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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2834/2018

ATA/403/2019 du 09.04.2019 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2834/2018-TAXIS ATA/403/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 avril 2019

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Guerric Canonica, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1. À teneur d’un rapport du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) du 22 juillet 2015, M. A______, né en 1981, titulaire d’un livret « C - OASA » et d’un permis de conduire de catégorie B121 délivré en avril 2005 et domicilié à Vernier dans le canton de Genève, avait été contrôlé le 20 juillet 2015, à 21h15, devant un hôtel de la rive droite de la Rade de Genève, par une inspectrice dudit service (ci-après : inspectrice) accompagnée de trois agents de police, alors qu’il était au volant d’une limousine immatriculée dans le canton de Vaud et équipée d’un tachygraphe. Il n’était titulaire ni d’une carte professionnelle de chauffeur de limousine ni d’une autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant. Il avait été empêché de prendre en charge une cliente pour la conduire à un hôtel proche de l’aéroport de Cointrin. Il avait déclaré exercer cette activité professionnelle d’indépendant, via l’application « B______ », principalement dans le canton de Genève, au moyen de ce véhicule dont la détentrice était la « société » C______, A______, entreprise individuelle qui était sise à Lully dans le canton de Vaud (un peu avant Morges depuis le canton de Genève), dont M. A______ était le titulaire avec signature individuelle et qui avait été inscrite au registre du commerce de ce même canton le ______ 2015 – et a été radiée le ______ 2018. Il ne se souvenait plus exactement quand il avait commencé son activité en juillet 2015. Il avait refusé la consultation de l’historique de son application « B______ » par l’inspectrice.

2. Selon un rapport établi le 3 juin 2016 par le PCTN, la voiture de
M. A______, avec la même immatriculation dans le canton de Vaud que le
20 juillet 2015 mais d’une autre marque, avait été contrôlée le 25 mai 2016 à 15h24, sur un chemin entouré de maisons, proche de l’aéroport, par un inspecteur dudit service (ci-après : inspecteur), accompagné de deux gendarmes. Il avait été constaté que ce véhicule, correspondant à la catégorie limousine et équipé d’un tachygraphe mais non d’un compteur horokilométrique, était stationné sur la voie publique, le chauffeur étant à l’intérieur. M. A______ avait déclaré être indépendant et travailler pour la société « B______ », être en attente d’une course, n’avoir pas de contrat de travail avec la société « B______ », se livrer à cette activité depuis plusieurs mois. Selon ce chauffeur, la voiture appartenait à l’entreprise individuelle dont il était le détenteur ; il n’était pas au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de limousine ; ses courses étaient effectuées en majorité sur le territoire genevois ; comme le montrait son application « B______ », sa dernière course annoncée avait été la prise en charge d’un client à l’avenue de D______ à Genève (quartier de E______) pour le déposer à l’aéroport, au prix de CHF 9.11.

3. Le 21 mars 2017, M. A______ a fait l’objet d’une « dénonciation à la LTaxis » établie par la police genevoise et transmise le 30 mars suivant au PCTN, pour avoir, le 17 mars 2017 à 14h30, à Versoix, pris en charge une cliente pour l’amener à l’aéroport. Il travaillait comme chauffeur « B______ ». Lors du contrôle, il circulait sur la route de Lausanne, à Versoix. À la police qui lui demandait de lui présenter sa carte professionnelle, l’intéressé avait expliqué ne pas en avoir. Son véhicule était de la même marque que selon le deuxième rapport précité, mais immatriculé avec une autre plaque vaudoise que celle figurant dans les deux rapports du PCTN susmentionnés, avec pour détenteur l’entreprise individuelle C______, A______. Le chauffeur avait été informé de l’établissement de cette dénonciation.

4. Le 15 janvier 2018, M. A______ s’est vu délivrer par le PCTN une carte professionnelle de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur (ci-après : VTC).

5. Par courrier du 6 juin 2018, le PCTN a transmis à M. A______ une copie des rapports susmentionnés, dont il lui a rappelé le contenu. Il était constaté qu’au moment des faits, il n’était pas au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de limousine, ni d’une autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant délivrée par ledit service, en infraction à la législation genevoise applicable. Toutefois, en vertu du principe de la lex mitior, l’infraction pour défaut d’autorisation d’exploitation d’une limousine en qualité d’indépendant ne serait pas retenue. Une sanction et/ou une mesure administrative étaient envisagées à son encontre. Il lui était imparti un délai au 15 juin 2018 pour faire valoir son droit d’être entendu.

6. Par écriture du 15 juin 2018 de son conseil nouvellement constitué,
M. A______ a contesté la commission d’une quelconque infraction à l’ancienne loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (aLTaxis) et s’est opposé au prononcé à son encontre d’une sanction, qui serait dépourvue de tout fondement.

Il exerçait, de manière parfaitement licite, la profession de chauffeur professionnel, en étant établi dans la commune de Lully dans le canton de Vaud, et transportait notamment des clients dans le canton de Genève. La loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02) était invoquée. Un examen portant sur l’aLTaxis ainsi que sur la maîtrise de l’anglais ne pouvait pas être considéré comme indispensable à la préservation d’intérêts publics prépondérants et ne constituait en aucun cas une différence suffisante pour réfuter la présomption d’équivalence prévue par l’art. 2 al. 5 LMI.

Était joint un formulaire rempli le 13 juin 2018 et relatif à sa situation personnelle et financière, par lequel l’intéressé indiquait être marié, avec deux enfants mineurs et/ou en étude à charge, être indépendant en tant que « chauffeur B______ », réaliser un revenu net mensuel (y compris la part du 13ème salaire) de
CHF 2’500.- à CHF 3’000.-, être sans fortune, sans préciser s’il avait des dettes ou non. Son épouse réalisait un revenu mensuel net total de CHF 7’500.-.

À teneur de l’avis de taxation pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) pour l’année 2015 établi par l’administration fiscale genevoise, il avait, en qualité d’indépendant, réalisé un bénéfice net de CHF 22’642.-, pour
CHF 30’475.- de recettes, et il avait perçu avec son épouse un revenu imposable de CHF 81’520.- et de CHF 82’000.- selon l’ICC, respectivement l’impôt fédéral direct (ci-après IFD) 2015 (pour un revenu brut, avant déduction des charges, de CHF 139’996.-).

7. Par décision du 20 juin 2018, notifiée le lendemain, le PCTN a infligé à
M. A______ une amende administrative de CHF 600.- pour avoir, les 20 juillet 2015, 25 mai 2016 et 17 mars 2017, exercé une activité de chauffeur professionnel de limousine dans le canton de Genève sans être titulaire de la carte professionnelle prévue à cet effet par la législation genevoise régissant le transport professionnel de chauffeur.

Le principe de la lex mitior ne trouvait pas application in casu, dès lors que la nouvelle législation en vigueur dans le canton de Genève en matière de transport professionnel de personnes, entrée en vigueur le 1er juillet 2017, prévoyait également que l’activité de chauffeur de VTC était soumise à l’obtention d’une carte professionnelle à cet effet.

8. Par acte expédié le 22 août 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision, concluant préalablement à la confirmation de l’effet suspensif au recours, au fond, à l’annulation de ladite décision, subsidiairement accompagnée d’une réduction de l’amende à CHF 100.-, en tout état à la condamnation de l’État en tous les frais judiciaires, y compris une indemnité valant participation aux honoraires de son conseil.

Son revenu mensuel net moyen était de CHF 2’500.- comme le montrait l’avis de taxation susmentionné pour 2015.

Il exerçait son activité de chauffeur professionnel indépendant en percevant ses revenus directement de ses clients, dans le canton de Vaud, mais aussi dans le canton de Genève lorsque ses services y étaient sollicités.

Le canton de Vaud ne disposait pas d’une réglementation cantonale sur le transport professionnel de personnes, de sorte que seul le droit fédéral y relatif trouvait application. Ainsi, l’ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personnes et de voitures de tourisme lourdes du 6 mai 1981 (OTR 2 - RS 822.222) et l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), y compris l’art. 25 al. 1 OAC, étaient notamment applicables aux chauffeurs professionnels établis dans ce canton.

La LMI lui permettait d’offrir ses services librement sur tout le territoire suisse. En tout état de cause, il remplissait toutes les conditions d’octroi de la carte professionnelle de chauffeur de limousine prévues par l’aLTaxis.

Les faits du 20 juillet 2015 étaient prescrits.

Le principe de la proportionnalité ne justifiait pas une amende d’un montant de CHF 600.- pour la commission de deux infractions.

9. Le 24 septembre 2018, le PCTN a conclu au rejet du recours et à ce qu’il lui soit donné acte, vu la prescription des faits du 20 juillet 2015, de ce qu’il réduisait l’amende administrative prononcée à CHF 450.-.

Le recourant, étant domicilié dans le canton de Genève au moment des faits litigieux, ne pouvait pas se prévaloir de l’application de la LMI. L’autorité intimée, qui devait faire preuve de sévérité, avait ainsi valablement fixé le montant de l’amende administrative à CHF 600.-, réduit à CHF 450.-, en tenant compte des règles du concours définies par l’art. 49 du Code pénal suisse du
21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et dans le respect du principe de la proportionnalité. La décision était bien fondée.

10. Le 29 octobre 2018, M. A______ a exercé son droit à la réplique, persistant dans son argumentation et ses conclusions, ne contestant pas qu’à l’époque des faits, il n’était pas titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de limousine.

À teneur du bilan et compte de pertes et profits produit, pour l’année 2017, son entreprise individuelle avait réalisé un résultat de l’exercice de
CHF 20’204.10, un chiffre d’affaires de CHF 26’244.- et un résultat d’exploitation de CHF 17’804.10, ce qui donnait selon lui un revenu mensuel net moyen de CHF 1’683.-.

11. Le 5 novembre 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile, en tenant compte de la suspension de délai intervenant entre le 15 juillet et le 15 août, devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant offre son audition en comparution personnelle comme preuve pour certains de ses allégués.

a. Selon la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral et reprise par la chambre de céans (ATA/1140/2018 du 30 octobre 2018 consid. 2a et les références citées), tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2 ; aussi art. 41 2ème phr. LPA) ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, le dossier contient les pièces nécessaires à l’établissement des faits. Le recourant a eu l’occasion d’exercer son droit d’être entendu par écrit tant devant le PCTN que dans ses écritures dans le cadre de la présente procédure. Il a pu produire les pièces qu’il estime utile. Les faits sur lesquels pourrait être entendu l’intéressé sont suffisamment établis par les pièces du dossier.

Comme cela sera énoncé plus bas, les auditions sollicitées n’apparaissent pas de nature à apporter un éclairage utile aux questions à trancher, de sorte qu’il n’y sera pas procédé.

3. a. Le 1er juillet 2017 est entrée en vigueur la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et le règlement d’exécution de la LTVTC du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31.01), abrogeant l’aLTaxis et son règlement d’exécution du 4 mai 2005 (aRTaxis ; art. 40 LTVTC et 53 RTVTC).

b. Aux termes des dispositions transitoires du RTVTC, les faits constatés avant l’entrée en vigueur de la LTVTC se poursuivent selon l’ancien droit et devant les autorités compétentes sous l’empire de ce droit. L’art. 48 aLTaxis, concernant la commission de discipline, n’est toutefois pas applicable (art. 66 al. 1 RTVTC). L’application du nouveau droit est réservée, si ce dernier est plus favorable à l’auteur de l’infraction (art. 66 al. 2 RTVTC).

c. À cet égard, l’art. 66 al. 1 1ère phr. RTVTC ne fait que reprendre la règle générale selon laquelle s’appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/629/2018 du 19 juin 2018 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 184). L’art. 66 al. 2 RTVTC reprend quant à lui le principe de la lex mitior applicable aux sanctions.

d. En l’occurrence, les faits retenus dans la décision attaquée se sont déroulés entièrement sous l’ancien droit. S’agissant de l’amende, la chambre administrative a déjà retenu que le nouveau droit (art. 38 al. 1 LTVTC), prévoyant en cas de violation de ses prescriptions ou de ses dispositions d’exécution une amende de CHF 200.- à CHF 20’000.-, n’était pas plus favorable que l’art. 45 al. 1 aLTaxis, punissant d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20’000.- toute personne ayant enfreint les prescriptions de l’aLTaxis ou de ses dispositions d’exécution (ATA/629/2018 précité et les références citées).

La présente cause est donc soumise à l’aLTaxis et l’aRTaxis.

4. Au vu de la date du présent arrêt, la prescription de trois ans (art. 109 CP appliqué par analogie, avec l’art. 98 CP ; ATA/313/2017 précité consid. 4b et les références citées), examinée d’office lorsqu’elle joue en faveur de l’administré (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/1368/2017 du 10 octobre 2017), est acquise pour l’infraction du 20 juillet 2015 reprochée au recourant, mais non pour les deux suivantes.

5. L’aLTaxis a pour objet d’assurer un exercice des professions de transport de personnes au moyen de voitures automobiles et une exploitation des services de taxis et de limousines conformes, notamment, aux exigences de la sécurité publique, de la moralité publique, du respect de l’environnement et de la loyauté dans les transactions commerciales ainsi qu’aux règles relatives à l’utilisation du domaine public (art. 1 aLTaxis).

Aux termes de l’art. 5 al. 1 aLTaxis, seul le titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de chauffeur de limousine peut conduire un véhicule pour transporter professionnellement des personnes.

Selon l’art. 7 aLTaxis, la carte professionnelle de chauffeur de limousine confère au chauffeur le droit d’exercer son activité comme chauffeur indépendant d’une limousine ou comme employé d’un exploitant indépendant ou d’une entreprise de limousines (al. 1). L’autorisation est strictement personnelle et intransmissible ; elle est délivrée par le département lorsque le requérant a l’exercice des droits civils (al. 2 let. a), est Suisse ou est au bénéfice d’une autorisation lui permettant de travailler en Suisse comme indépendant ou comme employé (al. 2 let. b), offre des garanties de moralité et de comportement suffisantes (al. 2 let. c), a réussi les examens prévus à l’art. 27 (al. 2 let. d), est détenteur du permis de conduire et de transporter professionnellement des personnes et, pour la conduite des minibus, des autorisations et certificat fédéral de capacité prévus par le droit fédéral (al. 2 let. e).

L’art. 27 aLTaxis prescrit que l’obtention de la carte professionnelle de chauffeur de limousine est subordonnée à la réussite d’examens pour vérifier que les candidats possèdent les connaissances nécessaires au regard des buts poursuivis par la loi. En particulier, les examens portent sur les obligations résultant de la loi, la maîtrise du français et les rudiments de l’anglais.

6. Le recourant soutient qu’il était en droit, en 2015, 2016 et durant le premier semestre 2017, d’exercer une activité de chauffeur de limousine dans le canton de Genève sans carte professionnelle de chauffeur de limousine, en application des dispositions de la LMI.

a. La LMI garantit à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suisse l’accès libre et non discriminatoire au marché afin qu’elle puisse exercer une activité lucrative sur tout le territoire suisse (art. 1 al. 1 LMI). Toute personne a le droit d’offrir des marchandises, des services et des prestations de travail sur tout le territoire suisse pour autant que l’exercice de l’activité lucrative en question soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège ou son établissement (art. 2 al. 1 LMI). L’offre de marchandises, de services et de prestations de travail est régie par les prescriptions du canton ou de la commune où l’offreur a son siège ou son établissement. Toute marchandise dont la mise en circulation et l’utilisation sont autorisées dans le canton de l’offreur peut être mise en circulation et utilisée sur tout le territoire suisse (art. 2 al. 3 LMI). L’application des principes indiqués ci-dessus se fonde sur l’équivalence des réglementations cantonales ou communales sur l’accès au marché (art. 2
al. 5 LMI).

Selon l’art. 3 al. 1 LMI, la liberté d’accès au marché ne peut être refusée à des offreurs externes. Les restrictions doivent prendre la forme de charges ou de conditions et ne sont autorisées que si elles s’appliquent de la même façon aux offreurs locaux (let. a), sont indispensables à la préservation d’intérêts publics prépondérants (let. b), répondent au principe de la proportionnalité (let. c). L’art. 3 al. 2 LMI dispose que les restrictions ne répondent pas au principe de la proportionnalité lorsque : une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être obtenue au moyen des dispositions applicables au lieu de provenance (let. a) ; les attestations de sécurité ou certificats déjà produits par l’offreur au lieu de provenance sont suffisants (let. b) ; le siège ou l’établissement au lieu de destination est exigé comme préalable à l’autorisation d’exercer une activité lucrative (let. c) ; une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être garantie par l’activité que l’offreur a exercée au lieu de provenance (let. d). L’art. 3 al. 3 LMI précise que les restrictions visées à l’al. 1 ne doivent en aucun cas constituer une barrière déguisée à l’accès au marché destinée à favoriser les intérêts économiques locaux.

La LMI pose le principe du libre accès au marché selon les prescriptions du lieu de provenance, qui est l’un de ses principes fondamentaux avec celui de la non-discrimination entre les offreurs externes et locaux (Vincent MARTENET/ Pierre TERCIER in Vincent MARTENET/Christian BOVET/Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2ème éd., 2013, n. 65 ss ad Intro. LMI). Le principe du libre accès au marché a été renforcé par la modification de la LMI du
16 décembre 2005 entrée en vigueur le 1er juillet 2006, au travers de laquelle le législateur a tendu, en supprimant les entraves cantonales et communales à l’accès au marché, à consacrer la primauté du marché intérieur sur le fédéralisme
(FF 2005 4221, 422). L’idée du législateur était entre autres d’empêcher que le principe du fédéralisme ne l’emporte sur celui du marché intérieur
(ATF 134 II 329 consid. 5.2). Cela ne signifie pas pour autant que toutes les limitations cantonales au libre accès au marché sont prohibées, notamment lorsqu’elles résultent du droit fédéral (ATF 141 II 280 consid. 5.1).

b. En l’espèce, l’intéressé, même s’il a allégué transporter des clients tant dans le canton de Vaud, où son entreprise individuelle était inscrite et où ses véhicules étaient immatriculés, que dans le canton de Genève, n’a pas clairement indiqué qu’il travaillait plus sur le territoire vaudois que sur le territoire genevois. En outre, il n’a aucunement contesté le contenu des rapports du PCTN, à teneur desquels il avait déclaré exercer son activité de chauffeur de limousine indépendant en majorité dans le canton de Genève.

Le recourant, domicilié dans le canton de Genève, n’a ainsi pas démontré exercer l’essentiel de son activité à l’extérieur dudit canton à l’époque des faits reprochés entre fin juillet 2015 et fin mars 2017, la lecture des rapports dont il fait l’objet permettant, au contraire, de constater qu’elle se concentrait sur le territoire genevois. Le fait qu’il disposait d’une entreprise individuelle dans un canton ne connaissant pas les mêmes restrictions d’accès à la profession et qu’il utilisait un véhicule immatriculé dans le canton de Vaud pour prendre en charge des clients dans celui de Genève n’apparaît pas suffisant pour admettre le contraire et ne lui permet pas de contourner la législation du canton dans lequel il exerçait principalement son métier et percevait l’essentiel de ses revenus. L’audition du recourant en comparution personnelle ne permettrait pas à la chambre de céans de parvenir à une autre conclusion.

Le recourant ne peut dans ces circonstances pas être considéré comme un offreur externe, de sorte que la LMI ne trouve pas application. Il est ainsi pleinement soumis à la législation genevoise.

c. Le fait que l’intéressé invoque remplir les conditions d’octroi de la carte professionnelle de chauffeur de limousine prévues par l’art. 7 al. 2 aLTaxis ne saurait remplacer la détention de ladite carte comme condition de l’exercice de cette activité, conformément à l’art. 5 al. 1 aLTaxis, ce d’autant moins que, contrairement à ce que prescrit l’art. 7 al. 2 let. d aLTaxis, il n’a ni passé ni réussi les examens prévus par l’art. 27 aLTaxis, précisé par l’art. 38 aRTaxis.

d. La décision entreprise sera dès lors confirmée en tant qu’elle retient que le recourant a contrevenu à la loi, en particulier aux art. 5 al. 1 et 7 aLTaxis, en prenant en charge des clients alors qu’il n’était titulaire ni d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ni de l’autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant.

7. Conformément à l’art. 45 al. 1 aLTaxis, le PCTN, compétent en vertu de l’art. 1 al. 1 et 2 aRTaxis, peut, indépendamment du prononcé des sanctions ou mesures prévues aux art. 46 et 47 aLTaxis, infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20’000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de l’aLTaxis ou de ses dispositions d’exécution.

a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/313/2017 précité consid. 4a).

b. En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP).

c. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/1212/2018 du 13 novembre 2018 consid. 7b ; ATA/1239/2017 du 29 août 2017).

d. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47
al. 2 CP ; ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017).

e. Le fait de prendre en charge des clients en se présentant comme un professionnel sans y être autorisé, constitue une infraction grave à l’aLTaxis, eu égard au but de cette loi, soit notamment d’assurer une exploitation des services de taxis et de limousines conforme aux exigences de la sécurité publique (ATA/1212/2018 précité consid. 7f), ce qui est le cas en l’occurrence.

L’activité de chauffeur de limousine sans autorisation, dont le caractère illicite ne peut pas être remis en cause par l’existence d’un permis de conduire professionnel et d’une longue expérience professionnelle, a eu lieu, de manière continue et avec l’application « B______ », durant une longue période, à savoir au moins deux années en tout, de fin juillet 2015 à fin mars 2017. L’intimé a sanctionné ces trois infractions, dont la première est prescrite, un peu plus d’un an après la commission de la dernière. Par ailleurs, le recourant n’a pas d’antécédents. En outre, il a, plusieurs mois après les derniers faits reprochés, obtenu la carte professionnelle de chauffeur de limousine auprès du PCTN.

Quant à la situation financière de l’intéressé, il ressort des avis de taxation, pour l’année 2015 durant laquelle l’infraction prescrite a été commise, un bénéfice net annuel de CHF 22’642.- correspondant environ à CHF 1’887.- mensuellement, et de ses allégations ainsi que du bilan et compte de pertes et profits un revenu mensuel de CHF 1’683.- en 2017, en sa qualité de chauffeur indépendant. Toutefois, doit être prise en compte la situation du couple avec ses deux enfants. Or son épouse réalise un revenu mensuel non négligeable, et un revenu annuel imposable d’un peu plus de CHF 80’000.- du couple (après déduction des charges) a été retenu par le fisc pour 2015. La situation financière de l’intéressé ne saurait dès lors être qualifiée de précaire.

f. En définitive, l’amende administrative doit être confirmée dans son principe, mais, comme proposé par l’intimé, réduite au montant de CHF 450.-, lequel, compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, y compris la durée de la période d’activité en violation de l’aLTaxis et la prescription de la première infraction reprochée, ainsi que de la sévérité dont doit faire preuve l’autorité afin d’assurer le respect de la loi et de son large pouvoir d’appréciation, n’apparaît nullement disproportionné.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la prescription des faits survenus le 20 juillet 2015 constatée, et la décision querellée réformée (art. 69 al. 3 1ère phr. LPA) en ce sens qu’il sera donné acte à l’intimé que le montant de l’amende administrative est réduit à CHF 450.-, et confirmée pour le surplus.

9. Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 250.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe pour l’essentiel (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure, réduite, de CHF 300.- lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 août 2018 par M. A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 20 juin 2018 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate la prescription des faits survenus le 20 juillet 2015 ;

donne acte au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir d’une réduction de l’amende administrative prononcée par décision du 20 juin 2018 à CHF 450.- ;

confirme la décision attaquée pour le surplus ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de M. A______ ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 300.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guerric Canonica, avocat du recourant, au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :