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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2196/2021

ATA/130/2022 du 08.02.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;RÉSILIATION;MOTIF;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;PROPORTIONNALITÉ;RECONVERSION PROFESSIONNELLE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LPAC.21.al3; LPAC.22; RPAC.46A.al2; RPAC.46A.al3; LPol.18.al1; LPol.19.al1; Cst.5.al2; Cst.8.al1
Résumé : Recours d’un agent de sécurité publique contre une décision de résiliation de ses rapports de service pour motifs fondés. Dans la mesure où le recourant a gravement manqué à son devoir d’assurer la sécurité des locaux de détention dont il avait la charge le recours est rejeté. La procédure de reclassement mise en place par le département est critiquable mais acceptable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2196/2021-FPUBL ATA/130/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 février 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Vincent Spira, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1975, a obtenu un certificat fédéral de capacité de monteur-électricien le 1er septembre 1996.

2) Dès le 1er mai 2004, il a été engagé en qualité de convoyeur de sécurité, rattaché au corps de police, par le département devenu depuis lors celui de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : département). Il a été nommé fonctionnaire le 1er mai 2007, puis promu assistant de sécurité publique 3
(ci-après : ASP 3) dès le 1er février 2010.

3) Le 1er avril 2016, M. A______ a été transféré à l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD). Par ailleurs, à la suite de sa postulation, il a été promu dès cette même date à la fonction de chef de groupe au sein de la brigade des audiences (ci-après : BSA).

Le cahier des charges du chef de groupe ASP 3 précise notamment que celui-ci conduit le groupe d’ASP 3 dont il est le responsable. Il assure, d’une part, les tâches de gestion des convoyages entre les établissements pénitentiaires et les centres d’activités judiciaires, policières ou médicales et, d’autre part, les tâches de surveillance interne et externe, de maintien de l’ordre et de sécurité dans les centres d’activités judiciaires, policières ou médicales durant leur mission.

Il lui revient en outre de prendre les dispositions nécessaires afin d’assurer la sécurité des convoyages, des gardes ou des locaux sous sa responsabilité, de respecter, appliquer et faire appliquer en permanence les principes sécuritaires fondamentaux par tous les collaborateurs sous sa responsabilité. Il doit également assurer la gestion et la sécurité des violons ou encore informer immédiatement son supérieur hiérarchique de toute évasion ou tentative d’évasion, tout événement grave, toute irrégularité dans le fonctionnement du service, tout dommage causé aux locaux, équipements et véhicules, et tout fait ou comportement suspect.

4) Les compétences professionnelles de M. A______ ont été régulièrement évaluées dans le cadre d’entretiens périodiques et de développement du personnel (ci-après : EEDP).

a. Dans le cadre de sa postulation à la fonction de chef de groupe, M. A______ a été soumis à un EEDP le 25 novembre 2015. Il en ressort notamment qu’il était considéré comme une personne posée et courtoise, qu’il appliquait les principes de la légalité, de la proportionnalité et de l’égalité de traitement en toutes circonstances. Il ne portait pas de jugement personnel sur les détenus qu’il était chargé d’escorter et savait garder le recul nécessaire à leur égard. Ses connaissances professionnelles étaient étendues et des responsabilités pouvaient lui être confiées. Son sérieux se traduisait par une grande efficacité, particulièrement dans la gestion des violons où il avait acquis une solide expérience. Il maîtrisait pleinement les procédures relatives à son domaine d’activité. Il les respectait et les appliquait strictement.

M. A______ était capable de faire les synthèses d’une situation de façon objective et constructive. Attentif, concentré et maître de lui-même, il était à l’aise et volontaire pour toutes les missions qui lui étaient confiées.

b. À la suite d’un nouvel EEDP, qui s’est tenu le 28 février 2017, M. A______ a été confirmé dans la fonction de chef de groupe. Il effectuait ses tâches avec rigueur et dévouement à satisfaction de sa hiérarchie. Il avait le contact aisé et ne rencontrait pas de problème à entrer en contact avec autrui. Il avait de bonnes connaissances des procédures et une bonne résistance au stress.

c. Dans un entretien d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) du 17 mai 2019, les compétences professionnelles de M. A______ ont une nouvelle fois été saluées. Il était conscient que son rôle n’était pas de juger les détenus mais d’assurer sa mission en toute sécurité. Il maîtrisait parfaitement son environnement de travail, respectait les règlements et les instructions de service et tenait compte du cadre légal. Il avait les connaissances théoriques et pratiques utiles à sa fonction qui lui permettaient d’être autonome dans sa mission. Cependant, selon les situations, il ne devait pas oublier la voie de service. Par ailleurs, il avait parfois tendance à se laisser prendre par ses émotions.

5) Le 8 mai 2018, Monsieur B______, alors mineur, a déposé auprès du Ministère public (ci-après : MP) une plainte pénale contre M. C______ pour menaces, violation du domaine secret ou privé au moyen d’un appareil de prise de vues, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, soustraction de données personnelles et abus d’autorité.

Le 17 avril 2018 vers 8h00, il avait été interpellé par la police à son domicile à la suite d’une altercation avec Monsieur D______, affaire à laquelle était liée une jeune fille prénommée E______. Il avait été placé aux violons du vieil Hôtel de police (ci-après : VHP), à la Jonction, où il avait été interrogé.

Alors qu’il s’était endormi dans la cellule où il avait été placé, il s’était fait réveiller par le bruit de la petite fenêtre de la cellule qui s’ouvrait. Un homme avait montré sa tête par cette fenêtre en appuyant ses bras sur le rebord. Il lui avait demandé s’il savait qui il était. Il lui avait répondu qu'il ne le savait pas. L'homme lui a alors dit qu'il était le père de E______. À côté de cet homme, se trouvaient un gardien en uniforme et une autre personne. Le père de E______ n'était pas en uniforme. Ce dernier voulait des explications au sujet de l’altercation. Il les lui avait données. Le père de E______ lui avait répondu qu'il « se foutait » de leurs disputes et lui avait signifié qu'il ne devait plus s’approcher de sa fille, sinon il se chargerait lui-même de sa « gueule ». Le père de E______ avait ajouté qu’il allait l’attendre à la sortie du tribunal ou de la Clairière et qu’il allait le suivre. La situation était bizarre, il n’était pas à l’aise. Il s’était dit que le père E______ avait essayé de lui faire peur. Il lui avait plusieurs fois répondu « d’accord » pour qu’il s’en aille, ce qu’il avait fini par faire.

Le gardien en uniforme avait refermé la petite fenêtre. Après trente secondes à une minute environ, la petite fenêtre s’était ouverte à nouveau. Il avait alors constaté que le père de E______ le prenait en photo avec son téléphone. Il avait entendu le « clic » indiquant que la photo était prise. Il avait demandé au père de E______ pourquoi il le prenait en photo et celui-ci lui avait répondu, avant de refermer la fenêtre : « c’est pour les amis ».

Lors de l’audience devant le Tribunal des mineurs (ci-après : TMin) le 23 avril 2018, il avait appris que le père de E______ était Monsieur C______. Ce dernier avait expliqué au tribunal qu’il travaillait à la police et qu’il avait fait semblant de le prendre en photo pour l’embêter. Il avait en outre expliqué avoir accès aux fichiers de police et n’avoir dès lors pas besoin de le prendre en photo. Cela l’inquiétait beaucoup car il avait peur que M. C______ utilise les renseignements de police pour le retrouver à des fins personnelles ou pour lui nuire d’une autre manière.

6) Le 9 mai 2018, le TMin a adressé au MP une dénonciation fondée sur l’art. 33 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10).

Le mineur B______ avait été entendu par la brigade des mineurs, le 17 avril 2018, dans le cadre de deux plaintes pénales déposées à son encontre par un jeune mineur et par la mineure E______ – fille de M. C______ – à la suite d’une altercation survenue deux jours auparavant au centre commercial « La Praille ». Le 23 avril 2018, s’était tenue au TMin une audience de confrontation au cours de laquelle avaient été entendus les plaignants. La mineure était accompagnée de son père. À l’issue de l’audition de celle-ci, le mineur prévenu avait exprimé le souhait que le père de E______ efface la photo qu’il avait prise de lui lorsqu’il était aux violons. Sur question, M. C______ avait déclaré qu’il travaillait à la police.

7) Le 14 août 2018, M. A______ a été entendu par l’inspection générale des services (ci-après : IGS) en qualité de personne appelée à donner des renseignements dans le cadre des faits qui s’étaient déroulés dans les violons du VHP le 17 avril 2018.

Alors qu’il était en service aux violons du VHP, il avait reçu un appel de son collègue, M. C______. Ce dernier lui avait demandé si le mineur B______ se trouvait aux violons, ce à quoi il avait répondu par l’affirmative sans solliciter de sa part des explications quant aux raisons de son appel. À la suite de cette réponse, M. C______ lui avait dit « j’arrive ». Il ne savait pas comment M. C______ avait su que ce mineur se trouvait aux violons. Il se trouvait à la cafétéria lorsqu’on l’avait prévenu de l’arrivée de M. C______. Ce dernier lui avait alors expliqué le conflit qui avait eu lieu entre le mineur détenu et sa fille. Pour ne pas le laisser seul, il avait décidé de l’accompagner devant le violon du mineur avec un autre collègue. Il voulait que tout se passe bien et éviter que la situation dégénère. Il voulait éviter tout contact entre le mineur et M. C______. Étant père de deux enfants, il aurait également voulu avoir une discussion dans ce même genre de cas. Il avait laissé M. C______ parler au mineur, car dans le même cas il aurait fait pareil. La discussion avait duré environ cinq minutes. À la fin de la discussion, ils étaient sortis de la zone des violons. Il était retourné à la pause et ne savait pas ce que M. C______ avait fait ensuite.

8) Le 8 janvier 2019, l’IGS a transmis son rapport au MP.

9) Le 22 janvier 2019, le MP a ordonné l’ouverture d’une instruction pénale à l’encontre de M. C______.

10) Le 27 juin 2019, le MP a approuvé la demande de l’IGS de transmettre son rapport à la direction générale de l’OCD.

11) À la demande du MP, la direction de l’OCD l’a informé que M. A______ était chef de groupe au sein de la BSA, aux violons du VHP, alors que M. C______ l’était au Palais de justice. Il n’y avait pas de lien hiérarchique entre les deux, sauf dans l’hypothèse où M. C______ serait rattaché aux violons du VHP. Le cahier des charges de M. A______ a été transmis au MP à cette occasion.

12) Par ordonnance du 17 septembre 2019, le MP a étendu l’instruction pénale pour abus d’autorité au sens de l’art. 312 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et menaces au sens de l’art. 180 CP à M. A______ en sa qualité de responsable fonctionnel de M. C______.

13) Le MP a auditionné M. A______ le 28 novembre 2019.

a. Celui-ci a confirmé avoir répondu à M. C______ que le mineur se trouvait bien au VHP sans toutefois lui demander plus d’informations. Il avait eu connaissance du conflit entre le mineur et M. C______, à la suite de l’appel de ce dernier, en consultant le rapport de la police lequel mentionnait l’agression dont avait été victime sa fille. Ayant établi le lien entre le mineur et M. C______, il s’était dit « ouf , il va venir et en vouloir à B______ ». Il en avait informé ses collaborateurs afin d’éviter tout contact entre eux. Un cadenas avait été posé sur la cellule par un collègue qui en avait conservé la clé. Le but avait été que M. C______ ne puisse pas ouvrir la porte de la cellule pour s’en prendre physiquement au mineur. À l’arrivée de M. C______, qui était énervé, il lui avait demandé de ne pas faire le « con » et lui avait dit qu’il ne verrait pas le mineur seul. Il l’avait accompagné avec un autre collègue pour éviter que cela ne dégénère et intervenir si nécessaire. À la suite de la confrontation avec le mineur, lui et son collègue étaient retournés en pause sans se soucier de la présence ou non de M. C______ dans les locaux. Il ne s’était pas préoccupé de l’en faire sortir. Il avait été rassuré par la présence du cadenas bien que cela n’eût pas permis d’éviter « tous les problèmes ». Informé par l’IGS que M. C______ était entré dans les locaux à 12h46 pour en ressortir à 14h08, M. A______ a expliqué avoir terminé son service à 13h30. Au moment de partir, il savait que M. C______ était toujours dans les locaux mais il ne s’était pas préoccupé de cela. Enfin, il n’avait pas informé sa hiérarchie de ces événements, estimant qu’il s’était agi d’une discussion entre un père et M. B______.

b. M. A______ a reconnu avoir fait une erreur en n’empêchant pas M. C______ d’accéder à la cellule du mineur. Il a regretté ses propos tenus devant l’IGS quant au fait qu’il aurait, en tant que père, également voulu pouvoir parler avec le mineur.

14) Le 28 avril 2020, M. A______ a été convoqué à un entretien de service par son chef de service au sein de l’OCD. Il s’agissait de l’entendre au sujet des faits qui s’étaient déroulés le 17 avril 2018 et qui, s’ils étaient avérés, constitueraient un manquement au devoir du personnel et seraient susceptibles de conduire à la résiliation de ses rapports de service.

15) Cet entretien a eu lieu le 20 mai 2020. Les représentants de l’OCD ont, dans le détail, exposé à M. A______ les faits en cause, précisant que le MP avait transmis à la direction générale de l’office les procès-verbaux d’audition des trois fonctionnaires concernés et rappelant que l’IGS avait également transmis son rapport. Il lui a été rappelé que si ces faits étaient avérés, cela constituerait une violation grave des devoirs de service, les bases légales pertinentes étant portées à sa connaissance.

a. M. A______ a confirmé les déclarations faites devant le MP. Il a une nouvelle fois admis avoir fait une mauvaise appréciation en autorisant l’accès aux locaux à M. C______ et exprimé des regrets. Il avait voulu éviter toute confrontation physique avec le mineur en s’assurant de la présence d’un autre collègue et de la pose d’un cadenas. Il n’avait pas imaginé qu’un débordement verbal pourrait arriver. Refuser l’accès au VHP à M. C______ était délicat dès lors qu’il était chef de groupe comme lui. Une fois que son collègue avait pu discuter avec le mineur, l’affaire avait été réglée. Il s’agissait d’une affaire personnelle qui ne justifiait pas la rédaction d’un rapport d’incident.

Depuis lors, son propre fils de 14 ans avait été victime d’une agression. Ses trois agresseurs avaient été interpellés et placés au VHP. Afin d’éviter d’être confronté à ces personnes, il avait sollicité d’être momentanément déplacé. En outre, si une situation similaire à celle du 17 avril 2018 devait se reproduire, il refuserait l’entrée des locaux à ses collègues. La période écoulée avait été très anxiogène pour lui. Il était toutefois toujours venu travailler et était resté fidèle à son employeur et fiable malgré la gestion des tensions familiales générées par les procédures en lien avec les événements du 17 avril 2018.

b. À la fin de l’entretien de service, les représentants de l’OCD ont remercié M. A______ pour sa présence et ses déclarations qui étaient importantes pour la suite de la procédure. Ils ont également précisé que la période de travail qui avait précédé les faits survenus aux violons du VHP n’était pas remise en cause. Ils ont enfin indiqué à l’intéressé que l’employeur envisageait la résiliation des rapports de service.

16) Par l’intermédiaire de son avocat, M. A______ a retourné le formulaire d’entretien de service signé le 11 juin 2020. Il a sollicité une modification de forme, souligné qu’il n’admettait pas nécessairement tous les termes utilisés sans les contester et réitéré ses regrets pour ses erreurs de jugement qui n’étaient pas compatibles avec sa fonction de chef de groupe. Il souhaitait poursuivre sa carrière dans la fonction publique, toute solution pouvant être discutée.

17) Le 30 juillet 2020, le conseiller d’État en charge du département a ouvert la procédure de reclassement. Les regrets exprimés par M. A______ avaient été entendus mais, en dépit de ses nombreuses années d’expérience, il avait failli à sa mission première consistant à tenir à disposition des autorités une personne appréhendée, de surcroît mineure, dans les meilleures conditions possibles en empêchant les contacts entre celle-ci et des tiers. Il avait abusé de sa position puisque c’était en sa qualité de chef de groupe et responsable de site, en toute connaissance de cause et alors qu’il avait la possibilité d’empêcher la survenance des événements du 17 avril 2018, qu’il avait communiqué des renseignements par téléphone à son collègue, qu’il ne s’était pas opposé à ce qu’il accède aux violons et qu’il avait autorisé une rencontre, en sa présence, dans le cadre d’une affaire personnelle.

Par ses agissements, il avait rompu le lien de confiance le liant à sa hiérarchie et perdu toute crédibilité en tant que chef de groupe. Les motifs invoqués lors de l’entretien de service étaient dûment établis et constitutifs d’un motif fondé de résiliation propres à nuire au bon fonctionnement de la BSA.

La DRH du département allait rechercher, pendant deux mois, un poste disponible dans l’administration cantonale, correspondant à ses capacités. Il était invité à transmettre son curriculum vitae (ci-après : CV) actualisé.

18) M. A______ a informé le conseiller d’État en charge du département qu’il n’entendait pas recourir contre cette décision. Il avait reconnu la matérialité des comportements qui lui étaient imputés mais contesterait au besoin que ceux-ci fondent un motif de résiliation.

19) M. A______ a été reçu par une responsable de secteur RH du département le 7 août 2020 qui lui a expliqué le déroulement de la procédure de reclassement. Dans un premier temps, la DRH allait envoyer son CV aux DRH des autres départements afin de leur demander si un éventuel poste correspondant à son profil et à son expérience se libérait prochainement dans leur département. Chaque semaine, la DRH du DSES consulterait les offres d’emploi de l’État de Genève afin de lui signaler les postes pouvant lui correspondre. À sa demande, la DRH du département pourrait appuyer sa candidature au sein de l’administration cantonale afin qu’il soit reçu pour un entretien. Il était attendu de lui qu’il participe activement à la recherche d’un nouveau poste et tienne la DRH informée. Cette dernière se tenait à sa disposition pour préparer d’éventuels entretiens. Elle allait solliciter la direction de l’OCD afin qu’un certificat de travail intermédiaire soit rapidement établi.

Il a été convenu que la recherche de poste serait principalement axée sur les postes d’ASP, M. A______ ayant au surplus déjà effectué des démarches notamment auprès de la brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs (ci-après : BASP) au sein de la police. Il savait que des postes d’ASP 3 existaient au sein du service des pièces à conviction ou de la brigade routière et des accidents. La responsable de secteur RH a toutefois attiré son attention sur le fait que le processus de recrutement des ASP 3 était particulier et qu’elle lui enverrait la procédure y relative. M. A______ souhaitait conserver un poste à plein temps. Il a néanmoins été convenu que son attention serait attirée si des postes d’auxiliaires ou à un taux d’activité inférieur correspondant à son profil étaient disponibles.

La durée usuelle du reclassement était de deux mois. En raison de la période estivale, elle serait toutefois prolongée d’un mois.

20) Le 19 août 2020, le Conseil d’État a libéré M. A______ de son obligation de travailler, avec effet immédiat. Cette mesure était sans incidence sur son traitement.

21) Un nouvel entretien entre la responsable de secteur RH du département et M. A______ a eu lieu le 28 septembre 2020. Un bilan des actions entreprises a été effectué. Plusieurs départements avaient répondu qu’aucun poste n’était disponible en leur sein. La responsable de secteur n’avait de son côté pas identifié de poste dans les offres d’emploi de l’État de Genève malgré plusieurs recherches effectuées les 11, 20 et 25 août puis les 15 et 22 septembre 2020, ce dont elle avait informé M. A______. Elle avait attiré l’attention de ce dernier sur un poste d’ASP 2 au sein de la centrale d’alarme (ci-après : CECAL) et soutenu sa candidature auprès des RH de la police qui lui avaient indiqué que l’intéressé serait reçu pour un entretien. Le 11 août 2020, elle avait aidé M. A______ à finaliser son CV et lui avait expliqué les conditions de recrutement des ASP. M. A______ avait pour sa part envoyé des offres spontanées à au moins trois services en lien avec le domaine de la sécurité. Il en avait envoyé une au chef de de la section forensique pour un poste d’ASP 3 au service des pièces à conviction (ci-après : SPEC). Un poste devant s’y libérer en août 2021, la responsable de secteur RH allait en discuter avec les RH de la police. Il avait par ailleurs effectué d’autres démarches à l’externe, notamment des postulations dans son ancien métier de monteur-électricien mais sa priorité était de rester au sein de l’administration cantonale.

22) Par ordonnance pénale du 29 septembre 2020, le MP a reconnu M. A______ coupable d’abus d’autorité et l’a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 130.- le jour-amende. Il l’a mis au bénéfice du sursis fixant le délai d’épreuve à trois ans. À titre de sanction immédiate, il l’a condamné à une amende de CHF 1'560.-, la peine privative de liberté de substitution étant fixée à douze jours.

M. A______ était le responsable opérationnel des violons du VHP le 17 avril 2018. En cette qualité, il avait notamment le devoir d’assurer la sécurité de ce lieu, tant pour les collaborateurs sous ses ordres que pour les tiers ou les détenus. Il devait contrôler les accès aux violons et ne pas laisser entrer des personnes non autorisées. Il savait que M. C______ n’était pas en service et connaissait les raisons motivant sa venue. Ce nonobstant, il avait laissé celui-ci se rendre auprès du mineur. Il avait agi avec conscience et volonté, connaissant le conflit existant entre ces personnes et avait été conscient des risques. Il avait pris des mesures de sécurité en faisant apposer un cadenas et en demandant à un collègue d’être présent.

23) Par courriel du 19 octobre 2020, M A______ a informé les RH du DSES de ce que sa postulation au SPEC avait été rejetée. Il s’inquiétait du fait que le motif de ce refus était en lien avec sa condamnation pénale.

24) Par courriel du 22 octobre 2020, l’avocat de M. A______ l’a informé avoir rencontré deux représentantes de la DRH du DSES dans la matinée. Elles lui avaient confirmé, après vérification auprès de la cheffe de la police, que sa condamnation pénale le bloquait pour une fonction d’ASP 3 mais pas forcément pour une fonction d’ASP 2. Il semblait qu’indépendamment de toute procédure pénale, le choix du SPEC ne s’était pas porté sur lui.

25) Le 30 octobre 2020, M. A______ a transmis une copie de sa postulation auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) à la responsable de secteur RH du département. Cette dernière lui a fait savoir qu’en raison de « la situation actuelle » les HUG étaient submergés et qu’il ne lui était pas possible d’insister pour qu’il soit reçu à un entretien.

26) Le 2 novembre 2020, M. A______ s’est plaint auprès du conseiller d’État en charge du département de ce qu’aucune proposition de reclassement ni de formation ou de stage ne lui avait été présentée. Il avait été très « proactif » et dressait la liste des nombreuses démarches qu’il avait effectuées pour retrouver un emploi. Il sollicitait d’être réintégré dans un poste où il pourrait être utile.

27) Le 26 novembre 2020, le conseiller d’État en charge du département a répondu qu’en dépit des bons états de service et des regrets qu’il avait exprimés par l’intéressé, la condamnation pénale de celui-ci ne lui permettait plus de travailler dans le domaine de la sécurité au sein du département. Il constatait que la procédure de reclassement était arrivée à son terme et qu’elle n’avait pas abouti.

28) Le 2 décembre 2020 s’est tenu l’entretien de clôture de la procédure de reclassement, les candidatures de M. A______ n’ayant pas abouti. Les démarches effectuées tant par la responsable de secteur RH du département que par l’intéressé ont été mentionnées sur le formulaire établi suite à cet entretien. Il apparaît entre autres que les RH du département ont soutenu la candidature de M. A______ pour un poste de collaborateur sécurité au sein de l’Hospice général le 26 octobre 2020 ou encore pour un poste administratif relatif aux renforts COVID-19 au sein des HUG le 30 octobre 2020. La DRH avait également informé M. A______ que sa candidature pour un poste d’ASP 2 au sein de la CECAL n’avait pas été retenue indépendamment de sa condamnation pénale.

29) Le 9 décembre 2020, M. A______ a fait part de ses observations à la suite de cet entretien. Il a notamment sollicité la prolongation de la procédure de reclassement en raison des informations contradictoires qui lui avaient été communiquées quant à ses possibilités de travailler dans le domaine de la sécurité au sein du département et des faux espoirs que ces informations avaient suscités. Les RH du département avait mis peu d’énergie à rechercher des postes au-delà du DSES malgré ses demandes réitérées et du contexte sanitaire difficile.

30) Le conseiller d’État en charge du département a répondu le 21 décembre 2020. M. A______ avait été « proactif » dans ses recherches d’emploi. Les démarches effectuées par le département avaient été conformes aux règles en vigueur. La procédure de reclassement avait été ouverte le 30 juillet 2020 et devait initialement se terminer le 5 octobre 2020. M. A______ avait bénéficié d’une prolongation de plusieurs semaines. Par souci d’égalité de traitement entre tous les collaborateurs, la procédure de reclassement ne serait pas prolongée une nouvelle fois.

31) Le 28 mai 2021, le conseiller d’État en charge du département a résilié les rapports de service de M. A______ pour motif fondé, à savoir insuffisance des prestations et inaptitude à remplir les exigences du poste, avec effet au 31 août 2021.

Les motifs qui avaient incité sa hiérarchie à demander la résiliation de ses rapports de service lui étaient connus puisqu’elle les lui avait communiqués notamment lors de l’entretien de service du 20 mai 2020. Il lui était entre autres reproché d’avoir, le 17 avril 2018, en sa qualité de chef de groupe et responsable de site des violons du VHP, donné des renseignements par téléphone à son collègue M. C______ relatifs à la présence de M. B______, mineur détenu aux violons. Il lui était également reproché de ne pas s’être opposé, le même jour, à ce que M. C______, alors en congé, accède aux locaux du VHP, et d’avoir autorisé, en sa présence, une rencontre entre celui-ci et le détenu susnommé, alors même qu’il connaissait les motifs de sa présence puisqu’il avait consulté le dossier du détenu, dont il ressortait que ce dernier avait eu une altercation avec la fille de ce collègue. Enfin, il lui était reproché d’avoir, une fois la rencontre achevée, pris sa pause sans s’être soucié de savoir si M. C______ avait quitté les lieux, alors que ce dernier était retourné dans le secteur des cellules pour s’entretenir, une seconde fois, avec le mineur, le photographier au moyen de son smartphone et envoyer le cliché à sa compagne.

Il avait admis les faits et, comme cela lui avait déjà été signifié, ses observations n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de sa hiérarchie. La condamnation pénale dont il avait fait l’objet ne lui permettait plus de travailler dans le domaine de la sécurité au sein du département, en dépit de ses bons états de service. La procédure de reclassement avait été menée conformément à la loi et à la pratique en vigueur au sein de l’État de Genève. Elle avait rempli son but de concrétiser le principe de la proportionnalité.

Compte tenu de l’ensemble des manquements reprochés, il avait gravement nui à l’image et à la considération de la BSA, cette affaire étant désormais connue par le TMin et le MP, autorités avec lesquelles la BSA collaborait quotidiennement. Ses regrets avaient été entendus mais, malgré ses nombreuses années d’expérience, il avait failli à sa mission première consistant à tenir à disposition des autorités une personne appréhendée, qui plus est un mineur, dans les meilleures conditions possibles, en empêchant les contacts entre celle-ci et des tiers. Il avait manifestement abusé de sa position. Enfin, une condamnation pénale comme la sienne, indépendamment de la procédure de recours pendante, était incompatible avec l’exercice de sa fonction et le bon fonctionnement de la BSA et de l’OCD.

La libération de son obligation de travailler continuait à déployer ses effets jusqu’à la fin de « son contrat de travail ».

32) Par acte du 28 juin 2021, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Il a sollicité, à titre préalable, la restitution de l’effet suspensif, la production par le département de l’intégralité de son dossier et la comparution personnelle des parties. Il a principalement conclu à l’annulation de la décision, à sa réintégration immédiate et au constat qu’il disposait d’un droit à son traitement à compter du 31 août 2021. Subsidiairement, sa réintégration devait être proposée. En cas de refus, l’autorité devait être condamnée à lui verser une indemnité équivalent à vingt-quatre mois de son dernier traitement, soit CHF 221'692.90 (13èmes salaires inclus), avec intérêts à 5 % dès le 28 mai 2021.

Il n’existait pas de motif fondé justifiant la résiliation des rapports de service et le principe de l’égalité de traitement avait été violé.

Les faits reprochés relatifs à l’incident du 17 avril 2018 relevaient d’une mauvaise appréciation de la situation de sa part. Il ne faisait aucun doute que l’autorité devait marquer sa désapprobation. Néanmoins, grâce à son expérience, il avait su protéger le mineur de son collègue, d’une part, en posant un cadenas à la porte de la cellule afin d’éviter que ce dernier puisse y entrer et, d’autre part, en s’assurant de la présence d’un tiers pour éviter que la situation dégénère. Il ne minimisait pas sa faute, mais il importait de ne pas oublier le contexte émotionnel des faits puisqu’il s’était trouvé sollicité de manière abrupte par son collègue dont la fille avait été agressée. Interrogé par l’IGS, le MP puis sa hiérarchie, il avait immédiatement reconnu les faits et regretté ses erreurs. Il avait su en tenir compte et agir en conséquence à l’égard de ses collègues, notamment en leur expliquant ce qu’ils devaient faire dans des situations similaires et en demandant à être déplacé lorsque les trois agresseurs de son fils s’étaient retrouvés au VHP peu de temps après l’incident du 17 avril 2018. Il avait pris conscience de l’inadéquation de son comportement. Il n’avait d’ailleurs pas fait opposition à l’ordonnance pénale contrairement à ce qui était affirmé dans la décision querellée.

Durant plus de quinze ans au service de l’État, il avait fait preuve d’un dévouement sans faille. Ses états de service étaient excellents – sous réserve d’un blâme en 2013 – et il avait rempli toutes les prestations et exigences du poste qu’il avait occupé avant et après l’incident du 17 avril 2018. Pendant les deux ans qui avaient suivi sa nomination comme chef de groupe aux violons du VHP, le 1er avril 2016, jusqu’aux faits incriminés, puis durant les plus de deux ans qui avaient suivi jusqu’à sa suspension, il n’avait pas prêté le flanc à la critique, la confiance de sa hiérarchie restant intacte. Les violons du VHP avaient parfaitement fonctionné sous sa responsabilité, sous réserve des événements du 17 avril 2018.

Certes, le TMin et le MP étaient informés de ces faits. Cela n’interdisait cependant pas qu’il quitte les violons, respectivement n’y intervienne plus en qualité de chef de groupe, ou encore soit affecté à une autre fonction sans liens avec ces instances. Le département citait la jurisprudence de la chambre administrative pour justifier son impossibilité professionnelle de travailler au sein de la police. Or, l’arrêt cité concernait un surveillant d’établissement pénitentiaire, alors qu’il était un agent de sécurité assujetti à la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol -F 1 05). Il était admis que la pratique permettait que des policiers sous le coup d’une condamnation pénale demeurent en activité. Le principe d’égalité de traitement était ainsi violé.

Le principe de la proportionnalité avait également été violé. Il était manifeste que la résiliation des rapports de service, au demeurant non justifiée par des motifs valables, représentait une sanction disciplinaire déguisée. Elle équivalait à une révocation, soit la sanction disciplinaire ultime, l’autorité disposant pourtant d’une palette de sanctions pour signifier sa désapprobation. Les faits qui s’étaient déroulés le 17 avril 2018 relevaient d’une mauvaise appréciation de sa part de la situation. Il l’avait reconnu, puis pris toutes les dispositions utiles pour que de tels faits ne se reproduisent pas. Il avait assumé son entière responsabilité, notamment en ne contestant pas l’ordonnance pénale. Un manquement unique de quelques minutes, dans une carrière quasi irréprochable, était ainsi sanctionné par la mesure la plus lourde, sans que le département ait tenu compte de toutes les circonstances et sans envisager une autre mesure.

Le département soutenait que, par ses agissements, il aurait rompu le lien de confiance avec sa hiérarchie en tant que chef de groupe. Rien n’empêchait toutefois qu’il soit affecté à une autre fonction sans assumer celle de chef de groupe, ce qu’il avait toujours indiqué accepter. Enfin, l’autorité n’avait pas pris en considération qu’il était âgé de 46 ans, père de famille et qu’il travaillait loyalement et fidèlement pour l’État de Genève depuis dix-sept ans. Sa santé avait été profondément affectée par les conséquences de son comportement, la décision de licenciement le plaçant en outre, ainsi que sa famille, dans une situation physique, psychique et économique pénible et difficile. Une autre mesure que celle retenue par l’autorité aurait permis d’éviter de telles conséquences.

Le principe de la bonne foi avait été violé dans l’application de la procédure de reclassement. Lors des entretiens des 7 et 11 août 2020, la responsable de secteur RH avait précisé comme prioritaire la recherche d’un emploi d’ASP et l’avait informé quant au processus de recrutement des ASP 3. Il avait ensuite été libéré de son obligation de travailler avec effet immédiat puis écarté de la procédure d’engagement au SPEC en raison de sa condamnation pénale. Lors de l’entretien avec la DRH du 22 octobre 2020, après consultation de la cheffe de la police, il lui avait été confirmé que les postes d’ASP 3 ne lui étaient plus accessibles mais que ceux d’ASP 2 l’étaient. Ce n’était que le 26 novembre 2020 que le conseiller d’État en charge du département lui avait fait savoir qu’en raison de sa condamnation pénale plus aucun poste dans la sécurité au sein du DSES ne lui serait accessible. Ainsi, durant presque quatre mois, l’administration lui avait fourni des assurances claires et sans réserves, le maintenant dans la croyance qu’un poste dans la sécurité au sein du département lui était accessible. Or, il s’était fondé sur cette assurance pour effectuer, en vain, la plupart de ses recherches d’emploi au sein de la sécurité du DSES. La procédure de reclassement s’en était trouvée biaisée, d’où son échec. La DRH du département connaissait l’existence de l’instruction pénale relative aux faits du 17 avril 2018 lorsqu’avait eu lieu l’entretien de service du 20 mai 2020. Dès lors qu’elle savait qu’il avait reconnu tous les faits, la DRH ne pouvait pas ignorer qu’une condamnation pénale serait prononcée. Elle devait anticiper cela dans ses recherches d’emploi plutôt que de sélectionner des postes en lien avec la sécurité. Les renseignements erronés de l’administration avaient eu pour conséquence de fausser le bon déroulement de la procédure de reclassement et anéanti toutes ses chances. Au surplus, aucune mesure de formation ou « d’outplacement » ne lui avait été proposée, et les quelques démarches accomplies par l’autorité ne respectaient pas les exigences légales et jurisprudentielles.

33) La chambre administrative a refusé, le 4 août 2021, de restituer l’effet suspensif.

34) Le département a conclu au rejet du recours.

Il sera fait référence aux arguments du département, si nécessaire, dans la partie en droit du présent arrêt.

35) Le 5 novembre 2021, M. A______ a persisté à solliciter la comparution personnelle des parties.

Le département avait indiqué à plusieurs reprises qu’il avait averti M. C______ de la présence du mineur au sein du VHP. Le dossier établissait que tel n’était pas le cas. M. C______ l’avait appelé après avoir appris l’arrestation du mineur afin de lui demander si ce dernier était bien aux violons du VHP. Il avait vérifié ce fait qu’il avait confirmé à son collègue.

Quand bien même il avait assumé sa faute et n’avait pas tenté de la minimiser, c’était à tort que le département considérait que la pose du cadenas sur la porte de la cellule n’était pas un élément essentiel. Il avait en effet voulu éviter tout contact physique entre son collègue et le mineur, dès lors qu’il savait que son collègue allait arriver.

36) Lors de l’audience de comparution personnelle des parties, qui s’est tenue devant la chambre administrative le 1er décembre 2021, l’avocat du recourant a précisé que la production du dossier de son client par le département le satisfaisait. Ce chef de conclusions préalables était donc devenu sans objet.

a. M. A______ a indiqué que depuis le 1er septembre 2021, il travaillait comme électricien au sein de l’entreprise F______ SA. Il s’agissait de sa première formation professionnelle, un cours de mise à niveau devant avoir lieu en janvier 2022. Il réalisait un salaire brut de CHF 5'300.-. L’assurance-chômage devrait lui verser, dès que la suspension de ses prestations aurait pris fin, un complément permettant d’atteindre 80 % de son précédent salaire. L’assurance-chômage exigeait qu’il procède à cinq recherches d’emploi par mois. Il confirmait maintenir ses conclusions en réintégration. Après dix-sept ans de services auprès de l’État de Genève, il souhaitait être réintégré ou reclassé et répétait avoir commis une erreur de jugement. La décision de le libérer du jour au lendemain de son obligation de travailler l’avait énormément affecté. Cette coupure nette l’avait abattu. Il avait perdu du poids et fait une dépression.

Dans le cadre de la procédure de reclassement, rien ne lui avait été proposé, ni stage ni formation, ni encore de place de travail. Lorsqu’après lui avoir indiqué qu’il pouvait postuler en tant qu’ASP 2, il lui avait dit que même cela n’était pas possible, cela avait été un coup de massue. La DRH du département lui avait proposé un poste d’ASP 2 en août 2020. Après sa condamnation, la DRH ne lui avait plus proposé de postes d’ASP 2. Elle l’avait en revanche soutenu dans ses démarches pour d’autres postes. À son souvenir, elle ne lui en avait pas proposé d’autres. Il avait orienté ses recherches dans le domaine de la sécurité dans lequel il disposait d'une expérience de dix-sept ans. Il avait toutefois postulé dans d'autres domaines, notamment après avoir appris que celui de la sécurité ne lui était pas accessible. Ce n'était qu’à la fin de la procédure de reclassement qu'il avait appris que ses postulations dans le domaine de la sécurité étaient vaines. Certaines postulations dans ce domaine faisaient suite à des informations que le département lui avait fournies. Les répercussions financières avaient été importantes. Son épouse avait dû augmenter son taux d'activité à 100%. Certaines fins de mois avaient été difficiles.

Il contestait avoir appelé son collègue pour lui signaler la présence du mineur au poste de police. C’était son collègue qui l’avait appelé pour savoir si celui-ci était détenu. À son avis, son collègue qui avait accompagné sa fille à l’hôpital après l’altercation était au courant du fait qu'une interpellation avait eu lieu. Son appel ne l'avait pas surpris. C'était après leur conversation, en consultant le dossier, qu'il s'était rendu compte que le détenu était l'agresseur de la fille de son collègue. Il reconnaissait avoir commis une erreur de jugement. Le côté émotionnel avait pris le dessus. Il regrettait ces faits et espérait avoir appris de son erreur. Il pensait que tel avait été le cas puisqu’à la suite de la plainte déposée par son fils qui avait été agressé à son école, il avait expressément demandé sa mutation vers un autre poste, afin d'être sûr de ne pas être confronté au dossier et aux personnes. Il avait été donné suite à sa demande.

Il avait pris des précautions pour qu'il n'y ait aucun contact physique entre son collègue et le détenu en apposant un cadenas. Étant également père, il avait craint que son collègue puisse être emporté par ses émotions. Il avait craint notamment un débordement physique de sa part. Il avait pris la décision de procéder de la sorte et avait informé son subordonné de l’arrivée de son collègue, en précisant qu'ils devaient rester sur leurs gardes et des raisons de sa venue. Il n’était pas usuel qu’un collègue demande des informations au sujet de la détention d’une personne aux violons. Il était ensuite parti en pause et M. C______ avait quitté les locaux de détention en même temps que son subordonné et lui-même. Il était toutefois demeuré au VHP. Sauf erreur de sa part, il avait appris que son collègue était revenu au quartier cellulaire, puis reparti pendant sa pause. Il en avait été stupéfait. Il n’avait pas vu M. C______ quitter le bâtiment de police lorsqu’il était parti en pause. Il aurait dû signaler immédiatement cet incident. Il ne l'avait fait qu’au moment où il avait reçu la convocation à l’IGS en qualité de témoin. On ne lui avait alors pas demandé d'établir un rapport d'incident. Il n'avait également pas estimé nécessaire de le faire. Sa hiérarchie était au courant que l'IGS investiguait l'incident du 17 avril 2018.

b. Le département a précisé qu’il ne soutenait pas que le recourant avait averti son collègue de la présence du mineur. Il faisait en revanche valoir que M. A______ avait confirmé cette présence à son collègue lorsque celui-ci avait appelé. La détermination du département était en conséquence rectifiée sur ce point.

c. À la fin de l’audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le département a, à la satisfaction du recourant, produit son dossier et une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu. Il a ainsi été donné suite aux actes d’instruction sollicités par le recourant.

3) Le recourant soulève en premier lieu le grief de l’absence de motifs fondés pour résilier ses rapports de service sur la base des art. 21 al. 3 et 22 let. a et b de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) comme retenu par l’intimé.

a. Selon l’art. 19 al. 1 LPol, la police comprend trois catégories de personnel : les policiers (let. a) ; les ASP (let. b) et le personnel administratif (let. c). En sa qualité d’ASP 3, le recourant faisait ainsi partie du personnel de la police. Il a occupé, depuis le 1er avril 2016, la fonction de chef de groupe au sein de la BSA dont l’organisation et les compétences font l’objet du règlement sur la RBSA du 18 avril 2018, entré en vigueur le 25 avril 2018 (RBSA - F 1 51.03), à savoir après la survenance, le 17 avril 2018, des faits qui ont conduit au prononcé de la décision litigieuse. À l’instar de ladite décision, il n’y sera en conséquence pas fait référence dans le présent arrêt.

b. Selon l’art. 18 al. 1 LPol, le personnel de la police est soumis à la LPAC, et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LPol.

Selon l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC, en vigueur depuis le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/838/2019 du 30 avril 2019 consid. 3b ; ATA/783/2016 du 20 septembre 2016 consid. 5b). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/240/2019 précité consid. 5b et les références citées ; ATA/1190/2019 du 30 juillet 2019 consid. 5b ; Mémorial du Grand Conseil 2005-2006/XI A 10420).

c. Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 161-162). S'agissant des devoirs du personnel, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b).

d. Quant à l'exécution du travail, ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC). Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Il est important que le travail s'accomplisse dans une atmosphère de courtoisie réciproque, aussi bien à l'égard des collègues que des tiers. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d'informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/ Thierry TANQUEREL, op. cit., n° 7.3.3.1).

e. En l’espèce, la décision litigieuse se fonde sur les faits qui ont eu lieu, le 17 avril 2018, dans les locaux du VHP. Ces faits, que le recourant ne conteste pas, sont notamment relatés dans ladite décision. Le recourant admet avoir mal apprécié la situation mais se défend en exposant que, grâce à son expérience, il aurait su protéger le mineur de son collègue, d’une part, en posant un cadenas à la porte de la cellule afin d’éviter que ce dernier puisse y entrer et, d’autre part, en s’assurant de la présence d’un tiers. Il ne minimise pas sa faute mais insiste sur le contexte émotionnel des faits, s’étant trouvé sollicité de manière abrupte par son collègue, également chef de groupe, dont la fille avait été agressée.

Le recourant ne peut être suivi dans ses arguments. Son employeur, les détenus et leur famille, de même que les juridictions devant lesquelles les prévenus sont appelés à comparaître sont en droit d’attendre du personnel en charge de la surveillance qu’il assure la sécurité des locaux de détention. Cette obligation figure dans le cahier des charges du chef de groupe ASP 3, fonction occupée par le recourant au moment des faits. L’expérience dont il se prévaut devait l’amener à mettre en œuvre les mesures aptes à empêcher toute rencontre entre son collègue et le détenu mineur et non à aménager, à sa convenance, les modalités de la confrontation. Ce manquement est d’autant plus grave que le recourant, selon ses déclarations devant le MP, avait identifié l’état d’énervement de son collègue et qu’il avait parfaitement envisagé le risque que la situation dégénère. Au surplus, pour ne pas s’être assuré du départ de son collègue alors qu’il était en pause, celui-là a trouvé l’opportunité de retourner auprès du détenu mineur pour le prendre en photo. Le recourant doit ainsi se laisser opposer, comme l’a retenu son employeur, qu’il a failli à sa mission première consistant à tenir à disposition des autorités une personne appréhendée, qui plus est mineure, dans les meilleures conditions possibles. Ces conditions n’étaient en l’espèce plus réunies puisque, même si le mineur et le collègue du recourant ne sont pas physiquement entrés en contact, le mineur a été exposé, hors tout cadre légal ou procédural, à la vue et aux commentaires dudit collègue. Le mineur a d’ailleurs indiqué dans sa plainte pénale avoir eu peur des conséquences de sa rencontre avec le collègue du recourant. Le contexte émotionnel invoqué par le recourant n‘est nullement de nature à atténuer sa faute. Au contraire, ce contexte devait d’autant plus l’inciter à un comportement irréprochable et, en particulier, à le conduire à refuser de donner toute information sollicitée par son collègue à des fins purement privées et s’opposer à la venue de celui-ci aux violons de VHP, placés sous sa responsabilité. L’employeur était en droit d’attendre de ce dernier, personne expérimentée occupant une fonction d’encadrement dans le domaine de la détention, qu’il sache maîtriser ses émotions, en particulier alors qu’il s’agissait de protéger l’intégrité psychique et physique d’un détenu mineur. La gravité du manquement était de nature à ébranler la confiance placée en lui par son employeur. Par ses agissements, le recourant a également nui à l’image du service pour lequel il travaillait, que ce soit à l’égard du détenu mineur et des parents de celui-ci ou à l’égard du TMin et du MP, juridictions avec lesquelles sa brigade collabore régulièrement et sur laquelle elles comptent pour assurer le convoyage des détenus et qui ont eu connaissance des événements en cause.

Au vu de ce qui précède, l’intimé n’a pas abusé ou excédé son pouvoir d’appréciation en résiliant les rapports de service du recourant en application des art. 21 al. 3 et 22 let. a et b LPAC.

Ce premier grief sera en conséquence écarté.

4) Le recourant soulève ensuite le grief de violation du principe de l’égalité de traitement. Selon lui, la pratique permettrait que des policiers sous le coup d’une condamnation pénale demeurent en activité. Sa condamnation ne s’opposerait donc pas à ce qu’il soit maintenu dans une fonction au sein de la police, voire du département.

a. Aux termes de l’art. 8 al. 1 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole cette garantie lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.5.1).

La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision ou un arrêté est arbitraire lorsqu’il ne repose sur aucun motif sérieux et objectif ou n’a ni sens ni but (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 133 I 249 consid. 3.3 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 113 consid. 5.1). Selon le Tribunal fédéral, l’inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 129 I 1 consid. 3 ; 127 I 185 consid. 5 ; 125 I 1 consid. 2b.aa).

b. En l’espèce, le recourant est un ASP. Il appartient de ce fait à l’une des trois catégories de personnel que comprend la police (art. 19 al. 1 let. b LPol). Les policiers appartiennent quant à eux à une autre catégorie de personnel que comprend la police (art. 19 al. 1 let. a LPol). Le recourant ne peut ainsi pas être assimilé à un policier, de sorte que c’est à tort qu’il se réfère à une fonction qui n’est pas la sienne pour revendiquer la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement. Pour le reste, le recourant ne porte pas à la connaissance de la chambre de céans des exemples de fonctionnaires occupant la même fonction que lui, qui auraient, par des actes s’approchant de ceux qui lui sont reprochés, violé les mêmes devoirs de service justifiant le prononcé de la même condamnation pénale mais qui auraient rencontré plus de mansuétude de la part de l’intimé. Il échoue en conséquence à démontrer que ce dernier aurait violé le principe de l’égalité de traitement.

Ce grief sera dès lors également écarté.

5) Le recourant fait encore grief à l’intimé d’avoir violé le principe de la proportionnalité. La résiliation de ses rapports de service représentait une sanction disciplinaire déguisée et équivalait à une révocation. L’autorité s’était, sous couvert d’une résiliation, privée de la palette des sanctions disciplinaires prévues par la loi.

a. D'après le Tribunal fédéral, l'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit néanmoins respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). Celui-ci exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

b. Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs ; tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction, étant précisé que, pour être sanctionnée, la violation du devoir professionnel ou de fonction en cause doit être imputable à une faute, intentionnelle ou par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2 et les références citées).

Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif (soit, pour le canton de Genève, le licenciement pour motif fondé comme dans le cas d’espèce au sens des art. 21 al. 3 et 22 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05). Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5).

Dans une autre affaire genevoise concernant un licenciement ordinaire prononcé par une commune à la suite d'une enquête administrative, en lieu et place d'une révocation disciplinaire, le Tribunal fédéral a précisé les différences entre la révocation et le licenciement pour motifs graves ayant tous deux pour effet de mettre un terme à l'engagement du fonctionnaire. Le licenciement pour motifs graves suppose l'existence de motifs graves, ce par quoi il faut entendre, à teneur du texte de la disposition communale, « toutes circonstances qui, d'après les règles de la bonne foi, font admettre que le conseil administratif ne peut plus maintenir les rapports de service - notamment : la perte de l'exercice des droits civils ; l'incapacité professionnelle dûment constatée ; l'inaptitude, dûment constatée, à observer les devoirs généraux de la fonction » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2011 du 19 septembre 2012 consid. 7.1). Il s'agit de la définition des justes motifs de résiliation ordinaire des rapports de service, généralement utilisée par la jurisprudence fédérale (arrêts du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1 ; 8C_640/2018 du 19 mars 2019 consid. 6.6.1). Le Tribunal fédéral a confirmé que le licenciement pour motifs fondés au sens de l'art. 21 al. 3 LPAC est une mesure administrative qui ne suppose pas l'existence d'une violation fautive des devoirs de service ; il faut que le comportement de l'employé - dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers - perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 précité consid. 4.1 et 4.2).

c. En l’espèce, le recourant a délibérément renoncé à protéger l’intégrité psychique et physique d’un détenu mineur alors que sa fonction exigeait qu’il en assure la sécurité. Ce faisant, il a violé ses devoirs de fonction, nui à l’image du service pour lequel il travaillait et failli dans l’exercice d’une mission d’ordre public dévolue à l’État de Genève. En choisissant de résilier les rapports de service du recourant plutôt que de prononcer une révocation disciplinaire, sanction qui du fait de son caractère infamant aurait entaché la réputation du recourant dans une plus large mesure, l’intimé a agi conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et dans le respect du principe de la proportionnalité. Le comportement adopté par le recourant était de nature à rompre irrémédiablement le lien de confiance avec son employeur. Ce dernier était ainsi fondé, sans excéder ni abuser de son pouvoir d’appréciation, à juger que la poursuite des rapports de service avec le recourant était incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration, ceci même si ses états de service ne prêtaient, jusqu’à la survenance des faits en cause, pas le flanc à la critique, élément que l’autorité intimée a pris en compte dans le prononcé de la décision litigieuse.

C’est ainsi à tort que le recourant reproche à l’intimé d’avoir résilié ses rapports de service, cette décision ne pouvant être assimilée à une sanction déguisée.

6) Le recourant soulève finalement le grief de la violation du principe de la protection de la bonne foi dans l’application de la procédure de reclassement. Il estime avoir été induit en erreur, l’intimé le laissant en vain rechercher un emploi dans le domaine de la sécurité. Il se plaint aussi de l’absence de mesure de formation ou « d’outplacement ».

a. S’agissant des mesures préalables au licenciement, l’autorité est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé (art. 21 al. 3 LPAC et art. 46A al. 2 RPAC). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (art. 46A al. 3 RPAC). Les modalités de cette procédure sont fixées par règlement (art. 21 al. 3 LPAC).

b. Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il impose à l'État de s'assurer, avant qu'un licenciement ne soit prononcé, qu'aucune mesure moins préjudiciable pour l'administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a ; ATA/1280/2019 du 27 août 2019 consid. 8d et les arrêts cités).

L'État a l'obligation préalable d'aider l'intéressé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service d'un agent public au bénéfice d'une nomination : il s'agit tout d'abord de proposer des mesures dont l'objectif est d'aider l'intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu'une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes. À titre d'exemples, on pense au certificat de travail intermédiaire, au bilan de compétences, à un stage d'évaluation, aux conseils en orientation, aux mesures de formation et d'évolution professionnelles, à l'accompagnement personnalisé, voire à « l'outplacement ». Il s'agit ensuite de rechercher si une solution alternative de reclassement au sein de la fonction publique cantonale peut être trouvée. En contrepartie, la garantie du niveau salarial atteint en cas de changement d'affectation a été abrogée (MGC 2005-2006/XI A 10420 ; ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a ; ATA/1067/2016 du 20 décembre 2016 consid. 7).

Lorsque la loi prescrit à l'État de ne pas licencier une personne qu'il est possible de reclasser ailleurs, elle ne lui impose pas une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/1576/2019 du 29 octobre 2019 consid. 14b et les références citées).

c. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n’existe pas d’obligation pour l’État d’appliquer dans chaque cas l’intégralité des mesures possibles et imaginables, l’autorité disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer et choisir les mesures qui lui semblent les plus appropriées afin d’atteindre l’objectif de reclassement. L’intéressé peut faire des suggestions, tel qu’il ressort du texte légal cantonal, mais n’a pas de droit quant au choix des mesures entreprises. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe du reclassement qui concrétise le principe de la proportionnalité signifie que l’employeur est tenu d’épuiser les possibilités appropriées et raisonnables pour réincorporer l’employé dans le processus de travail et non de lui retrouver coûte que coûte une place de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 6.2 et l’arrêt cité).

d. L'office du personnel de l'État a édicté un corpus de directives, intitulé MIOPE passant en revue et explicitant l'ensemble des règles relatives aux rapports de service des collaborateurs de l'État.

Conformément à l’art. 46A al. 2 RPAC, quand un reclassement est envisagé dans un poste disponible, des mesures de développement et de réinsertion professionnelle propres à favoriser le reclassement sont proposées.

Il doit en conséquence exister un lien entre la mesure et le reclassement envisagé dans le poste à disposition. À défaut, de telles mesures ne se justifient pas (fiche MIOPE 06 01 03, ci-après : fiche MIOPE).

e. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), commande aux autorités comme aux particuliers de s'abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_39/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3.1). Il découle de ce principe que l'administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1).

7) En l’espèce, les parties ont convenu dès le début de la procédure de reclassement d’axer principalement les recherches d’emploi sur des postes d’ASP. Cela ressort du procès-verbal de l’entretien du 7 août 2020 entre le recourant et la responsable de secteur RH. À teneur du compte rendu de l’entretien du 28 septembre 2020, ladite responsable et le recourant ont axé les recherches dans le domaine de la sécurité. Dans sa réponse au recours, l’intimé souligne que jusqu’au prononcé de l’ordonnance pénale le 29 septembre 2020, le casier judiciaire du recourant était vierge et que celui-ci pouvait dès lors prétendre à occuper un poste d’ASP.

La position de l’intimé est défendable dans la mesure où, bien que le recourant n’ait pas nié les faits reprochés dans la procédure pénale, l’issue de celle-ci n’était pas certaine et, avant toute condamnation, le recourant demeurait présumé innocent. Jusqu’à ladite condamnation, les recherches d’emploi dans le domaine de la sécurité n’étaient en conséquence pas vouées à l’échec, étant rappelé que pour une postulation au moins, à savoir celle déposée par le recourant auprès de la CECAL, le rejet de sa candidature était sans lien avec sa condamnation pénale.

Il faut par contre regretter les informations contradictoires, voire erronées, communiquées par l’intimé au recourant le 22 octobre 2020. Celles-ci ont été de nature à conforter le recourant dans l’idée qu’il pouvait postuler pour la fonction d’ASP 2 alors que cette démarche était vaine, à tout le moins, selon la position exprimée par le conseiller d’État le 26 novembre 2020, pour des postes au sein de son département. Cela étant, rien n’empêchait le recourant de se renseigner auprès des responsables des services où il envisageait de postuler sur les conditions exigées pour y accéder, étant rappelé que le processus de recrutement des ASP lui avait été expliqué lors d’un entretien du 11 août 2020 avec les RH de l’intimé.

Pour le surplus, la procédure de reclassement a été ouverte le 30 juillet 2020 et clôturée le 2 décembre 2020. Elle a donc duré plus longtemps que les deux mois initialement prévus. Le recourant a été reçu à au moins trois reprises par les RH de l’intimé, les 7 et 11 août 2020, puis le 28 septembre 2020, sans compter l’entretien de clôture du 2 décembre 2020. À teneur des comptes rendus établis à la suite de ces entretiens, les RH de l’intimé ont régulièrement vérifié si des postes étaient disponibles au sein de l’État de Genève. Elles ont adressé le CV mis à jour du recourant aux DRH des autres départements, ont attiré l’attention du recourant sur l’existence d’un poste à la CECAL et ont soutenu ses démarches auprès de la police, de l’Hospice général et des HUG. En l’absence d’un poste disponible qui aurait nécessité des mesures de formation ou de développement, il ne peut être reproché à l’intimé de ne pas les avoir proposées au recourant. Ce dernier, qui a été très actif tout au long de la procédure de reclassement, a finalement retrouvé un emploi.

Le grief de violation du principe de la protection de la bonne foi dans la procédure de reclassement sera dès lors écarté, l’intimé ayant respecté les conditions posées par la loi et la jurisprudence dans le cadre de la procédure de reclassement.

Le recours, mal fondé, sera ainsi rejeté sans qu’il soit nécessaire d’examiner les conclusions en réintégration formulées par le recourant.

8) Au vu de l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 28 mai 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vincent Spira, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes  McGregor et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :