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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2890/2024

ATA/239/2025 du 11.03.2025 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;JUSTE MOTIF;FONCTIONNAIRE;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;RÉSILIATION;COMPORTEMENT;LIBERTÉ DE CONSCIENCE ET DE CROYANCE;VÊTEMENT
Normes : LIMAD.22; LPAC.2.al2.letA; LPAC.21.al3; LPAC.22; RPAC.20; RPAC.21; RPAC.46.letA; LLE.3.al5; CEDH.8; CEDH.9; CEDH.14; Cst; Cst; Cst; Cst
Résumé : Rejet du recours déposé par une infirmière contre la décision prise par l’IMAD de résilier ses rapports de service au motif que le port d’un turban par l’intéressée est un signe d’appartenance religieuse qui doit être proscrit. Examen par la chambre administrative du respect de cette décision au regard notamment de la Constitution fédérale, de la CEDH, de la LPAC et de la LLE. La recourante, en refusant de donner suite aux demandes répétées de son employeur d’enlever son turban lorsque, durant son activité professionnelle, elle est en contact avec le public, a manqué à son obligation d’observer la neutralité religieuse.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2890/2024-FPUBL ATA/239/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 mars 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

INSTITUTION GENEVOISE DE MAINTIEN À DOMICILE intimée
représentée par Me Véronique MEICHTRY, avocate



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1986, a été engagée par l’Institution genevoise de maintien à domicile (ci-après : IMAD ou institution) en qualité d’infirmière, à un taux d’activité de 80 %, pour une durée déterminée du 1er juillet au 30 septembre 2013, puis indéterminée dès le 1er octobre 2013. Elle a été nommée fonctionnaire avec effet au 1er juillet 2015.

b. Le contrat d’engagement à durée déterminée et celui à durée indéterminée, signés par l’intéressée le 12 juin 2013 puis le 19 juillet 2013, mentionnaient notamment qu’elle était soumise au règlement sur le statut du personnel de l’institution (ci‑après : statut). La loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ainsi que le cahier des charges faisaient partie intégrante des contrats.

Le cahier des charges précisait notamment que « L’infirmier intervient seul et assure des prestations de manière autonome, dans le respect des habitudes de vie, des croyances, des valeurs, de la culture, de l’autonomie et de l’intégrité du client ».

c. A______ s’est soumise à trois entretiens périodiques d’évaluation et de développement des compétences entre 2013 et 2015. Les évaluations globales étaient bonnes.

d. L’intéressée a été absente de son travail durant de longues périodes, à la suite notamment de la naissance de ses deux enfants. Entre 2016 et 2024, elle a totalisé plus de 2'200 jours d’absences justifiées. Dès le 3 avril 2023, elle a réduit son taux d’activité à 60 %.

B. a. Le 3 novembre 2015, une responsable d’équipe de l’antenne de B______ a informé un responsable d’équipe tournant de C______ qu’un patient l’avait contactée pour se plaindre « du port d’un "voile" par A______ lors de sa prestation du 1er novembre 2015 au matin ». Ce patient lui avait dit que « cela l’avait dérangé car pour lui cette coiffure avait une forte connotation religieuse et il n’était pas d’accord avec ce principe ». Pour ce patient, l’intervenant devait rester discret dans sa tenue vestimentaire concernant ses convictions religieuses, ce qui n’avait pas été le cas. Il n’en avait pas parlé avec l’intéressée.

Ce responsable d’équipe tournant a répondu s’être entretenu avec A______ le 5 novembre 2015. Celle-ci lui avait expliqué que le patient en question ne lui avait fait aucune remarque sur place, qu’elle avait reçu la directive relative à la tenue vestimentaire au sein de l’institution lors de son engagement et « validé que sa coiffure/turban avait une connotation religieuse », précisant bien que sur demande du client, elle était prête à l’enlever. Cela ne s’était jamais produit.

b. La loi sur la laïcité de l’État du 26 avril 2018 (LLE - A 2 75) est entrée en vigueur le 9 mars 2019.

c. Le 27 septembre 2019, un responsable des ressources humaines de l’IMAD a fait état, dans un courriel, d’un entretien qu’il avait eu le même jour avec A______. Cette dernière revenait d’un congé maternité puis parental de deux ans.

Il avait abordé avec elle la directive sur la tenue vestimentaire, qu’elle connaissait, et notamment la question du port de son turban. L’entretien s’était déroulé de manière cordiale mais avec beaucoup d’émotion de la part de la collaboratrice qui ne comprenait pas pourquoi on lui demandait de l’enlever. Elle ne se voyait pas être dans la rue sans son turban, valeur qui était fortement ancrée en elle. Elle était surprise, car à son engagement, on lui avait dit que cela ne posait pas de problème tant qu’il n’y avait pas de plainte de clients. Elle avait soutenu que durant son activité, avant son congé, elle n’avait jamais eu de plainte, les clients trouvant même cela joli. Selon elle, si elle n’avait pas fait savoir qu’il était à caractère religieux, on ne lui aurait rien dit, sachant que parfois la mode féminine était au port de foulards et autres bonnets.

Il lui avait expliqué qu’il n’y avait aucun jugement mais que la directive relative à la tenue vestimentaire devait être appliquée par tous. Il pouvait admettre qu’elle le porte durant ses déplacements mais en aucun cas elle ne devait fournir une prestation avec. Elle avait repris son argument relatif à l’accord reçu lors de son engagement et sur le fait qu’il n’y avait jamais eu de plainte de clients. Elle l’enlèverait pour les clients qui se plaindraient. Il avait pris l’exemple d’une personne travaillant dans un EMS ou en milieu hospitalier où la blouse était obligatoire et les consignes sur la laïcité étaient les mêmes que celles en vigueur à l’IMAD : elle avait convenu qu’elle ferait alors comme tout le monde. Elle avait affirmé que son choix de carrière s’était orienté vers les soins à domicile car le port du voile ou du turban était autorisé.

Il lui avait proposé de le recontacter une semaine plus tard et de rediscuter de la situation, ce qu’elle avait accepté. Si elle ne le rappelait pas, il la relancerait. Il pensait qu’il était probable qu’il y ait des suites compte tenu de l’émotion de la collaboratrice. Restait « à voir sous quelle forme ».

c.a. L’intéressée a répondu le 30 septembre 2019. Lors de l’entretien, elle avait fait part de son plaisir d’avoir retrouvé son poste. Elle avait été surprise de constater que l’entretien avait porté sur la question de son foulard dès lors que le but initial de l’échange était son retour après son congé parental.

Depuis son arrivée à l’IMAD en 2013, elle avait toujours porté un couvre-chef, sujet qu’elle avait abordé une fois avec sa hiérarchie sans ressentir de problème de leur côté. À son retour, elle avait trouvé normal de reprendre son poste comme elle l’avait quitté, avec toute sa personne et sa dévotion. Lorsqu’on choisissait de voir son couvre-chef comme un signe religieux, elle s’efforçait au quotidien de le rendre transparent en mettant en avant son professionnalisme et son sourire pour qu’on ne retienne que cela de sa prestation. En quatre ans, elle n’avait commis aucun écart de comportement. Son couvre-chef faisait partie intégrante de sa personne. Il n’était pas facile de voir toute sa personne remise en cause pour un tissu sobre et insignifiant.

Elle aurait souhaité être informée du contenu de l’entretien afin de pouvoir se préparer émotionnellement et de ne pas le vivre aussi difficilement. Elle s’était sentie humiliée et diminuée dans sa personne, ce qui s’était manifesté par des larmes et du mutisme. Elle proposait une nouvelle rencontre à la convenance de son employeur.

d. Le 21 avril 2020, une responsable d’équipe de B______ a informé un responsable des ressources humaines qu’une patiente s’était plainte de l’intéressée, indiquant que « hier soir elle avait désinfecté suite au passage de l’infirmière car elle était voilée ». Il semblait que le fait que l’intéressée portait un turban avait dérangé cette patiente qui était raciste et employait toujours des termes forts.

e. Le 13 avril 2023, une responsable d’équipe a effectué l’entretien de retour de A______ qui était absente de son travail, pour des motifs justifiés, depuis septembre 2020. Elle a résumé cet entretien dans un courriel envoyé aux RH.

Elle lui avait donné les informations relatives aux nouveautés institutionnelles. A______ s’était présentée au rendez-vous avec un turban cachant sa chevelure, de sorte qu’elle lui avait rappelé la procédure concernant la tenue vestimentaire, notamment au regard de l’entretien du 27 septembre 2019. L’intéressée lui avait confirmé son positionnement qui n’avait pas évolué depuis et qui, selon ses propos, n’évoluerait pas. La responsable d’équipe avait évoqué avec l’intéressée le cas d’une infirmière de l’équipe qui ne portait pas de signe religieux pendant son activité professionnelle mais qui portait le voile en dehors, ce qui ne posait pas de problème dès lors qu’elle était libérée de ses obligations.

Cette autre infirmière ayant toujours respecté la directive sur la tenue vestimentaire de manière spontanée, elle s’inquiétait, sous l’angle de l’égalité de traitement, que la situation devienne rapidement compliquée à gérer.

f. Le 14 avril 2023, une responsable d’équipe a informé sa hiérarchie qu’un de ses collègues avait été alerté par deux autres responsables d’équipe qui avaient été surprises par la tenue vestimentaire de A______, manifestement orientée d’un point de vue religieux.

g. Le 4 septembre 2023, après deux annulations justifiées, un entretien a eu lieu entre A______, le responsable des ressources humaines et la responsable d’équipe. Cet entretien a été consigné dans un courrier du 24 octobre 2023 envoyé à l’intéressée.

L’entretien avait eu pour objet la question du port du turban dans le cadre des rapports de service, cette problématique ayant déjà été abordée le 27 septembre 2019 puis le 4 septembre 2023. L’intéressée avait maintenu sa posture et confirmé qu’elle n’allait pas ôter sa coiffe. Elle avait indiqué qu’elle la portait en lien avec ses croyances religieuses et que le port du turban avait été convenu lors de son engagement. La responsable des pratiques professionnelles de l’époque lui avait confirmé que cela n’était pas incompatible avec la délivrance des prestations. Elle avait l’impression d’être stigmatisée, faisant référence à d’autres collègues qui ne respectaient pas non plus ces règles ainsi qu’à l’actualité française. Elle avait affirmé ne pas connaître la LLE, le fait que celle-ci ait changé entre-temps n’étant pas son problème. Elle avait relevé qu’il n’y avait jamais eu à sa connaissance de plainte d’usagers et qu’il lui serait possible d’enlever son turban uniquement le temps de la prestation si un client le demandait ou se plaignait. Elle avait expliqué qu’il était temps que l’institution évolue, la religion faisant partie d’elle et qu’elle assurait ses prestations en accord avec ses croyances.

Les deux responsables lui avaient rappelé que la loi sur la laïcité devait être respectée, qu’elle n’était pas du ressort de l’IMAD et que le respect des directives et pratiques institutionnelles était obligatoire, indépendamment d’éventuelles plaintes de clients. Il était peu probable que l’autorisation lui ait été donnée de porter un turban, le contexte n’étant quoi qu’il en soit plus le même du fait de l’adoption de la LLE que l’institution devait respecter. Elle serait prochainement convoquée à un entretien de service.

h. A______ a répondu par courrier du 5 octobre 2023, également signé par un représentant syndical.

Depuis 2019, l’institution remettait en cause son habillement civil. Elle portait un turban, autrement dit un couvre-chef civil, qui ne ressortissait pas à la LLE. Il ne s’agissait pas d’un signe religieux et encore moins d’un signe extérieur ou ostensiblement religieux. Elle avait participé, le 27 septembre 2019, à un entretien humiliant et blessant qui aurait dû porter sur son retour de congé parental mais qui n’avait porté que sur sa tenue. Il en avait été de même lors de l’entretien du 4 septembre 2023 au cours duquel le responsable RH présent s’était focalisé sur son turban. Ses états de service étaient excellents et elle n’entendait pas entrer en matière sur la LLE ou la laïcité, ces deux questions étant sans lien avec son port du turban qu’on ne pouvait lui reprocher, de même que l’on ne pourrait pas reprocher à un supérieur hiérarchique de porter tel ou tel habit dès lors qu’il respectait les normes vestimentaires de l’IMAD, ce qui était son cas.

Elle demandait que cesse ce qui commençait à ressembler à une atteinte à sa personnalité. Dans un souci de conciliation, et pourvu que cesse cette procédure humiliante, elle était prête à oublier cette affaire.

i. Le 1er novembre 2023, la directrice générale de l’IMAD a pris acte de la décision catégorique de A______ de continuer à porter un turban en raison de ses convictions religieuses. L’IMAD, qui était tenue de veiller au respect de la LLE, contestait toute pression ou volonté d’humiliation de sa personne.

j. A______ a été en incapacité totale de travailler pour cause de maladie depuis le 2 février 2024.

k. Le 30 mai 2024 s’est tenu un entretien de service.

Les représentants de l’IMAD ont rappelé l’historique de la situation et informé A______, qui était accompagnée d’un représentant syndical, que le port du turban au cours de son activité, se déroulant en grande partie en contact avec le public, que cela soit lors de ses déplacements sur le domaine public ou au domicile de clients, était considéré comme une violation grave et continue de ses devoirs de service. Cette violation devait cesser, sous peine de conduire à la résiliation des rapports de service, seule mesure disponible permettant à l’IMAD de revenir à une situation conforme à la loi.

L’intéressée et le délégué syndical ont insisté sur le fait que le port du turban ne pouvait pas être considéré comme un acte religieux. C’était le droit des femmes de ne pas montrer une partie de leur corps comme par exemple en portant des cols roulés ou des manches longues. Le turban pouvait par ailleurs être porté pour raison de maladie. Il s’agissait d’un délit de faciès, l’IMAD se focalisant sur un turban et possiblement sur un teint de peau.

Le délégué syndical ayant soutenu que l’IMAD avait récemment engagé une personne portant le voile et qu’un accord avait été trouvé pour qu’elle porte un turban durant ses heures de travail, les représentants de l’institution ont indiqué qu’ils allaient vérifier ce fait. La détermination de l’employeur interviendrait une fois les éventuelles observations complémentaires reçues. Les faits relevés étaient susceptibles de conduire à la résiliation des rapports de service.

l. Le 18 juin 2024, A______ s’est déterminée sur l’entretien de service, réaffirmant son point de vue sur le port d’un turban.

m. Le 14 août 2024, l’IMAD a résilié les rapports de service de A______ pour motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC, avec effet au 30 novembre 2024, cette décision étant déclarée exécutoire nonobstant recours. Elle était libérée de l’obligation de travailler dès réception de cette décision.

L’IMAD avait pris acte de sa décision ferme et définitive de refuser d’enlever son turban au cours de son activité, ceci malgré les nombreux échanges intervenus, le temps de réflexion et l’avertissement des graves conséquences que pouvait entrainer un tel refus. Tout au long des échanges intervenus sur cette question depuis 2015, l’intéressée avait affirmé et confirmé que le port de son turban était en lien avec ses convictions religieuses, soit une alternative au port du foulard ou voile islamique arboré en dehors de son activité professionnelle. Il ne faisait donc aucun doute que le port du turban dans le cadre de ses rapports de service correspondait à l’expression de son appartenance religieuse. Le fait de troquer le foulard ou le voile islamique contre un turban dans l’unique objectif d’échapper à l’obligation de neutralité faite aux fonctionnaires n’enlevait rien à la signification première, religieuse, attachée au comportement visé.

Le port du turban, bien qu’il ne fût pas recensé parmi les vêtements religieux officiels, risquait inévitablement d’être perçu comme l’expression de son appartenance religieuse par les patients ou à tout le moins de soulever des interrogations en lien avec le sujet. Pour preuve, un patient s’était plaint le 3 novembre 2015. Ses observations relatives à la personne et au caractère de ce patient n’étaient pas pertinentes. De même, les parallèles qu’elle tentait d’établir entre le port du turban et le port de tous autres habits communs et usuels, ou avec le fait pour les hommes de porter une barbe, ne pouvaient convaincre, dans la mesure où le turban n’était de toute évidence pas un vêtement couramment répandu ou pouvant correspondre à un code esthétique contemporain. La symbolique religieuse du port de son turban ressortait en outre de la constance de sa posture qui n’avait pas varié. Elle n’avait pour sa part jamais fait état d’un problème de santé susceptible de justifier le port d’un couvre-chef.

Il n’existait aucun cas porté à la connaissance de l’institution de membre du personnel ou d’intérimaire qui aurait été autorisé à porter un turban au cours de leur activité professionnelle.

Le port de son turban pendant son activité était un signe extérieur d’appartenance religieuse qui devait être proscrit. Son refus de retirer son turban au cours de son activité constituait un manquement grave et continu à l’obligation d’observer une neutralité religieuse dans le cadre de ses fonctions (art. 3 al. 5 LLE et 2A al. 2 LPAC), ainsi qu’à ses devoirs d’attitude générale (art. 21 let. b et c RPAC).

L’institution regrettait son ressenti mais contestait ses accusations de harcèlement ou de discrimination. Il ne pouvait en effet être reproché à son employeur de veiller au respect de la réglementation applicable de manière uniforme à tous les membres du personnel. L’exercice de la fonction d’infirmière impliquant nécessairement un contact avec les patients, son positionnement empêchait d’envisager un éventuel reclassement au sein de l’IMAD.

C. a. Le 9 septembre 2024, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation de la décision de licenciement, subsidiairement au versement d’une indemnité équivalent à 24 mois de son traitement brut pour motif non fondé. L’art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) avait été violé ainsi que les art. 21 al. 3 et 22 LPAC.

a.a. L’IMAD ne lui avait jamais adressé le moindre reproche sur la qualité de ses prestations. À aucun moment elle n’avait eu l’intention de remettre en question la LLE. Elle avait toujours porté un vêtement civil au travail : le turban. Elle le portait depuis son engagement en 2013 car c’était un habit quelconque, banalement porté par nombre de femmes non musulmanes ou non religieuses. Elle le portait afin de ne pas exprimer par le vêtement une appartenance religieuse. Depuis l’entrée en vigueur de la LEE, elle avait continué de porter le turban par respect pour la laïcité, s’abstenant de signaler une appartenance religieuse par des signes extérieurs. Il était surprenant et décevant que l’IMAD n’ait pas reconnu l’effort que cela représentait et le pas accompli dans le sens du respect des lois.

La décision litigieuse faisait référence à des vêtements religieux officiels. Or, cette notion ne figurait pas dans la loi, de sorte qu’il était impossible de comprendre ce qui était interdit. Elle faisait également référence à l’interdiction de signaler l’appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs quels qu’ils soient. Or, le turban ne signifiait aucune appartenance religieuse. Il s’agissait d’un habit civil porté par de nombreuses femmes pour des raisons liées à la mode, au look ou en raison d’atteintes physiques visibles, un vêtement couvrant comme peuvent l’être le col roulé, les chemises fermées jusqu’au dernier bouton, les manches longues, les pantalons, les jupes ou les robes longues. Ainsi, le turban n’avait pas une forte portée symbolique en raison « de sa vaste polysémie » vestimentaire. Il était du reste en vente dans de nombreux magasins de mode.

a.b. Les deux nouvelles directives de l’IMAD relatives à la tenue vestimentaire entrées en vigueur en juin 2024 posaient un problème, l’IMAD ayant légiféré sur un point non proscrit pas la loi. L’interdiction du foulard n’était pas de la compétence de l’IMAD mais du législateur. Ces directives, introduites onze ans après son arrivée à l’IMAD, avaient changé fondamentalement les conditions contractuelles de son engagement puisqu’elles avaient permis son licenciement. Ces directives, qui interdisaient les couvre-chefs et donc les turbans, avaient été introduites alors qu’elle était en conflit avec son employeur sur ce point. Il n’était pas acceptable qu’une direction puisse changer les règles pendant un différend pour disqualifier un employé.

a.c. Elle ne pouvait accepter qu’on la licencie au motif que les patients risquaient de percevoir un vêtement dévoilant une appartenance religieuse. Au vu de l’extrême diversité des personnalités et des opinions, des convictions et des passions, des tolérances et des intolérances des patients de l’IMAD, il y avait une infinité de vêtements, d’attitudes, de postures et de propos qui risquaient d’être perçus comme l’expression de quelque appartenance politique, religieuse ou sectaire. Cette accusation ne démontrait-elle pas le caractère infondé de son licenciement, voire les non-dits qui le sous-tendaient ?

Les femmes portant un turban n’étaient pas rares dans le secteur privé, public ou parapublic et subventionné genevois, y compris là où elles étaient en contact direct avec le public. L’IMAD peinait à recruter et les frontaliers étrangers, en majorité des frontalières, y constituaient le 43 % du personnel. Si l’interdiction du turban l’emportait dans son cas, cela allait entraîner d’autres licenciements qui rendraient plus ardus les recrutements. Si après l’avoir licenciée, les autres collaboratrices en contact avec les usagers au sein du secteur public et parapublic et qui portaient un turban ne l’étaient pas, cela constituerait une inégalité de traitement à son égard.

a.d. Un problème de discrimination à l’égard des femmes se posait : elle ne voyait pas en quoi le turban était plus problématique que la barbe portée pas des hommes, y compris des responsables de l’IMAD. Les nouvelles directives de 2024 interdisaient le turban mais autorisaient la barbe sous conditions. Le droit du personnel féminin de ne pas montrer une partie de son corps tout en respectant la loi ne découlait pas uniquement de la liberté de croyance, mais également de la protection de la sphère privée, de la liberté personnelle, de l’intimité et de la dignité humaine. Le turban était porté par certaines femmes au même titre que d’autres vêtements (col roulé, manches longues, robe longue notamment). L’IMAD ne pouvait pas tous les interdire.

a.e. Il était abusif de considérer qu’elle avait manqué à ses obligations ou que son attitude aurait été contraire à la considération et à la confiance dont la fonction publique devait être l’objet. Elle avait toujours fait preuve d’empathie à l’égard des patients. Sa hiérarchie n’avait du reste jamais eu quoi que soit à lui reprocher à cet égard. Un seul patient s’était plaint, non pas de son attitude ou de ses soins, mais de son turban. Ce patient s’était en outre plaint de nombreuses fois au sujet d’autres soignantes. Cet épisode avait eu lieu quatre ans avant l’entrée en vigueur de la LLE et neuf ans avant l’entrée en vigueur des directives sur l’habillement. Le fait de reprendre cette plainte pour ajouter de l’eau au moulin des justifications de son licenciement était uniquement du ressort d’une rhétorique décrédibilisante à son égard.

a.f. L’IMAD avait retenu que le port du turban dans le cadre de ses rapports de service correspondait à l’expression de son appartenance religieuse. Ce faisant, l’institution avait opéré une inversion de logique : ce n’était pas le port du turban qui était l’expression de ses convictions religieuses mais le port du turban qui était l’expression de son respect de la laïcité. Elle s’était soumise à la LLE dans le cadre de son travail en renonçant à tout signe vestimentaire religieux mais se faisait reprocher par son employeur d’avoir agi ainsi pour cacher sa religion. On ne pouvait donc pas s’en sortir, seul l’athée ou l’agnostique ayant sa place dans un emploi public, ce qui n’était pas le cas de tout le monde, y compris à Genève. L’IMAD lui avait demandé pendant plusieurs années de ne plus porter de turban en lui répétant inlassablement qu’il s’agissait d’un vêtement religieux, ceci sans jamais étayer ses propos et sans jamais lui fournir une base légale.

La fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (ci-après : FASE) avait licencié une collaboratrice au motif qu’elle portait un turban. Cette institution avait dû ensuite lui verser trois mois d’indemnité salariales pour licenciement injustifié. L’IMAD avait pour sa part engagé en qualité d’aide-soignante, en juillet 2023, une femme qui terminait ses études d’infirmière pour un remplacement d’un mois. Cette personne portait un foulard et il avait été convenu, lors d’un échange préalable à son engagement, qu’elle porte un turban, ce qu’elle avait fait. Il s’agissait d’une inégalité de traitement.

La recourante s’est également référée à un avis de droit rédigé le 10 novembre 2023 par Me Steve ALDER pour l’office de l’action, de l’insertion et l’intégration sociale. Cet avis de droit, qu’elle a versé à la procédure, avait pour objet : « art. 3 al. 5 LLE – quelle approche par les employeurs concernés ? ».

b. Le 18 novembre 2024, l’IMAD a conclu au rejet du recours.

c. Le 4 décembre 2024, A______ a renvoyé à son recours. Elle espérait que « les délibérations se fer[aient] notamment dans le respect des art. 8, 9 et 14 » de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

d. Le 12 décembre 2024, l’IMAD a souligné que les faits qu’elle avait allégués étaient pour la plupart étayés par pièces et, dans certains cas, par une offre de témoins. Ainsi, si ces faits n’étaient pas considérés comme suffisamment établis, des enquêtes devraient être ordonnées. Si par impossible la chambre administrative admettait le recours et proposait la réintégration de la recourante, elle la refuserait.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

f. Les arguments et écritures des parties, en particulier la réponse au recours de l’IMAD, seront repris dans la partie en droit en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de résiliation des rapports de service au motif du refus de la recourante de retirer son turban lorsqu’elle est au contact du public. La recourante soulève les griefs de violation des art. 36 Cst. ainsi que des art. 21 al. 3 et 22 LPAC. Elle dit espérer que les délibérations se feront notamment dans le respect des art. 8, 9 et 14 CEDH.

2.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

2.2 L’IMAD, établissement autonome de droit public, assure des prestations pour le maintien à domicile et l’autonomie des personnes (art. 174A al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00 - disposition entrée en vigueur le 17 octobre 2020 ; art. 1 de la loi sur l'institution de maintien, d'aide et de soins à domicile du 18 mars 2011 - LIMAD - K 1 07).

2.3 Selon l'art. 22 LIMAD, les relations entre l'institution et son personnel sont régies par la LPAC, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par règlement interne liées aux missions de l'institution.

2.4 La recourante est soumise au statut, entré en vigueur le 1er janvier 2013, qui renvoie également, sauf dérogation, à l'ensemble de la législation cantonale relative au personnel de l'administration cantonale, aux instructions de l'office du personnel de l'État contenues dans le memento ad hoc, au règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10), notamment et, en cas de dispositions lacunaires, à la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) à titre de droit public cantonal supplétif.

Aucune disposition du statut ne décrivant les statuts des membres du personnel de l'IMAD ou les conditions de fin des rapports de service, ce sont donc les dispositions de la LPAC et du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) qui s'appliquent, dans leur teneur au moment des faits (ATA/474/2024 du 16 avril 2024 consid. 5.5 et l’arrêt cité).

2.5 En vertu de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées par règlement.

2.5.1 Au sens de l'art. 22 LPAC, il y a motif fondé, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a) ; l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ; la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

Le motif fondé, au sens de l'art. 22 LPAC, n'implique pas l'obligation pour l'employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/856/2020 du 8 septembre 2020 consid. 6b). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7a ; Mémorial du Grand Conseil 2005-2006/XI A 10420). La résiliation pour motif fondé ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1219/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4c). Elle ne suppose pas l'existence d'une violation fautive des devoirs de service par le fonctionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.2).

Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2 et les références citées). Selon la jurisprudence, les motifs fondés de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2014 du 29 mai 2015 consid. 5.2).

Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7b et les références citées ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean‑Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, pp. 161-162).

2.5.2 Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) ; d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b) ; de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Quant à l'exécution du travail, ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC). Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d'informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient se poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2e éd., 2018, n° 7.3.3.1).

2.5.3 L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Les rapports de service étant soumis au droit public (ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8 ; ATA/82/2014 du 12 février 2014 consid. 11 et les références citées), la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/562/2020 du 9 juin 2020 consid. 6e et les références citées).

En particulier, le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l’aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 ; ATA/108/2025 du 28 janvier 2025 consid. 4.4.).

2.5.4 La LLE a pour buts :  de protéger la liberté de conscience, de croyance et de non‑croyance (let. a) ; de préserver la paix religieuse (let. b) et de définir le cadre approprié aux relations entre les autorités et les organisations religieuses (let. c).

L’art. 3 LLE prévoit que l’État est laïque. Il observe une neutralité religieuse. Il ne salarie ni ne subventionne aucune activité cultuelle (al. 1). Les agents de l’État, soit ceux du canton, des communes et des personnes morales de droit public, observent cette neutralité religieuse dans le cadre de leur fonction et, lorsqu’ils sont en contact avec le public, ils s’abstiennent de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs (al. 5).

La chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ACST/35/2019 du 21 novembre 2019), puis le Tribunal fédéral (ATF 148 I 160), ont lors d’un contrôle abstrait de cette disposition, constaté la conformité de l’art. 3 al. 5 LLE avec les droits fondamentaux.

2.5.5 L’art. 2A al. 2 LPAC, entré en vigueur en même temps que la LLE, prévoit que les agents de l’État, soit ceux du canton, des communes et des personnes morales de droit public, observent une neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions et, lorsqu’ils sont en contact avec le public, ils s’abstiennent de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs.

3.             La recourante soutient que l’intimée a commis un double abus en retenant à son égard un manquement grave et continu à son obligation d’observer une neutralité religieuse dans le cadre de ses fonctions et en lui reprochant une attitude inadéquate. Il convient dès lors de déterminer si la recourante a manqué à ses obligations, soit en l’occurrence à celles figurant à l’art. 2A al. 2 LPAC, la qualité de ses prestations professionnelles n’étant pas remise en cause par son employeur.

3.1 Le Tribunal fédéral a confirmé l’interdiction faite à une enseignante genevoise, qui s’était convertie du catholicisme à l’islam, de porter le foulard dans l’exercice de ses activités et responsabilités professionnelles. Préalablement, le Tribunal fédéral a observé que l’enseignante avait déclaré à titre principal que son habillement, dont les éléments pouvaient être acquis en grande surface, ne devait pas être traité comme un symbole religieux, mais comme n’importe quel vêtement plus ou moins anodin qu’un enseignant déciderait de porter pour des motifs qui lui seraient propres, notamment pour des raisons esthétiques ou pour mettre en valeur, voire cacher, une partie de son anatomie (foulard autour du cou, gilet, petit chapeau). Selon l’enseignante, la décision attaquée revenait à interdire à un enseignant, sans justification suffisante, de s’habiller selon son désir. Le Tribunal fédéral a retenu qu’il ne faisait aucun doute que l’enseignante portait le foulard et des vêtements amples non pas pour des raisons esthétiques mais afin d’obéir à une exigence religieuse qu’elle tirait de passages du Coran. Le port du foulard et de vêtements amples manifestait dès lors l’appartenance à une confession déterminée et la volonté de se comporter conformément aux prescriptions de celle-ci. Cette tenue constituait même un symbole religieux fort, c’est-à-dire un signe immédiatement visible pour les tiers, indiquant clairement que son porteur adhérait à une religion déterminée. Le litige portait donc sur le port d’un symbole religieux fort par un enseignant d’une école publique dans le cadre de son activité professionnelle. Aucune limitation n’avait été imposée à la recourante relative à sa tenue hors de l’enseignement. Il ne s’agissait pas non plus du port d’un signe religieux par un élève, ni du port de vêtements de fantaisie, voire excentriques mais sans connotation religieuse, par un enseignant à l’école (ATF 123 I 296 consid. 2a). La CourEDH a ensuite déclaré irrecevable la requête déposée devant elle par l’enseignante déboutée par le Tribunal fédéral [DCEDH Dahlab c. Suisse du 15 février 2001, req. 42393/98]).

Dans le même arrêt, le Tribunal fédéral a jugé qu’il fallait, pour savoir jusqu’où allait le devoir de réserve d’un enseignant d’une école publique dans le cadre de ses activités, examiner, entre autres critères, la manière dont l’enseignant vivait et présentait ses convictions à l’école. En particulier, son devoir de discrétion pouvait être assoupli s’il mettait en évidence que son opinion n’en était qu’une parmi d’autres et s’il encourageait ses élèves à se déterminer en toute liberté. De même, si la manifestation religieuse extérieure du maître incluait le port d’un signe religieux, il fallait tenir compte du degré de visibilité et de force d’évocation de ce symbole (ATF 123 I 296 consid. 4bb).

La notion de « signes extérieurs » (religieux) est sujette dans une certaine mesure à interprétation. Sous l’angle de l’exigence d’une densité normative suffisante, cela est toutefois admissible, car – selon la jurisprudence – on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d’interprétation (ATF 148 I 160 consid. 7.8 et les arrêts cités).

La CourEDH a examiné la requête d’une assistante sociale d’un hôpital public français à laquelle son employeur avait fait interdiction de porter un voile sur son lieu de travail. À titre liminaire (§ 46), la CourEDH a observé que l’employeur avait toujours utilisé le mot « coiffe » pour désigner la tenue de la requérante. Celle‑ci avait produit devant la CourEDH une photo d’elle entourée de ses collègues de service sur laquelle elle apparaissait vêtue d’une coiffe qui couvrait ses cheveux, sa nuque et ses oreilles, et son visage était complétement apparent. Ce couvre-chef, qui s’apparentait à un foulard ou à un voile islamique, avait été majoritairement qualifié par les juridictions nationales saisies du litige de voile ; c’est cette dernière dénomination que la CourEDH a utilisé pour l’examen du grief de la requérante (ACEDH Ebrahimian c. France du 26 novembre 2015, req. 64846/11, Rec. 2015, § 46).

3.2 Selon l’exposé des motifs du projet de la LLE (PL 11764), l’art. 3 LLE vise à assurer la neutralité religieuse des collaborateurs de l’État au sens large. Cette neutralité doit se vivre au quotidien dans les relations des collaborateurs avec le public. À ce devoir de neutralité générale s’ajoute, pour les collaborateurs en contact avec le public, le devoir de s’abstenir de signaler leur appartenance religieuse.

L’intimée a versé à la procédure la réponse du Conseil d’État à une question d’un député relative à la mise en œuvre de la LLE (Q 3967-A ; date de dépôt 29 février 2024). Le Conseil d’État a rappelé que l’interdiction faite aux agents de l’État de manifester une appartenance religieuse est destinée à protéger les droits et libertés des usagers, ainsi que la neutralité religieuse de l’État. L’usager ne doit pas avoir de doute sur la neutralité des agents de l’État et sur le fait que ses croyances religieuses, spirituelles ou ses convictions philosophiques sont respectées. Il s’agit de préserver et de renforcer le lien de confiance qui existe et doit exister entre les institutions et les usagers. À cet égard, il suffit que le signe porté par l’agent de l’État en contact avec le public soit objectivement reconnaissable comme manifestant une appartenance religieuse, ou que l’agent de l’État le revendique comme tel, pour que ce dernier porte atteinte au lien de confiance dont l’usager est le destinataire et pour que ce signe soit par conséquent proscrit.

3.3 En l’espèce, la recourante soutient devant la chambre de céans que son turban n’aurait aucune signification religieuse. Elle affirme n’avoir jamais remis en question la LLE ni même avoir eu l’intention de la remettre en question. Elle précise porter un turban depuis son engagement en 2013, parce qu’il s’agirait d’un habit quelconque banalement porté par nombre de femmes non musulmanes ou non religieuses, et qu’elle le porte afin de ne pas exprimer par le vêtement une appartenance religieuse. Elle ajoute que depuis 2019, année d’entrée en vigueur de la LLE, elle a continué à porter le turban par respect des prescriptions légales sur la laïcité, s’abstenant ainsi de signaler une quelconque appartenance religieuse par des signes extérieurs. Selon la recourante, ce n’est pas le port du turban qui serait l’expression de ses convictions religieuses, le port du turban étant l’expression de son respect de la laïcité, avant comme après l’entrée en vigueur de la LLE.

3.3.1 L’intimée expose dans sa réponse au recours, et la recourante qui a eu l’occasion de se déterminer sur cette écriture ne la contredit pas, que celle-ci est de confession musulmane. La recourante ne contredit pas non plus l’intimée lorsqu’elle expose que lors de son activité professionnelle d’infirmière à domicile, elle portait un épais turban noir, dissimulant l’ensemble de sa chevelure et une partie de ses oreilles. Sur la photographie de l’annuaire de l’IMAD versée à la procédure par l’intimée, la recourante porte, outre un épais turban noir, une écharpe noire lui couvrant une partie du cou et des épaules. C’est encore sans être contredite que l’intimée affirme que la recourante porte sa coiffe de manière systématique et continue, été comme hiver, y compris par forte chaleur, tant lors de ses déplacements au domicile des patients que lors des soins qu’elle leur prodigue et que durant toutes ces années, elle ne s’était pas présentée une seule fois au travail sans son turban.

Il ressort de comptes rendus d’entretiens entre sa hiérarchie et la recourante que cette dernière a admis porter un turban pour des motifs religieux. Ainsi, dans son courriel du 5 novembre 2015, le responsable d’équipe tournant qui a informé la recourante de la plainte d’un patient a répondu à une responsable d’équipe que l’intéressée avait validé que sa coiffure/turban avait une connotation religieuse. Dans son courriel du 27 septembre 2019, un responsable des ressources humaines a fait état d’un entretien qu’il avait eu le même jour avec la recourante. Celle-ci lui avait expliqué que si elle n’avait pas fait savoir que son turban était à caractère religieux, on ne lui aurait rien dit. La recourante s’est déterminée sur cet entretien dans un courriel du 30 septembre 2019. Si elle n’y affirme pas expressément porter un turban pour des motifs religieux, elle écrit : « Quand vous choisissez de voir ce couvre-chef comme un signe religieux, je m’efforce au quotidien de le rendre transparent en mettant en avant mon professionnalisme et mon sourire, pour qu’on ne retienne plus que cela de ma prestation ».

Plus récemment, dans leur courrier du 24 octobre 2023, le responsable des ressources humaines et la responsable d’équipe qui ont conduit avec elle l’entretien du 4 septembre 2023 ont mentionné que la recourante avait indiqué porter sa coiffe en lien avec ses croyances religieuses. Si dans sa réponse du 5 octobre 2023 la recourante conteste que son turban serait un signe religieux, elle ne nie toutefois pas l’avoir porté pour des motifs religieux. Il ressort également du compte rendu de l’entretien de service que la question du lien entre le turban et les convictions religieuses de l’intéressée a été abordée. Il y a notamment été fait mention du courrier du 1er novembre 2023 dans lequel la directrice générale de l’intimée indique prendre acte du choix de la recourante de continuer à porter un turban en raison de ses convictions religieuses. Dans sa réponse à cet entretien de service, la recourante s’est positionnée en expliquant qu’elle endossait avec un turban un vêtement laïc. Elle précisait qu’en « renonçant à notre foulard, nous avons choisi délibérément de respecter à la fois la LLE et la LPAC, mais aussi de ne pas heurter des collègues et des patients. Nous portons donc le turban parce que c’est un habit banalement porté par nombre de femmes non musulmanes qui permet de ne pas "révéler" notre appartenance religieuse. Or, peu importe ici que nous le fassions pour des motifs de look ou religieux. Ce qui compte c’est que nous ne signalons pas notre appartenance religieuse par des signes extérieurs, comme le prescrit la LLE, en renonçant aux dits signes. Nous tenons à dire qu’il est surprenant et décevant de constater que la direction de l’IMAD s’acharne contre nous depuis maintenant des années, au lieu de relever l’effort réel que cela représente et le pas accompli dans le sens du respect des lois ».

3.3.2 En novembre 2015, soit presque deux ans et demi après son engagement, une plainte d’un patient a été portée à sa connaissance. Ce patient s’était ému du port d’un « voile » par la recourante, ce qui l’avait dérangé en raison de la forte connotation religieuse de cette coiffure. En avril 2020, sans que l’on sache à quel moment la recourante en eu connaissance, une seconde patiente s’est plainte du port d’un « voile » par l’intéressée. Le 14 avril 2023, même si cette fois encore on ignore quand la recourante a eu connaissance de cet événement, une responsable a relaté la réaction de deux responsables d’équipes qui avaient été surprises par la tenue vestimentaire de la recourante « manifestement orientée d’un point de vue religieux ».

Il découle de ce qui précède qu’il ne fait aucun doute que la recourante, de confession musulmane, porte un turban pour des motifs religieux. Contrairement à ce qu’elle soutient, ce turban n’est pas qu’un vêtement banal. En effet, en le portant, elle informe les tiers, soit entre autres son employeur et les patients, sur son appartenance religieuse. Le port du turban tel que pratiqué par la recourante sur son lieu de travail – indépendamment des motifs pour lesquels elle le portait ainsi – pouvait être compris comme l’expression de son appartenance religieuse. En effet, la façon dont elle portait son turban, épais et de couleur noire, dissimulant l’ensemble de sa chevelure et une partie de ses oreilles, ne pouvait être comprise par les tiers que comme la manifestation de son appartenance religieuse. Il est d’ailleurs établi qu’il a été perçu comme telle tant par des patients que par son employeur.

4.             L’obligation faite à la recourante de s’abstenir de signaler son appartenance religieuse par le port d’un turban dans le cadre de ses fonctions et lorsqu’elle est en contact avec le public, constitue une restriction à sa liberté de conscience et de croyance. Il convient donc d’examiner si cette restriction est admissible.

4.1 En effet, en vertu de l’art. 9 § 1 CEDH, intitulé liberté de pensée, de conscience et de religion, toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites (§ 1). L'art. 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) comporte un principe similaire mais ne revêt pas de portée propre par rapport à l'art. 9 CEDH (ATF 148 I 160 consid. 7.1).

4.2 L'art. 15 Cst., intitulé liberté de conscience et de croyance, prévoit que la liberté de conscience et de croyance est garantie (al. 1). Toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté (al. 2). Toute personne a le droit d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir et de suivre un enseignement religieux (al. 3). Nul ne peut être contraint d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir, d'accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux (al. 4).

4.3 L’art. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE - A 2 00) prévoit que l’État est laïque. Il observe une neutralité religieuse (al. 1). Il ne salarie ni ne subventionne aucune activité cultuelle (al. 2). Les autorités entretiennent des relations avec les communautés religieuses (al. 3).

5.             Comme tout droit fondamental, la liberté de conscience et de croyance peut être restreinte aux conditions prévues par l’art. 36 Cst. (ATF 148 I 160 consid. 7.6).

5.1 L’art. 36 Cst. prévoit que toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés (al. 1). Toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2). Toute restriction d’un droit fondamental doit être proportionnée au but visé (al. 3). Les limitations de la liberté de conscience et de croyance opérées par l’art. 3 al. 5 LLE concernent des manifestations religieuses extérieures. Elles ne portent donc pas atteintes au noyau intangible de la liberté de conscience et de croyance (art. 36 al. 4 Cst.), qui ne protège que la « liberté intérieure » (ATF 148 I 160 consid. 7.11 et les références).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs estimé qu’au vu de l’importance du droit fondamental en jeu, qui représente l’un des plus anciens droits fondamentaux, il est primordial d’éviter une application excessivement rigide de l’art. 3 al. 5 LLE, qui conduirait à un résultat incompatible avec la liberté de conscience et de croyance des personnes concernées. L’obligation faite aux autorités genevoises d’interpréter cet article de manière raisonnable et proportionnée implique ainsi qu’il faudra tenir compte du contexte (s’agissant notamment de l’examen de la condition relative au contact avec le public [« lorsqu’ils sont en contact avec le public »]), ainsi que de la façon dont un symbole religieux (visible) est porté ou un propos est exprimé par les personnes visées par la norme religieuse. C’est uniquement à ces conditions que l’application de cette norme pourra être considérée in concreto compatible avec l’art. 15 Cst. (ATF 148 I 160 consid. 7.10.3.3 et l’arrêt cité).

5.2 En vertu de l’art. 9 § 2 CEDH, la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

5.3 Quant à l'art. 14 CEDH, il complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles et n'a pas de portée indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1079/2019 du 23 décembre 2021 consid. 8.1 et les arrêts cités).

5.4 En l’espèce, l’obligation faite à la recourante par son employeur repose sur une disposition légale, l’art. 2A al. 2 LPAC, lequel résulte de l’art. 3 al. 5 LLE.

L’intérêt public de cette obligation découle de la nécessité de s’assurer du respect, par une fonctionnaire d’un service public de soins à domicile, de la neutralité confessionnelle de l’État, dont le but est non seulement de protéger les convictions religieuses des citoyens, mais également d’assurer la paix religieuse, dans un esprit de tolérance et d’ouverture (ACST/35/2019 précité consid. 9b), qui plus est dans le contexte particulier du canton de Genève qui attache une grande importance à la laïcité de l’État (ATF 148 I 60 consid. 5). L’obligation faite à la recourante de s’abstenir de signaler son appartenance religieuse par le port d’un turban est apte à renforcer la laïcité du service public dans lequel elle travaille, dans la mesure où, lorsqu’elle est en contact notamment avec des patients, elle représente ce service public, et donc l’État, à leur égard. Cette obligation apparaît également nécessaire pour mettre en œuvre le principe de la laïcité. On ne distingue pas quelle mesure moins incisive pourrait être mise en œuvre et la recourante n’en propose pas (le contrôle abstrait du respect des règles de l’aptitude et de la nécessité au regard de l’art. 3 al. 5 LLE par le Tribunal fédéral figure dans l’ATF 148 I 160 aux consid. 7.10.1 et 7.10.2).

L’obligation faite à la recourante se limite au temps qu’elle consacre à son activité professionnelle et, dans ce cadre, aux moments où elle est en contact avec le public. Il n’apparaît pas que l’intimée s’oppose à ce qu’elle puisse porter son turban lorsqu’elle n’est pas dans cette situation. La restriction à sa liberté de conscience et de croyance peut donc être considérée comme relativement limitée. En outre, cette restriction s’applique à une fonctionnaire à laquelle s’impose une obligation de loyauté et de fidélité envers l’État et envers les principes sur lesquels il se fonde. On peut dès lors exiger d’elle qu’elle supporte – uniquement lorsqu’elle est en contact avec le public dans le cadre de son activité au service de l’intimée – des ingérences limitées dans sa liberté de conscience et de croyance, d’autant plus que ces ingérences sont fondées sur le principe de la laïcité de l’État qui, comme cela a déjà été mentionné plus haut, revêt une importance toute particulière dans le canton de Genève. En effet, lorsqu’elle est en contact avec le public dans le cadre de son activité professionnelle, la recourante représente l’intimée à l’égard du public, notamment les patients (le contrôle abstrait du respect du principe de la proportionnalité au sens étroit au regard de l’art. 3 al. 5 LLE figure dans l’ATF 148 I 160 aux consid. 7.10.3 ss).

La restriction apportée par l’interdiction du port d’un turban lorsque la recourante est en contact avec le public ne se heurte donc pas à la liberté de conscience et de croyance.

6.             La recourante se plaint de ce que l’intimée a modifié en juin 2024 – soit après son entretien de service et juste avant le prononcé de la décision litigieuse – la directive cadre concernant la tenue vestimentaire et une directive complémentaire de la première, qui concerne la tenue vestimentaire des collaborateurs de terrain. Dans la directive cadre, l’intimée a précisé, ce qui n’était pas le cas auparavant, que le port de chapeaux, de casquettes, de bonnets, de foulards et de toute autre forme de couvre-chefs est interdit. Dès lors que ni la LLE ni la LPAC ne prévoyait l’interdiction de tout autre forme de couvre-chefs, et donc du turban, l’intimée aurait ainsi légiféré et modifié les conditions contractuelles sur la base desquelles elle avait été engagée.

La recourante perd de vue qu’elle n’a pas été licenciée en raison d’un manquement aux directives internes de l’intimée. La décision litigieuse n’en fait pas mention et le présent litige est jugé sans qu’il soit nécessaire ou pertinent, mis à part pour l’examen du présent grief, d’y faire référence. La recourante a été licenciée en application notamment des art. 2A al. 2 LPAC et 3 al. 5 LLE, dispositions légales qui sont entrées en vigueur après l’engagement de la recourante. Cela étant, la Cst‑GE, et en particulier son art. 3 al. 1 – qui prévoit que l’État est laïque et qu’il observe une neutralité religieuse – est entrée en vigueur en octobre 2012, soit avant son engagement au sein de l’intimée. Comme le démontre en outre la procédure qui a conduit au prononcé de la DCEDH Dahlab c. Suisse du 15 février 2001 mentionnée plus haut, les fonctionnaires cantonaux étaient soumis à des règles en lien avec le respect de la laïcité bien avant l’entrée en vigueur de la LLE et de l’art. 2A al. 2 LPAC.

La recourante ne peut pas prétendre à ce que le cadre légal dans lequel elle évolue professionnellement reste immuable. Les collaborateurs de l'État n'ont en effet pas de droit acquis, ni la garantie d'immuabilité de leur cahier des charges. L'État est libre de revoir en tout temps sa politique en matière de salaire et d'emploi, et les personnes qui entrent à son service doivent compter avec le fait que les dispositions réglant leur statut puissent faire l'objet ultérieurement de modifications. Des droits acquis ne naissent dès lors en faveur des agents de la fonction publique que si la loi fixe une fois pour toutes les situations particulières et les soustrait aux effets des modifications légales ou lorsque des assurances précises ont été données à l'occasion d'un engagement individuel (ATF 143 I 65 consid. 6.2 et les références citées). Or, il n’apparaît pas que la recourante pourrait se prévaloir d’une loi particulière qui l’aurait autorisée de manière indéterminée à signaler son appartenance religieuse. La recourante avait soutenu qu’elle avait reçu l’approbation de la responsable des pratiques professionnelles à porter un turban. Le dossier ne contient toutefois aucune trace que des assurances auraient été données à la recourante à cet égard ; la recourante ne l’allègue d’ailleurs plus dans son recours. Enfin, il n’apparaît pas que ses conditions d’engagement individuel auraient été modifiées afin de l’autoriser à s’habiller à sa guise.

Ce grief sera en conséquence écarté.

7.             La recourante se prévaut également de l’art. 8 § 1 CEDH.

7.1 L'art. 8 § 1 CEDH garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, c'est‑à‑dire le droit de toute personne de disposer librement de sa personne et de son mode de vie, le droit d'établir des rapports avec d'autres êtres humains et avec le monde extérieur en général ou le droit d'entretenir librement ses relations familiales et de mener une vie de famille. Le droit au respect de la vie privée protège notamment l'intégrité physique et morale, l'identité, le respect de la sphère intime et secrète (en particulier le domicile), l'honneur et la réputation d'une personne, ainsi que ses relations avec les autres.

7.2 En l’espèce, la recourante indique dans son recours que le droit du personnel, notamment féminin, de ne pas montrer une partie de son corps tout en respectant la loi (LPAC et LLE) ne découle pas uniquement de la liberté de croyance, mais également de la protection de la sphère privée, de la liberté personnelle, de l’intimité, de la dignité humaine. Elle ajoute « En ce sens le turban est endossé par certaines femmes au même titre que le col roulé, les pantalons longs, les manches longues, la robe longue, des habits larges ou autres ». Si l’IMAD devait tous les interdire, elle se demande également comment les femmes devraient s’habiller. Or, l’objet du litige ne porte ni sur l’habillement du personnel féminin en général, ni sur celui de « certaines femmes » ni encore sur les différents types d’habillement qu’il faudrait interdire. Il se limite à la légalité du licenciement de la recourante du fait qu’elle n’entend pas se conformer à l’art. 2A al. 2 LPAC. On ne voit dès lors pas en quoi, et la recourante ne le démontre pas, l’interdiction qui lui est faite de porter un turban qui signale son appartenance religieuse dans le cadre strictement limité de ses activités professionnelles et lorsqu’elle est en contact avec le public constituerait une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée et familiale, cette question ayant pour le surplus été examinée sous l’angle des art. 9 CEDH et 15 Cst.

8.             La recourante soutient qu’en 2023 la FASe aurait licencié une collaboratrice au motif qu’elle portait un turban et que cette institution aurait ensuite dû indemniser cette collaboratrice en raison d’un licenciement injustifié. Elle mentionne en outre le fait que l’IMAD aurait engagé, en juillet 2023, une femme terminant ses études d’infirmière en qualité d’aide-soignante, dont elle donne le nom, pour une durée d’un mois. Cette personne portant un foulard, il lui aurait été indiqué par ses interlocuteurs de l’IMAD, lors d’un échange préalable à son engagement, qu’elle pouvait porter un turban afin de ne pas endosser le foulard non autorisé, ce qu’elle aurait fait. La recourante se plaint également d’un problème de discrimination des femmes et du traitement différencié relatif à l’interdiction du port d’un couvre-chef au regard de l’autorisation de porter une barbe.

8.1 Selon l’art. 8 al. 1 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique (art. 8 al. 2 Cst.).

Le principe de l’égalité (art. 8 Cst.) et celui de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liés. Une norme ou une décision est arbitraire lorsqu’elle ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou si elle est dépourvue de sens et de but (ATF 136 I 241 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_753/2011 du 11 octobre 2012 consid. 3.2.2). L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 132 I 157 consid. 4.1 ; ATF 129 I 1 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.181/2006 du 28 novembre 2006 consid. 2.2).

Au principe d’égalité de traitement, l’art. 8 al. 2 Cst. ajoute une interdiction des discriminations. Le principe de non-discrimination n’interdit toutefois pas toute distinction basée sur l’un des critères énumérés dans cette disposition, mais fonde plutôt le soupçon d’une différenciation inadmissible. Les inégalités résultant d’une telle distinction doivent faire l’objet d’une justification particulière (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 ; ATF 135 I 49 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_753/2011 précité consid. 3.2.2 ; ATA/45/2016 du 19 janvier 2016 consid. 5b et c).

8.2 La première situation que mentionne la recourante relève d’une autre institution et à teneur de l’article de presse qu’elle a versé à la procédure, il ne s’agirait pas d’une infirmière mais d’une monitrice. Rien ne permet au surplus de retenir que les éléments de fait de la présente cause seraient comparables à la situation à laquelle se réfère la recourante. Il en va de même avec la situation de l’aide-soignante engagée pour un remplacement d’un mois au sein de l’intimée. Pour sa part, l’intimée conteste avoir délivré une autorisation à une collaboratrice de porter un turban en lieu et place d’un voile. Elle expose que seul un bandeau ou un serre-tête aurait été autorisé. L’intimée a versé à la procédure à ce propos deux courriels et un courrier qu’elle avait envoyés à trois collaboratrices (dont les noms sont caviardés). Elle y prend acte de ce que ces collaboratrices ont accepté de retirer leur couvre‑chef, leur voile ou leur foulard et de se conformer ainsi aux règles en vigueur. L’intimée a en outre produit la copie d’un entretien de service (également caviardé) dont il ressort qu’une infirmière spécialisée, à laquelle elle reprochait le port d’un collier orné d’une grande croix chrétienne, avait également accepté de se conformer aux normes en vigueur.

Quant au « problème de discrimination des femmes » que soulève la recourante, comme cela a déjà été examiné, l’objet du litige ne porte pas sur la discrimination des femmes en général – au demeurant non démontrée – mais sur la légalité de son licenciement. Il en va de même des suppositions abstraites formulées par la recourante relatives au sort des hommes portant la barbe, situations qui excèdent le cadre du présent litige.

Les griefs de violation des principes d’égalité de traitement et de l’interdiction de l’arbitraire sont donc infondés.

9.             Au vu de l’ensemble de ce qui précède, l’exigence posée à la recourante de s’abstenir du port du turban dans les contacts avec le public lorsqu’elle exerçait son activité professionnelle ne contrevient à aucun droit conventionnel ou constitutionnel, ni à la réglementation légale et statutaire applicable à la recourante.

En tant que la recourante a refusé de donner suite aux demandes répétées de l’intimée d’ôter sa coiffe lorsque, durant l’exercice de son activité professionnelle elle était en contact avec le public, notamment les clients de l’IMAD, la recourante, quand bien même elle soutient avoir voulu se conformer aux règles en vigueur, a manqué à son obligation d’observer la neutralité religieuse en signalant son appartenance religieuse par le port de son turban, ce que la loi prohibe.

L’intimée a plusieurs fois invité la recourante à retirer son turban. Il apparaît du reste que la recourante était d’abord prête à l’enlever si un patient en faisait la demande, comme cela ressort du courriel du 5 novembre 2015 du responsable d’équipe tournant dont le contenu n’est pas contesté. Dès lors que la recourante a clairement indiqué qu’elle ne modifierait pas son habillement, d’une part, et que sa présence auprès de patients était indissociable de son activité professionnelle, d’autre part, la poursuite de ses rapports de service n’était plus compatible avec le bon fonctionnement de l’intimée. Le manquement reproché à la recourante, reconnaissable tant par des patients que par des collègues ou des collaborateurs de l’intimée, était également de nature à perturber le bon fonctionnement du service.

En outre, l’attitude ferme et qui semblait définitive de la recourante de ne pas se conformer aux exigences légales – que son employeur lui a pourtant rappelées à de nombreuses reprises – était apte à rompre la confiance qu’il avait placée en elle. La patientèle de l’intimée doit pouvoir attendre des agents publics qui interviennent chez elle qu’ils respectent leur intimité. Comme le souligne à juste titre l’intimée, il s’agit de patients en majorité âgés, malades, vulnérables ou en perte d’autonomie. Le cahier des charges de la recourante est explicite en ce qu’il prévoit que l’infirmière intervient seule et assure des prestations de manière autonome, dans le respect des habitudes de vie, des croyances, des valeurs, de la culture, de l’autonomie et de l’intégrité du client. La recourante, malgré les rappels à l’ordre de sa hiérarchie, a ainsi pris le risque de heurter les convictions des patients dont elle avait la charge.

Au vu de ce qui précède, l’intimée était fondée à mettre un terme aux rapports de service de la recourante, sans mésuser de son pouvoir d’appréciation ni violer les bases légales et principes conventionnels ou constitutionnels applicables.

La résiliation des rapports de service de la recourante est par ailleurs apte à atteindre le but d’intérêt public consistant à employer, dans un service public de soins à domicile, du personnel respectueux de l’État et des lois, en particulier de la LLE et de la LPAC, et en qui le public, en particulier les patients, doivent avoir une entière confiance. Cette décision, nécessaire pour permettre à l’intimée d’atteindre cet objectif, est en outre proportionnée (au sens étroit), dès lors que le manquement de la recourante est de nature à ébranler la confiance des administrés envers un service public de soins à domicile soumis au principe de laïcité de l’État et d’autre part de nature à nuire à la réputation de cette institution. L’intérêt public au bon fonctionnement de l’intimée, critère déterminant au vu de la mission qui lui est confiée, l’emporte sur l’intérêt privé de la recourante à conserver son emploi.

10.         Reste à examiner si l’intimée pouvait renoncer à la procédure de reclassement.

10.1 Préalablement à la décision de résiliation, l'autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu'elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond à ses capacités (art. 21 al. 3 LPAC).

10.2 À teneur de l’art. 46A RPAC, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). L’intéressé bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4). En cas de reclassement, un délai n'excédant pas six mois est fixé pour permettre à l'intéressé d'assumer sa nouvelle fonction (al. 5). En cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6). Le service des ressources humaines du département, agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État, est l’organe responsable (al. 7).

10.3 Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/130/2022 du 8 février 2022 consid. 6b). La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/361/2022 du 5 avril 2022 consid. 7b).

10.4 Lorsqu’un reclassement revient en fin de compte à reporter dans un autre service des problèmes de comportement reprochés au fonctionnaire, il paraît illusoire et il peut y être renoncé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1 ; ATA/530/2024 précité consid. 6.4). Toutefois, seules les circonstances particulières, dûment établies à satisfaction de droit, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l’intérêt public et privé de nombreux employés de l’État sur l’intérêt privé, pourtant important, de la personne licenciée (ATA/530/2024 précité consid. 6.3 ; ATA/1060/2020 précité consid. 9c ; ATA/1579/2019 du 29 octobre 2019 consid. 12h).

10.5 Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a notamment confirmé le bien‑fondé de résiliations des rapports de service, sans procédure de reclassement préalable, d’un chef de projet informatique poursuivi pour une infraction d’usure (ATA/712/2021 précité consid. 8c), d’une gérante sociale de l’IMAD qui avait eu des problèmes très importants de communication et de comportement, durant une période de sept ans, avec l’ensemble des catégories d’interlocuteurs, tant internes qu’externes, à son institution (ATA/1576/2019 du 29 octobre 2019 consid. 14), d’une employée, dont l’attitude générale sur le lieu de travail était considérée comme inappropriée et insuffisamment respectueuse de la sphère personnelle d’autrui (ATA/674/2017 du 20 juin 2017 consid. 19) et d'une infirmière ayant consommé de la codéine et commis des vols dudit produit, l’employeur se devant de protéger ses intérêts financiers et ceux des patients qu'il accueillait et auxquels il devait offrir toutes les garanties quant au personnel soignant (ATA/1143/2018 du 30 octobre 2018).

10.6 En l’espèce, l’intimée précise dans la décision litigieuse que l’exercice de la fonction d’infirmière impliquant nécessairement un contact avec les patients, le positionnement de la recourante empêche d’envisager un éventuel reclassement au sein de l’IMAD.

Le manquement reproché à la recourante, qui est de nature à rompre définitivement le lien de confiance avec son employeur, consiste en une violation de son obligation de s’abstenir de signaler son appartenance religieuse par le port d’un turban lorsqu’elle est en contact avec le public. La recourante a clairement indiqué qu’elle n’entendait pas ôter son turban lorsqu’elle rencontrait les clients. Or, la profession d’infirmière qu’elle exerce implique nécessairement d’entrer en relation avec des patients. Il paraît ainsi illusoire, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, de lui proposer un reclassement, voire des mesures dont l’objectif serait de l’aider à trouver un autre emploi au sein de l’IMAD, les compétences professionnelles de l’intéressée n’étant – à l’exception du manquement identifié – pas remises en cause. La recourante ne s’est, au demeurant, pas plainte de l’absence de procédure de reclassement et il ne ressort pas du dossier qu’elle aurait indiqué être disposée à occuper une autre fonction au sein de l’intimée.

Infondé, le recours doit être rejeté, sans qu’il y ait lieu d’examiner les conclusions de la recourante tendant à l’octroi d’une indemnité.

11.         Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’intimée étant de taille à posséder un service juridique (ATA/1356/2021 du 14 décembre 2021 consid. 14 et l’arrêt cité).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2024 par A______ contre la décision de l’Institution genevoise de maintien à domicile du 14 août 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A_____ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à Me Véronique MEICHTRY, avocate de l'intimée.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

F. SCHEFFRE

 

le président siégeant :

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :