un contrôle visuel effectué le même jour sur le chantier rue de__________, le représentant des SIG avait constaté que l’installation électrique de ces locaux n’était pas raccordée à l’aval d’un dispositif de protection à courant différencié résiduel. Une série de photographies avait été réalisée à cette occasion.

29. Le 14 décembre 2001, les SIG ont établi une note complémentaire. Après un nouveau constat sur place, l’installation électrique ne présentait aucun danger et comportait un caractère provisoire qui devrait être corrigé. Selon les photos remises par le département, il semblait que l’installation électrique présentait des dangers (installation fixe démontée et pendante), mais cette installation n’existait plus lors de la visite. Il était évident que le fait de percer des trous dans un mur depuis un local juxtaposant cette installation aurait pu mettre en danger non seulement l’ouvrier occupé à cette tâche mais aussi un tiers se trouvant dans l’arcade précitée. En effet, si les canalisations électriques s’étaient enroulées autour de la mèche de la perceuse, celle-ci aurait pu subir un dommage et laissé apparaître des parties nues sous tension. Cette constatation n’avait pas été faite lors de la visite du représentant des SIG.

30. M. A__________ a saisi la commission d’un recours contre la décision précitée par acte du 21 décembre 2001 (recours 7239).

D. Décision du 10 janvier 2003 de la commission

31. Par décision du 10 janvier 2003, la commission a prononcé la jonction des trois procédures et rejeté les trois recours.

a. Les faits fondant la première amende infligée le 12 juin 2001 n’étaient pas sérieusement contestés. La contravention était justifiée dans son principe et faible dans son montant. Elle devait être confirmée.

b. Concernant l’amende du 8 octobre 2001, il ressortait de la procédure que les conditions posées par le département à une levée de l’arrêt de chantier n’avaient pas été remplies alors que le chantier s’était pour sa part poursuivi.

La sanction était donc justifiée dans son principe et le montant de l’amende justifié, compte tenu notamment de la récidive.

c. Quant à la troisième amende prononcée à l’encontre de M. A__________, les pièces du dossier établissaient que les travaux de forage étaient intervenus dans des conditions propres à causer une situation dangereuse, en particulier pour l’ouvrier chargé desdits travaux.

Le principe de la sanction devait être confirmé. Le montant de l’amende également, l’intéressé ayant eu connaissance en tant qu’animateur principal d’X__________ des précédentes décisions prises à l’encontre de cette dernière.

E. Procédure devant le Tribunal administratif

32. X__________ et M. B__________ ainsi que M. A__________ ont saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée, par acte du 12 février 2003.

Le tribunal de céans devait résoudre deux questions, à savoir :

1. X__________, M. B__________, puis M. A__________ avaient-ils ou non respecté l’injonction qui leur était faite de ne pas poursuivre les travaux au premier étage de l’immeuble, rue de__________ ?

2. Les travaux de forage étaient-ils de nature à mettre en danger les locataires de l’arcade du rez-de-chaussée ?

Pour répondre à ces questions, les recourants ont retenu les éléments suivants :

a. La première intervention du département sur le chantier remontait au 18 mai 2001. A ce moment-là, le département n’avait préconisé aucune mesure particulière. X__________ était tenue de donner les ordres nécessaires pour fermer toutes les trémies par un platelage et veiller à ce que l’approvisionnement et l’évacuation des matériaux de chantier se fassent par l’extérieur du bâtiment. Or, X__________ s’était exécutée, ce qu’en témoignaient les courriers et fax des 17 et 23 mai 2001. Néanmoins, le département avait estimé nécessaire d’infliger à X__________ une amende administrative de CHF 1'500.- en date du 12 juin 2001.

b. Par la suite, soit le 18 juin 2001, le département avait posé des exigences supplémentaires pour la sécurité des locataires. Bien que X__________ estimât ces dernières abusives, elle avait collaboré. Ainsi, plusieurs rencontres sur place avaient eu lieu avec le représentant du département et de l’Asloca, porte-parole des locataires. Il y avait également eu plusieurs entretiens avec le service de sécurité des chantiers. Contre toute attente, le département avait réitéré son interdiction de poursuivre les travaux alors que plus rien ne commandait qu’une telle décision ne soit prise. Ce faisant, le département avait violé le principe de la bonne foi.

c. Quant aux travaux de forage, ils n’avaient nullement été constitutifs de mise en danger. Ils avaient été exécutés par un ouvrier spécialisé. Toute l’installation électrique de l’immeuble était mise hors tension et une installation électrique provisoire de chantier avait été montée. Des travaux de forage de ce type étaient courants dans les immeubles en XY__________ion.

d. Ils ont conclu à l’annulation de la décision de la commission ainsi qu’à l’annulation des trois décisions querellées avec suite de frais et dépens.

33. Dans sa réponse du 14 mars 2003, le département s’est opposé au recours.

a. S’agissant des manquements sanctionnés par l’amende du 12 juin 2001, force était de constater que la précaution requise n’avait pas été observée puisque le plafond s’était effondré en présence des locataires de l’arcade et alors que les trémies n’étaient pas fermées par un platelage et que le plancher du premier étage pourri était surchargé de matériaux. X__________ ne contestait d’ailleurs pas cet événement mais soutenait simplement d’une part que les locataires de l’arcade n’étaient pas là et d’autre part que le plafond avait été par la suite réparé.

En tout état, le fait de n’avoir pas pris des mesures de précaution nécessaires consistait, à tout le moins, en de la négligence et l’amende de CHF 1'500.- était fondée dans son principe.

b. S’agissant des manquements sanctionnés pas l’amende du 8 octobre 2001, le département relevait que l’ordre d’arrêt de chantier signifié pour la première fois le 18 juin 2001, puis confirmé et déclaré exécutoire nonobstant recours le 21 juin 2001 n’avait fait l’objet d’aucun recours. Il appartenait donc à X__________ de le respecter. En ne s’y soumettant pas, X__________ avait contrevenu à un ordre du département pris en application du RChant. Les arguments développés par M. B__________ à l’encontre de cet ordre d’arrêt de chantier n’étaient pas pertinents dans la présente procédure. Il lui eût appartenu de les développer dans le cadre d’un recours contre la décision d’arrêt de chantier. Pour sa part, le département avait toujours maintenu sa position, à savoir que les travaux ne pouvaient pas continuer tant et aussi longtemps que l’arcade n’était pas libre de tout occupant. Il avait précisé sa position en indiquant accepter de lever la suspension de chantier à condition que des mesures soient prises. Or, X__________ n’avait jamais pris les mesures dictées par le département.

M. B__________ ne s’étant pas conformé à l’ordre du département en toute conscience et volontairement, l’amende de CHF 5'000.- était fondée aussi bien dans son principe que dans sa quotité.

c. L’amende du 21 novembre 2001 visait à sanctionner le fait que lors des opérations de forage les cordons électriques se trouvaient à l’endroit des percements à l’intérieur du magasin. Les SIG et un expert en contrôle de la sécurité des installations électriques avaient confirmé que le risque d’électrocution était réel. Pendant les travaux de forage, les installations électriques de l’arcade étaient restées sous tension et le tableau électrique de chantier ne respectait pas le dispositif de sécurité. Il y avait donc une mise en danger aussi bien pour les occupants et les visiteurs de l’arcade que pour l’ouvrier affecté à la réalisation des travaux.

L’amende de CHF 20'000.- se référait également au fait que nonobstant l’arrêt de chantier du 18 juin 2001 en force, et confirmé à l’égard de M. A__________ par courrier du 28 octobre 2001, les travaux s’étaient poursuivis sous la direction de ce dernier.

Le montant de CHF 20'000.- respectait le principe de proportionnalité puisqu’il visait à sanctionner le comportement d’un professionnel habitué des chantiers, qui avait travaillé au mépris des règles élémentaires de sécurité sur le plan des installations électriques et sans faire aucun cas d’une injonction du département. Ce comportement était aggravé par le fait que M. A__________ était un multirécidiviste.

34. Le Tribunal administratif a entendu les parties en audience de comparution personnelle le 25 septembre 2003.

Etaient présents à cette audience MM. D__________ et L__________ du service de l’inspection des chantiers.

a. Concernant la décision du 12 juin 2001, M. B__________ a confirmé que X__________ contestait cette décision dans la mesure où elle estimait que le chantier ne présentait pas de danger et que les travaux demandés par le département le 18 mai 2001 avaient été exécutés.

Les représentants de l’inspection du chantier ont confirmé que le 16 mai 2001 le chantier présentait un danger pour les locataires de l’immeuble et pour les ouvriers. Il y avait des trous dans le plancher et l’évacuation des gravats se faisait par l’intérieur de l’immeuble alors qu’elle aurait dû se faire par l’extérieur.

b. S’agissant de la décision du 8 octobre 2001, M. L__________ a confirmé être retourné sur le chantier le 23 mai 2001, suite à un téléphone de l’occupant de l’arcade. Il avait alors constaté qu’une partie du plafond s’était effondrée à un autre endroit que le 16 mai 2001.

M. B__________ a exposé avoir rencontré M. L__________ sur les lieux le 23 mai 2001. Ils n’avaient pas pu déterminer la cause de l’effondrement mais il n’était pas exclu qu’il ait pu se produire par le fait d’un tiers. Suite à la décision du 18 juin 2001, X__________ avait pris des mesures pour que l’étage au dessus de l’arcade ne soit plus accessible.

M. L__________ a ajouté avoir procédé à un nouveau contrôle sur place en présence de M. A__________ le 29 juin 2001. Il avait constaté que les mesures demandées par le département avaient été prises à l’exception d’une seule. Une fenêtre au premier étage de l’immeuble était ouverte et permettait d’accéder au chantier. M. A__________ avait pris l’engagement de la condamner mais le département avait pour sa part maintenu l’ordre d’arrêt de chantier pour cet étage.

M. L__________ a encore précisé qu’il s’était rendu à plusieurs reprises sur le chantier dans le courant de l’été 2001 et qu’il avait constaté que les travaux continuaient dans tout l’immeuble, notamment dans l’étage « tampon ».

M. B__________ a admis que les travaux s’étaient poursuivis durant l’été dans tout l’immeuble, y compris l’étage « tampon » pendant que le locataire de l’arcade était en vacances. Les travaux de coulage de la dalle étaient terminés lorsque celui-ci était revenu mais il ne pouvait en situer la date. Il n’y avait donc plus de mise en danger pour les locataires de l’arcade et X__________ estimait qu’elle pouvait poursuivre les travaux du premier étage.

M. L__________ a relevé que le fait d’avoir coulé la chape entre l’arcade et l’étage « tampon » ne supprimait pas le risque d’effondrement du plafond de l’arcade qui était dans un état de délabrement avancé.

c. Qant à la décision du 21 novembre 2001, le conseil de M. A__________ a relevé qu’il y avait une installation électrique propre au chantier indépendante de celle de l’immeuble. L’arcade quant à elle était alimentée par le tableau provisoire de chantier.

M. L__________ a confirmé être l’auteur des photographies prises le 25 octobre 2001 sur lesquelles on voyait très bien que l’éclairage ne venait pas du plafond. A ce moment-là, le tableau provisoire du chantier avait été déposé, ce qui expliquait la mise en danger courue par les ouvriers, voire par toute autre personne se trouvant sur les lieux.

35. Le Tribunal administratif a entendu des témoins les 11 décembre 2003 et 22 janvier 2004.

- M. G__________, technicien pour l’entreprise Y__________, spécialisée dans le carottage de béton, était intervenu sur le chantier, rue de__________ en qualité de sous-traitant de M. A__________. Suite à ce chantier, Y__________ avait eu des problèmes avec M. A__________ qui avait débouché sur une procédure judiciaire. Concernant son travail sur le chantier de la rue de__________, le témoin a précisé qu’il s’agissait pour lui d’effectuer des carottages en sous-sol et au rez-de-chaussée pour permettre le passage de tuyaux de chauffage et sanitaires. Ces travaux étaient effectués entre midi et 14 heures. Les ouvriers de Y__________ n’avaient pas la clé pour entrer dans l’arcade. De tels travaux n’étaient pas dangereux, sauf éventuellement un écoulement d’eau imprévisible qui n’aurait pas pu être maîtrisé.

De manière générale et dans l’exécution de travaux de ce type, il arrivait souvent aux ouvriers de couper un câble électrique, mais étant relié à la terre il n’y avait pas d’accident possible. A Genève, toutes les prises de chantier étaient mises à la terre. Il ignorait si sur le chantier de la rue de__________ il y avait eu un tableau provisoire. Il ne pouvait pas répondre à la question de savoir si les ouvriers de Y__________ avaient mis une protection dans l’arcade mais il n’en avait pas l’impression. Visionnant les photographies prises lors du constat du 24 octobre 2001, le témoin s’est étonné que l’ouvrier de Y__________ ait travaillé de cette manière. On voyait du béton éclaté alors que l’ouvrier en question travaillait très proprement. De plus, celui-ci n’aurait pas laissé le chantier dans cet état s’il avait pu accéder à l’arcade.

- M. M__________, employé de l’entreprise Z__________ Electricité Sàrl, a confirmé avoir travaillé sur le chantier, rue de__________ mais à une époque qu’il ne pouvait plus situer. Il avait installé un tableau provisoire propre au chantier. L’arcade était alimentée séparément par les installations existantes. En cours de chantier, il y avait eu quelques dégâts dus aux travaux effectués à l’étage supérieur. Dans l’immeuble lui-même, il n’y avait plus d’électricité. Pendant l’exécution des travaux, les ouvriers étaient branchés exclusivement sur le tableau provisoire du chantier qui se trouvait sur chaque palier d’étage. Cela était conforme aux normes de sécurité fédérales. Ainsi, un ouvrier qui toucherait une ligne électrique en travaillant déclencherait le processus de sécurité.

Son intervention sur l’immeuble s’était limitée aux parties communes et à la XY__________ion des logements. L’entreprise n’était pas intervenue dans l’arcade, hormis les réparations survenues en cours de chantier.

L’installation provisoire de chantier, faisant l’objet de l’une des photographies du 24 octobre 2001, ne pouvait pas tomber toute seule. Lorsque celle-ci avait été posée, elle était sans doute fixée à un tableau existant mais il ne se souvenait pas des détails.

- M. ME__________, employé de l’entreprise XX__________, a travaillé sur le chantier, rue de__________ pour les travaux de chauffage. L’entreprise XX__________ n’avait pas effectué de travaux de forage nécessités par les installations, mais simplement réalisé les traçages. Il n’avait pas de souvenir que ces travaux aient été effectués depuis l’arcade. La réalisation des travaux impliquait un passage par l’arcade. A cet égard, il se souvenait d’avoir pris rendez-vous avec la locataire de l’arcade pour les effectuer. Lors de l’exécution des travaux, les machines étaient branchées sur le tableau provisoire de chantier.

- M. S__________, employé de l’entreprise Y__________, a confirmé avoir effectué les travaux de forage au sous-sol et au rez-de-chaussée de l’immeuble, rue de__________. Il n’avait pas vu les lieux tels qu’ils résultaient de la pièce 9 du département (photographies du 24 octobre 2001). Pour faire ces travaux, il avait sans doute pris l’électricité à un tableau de chantier qui se trouvait probablement au sous-sol de l’immeuble ou dans l’allée.

Ce type de travaux présentait un certain risque car l’on ne savait jamais ce que l’on aller trouver dans les murs. Il arrivait fréquemment que l’ouvrier tombe sur une conduite de gaz, d’eau ou électrique. Dans cette dernière hypothèse, l’ouvrier n’était pas en danger car les machines étaient munies d’une protection. Les tiers ne l’étaient pas davantage, sauf s’il s’agissait d’une conduite de gaz ou d’eau. Sur ce chantier, il n’avait rencontré ni eau, ni électricité, ni gaz. Les travaux s’étaient déroulés normalement en dehors du fait qu’il n’avait pas pu entrer dans l’arcade pour nettoyer les gravats causés par le forage.

- M. A__________ présent aux audiences a relevé qu’il avait son propre bureau depuis 16 ans et qu’il n’avait jamais eu de problèmes de sécurité sur les chantiers. Il trouvait incroyable que le chantier de la rue de__________ ait fait l’objet d’une vingtaine de visites du service de sécurité alerté par la locataire de l’arcade. Celle-ci avait tout fait pour obtenir de l’argent en raison des inconvénients que lui procurait le chantier. Une photographie comme celle produite sous chiffre 9ter du département relevait de la mise en scène.

36. Les parties se sont exprimées après comparution personnelle et enquêtes.

a X__________, MM. B__________ et A__________ ont présenté leurs observations le 29 février 2004. Les deux premières amendes administratives n’étaient pas fondées. L’intervention du département faisait suite au comportement de la locataire de l’arcade du rez-de-chaussée dont le but était d’obtenir une diminution de loyer ou un dédommagement en raison des inconvénients du chantier. Preuve en était la procédure civile devant le Tribunal des baux et loyers qu’elle avait intentée au propriétaire.

La décision prise à l’encontre de M. A__________ était également infondée. Les témoins entendus par le Tribunal administratif, en particulier les ouvriers ayant exécuté le forage, avaient confirmé que les travaux de ce type s’exécutaient de la même manière sur tous les chantiers se déroulant dans le canton de Genève. Ils n’étaient en eux-mêmes pas dangereux sauf rencontre inopinée avec un écoulement d’eau imprévisible qui ne pourrait pas être maîtrisé. Dans le cas particulier, toutes les précautions avaient été prises, notamment eu égard à l’arcade pour assurer la sécurité.

b. Le département s’est déterminé le 30 avril 2004.

Les faits justifiant l’amende du 12 juin 2001 étaient avérés. L’arrêt de chantier notifié et confirmé n’avait pas été respecté par X__________. Les travaux avaient perduré en violation dudit ordre en force alors que les locataires étaient présents ou susceptibles de l’être du 18 juin au 30 juillet 2001 puis à compter du 15 août 2001. Nonobstant les mesures prises par X__________, le danger avait perduré de sorte que la condamnation de l’étage « tampon » devait être maintenue tant et aussi longtemps que les locaux de l’arcade étaient occupés.

L’amende administrative infligée à M. A__________ était fondée. Les prises électriques de l’arcade étaient toutes restées en fonction pendant la durée du chantier et n’étaient reliées à aucun dispositif de sécurité puisqu’un tableau provisoire de chantier équipé d’un système de protection F1 faisait défaut lors des opérations de forage. C’est donc à juste titre que le département avait sanctionné M. A__________ en raison des conditions dans lesquelles s’étaient déroulées lesdites opérations.

37. Il résulte des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux de réunion de chantier, que celui-ci s’est poursuivi durant tout l’été 2001 et même jusqu’en automne, et ceci dans tous les étages de l’immeuble, notamment au premier étage (cf. dans ce sens PV no 9 du 6 juillet 2001 ; no 8 du 30 juillet 2001 ; no 12 du 27 août 2001 ; no 13 du 3 septembre 2001 ; no 14 du 10 septembre 2001 ; no 15 du 17 septembre 2001 ; no 16 du 24 septembre 2001 ; no 20 du 22 octobre 2001 ; no 26 du 27 novembre 2001 ; Message de M. A__________ à XY__________ S.A. du 30 novembre 2001).

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l'article 137 alinéa 5 LCI, si une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi en son nom, la personne morale répondant solidairement des amendes.

b. La poursuite des amendes litigieuses infligées aux recourants, respectivement les 12 juin, 8 octobre et 21 novembre 2001, n’est pas prescrite.

3. Le Conseil d'Etat fixe par règlements les dispositions relatives à la sécurité et à la salubrité sur les chantiers (art. 151 let. d LCI).

4. a. La prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité des travailleurs, du public, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du règlement sur les chantiers (art. 1 al. 1 RChant).

b. Tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet, sont tenus de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers. Il en est de même pour les personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d'ingénieurs, d'architectes et des entreprises générales (art. 1 al. 2 RChant).

c. Le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par le règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession (art. 3 al. 1 RChant).

5. Les prescriptions sur la sécurité au travail sont applicables à toutes les entreprises qui emploient des travailleurs en Suisse, soit à tout employeur occupant un ou plusieurs travailleurs de façon durable ou temporaire, qu'il fasse usage ou non d'installations ou de locaux particuliers (art. 1 al. 1 de l’ordonnance sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles du 19 décembre 1983 (OPA – RS 832.30).

L’OPA précise les mesures relatives à la sécurité au travail que doit prendre l’employeur.

6. En tant que responsable du chantier, X__________ doit se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers. Il en va de même pour ses animateurs, respectivement MM. B__________ et A__________.

7. Selon l’article 7 alinéa 1 RChant, les devis, soumission, adjudication, plans d’exécution, installations et autres aménagements doivent être étudiés de manière à permettre l’application de toutes les mesures de sécurité et de protection de la santé.

8. L’article 60 RChant précise qu’avant la démolition, la résistance de toutes les parties de la construction à démolir ainsi que des constructions adjacentes doit être examinée en détail.

Selon l’article 64 RChant, les planchers et les poutraisons ne doivent pas être surchargées de matériaux de démolition.

9. L’article 66 RChant a pour objet les installations techniques. Avant la démolition, toutes les installations techniques (eau, gaz, électricité) doivent être mises hors service et leurs raccords supprimés.

10. En application de l’article 332 RChant, la suspension immédiate des travaux pour une durée maximum de 48 heures peut être ordonnée par l’inspection des chantiers si la sécurité des ouvriers ou du public est compromise par un manque de précautions (al. 1). Si la durée de cette interdiction doit se prolonger au-delà de 48 heures, elle est ordonnée par arrêté du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (al 2).

11. a. S’agissant des faits qui ont donné lieu à l’amende administrative du 12 juin 2001, ils ne sont pas contestés en tant que tels, mais bien plutôt minimisés. Il n’en demeure pas moins que l’effondrement du plancher à l’étage inférieur est établi, ce qui implique par là-même que les mesures pour assurer la sécurité des occupants de l’arcade du rez-de-chaussée ainsi que des ouvriers travaillant sur le chantier n’étaient pas suffisantes.

C’est donc à juste titre que le département a retenu une violation des articles 3 et 7 RChant.

b. Concernant l’ordre d’arrêt de chantier qui a donné lieu à l’amende administrative du 12 octobre 2001, il faut admettre que la situation, en elle-même peu claire, n’a pas été clarifiée par les interférences des différents services du département avec la direction du chantier.

En résumé, il apparaît que la première décision d’arrêt de chantier prise par le département est celle du 18 juin 2001. Elle ne précise pas si elle s’étend à un étage ou à tous les étages. Il faut donc admettre qu’elle concerne le chantier dans son ensemble.

Dite décision a été partiellement levée le 21 juin 2001 sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions, notamment la condamnation totale du premier étage (blindage des fenêtres et des portes) que les recourants devaient respecter.

Le 24 juillet 2001, le département a déclaré maintenir l’ordre de ne pas ouvrir le chantier dans les étages inférieurs aussi longtemps que ceux-ci ne seraient pas libres de tout occupant. Cet ordre a été maintenu par décisions des 17 août, 12 septembre, 19 septembre et 24 octobre 2001. Aucun recours n’a été déposé contre l’une ou l’autre de ces décisions. Ces ordres d’arrêt de chantier sont ainsi entrés en force.

Or, l’instruction de la cause a permis d’établir que les recourants n’avaient pas pris toutes les mesures énoncées par le département le 21 juin 2001. En particulier, l’accès au premier étage restait possible. De plus, l’instruction de ladite cause a permis d’établir que les travaux se sont poursuivis dans tout l’immeuble durant tout l’été 2001.

C’est donc à juste titre que le département a reproché aux recourants une violation de l’article 332 RChant.

c. L’amende administrative du 21 novembre 2001 a pour objet d’une part la poursuite des travaux dans l’étage « tampon » et d’autre part l’inobservation de prescriptions de sécurité pour les travaux de forage exécutés en octobre 2001.

Comme vu ci-dessus, le chantier s’est poursuivi durant tout l’été 2001, sous la direction notamment de M. A__________ en remplacement de M. B__________.

Les considérations précédemment émises restent donc valables sur ce point.

Quant aux travaux de forage, les témoignages recueillis par le tribunal de céans sont diamétralement opposés aux constatations faites par les SIG. Pour les corps de métier ayant procédé à ces travaux, ceux-ci n’étaient pas dangereux et étaient exécutés dans des conditions régulières (témoin G__________). Pendant l’exécution des travaux, un tableau provisoire de chantier sur chaque palier d’étage avait été installé (témoins Pin, ME__________ et S__________). Les témoins entendus ont pris connaissance des photographies établies par le département. En particulier, le technicien de l’entreprise Y__________ s’est déclaré surpris de l’état du chantier résultant desdites photographies. Aucun d’eux n’a toutefois contesté l’existence d’une installation électrique démontée et pendante, telle qu’elle est établie par les différentes photographies. Les SIG ont pour leur part constaté que l’installation électrique des locaux n’était pas raccordée à l’aval d’un dispositif de protection à courant différencié résiduel. Le Tribunal administratif ne peut que faire fond sur cette constatation dont la valeur technique et scientifique doit avoir la préférence sur les déclarations des ouvriers du chantier dont l’attention n’a peut-être pas été attirée sur cette question.

C’est donc également à juste titre que le département a reproché au recourant une violation de l’article 66 RChant.

12. Tout contrevenant au règlement sur les chantiers est passible des peines prévues par la LCI (art. 334 RChant). Quant au contrevenant à la LCI, à ses règlements et aux ordres donnés par le département dans les limites de ces dispositions, il est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- (art. 137 al. 1 LCI).

Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA/131/1997 du 18 février 1997; P. MOOR, Droit administratif: Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2 Berne 1991, ch. 1.4.5.5, p. 95-96).

L'administration jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA G. du 20 septembre 1994).

Pour fixer le montant d'une amende, le département doit tenir compte du degré de gravité de l'infraction (art. 137 al. 3 LCI). Il est nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648).

Dans la pratique, lorsque l'inspection des chantiers émet des doutes sur la sécurité d'un chantier, l'entreprise responsable des travaux apporte les modifications souhaitées dans les heures qui suivent l'intervention, ceci pour éviter des risques inutiles (ATA/640/1999 du 2 novembre 1999).

En l’espèce, il est établi que les recourants n’ont pas suffisamment assuré la sécurité du chantier et qu’ils n’ont pas pris les mesures ordonnées par le département. De plus, ils ont fait exécuter des travaux de forage notamment dans des conditions dangereuses aussi bien pour les ouvriers que pour les personnes se trouvant dans l’immeuble. Par ailleurs, il est établi qu’ils ont passé outre l’ordre d’arrêt de chantier des travaux du premier étage, confirmé à plusieurs reprises par le département. A cet élément objectif s’ajoute que, subjectivement, il ne fait pas de doute que les fautes commises par X__________, MM. B__________ et A__________ ne peuvent être qualifiées que d’intentionnelles.

Il s’ensuit que le principe d’une amende administrative à l’encontre des recourants est acquis.

13. Reste à déterminer si les sanctions prises par le département sont conformes au principe de proportionnalité qui doit gouverner toute action étatique.

Pour ce qui est des amendes infligées à X__________, le montant en est modeste et adapté à la gravité des infractions constatées. Logiquement, le montant de la seconde amende est quelque peu supérieur, étant donné la proximité de la récidive.

S’agissant de M. A__________, celui-ci est un multirécidiviste, bien connu du Tribunal administratif, dont les antécédents sont relatés en détail dans l’arrêt du 26 août 2003 (ATA/616/2003).

Dans ces conditions, on ne peut que rester perplexe devant la réflexion faite par M. A__________ lors de l’audience du 11 décembre 2003, lequel affirme qu’ayant son propre bureau depuis 16 ans il n’a jamais eu de problèmes avec l’inspection des chantiers… Dans d’autres domaines du droit, M. A__________ serait assurément taxé d’ « incorrigible ». Compte tenu du palmarès de M. A__________, le département a fait preuve de mansuétude en lui infligeant une amende de CHF 20'000.- seulement, soit le tiers du maximum possible.

Il résulte de ce qui précède que les trois décisions litigieuses doivent être confirmées aussi bien dans leur principe que dans leur quotité.

14. Le recours sera donc rejeté.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, ainsi que les frais de procédure s’élevant à CHF 260.- (taxes témoins). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au département.

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2003 par l’Atelier de X__________ ainsi que Messieurs B__________ et A__________ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 10 janvier 2003;

au fond :

le rejette;

met à la charge des recourants un émolument de CHF 1’500.- ainsi que les frais de procédure en CHF 260.-;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Me Gérard Brutsch, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 

Siégeants :

Mme Bovy, présidente, MM. Paychère, Schucani, Thélin, juges, M. Bellanger, juge suppléant.

Au nom du Tribunal Administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :