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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/112/2016

ATA/319/2017 du 21.03.2017 sur JTAPI/1165/2016 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE ; DESTINATAIRE(SENS GÉNÉRAL) ; AMENDE ; AUTEUR(DROIT PÉNAL) ; FAUTE ; RECTIFICATION(EN GÉNÉRAL) ; PARTIE À LA PROCÉDURE
Normes : LCI.137 ; LPG.1.leta ; CP.47.al1 ; LPA.46.al1 ; LPA.47
Résumé : Confirmation de l'annulation de l'amende administrative prononcée à l'encontre de l'avocat de l'auteur de l'infraction reprochée. La décision ne contient pas une simple désignation inexacte d'une partie pouvant faire l'objet d'une rectification.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/112/2016-LCI ATA/319/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mars 2017

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

contre

Messieurs A______ et B______
représentés par Me Alexandre Böhler, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
9 novembre 2016 (JTAPI/1165/2016)


EN FAIT

1. Monsieur B______ est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille ______, de la commune de Genève, section Eaux-Vives, à l'adresse C______, sur laquelle est notamment érigé un immeuble d'habitations et d'activités.

À teneur du registre de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), il est domicilié D_______.

2. Le 28 octobre 2013, M. B______ a déposé auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE), par l'intermédiaire de son architecte Madame E______, une demande d'autorisation de construire portant sur la rénovation, la réfection et l'isolation de la terrasse et de la toiture, la pose de barrières et le remplacement des fenêtres de l'immeuble.

Cette requête a été enregistrée sous le numéro DD 2______.

3. En date du 26 février 2014, un inspecteur du DALE a constaté que divers travaux relatifs à la toiture de l'immeuble précité avaient été effectués sans autorisation.

4. Par courrier recommandé du 13 mars 2014, le DALE a ordonné à l'architecte l'arrêt immédiat des travaux jusqu'à la régularisation de la situation. Il lui était également demandé de faire part de ses observations relatives à la nature et aux coûts des travaux déjà réalisés, tout en indiquant quand ceux-ci avaient été effectués.

Le courrier indiquait également que toutes mesures et/ou sanctions demeuraient réservées.

5. Par courrier recommandé du 27 mars 2014, puis par pli simple du 17 avril 2014, destinés à M. B______ et expédiés à l'adresse de l'immeuble précité, le DALE lui a annoncé avoir constaté la réalisation de travaux non autorisés et lui a ordonné l'arrêt immédiat de ceux-ci jusqu'à la régularisation de la situation.

Un délai lui était par ailleurs accordé pour transmettre ses observations, accompagnées notamment d'un descriptif détaillé des travaux, de l'estimation du coût des travaux par « CFC ». Toutes mesures complémentaires et/ou sanction demeuraient réservées.

6. Par courrier du 5 mai 2014, Monsieur A______, avocat, s'est constitué pour la défense des intérêts de M. B______ auprès du DALE, sans toutefois indiquer qu'une élection de domicile était faite en son étude. Il a en revanche rappelé que le dossier d'autorisation de construire indiquait que son mandant avait fait élection de domicile chez son architecte. Pour le surplus, il confirmait que les travaux avaient été suspendus, mais qu'il y avait une urgence à pouvoir entreprendre ceux pour lesquels une autorisation avait été sollicitée.

7. Le 8 décembre 2015, le DALE a adressé un courrier à M. A______, dont la teneur était la suivante :

« Maître,

Par la présente, nous vous informons que le département notifie ce jour à Madame E______, architecte, l'autorisation de construire notée en marge [DD 2______ - parcelle 1______ - C______ - dépose de l'étanchéité - démolition de murets et de l'escalier ouest].

Nous relevons toutefois que les travaux considérés ont été engagés sans autorisation, ce qui a été constaté par un inspecteur de l'Office des autorisations de construire en date du 26 février 2014 (dossier 3______).

Cette manière d'agir ne peut être tolérée sous aucun prétexte et doit être sanctionnée.

Par conséquent, le département vous inflige en vertu de l'article 137 LCI, une amende administrative de Frs 5'000.-, payable au moyen du bordereau ci-joint.

La présente décision peut faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (TAPI), dans un délai de 30 jours dès sa notification. ».

Le courrier ne faisait aucune référence à M. B______.

La facture et le bulletin de versement en annexe étaient quant à eux adressés à M. B______, chez son architecte, Mme E______.

8. Par courrier du 9 décembre 2015, M. A______ a fait remarquer au DALE que la décision du 8 décembre 2015 lui était adressée personnellement, et non à son client, tandis que le bordereau correspondant était à l’attention de son mandant.

Il demandait la confirmation que M. B______ était bien le seul débiteur de l'amende administrative en question.

9. Ce courrier est demeuré sans réponse de la part du DALE.

10. Par acte du 8 janvier 2016, M. A______ et M. B______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'amende administrative du 8 décembre 2015, concluant notamment à la nullité, subsidiairement à l'annulation de cette amende, sous « suite de frais et dépens ».

La décision était entachée d'un vice particulièrement grave dès lors qu'elle avait été notifiée à M. A______, lequel n'était pas propriétaire de l'immeuble en question et n'avait effectué aucun travail sur la toiture.

Par ailleurs, il n'y avait eu aucune contravention à la loi, de sorte que l'amende devait être annulée.

11. Le 14 mars 2016, le DALE a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision.

Il avait envoyé par inadvertance le courrier infligeant une amende à
M. B______, à son avocat. Toutefois, le bordereau annexé était correctement libellé au nom du requérant. M. A ______ s'était immédiatement rendu compte de l'erreur de plume commise et avait très vraisemblablement communiqué à son client l'amende en question. M. B______, qui avait eu connaissance de l'amende prononcée, avait pu valablement faire valoir son droit d'être entendu. Partant, n'ayant subi aucun préjudice du fait de la notification irrégulière de la décision, il ne pouvait invoquer sa nullité.

Pour le surplus, l'amende était justifiée et devait être confirmée.

12. Le 26 avril 2016, respectivement le 19 mai 2016, les parties ont persisté dans leurs écritures.

13. Par jugement du 9 novembre 2016, le TAPI a admis le recours et annulé l'amende litigieuse.

La décision querellée avait été adressée à M. A______ et prononçait à son encontre une amende en raison de travaux entrepris sans autorisation.
M. A______ n'avait toutefois aucunement entrepris les travaux litigieux. Dès réception de cette décision, il avait pris la peine de s'adresser au DALE pour que ce dernier lève toute ambiguïté concernant le débiteur de l'amende. L'autorité administrative, qui avait toute latitude de rectifier son erreur, n'avait pas donné suite à cette requête.

Le DALE considérait que l'erreur de notification qu'il avait commise n'avait causé aucun préjudice à M. B______, puisque ce dernier avait pu valablement recourir et que le bordereau d'amende était correctement libellé au nom de celui-ci. Or, ce n'était pas l'erreur dans la notification de la décision qui était problématique, mais l'identité du contrevenant retenue. Le DALE avait en effet prononcé une amende à l'encontre d'une personne totalement étrangère à l'infraction reprochée. Le fait que le bordereau annexé, qui constituait une mesure d'exécution de l'amende, indiquait comme débiteur M. B______ n'y changeait rien. Enfin, le DALE avait persisté dans sa décision du 8 décembre 2015 alors qu'il aurait pu, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision.

14. Par acte du 14 décembre 2016, le DALE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation de l'amende de CHF 5'000.- infligée le 8 décembre 2015.

Le TAPI avait scindé en deux, à tort, les questions de l'identité du destinataire et celle de la notification, alors qu'elles relevaient d'une seule et même problématique.

Le TAPI avait erré en annulant l'amende litigieuse puisque
MM. A______ et B______ savaient pertinemment qui était le destinataire de l'amende, soit M. B______. M. A______, étant déjà intervenu pour son client dans le cadre de l'arrêt de travaux, ne pouvait de bonne foi douter que l'amende ne lui était pas destinée personnellement, mais concernait M. B______, ce d'autant moins que le libellé du bordereau de paiement joint au courrier indiquait expressément le bon destinataire. M. A______ s'était immédiatement rendu compte de l'erreur de plume du DALE et avait transmis la décision à son client. Ainsi, le destinataire de l'amende, M. B______, avait été valablement atteint. Ce dernier n'avait subi aucun préjudice du fait de la notification irrégulière de la décision puisqu'il avait pu participer à la procédure devant le DALE avant le prononcé de l'amende querellée et avait pu recourir dans le délai légal contre cette dernière.

Le jugement du TAPI allait, de plus, à l'encontre de deux principes fondamentaux de la procédure administrative. D'une part, l'amende était effectivement destinée au perturbateur et seule une erreur de syntaxe et de notification était à déplorer. L'annulation de l'amende était contraire au principe d'économie de procédure puisqu'elle impliquait que le DALE doive renvoyer l'amende à M. B______, lequel recourrait très vraisemblablement à nouveau contre celle-ci. D'autre part, le DALE rendait chaque année un nombre conséquent de décisions, impliquant inévitablement certaines erreurs de notification. Il était contraire au principe d'efficience d'imposer au DALE de devoir reconsidérer ou retirer et rendre une nouvelle décision dans les cas où il ne faisait aucun doute que la décision avait pu atteindre son destinataire et que l'irrégularité n'avait causé aucun préjudice à ce dernier.

15. Le 19 décembre 2016, le TAPI a transmis son dossier sans observations.

16. Le 23 janvier 2017, MM. A______ et B______ ont conclu au rejet du recours.

Contrairement à ce que prétendait le DALE, le TAPI ne distinguait pas les questions de la notification et de l'identité du destinataire, mais de l'identité du contrevenant. Il n'était pas question d'une décision infligeant une amende à
M. B______, adressée au mauvais destinataire lors de la notification, mais d'une amende adressée au mauvais contrevenant. M. A______ était désigné comme contrevenant, en plus d'être destinataire de l'amende, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de s'intéresser à la question de l'éventuel préjudice dans le cadre de la notification. Les principes d'économie de procédure et d'efficience ne dispensaient pas le DALE d'adresser les amendes aux contrevenants et non à leur avocat. Une réponse à la lettre adressée par M. A______ au DALE aurait par ailleurs permis une économie de procédure.

17. Par courrier du 24 janvier 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le DALE reproche au TAPI d'avoir considéré que l'amende litigeuse devait être annulée au motif qu'elle était sans fondement puisque prononcée à l'encontre d'une personne étrangère à l'infraction reprochée.

3. a. Selon l’art. 1 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment : élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b) ; démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c) ; modifier la configuration du terrain (let. d).

b. Aux termes de l’art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu'aux ordres donnés par le DALE dans les limites desdits loi, règlements et arrêtés (al. 1) ; le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2) ; il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction ; constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3).

c. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/824/2015 du 11 août 2015 consid. 14b et les références citées).

d. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/824/2015 précité consid. 14b et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/824/2015 précité consid. 14c et les références citées).

L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/824/2015 précité consid. 14d et les références citées).

4. En l'espèce, M. A______ s'est vu notifier une décision prononçant une amende de CHF 5'000.- à son encontre sur la base de l'art. 137 LCI en raison de travaux entrepris sans autorisation sur l'immeuble sis C______ à Genève.

M. A______ n'a toutefois aucun lien avec l'immeuble litigieux et les travaux entrepris, si ce n'est d'être l'avocat de M. B______, propriétaire dudit immeuble. Il est ainsi incontesté et incontestable que M. A______ n'a aucunement contrevenu à la LCI, de sorte qu'aucune amende ne pouvait être prononcée à son encontre sur la base de l'art. 137 LCI.

5. Le DALE explique avoir commis une erreur de plume en désignant comme contrevenant M. A______ en lieu et place de M. B______. Il considère toutefois que ce dernier a eu connaissance de la décision litigieuse et n'a souffert d'aucun préjudice du fait de la notification irrégulière, de sorte que l'amende doit être déclarée valable et confirmée.

6. a. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Une notification irrégulière ne peut entrainer aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

b. La jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification ; la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité (ATF 132 II 21 consid. 3.1). Il y a lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme ; ainsi l'intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu'il a connaissance, de quelque manière que ce soit, de la décision qu'il entend contester (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa p. 99 ; 111 V 149 consid. 4c p. 150 et les références ; RAMA 1997 n° U 288 p. 444 s. consid. 2b/bb). Cela signifie notamment qu'une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (SJ 2000 I p. 118). Les mêmes principes s'appliquent en cas de défaut de toute notification d'une décision administrative (arrêts du Tribunal fédéral 9C_202/2014 du 11 juillet 2014 consid. 4.2 et les références ; 8C_188/2007 du 4 mars 2008 consid. 4.1.2 et la référence).

c. En l'espèce, contrairement à ce que prétend le DALE, il n'existe pas un problème de notification irrégulière de la décision à son destinataire, nécessitant que l'on s'interroge sur la présence d'un éventuel préjudice pour les parties. En revanche, comme le relève à juste titre le TAPI, c'est bien l'identité du contrevenant retenu qui est problématique.

7. La doctrine considère que le défaut de désignation des parties et les erreurs dans l'écriture de leurs noms ou de leurs adresses n'entraînent la nullité de l'acte que si, exceptionnellement, les parties ne sont pas individuellement reconnaissables d'une autre manière (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 385-386).

Selon la jurisprudence constante, les qualités des parties sont rectifiées lorsqu'une erreur affecte la dénomination de l'une d'elles. Il s'agit d'une simple erreur rédactionnelle (ATF 131 I 57). La désignation inexacte d'une partie – que ce soit de son nom ou de son siège – ne vise que l'inexactitude purement formelle, qui affecte sa capacité d'être partie, même si la désignation erronée correspond à un tiers qui existe réellement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_357/2016
consid. 3.2.1). Une rectification n'est possible qu'à la condition que tout risque de confusion puisse être exclu, autrement dit, qu'il n'existe aucun doute sur l'identité des parties. Il faut donc avoir la certitude que la partie adverse a reconnu l'erreur et qu'elle n'a de ce fait pas été trompée. Ainsi, des doutes raisonnables, même minimes, excluent la simple rectification rédactionnelle, sous peine de violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 131 I 57 ; ATA/379/2008 du 29 juillet 2008 consid. 6).

Le Tribunal fédéral a, par exemple, admis la rectification d'une partie s'agissant d'un arrêt du Tribunal administratif fédéral mentionnant à tort sur sa première page la succursale d'une société comme recourante, en lieu et place de la société mère (arrêt du Tribunal fédéral 2C_642/2014 du 22 novembre 2015). Il a en revanche refusé cette possibilité dans la situation où une société holding avait été attraite en justice devant le Tribunal de première instance, en lieu et place d'une filiale dont elle détenait les participations (arrêt du Tribunal fédéral 4P.200/2004 du 17 novembre 2004).

La chambre administrative a, pour sa part, déjà procédé à une rectification de parties, s’agissant de la désignation inexacte d’une hoirie dans un acte de recours en lieu et place des différents hoirs formant cette communauté héréditaire, estimant que l’erreur commise était aisément décelable et rectifiable et il n’existait aucun risque de confusion (ATA/528/2013 du 27 août 2013 consid. 1b).

8. Si un administré a un doute sur le véritable destinataire d'une décision, il lui appartient de se renseigner auprès de l'autorité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_498/2016 du 3 juin 2016 consid. 5).

9. En l'espèce, la problématique ne relève pas d'un défaut de désignation des parties. En effet, la décision litigieuse est adressée à M. A______.

De plus, la situation diffère de la jurisprudence susmentionnée dans la mesure où il ne s'agit pas non plus d'une simple erreur dans la désignation d'une « partie » sur la page de garde d'un acte de procédure ou d'une décision. En effet, la décision litigieuse est non seulement adressée à M. A______, mais elle lui a de plus été notifiée personnellement. La décision précise qu'une amende lui est infligée (« le département vous inflige en vertu de l'article 137 LCI, une amende administrative de Frs 5'000.- »), sans qu'il ne soit fait mention à aucun moment de M. B______. Le fait que la facture et le bulletin de versement aient été établis au nom de M. B______ n'y change rien dans la mesure où il ne s'agit que de mesures d'exécution.

Par ailleurs, il ne peut être considéré qu'il n'existe aucun doute quant au véritable destinataire de l'amende. En effet, si la décision litigieuse ne mentionne à aucun moment le nom de M. B______, elle cite en revanche celui de Mme E______, architecte. Cette dernière étant un mandataire professionnellement qualifié, elle aurait pu être la destinataire de l'amende administrative infligée en raison des travaux réalisés sans autorisation. Ce constat est d'autant plus vrai que le courrier relatif à l'arrêt des travaux adressé à Mme E______ le 13 mars 2014 mentionnait que toutes mesures et/ou sanctions étaient réservés.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre administrative considère que la décision litigieuse ne contient pas une simple désignation inexacte d'une partie pouvant faire l'objet d'une rectification rédactionnelle.

Au surplus, la chambre administrative a confirmé un jugement du TAPI dans une affaire dans laquelle le DALE avait infligé une amende administrative au bon destinataire, mais avait libellé par erreur la facture et son bulletin de versement au nom de tiers. Considérant que ces derniers n'étaient que des actes d'exécution de la décision, ils ne lésaient pas les tiers mentionnés. Dans ses conclusions, le TAPI avait toutefois invité le DALE à annuler ces actes et à émettre une nouvelle facture et un bulletin de versement à l'adresse de la destinataire de sa décision afin de s'assurer qu'ils n'entraînent aucun préjudice pour les tiers nommés à tort (JTAPI/842/2014 du 5 août 2014, confirmé par ATA/479/2015 du 19 mai 2015).

Dans le cas d'espèce, la situation est plus grave dans la mesure où ce ne sont pas les actes d'exécution qui désignent le mauvais destinataire, mais la décision elle-même. Si l'annulation des actes d'exécution a été jugée préférable dans l'affaire susmentionnée, elle est indispensable dans le cas d'espèce.

Enfin il sera relevé que M. A______ a écrit au DALE dès réception de la décision litigieuse pour l'informer du fait qu'il était personnellement visé par la décision et pour l'inviter à clarifier l'identité du destinataire de l'amende. Le DALE n'a toutefois pas jugé utile de répondre à cette demande, alors que cela aurait manifestement permis d'éviter la présente procédure. Il ne saurait dès lors être suivi lorsqu'il invoque le principe de l'économie de procédure pour contester l'annulation de l'amende. De même, le fait que le DALE rende un grand nombre de décisions ne permet pas de confirmer le bien-fondé d'une amende administrative, de nature pénale qui plus est, infligée à un mauvais contrevenant.

À toutes fins utiles, il sera constaté que le DALE demeure libre de notifier une amende administrative à M. B______ s’il l’estime fondée.

Partant, l'annulation de l'amende litigieuse sera confirmée.

10. Mal fondé, le recours sera rejeté.

11. Aucun émolument de procédure ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée, à la charge de l’État de Genève, conjointement et solidairement, à MM. A______ et B______, qui ont procédé avec l’aide d’un avocat et qui y ont conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 décembre 2016 par le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 novembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Alexandre Böhler, avocat des intimés, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges


Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :