Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1257/2024 du 29.10.2024 ( AMENAG ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/476/2024-AMENAG ATA/1257/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 29 octobre 2024 |
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dans la cause
SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE A______ SA recourante
représentée par Me Antoine E. BÖHLER, avocat
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OPS intimé
A. a. La société immobilière A______ SA (ci-après : A______), inscrite au registre du commerce depuis le 27 mars 1918, est propriétaire, depuis 1941, de la parcelle no 2'209, plan 25 du cadastre de la commune de B______, d’une surface de 5'790 m2, située en cinquième zone de construction, sur laquelle sont construits une habitation à un logement d’une surface de 211 m2 au sol (C1______), datant de 1905 et 1906, un garage de 45 m2 (C2______), datant de l’agrandissement de la villa en 1908 et un chalet de 71 m2 (C3______), construit en 1931.
b. A______ a déposé une requête en autorisation de démolir la villa, laquelle été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci‑après : FAO) du 24 février 2023.
B. a. Le 20 mars 2023, l’association C______ (ci-après : C______) a demandé l’ouverture d’une procédure d’inscription à l’inventaire du bâtiment C1______.
Il s’agissait d’une villa Heimatstil caractéristique des constructions de villas consécutives à l’Exposition nationale de 1896 avec son architecture inspirée de la tradition vernaculaire, sa robuste structure de pierres de taille, ses décors de bois évoquant les colombages, son porche, sa terrasse, sa véranda, ses balcons et sa vaste toiture. Elle était entourée d’un parc abondamment planté d’arbres parmi lesquels dominaient les conifères mis à la mode par le culte patriotique des Alpes. La villa avait été occupée illégalement et son intérieur était en grande partie ravagé. Bien qu’étant dans un état de dégradation avancée, la structure porteuse était restée solide et saine et les fenêtres, portes, armoires, boiseries, poêle en catelles et décors intérieurs, en partie dégradés et maculés, demeuraient parfaitement restaurables.
La villa était située dans la zone de villas de D______, dans laquelle se situaient des bâtiments pour lesquels des procédures de conservation initiées par la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) étaient en cours ou en suspens.
b. Le 26 avril 2023, l’office du patrimoine et des sites du département du territoire (ci-après : OPS et le département) a fixé un délai à A______ pour déposer des observations. Faisant suite à une visite complète des lieux effectuée par E______, historien de l’art du service de l’inventaire des monuments d’art et d’histoire (ci-après : IMAH) accompagné d’un architecte conservateur du service des monuments et sites (ci-après : SMS), en présence de représentants de la propriétaire, un rapport avait été établi le 14 mars 2023 par E______, retenant que la villa ainsi que le garage présentaient un intérêt architectural et patrimonial. La valeur de recensement « intéressant » avait été donnée aux bâtiments. Le rapport contenait un historique du quartier et des bâtiments, présentant les plans d’agrandissement de 1907. Bien que les plans produits à l’appui de la demande d’autorisation de construire n’aient pas été signés, plusieurs indices laissaient penser qu’il s’agissait de l’œuvre d’un architecte et non du constructeur, seul signataire de la requête.
À cela s’ajoutait la demande faite par l’C______. Ces éléments justifiaient l’ouverture d’une procédure en vue de l’inscription à l’inventaire des deux bâtiments C1______ et C2______.
c. Lors de la procédure de mise à l’inventaire conduite par l’OPS, le 6 juin 2023, la commune de B______ s’est déclarée favorable à l’inscription des deux bâtiments et dans le cadre de l’instruction de la requête en démolition, elle a émis un préavis défavorable, motif pris notamment de la valeur patrimoniale de la villa.
d. Dans la mise à jour de 2023 du recensement architectural cantonale, les deux bâtiments avaient reçu la valeur « exceptionnel ». Le chalet (C3______) réalisé en 1931 par l’entreprise SPRING FRÈRES, agrandi et transformé dans les années 1960, était recensé d’intérêt secondaire.
e. La CMNS a rendu un préavis favorable à la mise à l’inventaire des deux bâtiments et de la parcelle no 2'209, le 27 juin 2023. Le garage, construit à la même période que l’agrandissement de la maison deux ans après sa construction, par le même architecte, adoptait un langage architectural simplifié mais similaire et s’accordait parfaitement avec la maison. La villa avait été construite par l’entrepreneur Alfred VAUCHER pour lui-même sur les plans d’un architecte non identifié. La maison avait été agrandie deux ans plus tard par Henri GOSS, architecte genevois par l’adjonction d’une vaste véranda, d’une terrasse, à l’étage d’une chambre de toilette et d’une terrasse. La villa présentait tous les traits architecturaux du Heimatstil. La vaste véranda et la tourelle réalisées par Henri GOSS respectaient l’esprit d’origine dont elles accentuaient le caractère asymétrique. La complexité de la vaste toiture de tuiles plates débordante retenue par des bras de force, la diversité des ouvertures, droites ou arquées, les lucarnes rampantes ainsi que le choix des matériaux employés et leur mise en œuvre soignée, en structure ou en décor, soulignait l’effet recherché. Les pierres grossièrement équarries ou taillées (soubassement, escalier, encadrements des ouvertures, corbeaux), l’enduit laissant apparaître certains blocs restés nus, le bois (huisseries, fenêtres, portes, porche d’entrée et véranda avec piliers ouvragés, bras de force, arêtiers, imitation de colombage sur le tiers supérieur des façades), la ferblanterie et ferronnerie d’art de qualité (épis de faîtage, grille de la porte d’entrée et garde‑corps de la terrasse), les souches de cheminée travaillées étaient autant d’éléments qui concouraient à accuser le pittoresque de la construction. Les intérieurs procédaient du même soin, comprenant notamment cheminée, parquets au rez-de-chaussée ou planchers à l’étage, revêtements en grès-cérame, lambris, placards, plafonds stuqués ou à solives apparentes, escalier de pierre avec barreaudages en fer et main courante en bois.
Au vu de l’intérêt historique et de la grande qualité architecturale et matérielle des deux bâtiments et de leurs abords, elle préavisait favorablement l’inscription à l’inventaire des deux bâtiments, villa et garage.
f. Le 28 juin 2023, A______ a fait valoir l’absence d’intérêt au maintien des immeubles, notamment au regard de l’abondance du Heimatstil en Suisse et à Genève ainsi que de l’absence de visibilité des bâtiments sis en retrait dans un large parc arboré. Vu l’état des bâtiments, il faudrait les reconstruire à neuf, ce qui nécessiterait plusieurs millions de francs et résulterait en un non-sens du point de vue de la préservation de la substance historique des immeubles.
La démolition des bâtiments constituait l’étape préalable et nécessaire à la réalisation d’un projet d’immeuble accueillant plusieurs appartements destinés à la location. Le principe de proportionnalité commandait de prendre en compte l’intérêt public à la construction des logements.
Les conséquences désastreuses de la mise à l’inventaire n’avaient pas été prise en compte, l’intérêt privé à la démolition excédait largement le prétendu intérêt public au maintien.
Un transport sur place permettrait de constater l’état de délabrement des bâtiments, comme le démontrait également les photographies jointes.
g. Le 12 octobre 2023, l’C______ a rappelé que des procédures d’inscription à l’inventaire étaient en cours concernant plusieurs villas Heimatstil du secteur du chemin de la Colombe.
h. Par arrêté du 9 janvier 2024, le département a inscrit à l’inventaire des immeubles dignes d’être protégés les bâtiments C1______ et C2______ et la parcelle no 2'209, plan 25 du cadastre de la commune de B______. Les effets de la mesure d’inscription à l’inventaire étaient étendus à l’entier de la parcelle no 2'209 ; la préservation des bâtiments n’avait de sens que si le terrain qui les entourait permettait leur mise en valeur.
Par quatre arrêtés séparés du même jour, le département a inscrit à l’inventaire quatre autres bâtiments situés dans l’ensemble de huit villas mitoyennes construites en 1897 sur les parcelles nos 1'066, 1'067, 1’070 et 1’071, plan 25 du cadastre de la commune de B______ situées à proximité de la villa litigieuse.
C. a. Par acte mis à la poste le 9 février 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l’arrêté du département du 9 janvier 2024, concluant principalement à son annulation, à la suppression de toute mention faite au registre foncier en lien avec l’inscription à l’inventaire et, préalablement, à un transport sur place et à l’audition de deux de ses architectes, de l’C______, du rédacteur du rapport de l’OPS, de la rédactrice du rapport de la CMNS, du Conseil administratif de la commune, du président de la CMNS et à la production par le service de l’inventaire des monuments d’art et d’histoire du dossier du recensement architectural relatif à l’immeuble C1______ de 2021.
Les recensements architecturaux relatifs aux immeubles concernés variaient dans leur appréciation. En 2021, la villa était évaluée comme « intéressant » et le garage n’avait pas de valeur particulière, ce n’était que le 7 juin 2023, soit postérieurement à l’introduction de la procédure d’inscription à l’inventaire qu’ils avaient acquis une valeur « exceptionnelles », ce changement provenait d’une évaluation complémentaire. Aucun élément objectif ne justifiait une évaluation différente.
Les rapports à l’origine de la décision n’étaient pas crédibles.
Celui de l’OPS était empreint de « subjectivisme fanatique », notamment par l’emploi de termes tels que : « aussi monumentale qu’audacieuse » par rapport à la toiture, et les termes « hors du commun », « chose exceptionnelle », « ne fait aucun doute » qui contrastait avec la réalité des choses, soit une toiture simple et sans originalité laquelle présentait de plus un trou béant laissant l’eau s’écouler à l’intérieur du bâtiment. Aucun crédit ne pouvait être donné à ce rapport.
Les préavis de la commune et de la CMNS ne reposaient que sur le rapport de l’OPS et celui de la CMNS était étendu à la parcelle entière. Les deux étaient donc fondés sur des bases erronées. Il n’y avait donc aucune base scientifique à la décision prise qui devait être annulée pour ce motif déjà.
En outre, il n’existait pas de motif d’intérêt public à protéger ces immeubles au regard de l’abondance du Heimatstil et de la localisation des immeubles. La villa avait été dessinée par un architecte inconnu et les bâtiments étaient visibles uniquement depuis un chemin privé qui était une dépendance de plusieurs parcelles.
L’absence d’intérêt découlait également de l’état de délabrement avancé des immeubles. La pesée des intérêts devait intégrer celui à la mise sur le marché de nouveaux logements. La transformation de la villa en plusieurs logements distincts était complexe. Le maintien des bâtiments selon les normes et standards du XXIe siècle supposerait la conduite de travaux portant sur les équipements et la structure, au risque de causer des dommages.
La parcelle devenait de fait inconstructible et la décision avait des conséquences financières insupportables, constituant une atteinte insoutenable à son droit de la propriété.
b. Le 12 avril 2024, le département a conclu au rejet du recours.
Dans le recensement architectural de 1993, les bâtiments avaient déjà reçu des valeurs élevées « intéressants » et le jardin avait été classifié au nombre des « éléments caractéristiques du paysage ». En 2008, la même valeur avait été attribuée auxdits bâtiments.
Cette haute valeur patrimoniale avait ensuite été vérifiée in situ par des spécialistes de la protection du patrimoine de l’IMAH et du SMS qui avaient notamment conclu que : « Bien que la paternité architecturale de cette maison n’ait pas été découverte […], il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un excellent architecte genevois, dont l’ouvrage est complété peu après la construction par l’un de ses non moins bons confrères ». La maison présentait toutes les caractéristiques du Heimatstil et les bâtiments possédaient une valeur patrimoniale exceptionnelle.
En dehors de sa propre appréciation, A______ n’alléguait pas de motifs objectifs de nature à remettre en question les considérations des spécialistes en matière de protection du patrimoine. Il était contesté que les constats effectués par les spécialistes seraient erronés et que les dégradations subies par les bâtiments leur auraient fait perdre tout intérêt patrimonial.
La recourante n’alléguait pas avoir procédé à des investissements ou avoir consenti ces dernières décennies à des frais d’entretien dans ses immeubles. Elle ne saurait invoquer l’absence d’entretien dont elle était à l’origine pour s’opposer à l’inscription à l’inventaire. Les bâtiments, aux dires des spécialistes, pouvaient faire l’objet d’une restauration-rénovation, la substance d’origine digne d’intérêt étant encore présente et pouvait être maintenue.
La localisation des bâtiments, sur une parcelle privée, non accessible au public n’était pas de nature à remettre en cause les mesures de protection du patrimoine.
La décision ne prenait pas en considération les intérêts d’un seul groupe d’initiés mais tenait également compte de la valeur plus générale, comme en attestaient les avis exprimés par l’C______ et la commune.
Le principe de proportionnalité était respecté et cela même si la construction de logements sur le territoire genevois constituait un intérêt public important. Les restrictions consacrées par la mesure ne s’inscrivaient pas dans un rapport déraisonnable entre le but d’intérêt public poursuivi et l’intérêt privé de la recourante, en particulier son intérêt financier.
La parcelle n’était pas frappée d’une interdiction totale de bâtir et les contraintes étaient identiques à celles de tout propriétaire d’un bien-fonds situé en zone protégée.
c. Le 17 mai 2024, A______ a répliqué, persistant dans les conclusions de son recours.
C’était contrairement à la chronologie des faits que le département tentait d’insérer l’arrêté du 9 janvier 2024 dans une politique globale de protection du patrimoine dans le secteur de la parcelle litigieuse.
Il existait un risque réel et concret d’effondrement de certaines parties d’étages de la villa. Sa démolition était une nécessité de sécurité publique. Il ne pouvait être exclu qu’elle soit à nouveau occupée et un effondrement pourrait alors avoir des conséquences désastreuses.
Dans le rapport produit, son architecte considérait que le maintien des immeubles supposerait une quasi-reconstruction à neuf. Il ne pouvait être considéré que les bâtiments avaient conservé leur substance.
Les bâtiments ne seraient pas visibles, ce qui devait être pris en compte.
L’intérêt public à la mise sur le marché de nouveaux logements devait l’emporter au vu de l’état des bâtiments.
La complexité de la transformation des bâtiments et les coûts engendrés n’avaient pas été pris en compte.
d. Le 21 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La recourante demande qu’il soit procédé à un transport sur place et conclut à l’audition de plusieurs témoins.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).
2.2 Le droit d’être entendu n’implique pas non plus une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_372/2021 du 26 janvier 2023 consid. 2.3 ; ATA/783/2021 du 27 juillet 2021 consid. 6a et les références).
2.3 En l’espèce, le dossier contient de nombreux documents, photographies et plans dont certains produits par la recourante. Les photographies portent tant sur l’intérieur que l’extérieur des bâtiments et sur le reste de la parcelle. Le dossier contient également les rapports et préavis produits lors de l’instruction de la décision par l’autorité intimée dont la fiche du recensement architectural du canton de Genève.
Il s’avère ainsi que les pièces nécessaires à l’examen de la conformité au droit de la mesure de protection du patrimoine contestée figurent au dossier, si bien qu’il ne se justifie pas de procéder à un transport sur place.
Quant aux témoignages requis, celui des personnes ayant rédigé les rapports figurant au dossier s’avère inutile, puisqu’ils permettraient au mieux de confirmer leurs avis, les éléments pris en compte par l’autorité intimée pour rendre sa décision étant ceux figurant dans les rapports. La recourante n’indique pas pour quel motif pertinent l’audition de ces témoins serait déterminante pour l’issue du litige. L’audition de ses propres architectes ne s’avère pas non plus indispensable, dans la mesure où la recourante a eu la possibilité de fournir tous les documents nécessaires à étayer ses allégations et qu’elle ne dispose pas d’un droit à être entendue oralement.
En conclusion, la chambre de céans considère être en possession d’un dossier complet, en état d’être jugé et il ne sera pas donné suite aux requêtes de la recourante.
3. La recourante fait valoir que la procédure de mise à l’inventaire est marquée par plusieurs erreurs.
3.1.1 Le préavis de la CMNS n’aurait pas été établi conformément à la loi, la personne l’ayant signé n’étant ni présidente ni vice-présidente.
La CMNS a pour attribution, notamment, de formuler ou examiner les propositions d’inscription ou de radiation d’immeubles à l’inventaire, selon l’art. 7 loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05). Elle peut déléguer certaines de ses attributions à des sous-commissions dont elle désigne la présidente ou le président (art. 3 règlement d’application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 mars 2023 - RPMNS - L 4 05.01). Les sous-commissions se réunissent chaque fois que le nombre ou l’importance des dossiers le justifie (art. 4 al. 2 RPMNS). Les fonctionnaires désignés par les départements chargés de l’application de la loi assistent aux séances avec voix consultative (art. 4 al. 3 RPMNS). Le secrétariat de la commission est assuré par le département (art. 4 al. 4 RPMNS).
3.1.2 En l’espèce, le préavis de la CMNS précise qu’il s’agit de la sous-commission CMNS 1 et le préavis est signé par la secrétaire, fonctionnaire du département.
Il n’est dès lors pas possible de considérer, comme le fait la recourante, que le préavis ne correspond pas aux exigences légales. Elle ne se réfère d’ailleurs à aucune base légale ou principe qui aurait été violé par la procédure de préavis suivie.
3.2 La recourante estime que le rapport de l’IMAH contient de multiples erreurs qui attesteraient de sa faible crédibilité, alors même qu’il avait servi de fondement unique aux préavis de la commune et de la CMNS.
3.2.1 Les erreurs dont la recourante fait grand cas concerneraient la narration faite de l’histoire de la parcelle et spécialement celle de la famille anciennement propriétaire de la villa et plus spécifiquement l’importance donnée par cette famille à la parcelle litigieuse.
3.2.2 Force est toutefois de constater qu’en l’espèce l’attachement plus ou moins fort entre des membres d’une famille propriétaire et la parcelle et les bâtiments qu’elle contient, n’est pas pertinent pour l’examen de la valeur patrimoniale de la parcelle. En effet, ces liens ne se sont pas exprimés dans des modifications apportées aux bâtiments, ce qui n’est d’ailleurs pas allégué, la recourante tenant à clarifier le fait que cette propriété n’avait aucune importance aux yeux de cette famille vivant pour l’essentiel à l’étranger.
Ainsi, même si des erreurs factuelles concernant ces éléments annexes à l’histoire de la parcelle et des bâtiments qu’elle contient devaient être constatées, celles-ci n’auraient aucun impact sur la décision litigieuse, laquelle ne s’y réfère d’ailleurs pas.
3.3 Le rédacteur de ce rapport aurait en outre omis des faits importants concernant l’état de la propriété et cité des sources sans pertinence.
3.3.1 Le rapport de visite contenant près de 60 photographies, tant de l’extérieur que de l’intérieur de la villa, du garage et de la parcelle, il ne peut être retenu, comme le fait la recourante, que l’état d’entretien, qualifié d’état déplorable dans le rapport, et les dégâts subis par les différentes parties des bâtiments n’auraient pas été pris en compte. Le rapport retient que malgré les dégâts existants en lien avec le manque d’entretien, dont notamment les appentis du porche en cours d’affaissement, un trou dans un plancher, les bâtiments ont subi peu de dommages importants.
Il n’est dès lors pas possible de suivre la recourante dans son raisonnement, visant à discréditer le rapport d’IMAH pour ce motif.
3.3.2 Finalement sur ce point, il n’est pas besoin d’examiner plus avant le reproche fait par la recourante aux sources mentionnées dans le rapport ou au ton utilisé par le rédacteur. En effet, ces éléments ne sont pas non plus pertinents pour examiner la conformité au droit de la décision prise par l’autorité intimée.
Le grief sera donc écarté.
4. La recourante conteste l’intérêt digne de protection de l’immeuble sous plusieurs angles.
4.1 Le département protègerait un style architectural plutôt qu’un immeuble digne de protection.
4.1.1 La LPMNS prévoit la protection de monuments de l'architecture présentant un intérêt historique, scientifique ou éducatif (art. 4 let. a LPMNS) et contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l'autorité comme au juge une latitude d'appréciation considérable. Il apparaît en outre que, depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection ne s'appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des œuvres d'art mais qu'elles visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu'ils sont des témoins caractéristiques d'une époque ou d'un style (Philip VOGEL, La protection des monuments historiques, 1982, p. 25). La jurisprudence a pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du 3 février 2012 consid. 5.1.1).
4.1.2 La villa et le garage possèdent, aux dires des spécialistes, toutes les caractéristiques du Heimatstil tel qu’il a été interprété dans le canton de Genève immédiatement après l’exposition nationale suisse de 1896. La substance de la construction est dans un état de conservation remarquable, bien que l’état d’entretien soit déplorable. Les éléments retenus sont notamment l’asymétrie équilibrée, la polychromie des matériaux, le jeu très vif des contrastes volumétriques, les détails de façade évoquant l’histoire du patrimoine suisse, les corps bas formant espaces intermédiaires. La conservation du jardin dont les arbres étaient arrivés à maturité, même s’il était totalement négligé ainsi que celle des abords (portails et muret) et du garage réalisé lors de l’agrandissement se justifiaient également. Aux qualités architecturales intrinsèques s’ajoutait la réputation de Henri GOSS ayant réalisé l’agrandissement et le garage.
La décision retient également que malgré leur mauvais état d’entretien, les bâtiments n’avaient subi que peu de modifications depuis leur construction et présentaient encore l’ensemble de leurs éléments d’origine.
4.1.3 Il appert ainsi que ce sont bien les caractéristiques intrinsèques de la villa, du garage et de la parcelle qui fondent la mesure contestée, contrairement aux allégations de la recourante.
4.2 La recourante souligne que l’architecte de la villa étant inconnu, la mesure n’apparaît pas justifiée.
4.2.1 Un monument au sens de la LPMNS est toujours un ouvrage, fruit d'une activité humaine. Tout monument doit être une œuvre digne de protection du fait de sa signification historique, artistique, scientifique ou culturelle. Il appartient aux historiens, historiens de l'art et autres spécialistes de déterminer si les caractéristiques présentées par le bâtiment le rendent digne de protection, d'après leurs connaissances et leur spécialité. À ce titre, il suffit qu'au moment de sa création, le monument offre certaines caractéristiques au regard des critères déjà vus pour justifier son classement, sans pour autant devoir être exceptionnel dans l'abstrait. Un édifice peut également devenir significatif du fait de l'évolution de la situation et d'une rareté qu'il aurait gagnée. Les particularités du bâtiment doivent au moins apparaître aux spécialistes et trouver le reflet dans la tradition populaire sans trop s'en écarter (ATA/353/2021 du 23 mars 2021 consid. 8 ; ATA/561/2020 du 9 juin 2020 consid. 5b).
Tout objet construit ne méritant pas une protection, il y a lieu de procéder à une appréciation d'ensemble, en fonction des critères objectifs ou scientifiques. Pour le classement d'un bâtiment, la jurisprudence prescrit de prendre en considération les aspects culturels, historiques, artistiques et urbanistiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes. Elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a ; 118 Ia 384 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; ATA/1024/2019 du 18 juin 2019 consid. 3d ; ATA/428/2010 du 22 juin 2010 consid. 7c).
4.2.2 Contrairement à ce que sous-entend la recourante, l’identité de l’architecte ayant créé la construction est un élément qui n’a pas été négligé dans le rapport de l’IMAH. La pratique historique de signature de la requête d’autorisation de construire par le constructeur uniquement est rapportée et commentée avec la précision qu’en l’espèce, les dessins du dossier d’autorisation ne ressemblaient pas aux documents souvent transmis par les maîtres d’œuvres à l’administration, s’agissant de copies héliographiées d’un projet architectural en bonne et due forme. Selon l’historien de l’art ayant rédigé le rapport IMAH, il ne fait aucun doute que la paternité architecturale de la villa revenait à un excellent architecte. Quant à Henri GOSS qui a signé l’agrandissement et le garage deux ans après la construction, il est connu et une seule maison familiale de sa main a été conservée à ce jour dans le canton de Fribourg bien qu’il ait également dessiné de nombreux autres bâtiments, tels que banque, hôtels ou bâtiments industriels.
4.2.3 Le fait que les recherches effectuées par les spécialistes de l’IMAH n’ont pas permis d’établir quel architecte avait dessiné les plans de la villa est un élément qui n’a pas été négligé, contrairement à ce que sous-entend la recourante. Cependant, cette situation ne suffit pas à diminuer l’intérêt des bâtiments sur le plan de la protection patrimoniale. En outre, la recourante n’allègue aucun motif objectif de nature à remettre en question les considérations des spécialistes en matière de protection du patrimoine relatives à l’intérêt des bâtiments.
4.3 La recourante souligne encore que les bâtiments n’étant pas visibles pour le public, la mesure de protection ne serait pas justifiée.
4.3.1 La LPMNS prévoit qu’il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d’être protégés. La définition de monument, au sens de l’art. 4 al. a LPMNS ne contient pas la notion d’édifice public ou accessible au public.
Cela dit, l’inventaire peut être consulté par le public selon les modalités fixées par voie réglementaire (art. 7 al. 8 LPMNS). L’arrêté rendu en matière d’inscription à l’inventaire est publié dans la FAO (art. 15 al. 1 RPMNS). Le dossier peut, sur requête, être consulté selon les modalités fixées par loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (art. 15 al. 2 RPMNS).
4.3.2 Le fait que la parcelle soit en mains privées, que les bâtiments objets de la mesure ne soient pas visibles depuis la voie publique est donc sans pertinence s’agissant du but et des modalités de la protection du patrimoine instaurées par la LPMNS. L’intérêt public auquel répond cette mesure n’est donc pas non plus fonction de ces circonstances.
4.4 La recourante estime que les dégradations subies par les bâtiments leur auraient fait perdre tout intérêt patrimonial.
4.4.1 La jurisprudence ne retient pas l’état, même très délabré, d’un immeuble comme motif propre à mettre en échec une mesure de protection fondée sur la LPMNS, dès lors que la substance patrimoniale est conservée (ATA/428/2010 du 22 juin 2010 consid. 7c).
4.4.2 Dans les rapports de l’IMAH et de la CMNS, l’état détérioré des bâtiments n’est pas omis et il est acquis que ce mauvais état d’entretien appelle à terme des travaux de restauration et d’assainissement. Cependant, il est relevé également que les éléments qui constituent la substance d’origine des bâtiments subsistent.
Le grief tombe donc à faux.
5. La recourante reproche au département de n’avoir pas pris en compte dans sa pesée des intérêts l’intérêt public à la construction de nouveaux logements et le fait que les bâtiments concernés n’étaient ni uniques ni particulièrement rares.
5.1 Alors qu'à l'origine, les mesures de protection visaient essentiellement les monuments historiques, à savoir des édifices publics, civils ou religieux, ainsi que des sites et objets à valeur archéologique, elles se sont peu à peu étendues à des immeubles et objets plus modestes, que l'on a qualifiés de patrimoine dit « mineur », caractéristique de la campagne genevoise, pour enfin s'ouvrir sur une prise de conscience de l'importance du patrimoine hérité du XIXe siècle et la nécessité de sauvegarder un patrimoine plus récent, voire contemporain (ATA/555/2022 du 24 mai 2022 consid. 5b et les références citées).
Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/1296/2022 du 20 décembre 2022 consid. 6c ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 508 p. 176 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1296/2022 précité ; ATA/1261/2022 du 13 décembre 2022 consid. 4d et les références citées). La chambre administrative est en revanche libre d'exercer son propre pouvoir d'examen lorsqu'elle procède elle-même à des mesures d'instruction, à l'instar d'un transport sur place (ATA/135/2022 du 1er mars 2022 consid. 9g).
Si la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/1024/2019 précité ; ATA/126/2013 précité). En outre, la CMNS se compose pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d'associations d'importance cantonale, poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine (art. 46 al. 2 LPMNS). À ce titre, son préavis est important (ATA/1214/2015 précité).
Lorsque l'autorité s'écarte des préavis, la chambre de céans peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/451/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/814/2014 du 28 octobre 2014 et les références citées ; ATA/453/2011 du 26 juillet 2011).
5.2 La chambre administrative a déjà tranché le fait que faire primer l'intérêt public à la construction de nouveaux logements sur celui de la protection d’un bâtiment, même en cas de préavis de la CMNS favorable au classement de l’immeuble, ne relevait pas d’un abus du pouvoir d'appréciation du Conseil d’État en cette période de crise du logement (ATA/423/2023 du 25 avril 2023 consid. 5.4 ; ATA/932/2020 du 22 septembre 2020 consid. 7).
5.3 En l’espèce, le recensement architectural validé le 21 juillet 1993 par la CMNS avait attribué la valeur « monuments et bâtiments intéressants » à la villa et au garage. Dans le recensement validé par la commission scientifique de suivi le 6 décembre 2018, mis à jour le 7 juin 2023, la valeur « Exceptionnel » a été attribuée aux bâtiments précités. Le service spécialisé, la CMNS et la commune ont, quant à elles, préavisé favorablement la mesure de protection.
Le Conseil d’État a suivi ces préavis, estimant que seule cette mesure de protection était apte à assurer la pérennité des objets à protéger.
La recourante oppose à cette conclusion le fait que de nombreuses constructions Heimatstil existeraient dans le canton. Toutefois, elle ne démontre pas que des bâtiments comparables, du même style et possédant les mêmes caractéristiques existeraient ou n’auraient pas bénéficié des mêmes mesures. En outre, la rareté ou le caractère unique n’est pas le seul critère dont dépend une mesure d’inscription à l’inventaire. Il s’agit plutôt d’un critère complémentaire, les caractéristiques du bâtiment lui-même restant déterminantes pour l’examen de la validité de la mesure (ATA/1214/2015 du 10 novembre 2015 consid. 5). De plus, ces caractéristiques s’acquièrent souvent par l’écoulement du temps.
5.4 S’agissant de l’intérêt public à la construction de logement que la recourante oppose à la mesure de protection, il faut prendre en compte le fait que la parcelle est sise en cinquième zone de construction, ce qui limite le nombre de logements qui auraient pu être construits après la démolition des bâtiments et que les bâtiments eux-mêmes constituent déjà des logements. Quant au projet de construction de logements invoqué par la recourante, force est de constater qu’il n’est pas concret et que, de plus, la mesure litigieuse n’est pas incompatible avec un projet de construction sur la surface non bâtie de la parcelle.
Le grief sera donc écarté.
6. Reste à examiner la proportionnalité de la mesure.
L'assujettissement d'un immeuble à des mesures de conservation ou de protection du patrimoine naturel ou bâti constitue une restriction du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 Cst. Pour être compatible avec cette disposition, l'assujettissement doit donc reposer sur une base légale, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst. ; ATF 126 I 219 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2010 du 17 janvier 2011 consid. 3.1 ; ATA/1214/2015 précité consid. 2a).
6.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).
Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 et les arrêts cités).
6.2 En principe, les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont d'intérêt public et celui-ci prévaut sur l'intérêt privé lié à une utilisation financière optimale du bâtiment (ATF 126 I 219 consid. 2c ; 120 Ia 270 consid. 6c ; 119 Ia 305 consid. 4b).
Le sacrifice financier auquel le propriétaire est soumis du fait de la mise à l'inventaire constitue un élément important pour apprécier si l'atteinte portée par cette mesure à son droit de propriété est supportable ou non (ATF 126 I 219 consid. 6c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_52/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3.2). En relation avec le principe de la proportionnalité au sens étroit, une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si elle produit des effets insupportables pour le propriétaire ou ne lui assure pas un rendement acceptable. Savoir ce qu'il en est, dépend notamment de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée (ATF 126 I 219 consid. 6c in fine et consid. 6h ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_52/2016 précité consid. 2 ; 1P.842/2005 du 30 novembre 2006 consid. 2.4). Plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de la rentabilité doivent être prises en compte (ATF 118 Ia 384 consid. 5 ; ATA/1024/2019 précité consid. 2).
6.3 Les effets d'une mise à l'inventaire sur un immeuble sont son maintien ainsi que la préservation de ses éléments dignes d'intérêt (art. 9 al. 1 LPMNS).
Le fait de ne pouvoir disposer librement de son bien mais que pour tout projet ou intervention, la CMNS ou le SMS doive être consulté par la propriétaire, ne représente pas d'emblée une entrave insupportable à la garantie de la propriété. Aucune interdiction totale de construire n'a été prononcée. Les contraintes de la mesure sont moins lourdes que celles de tout propriétaire d'un bien-fonds situé en zone protégée ou soumis à une mesure de classement (ATA/783/2012 du 20 novembre 2012 consid. 14 b). Toutefois, la mise à l'inventaire confère à l'objet qu'elle vise une protection plus importante que les seules dispositions en matière de police des constructions, comme le fait la mesure de classement (ATA/783/2012 précité consid. 13).
6.4 En l’espèce, les affirmations toutes générales de la recourante sur la complexité de la transformation du bâtiment et les travaux coûteux qu’entraînerait la mesure contestée, ne sont pas démontrées. De même il n’indique pas la perte financière qui serait liée à l’inscription de l’immeuble et à la perte du projet de construction.
Notamment, la mesure impose de devoir consulter la CMNS ou le SMS lors du dépôt d’une demande en autorisation de construire, ce que la chambre de céans a déjà jugé comme n’entraînant pas d’effets insupportables pour un propriétaire (ATA/352/2021 du 23 mars 2021 consid. 12).
S’agissant de l’aspect financier, la recourante ne peut de bonne foi invoquer l’état de dégradation de ses bâtiments, entraînant une absence de rendement pour contrer la mesure de protection. En effet, ayant négligé l’entretien de son bien, elle ne peut en tirer argument en sa faveur.
S’agissant des coûts de rénovation ils sont estimés à environ CHF 4'880’715.- pour la villa, soit CHF 6'237.-/m2, par la recourante qui n’a pas produit de projet précis, différentes possibilités, notamment techniques, étant ouvertes à ce stade. La recourante ne démontre pas que ces coûts entraîneraient des conséquences insupportables pour elle. En outre, comme le souligne l’autorité intimée, la recourante n’a, en l’absence de preuve contraire, consenti aucun investissement ou frais d’entretien durant ces dernières décennies. Elle ne peut en outre justifier la démolition des bâtiments par cette absence de rentabilité.
À cela s’ajoute que le SMS, après avoir procédé à une évaluation des coûts sur la base de celle de la recourante et comparant celle-ci à des bâtiments récemment rénovés, de niveaux de protection identiques et avec des travaux de rénovation complets et généreux dans le canton, réalisés en 2022, a estimé que le projet de la recourante était raisonnable dans cette catégorie. Il appert ainsi que les coûts sont similaires, notamment au m2 (CHF 7'828.- pour la MS-i VDS 13 et CHF 7'023.- pour la MS-I CBL 4) et ne peuvent donc être considérés comme insupportables pour la propriétaire.
En application de l’art. 22 al. 1 LPMNS, l’État peut participer financièrement aux frais de conservation, d’entretien et de restauration des immeubles inscrits à l’inventaire. Selon l’estimation faite par le SMS, cette subvention se monterait au maximum à 10% des travaux. C’est toutefois uniquement en fonction d’un projet particulier que le montant pourra être déterminé.
En conséquence, il ne peut être retenu que les restrictions qu’implique la mesure entraînent des atteintes insupportables au droit de propriété de la recourante.
Il découle de ce qui précède qu’étant en tous points infondé, le recours sera rejeté.
7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 9 février 2024 par la société immobilière A______ SA contre l’arrêté du département du territoire du 9 janvier 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la société immobilière A______ SA ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Antoine E. BÖHLER, avocat de la recourante, au département du territoire - OPS ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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