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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/618/2024

ATA/553/2024 du 03.05.2024 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/618/2024-PRISON ATA/553/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ DE LA BRENAZ intimé



EN FAIT

A. a. A______ est incarcéré dans l’établissement fermé de La Brenaz (ci‑après : la Brenaz) depuis le 19 septembre 2023, en exécution de peine.

b. Depuis son incarcération, il a fait l’objet de trois sanctions disciplinaires :

- le 9 décembre 2023 de quinze jours de suppression des activités, soit les formations, les sports, les loisirs et les repas en commun et d’une amende de
CHF 300.- pour possession de stupéfiants, introduction dans l’établissement, détention ou consommation des stupéfiants, sous quelque forme que ce soit ;

- le 8 février 2024 de deux jours de suppression des activités soit les formations, les sports, les loisirs et les repas en commun, pour refus de travailler ;

- le 23 février 2024 de sept jours de suppression des activités soit les formations, les sports, les loisirs et les repas en commun, pour un troisième refus de travailler, qui en réalité constituait le deuxième refus (erreur de plume).

c. À plusieurs reprises, A______ a été absent du travail et s’est vu délivrer un certificat médical attestant de son incapacité, de sorte qu’aucune sanction ne lui a été infligée ou alors elle a été annulée a posteriori.

d. Il ressort du rapport d’incident du 9 décembre 2024 que dans le cadre d’une fouille générale du secteur 3000, ainsi que la fouille de détenus, 34,6 grammes de substance brunâtre avaient été retrouvés dans la cellule de A______. Lors de son audition, il a déclaré qu’il s’« apprêtai[t] effectivement discrètement à rechercher le propriétaire de ce morceaux [sic] afin d’y gratter une prébende, qui, au vu des circonstances, présentait le risque, échu, hélas ». Il avait trouvé cette substance dans les toilettes de l’atelier cuisine.

e. Il a été sanctionné, le 9 décembre 2023, pour ces faits.

f. Il ressort du rapport d’incident du 8 février 2023 que, lors d’un contrôle de vie, A______ a indiqué qu’il ne se rendrait pas au travail car il avait une rage de dents. Il avait écrit au service de médecine pénitentiaire (ci-après : SMP) afin d’obtenir une consultation dans la journée. A______ a été informé du fait que son comportement serait considéré comme un refus de travailler.

g. Lors de son audition, A______ a expliqué qu’au vu de sa douleur, il ne lui était pas possible de se rendre au travail. Il a indiqué qu’il avait adressé une demande de consultation au SMP.

h. Il ne ressort pas du dossier que A______ aurait fourni un certificat médical justifiant qu’il ne se rende pas au travail le 8 février 2024.

B. a. Par acte du 18 février 2024, reçu le 20 février 2024 par la Brenaz et transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour objet de compétence, A______ a formé un recours contre « l’intégralité des décisions de sanction prononcées à [s]on encontre
antérieurement ».

b. Il a par la suite adressé un courrier à la chambre administrative dans lequel il expliquait avoir fait l’objet de menaces au sein de la Brenaz de la part de trois prévenus. Il avait été entendu à deux reprises sur ces faits, notamment pas le directeur de l’établissement. Certains de ses courriers avaient été censurés et il avait droit à un acte attaquable au sens de l’art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il existait un risque imminent d’agression et il existait un péril en la demeure, de sorte qu’il convenait de sommer l’administration de prendre des mesures et d’agir selon son devoir.

c. Par courrier du 9 mars 2024, A______ a fait part d’un litige qui l’opposait à l’administration pénitentiaire, portant sur un risque élevé et imminent de danger qu’il soit agressé par plusieurs détenus. Il avait fait part de ce risque oralement et par écrit, notamment lors d’un entretien avec le directeur-adjoint le
8 mars 2024, mais le personnel s’abstenait de façon volontaire de prendre des dispositions pour prévenir ces agressions. Tous ces éléments étaient difficiles à démontrer, dans la mesure où les copies de ces signalements lui étaient retirés lorsqu’il s’absentait de sa cellule. Il formait ainsi recours afin que la chambre administrative intervienne pour remettre de l’ordre à la situation, empêche une agression imminente et intime à la Brenaz de déplacer les trois codétenus, qui posaient problème, de son unité. Il sollicitait que des preuves soient administrées, soit les enregistrements vidéo de l’unité 5300 couvrant la période du 2 février 2024 au 9 mars 2024.

d. Il a par la suite remis une copie d’un courrier de Me B______ du
14 novembre 2023, adressé à la Brenaz, dans lequel il estimait que le fait que A______ n’ait pas accès à tout le matériel dont il avait besoin (notamment papeterie) constituait « une vexation gratuite de ses droits fondamentaux ».

A______ a ajouté une page manuscrite à ce courrier rappelant le risque de conflit avec ses codétenus. Les procédures initiées par son conseil devaient être considérées comme sans objet car elles lui portaient préjudice.

e. La Brenaz a conclu au rejet du recours.

Les conclusions en annulation de la sanction du 9 décembre 2023 étaient irrecevables, le recours n’ayant pas été déposé dans les délais légaux.

Les faits, tels qu’ils ressortaient du rapport d’incident étaient exacts, puisque le recourant n’avait pas été travailler le 8 février 2024 et n’avait remis à ce titre aucun certificat médical attestant d’une incapacité. Le recourant n’apportait d’ailleurs aucun élément permettant de contredire ces faits.

Son droit d’être entendu avait été respecté, puisqu’il avait été auditionné le jour‑même et qu’il a pu se déterminer sur les faits reprochés.

Les personnes détenues à la Brenaz avaient l’obligation de travailler. Si elles refusaient de se rendre au travail, elles pouvaient faire l’objet de sanctions disciplinaires. Toutefois, la sanction disciplinaire était levée dès que la personne détenue produisait un certificat médical attestant de son incapacité, ce qui n’avait pas été le cas du recourant.

La sanction devait dès lors être admise sur le principe, le comportement du recourant contrevenant aux dispositions du règlement.

La sanction était justifiée par l’intérêt public. Il était en effet indispensable de sanctionner les violations règlementaires, afin de maintenir les conditions d’intégrité dans le fonctionnement de l’établissement et favoriser son bon ordre, sa sécurité et sa tranquillité. Elle était proportionnée.

f. A______ a adressé un nouveau courrier à la chambre administrative dans lequel il faisait valoir que la Brenaz faisait preuve d’arbitraire envers lui, sans qu’il ne soit en mesure de le démontrer. On lui avait notamment confisqué une clé USB contenant de la musique et pourtant autorisée par le règlement. Un surveillant lui avait également subtilisé des lettres qui faisaient allusion à ces faits.

g. Sur ce, les parties ont été informées, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté devant la juridiction compétente contre deux sanctions notifiées par la Brenaz le 9 décembre 2023 et le 8 février 2024, le recours est recevable sous cet angle (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

1.1 Aux termes de l'art. 62 LPA, le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale ou d'une décision en matière de compétence (al. 1 let. a) ; le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (al. 3 1re phr., art. 17 al. 1 LPA).

Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d'être prolongés (art. 16 al. 1 1re phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même. Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/1209/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3c et les références citées). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

1.2 Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l'art. 16 al. 1 2e phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/1127/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4b et les références citées).

Pour examiner si l'intéressé a été « empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé », la jurisprudence procède par analogie avec les cas susceptibles de constituer des cas de force majeure au sens de l'art. 16 al. 1 LPA. Selon une jurisprudence constante, tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressée et qui s'imposent à elle de façon irrésistible (ATA/171/2024 du 6 février 2024 ; SJ 1999 I p. 119 ; RDAF 1991 p. 45 ; Théo GUHL, Das Schweizerische Obligationenrecht, 9e éd., 2000, p. 229, et les références citées).

1.3 En l’espèce, le recourant indique, dans son courrier du 19 février 2024, s’opposer à l’intégralité des sanctions prises à son encontre.

Or, le délai pour recourir à l’encontre de la décision du 9 décembre 2023 arrivait à échéance le 24 janvier 2024. Le recourant n’allègue pas – et aucune pièce au dossier ne le démontre – qu’il aurait été empêché d’agir dans le délai légal.

Le recours à l’encontre de la décision de sanction du 9 décembre 2023 est ainsi tardif et donc irrecevable.

2.             Le recourant fait valoir, dans ses écritures, que l’administration pénitentiaire refuserait de prendre toutes les mesures tendant à sa protection, en ne déplaçant notamment pas trois de ses codétenus qui posaient problème et constituaient une menace imminente à son encontre.

2.1 La chambre administrative statue sur les recours formés contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 ; art. 132 al. 2 LOJ.

2.2 Sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

2.3 La décision comme acte juridique a pour objet de régler la situation d'administrés en tant que sujets de droit et donc, à ce titre, distincts de la personne étatique ou, en d'autres termes, extérieurs à l'administration. On oppose dans ce contexte la décision à l'acte interne ou d'organisation, qui vise des situations à l'intérieur de l'administration ; l'acte interne peut avoir des effets juridiques, mais ce n'en est pas l'objet, et c'est pourquoi il n'est en règle générale pas susceptible de recours. Deux critères permettent généralement de déterminer si on a affaire à une décision ou à un acte interne. D'une part, l'acte interne n'a pas pour objet de régler la situation juridique d'un sujet de droit en tant que tel et, d'autre part, le destinataire en est l'administration elle-même, dans l'exercice de ses tâches (arrêt du Tribunal fédéral 8D_2/2018 du 21 février 2019 consid. 6.2).

Pour qu'un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n'est pas la forme de l'acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1053/2018 du 9 octobre 2018 consid. 1c ; ATA/509/2016 du 14 juin 2016 consid. 4c).

2.4 En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA – RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, soit les actes dont l'adoption n'ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 ; ATA/1502/2017 du 21 novembre 2017). En outre, ce n'est pas la forme de l'acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/657/2018 du 26 juin 2018 consid. 3b ; ATA/180/2018 du 27 février 2018 et les références citées).

2.5 Un acte matériel est défini comme un acte qui n'a pas pour objet de produire un effet juridique, même s'il peut en pratique en produire, notamment s'il met en jeu la responsabilité de l'État (ATA/354/2017 du 28 mars 2017 consid.3a ; ATA/549/2016du 28 juin 2016 consid. 2d ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd. 2012, p.12ss; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 52 ; également MGC 2007-2008/XI 1 A p. 10926). Les mesures internes, qui organisent l'activité concrète de l'administration, sont assimilables aux actes matériels de celle‑ci. Il en résulte qu'elles ne peuvent être attaquées en tant que telles par des recours, qui ne sont en principe ouverts que contre des décisions, voire contre des normes (ATA/549/2016 précité consid. 2d ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n.666).

2.6 Aux termes de l'art. 4A LPA - intitulé « droit à un acte attaquable » -, toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations : s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a), élimine les conséquences d'actes illicites (let. b), constate le caractère illicite de tels actes (let. c ; al. 1) ; l'autorité statue par décision (al. 2).

Ces deux alinéas correspondent aux al. 1 et 2 de l'art. 25a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) qui a été introduit par le législateur pour garantir l'accès au juge prévu par l'art. 29a Cst., sauf le fondement sur le droit cantonal ou communal (ATA/114/2019 du 5 février 2019 consid. 2d ; ATA/76/2017 du 31 janvier 2017 consid. 3d).

2.7 Selon l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, de par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. La norme constitutionnelle étend le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques. Il s'agit en particulier de contestations portant sur les droits et les obligations de personnes physiques ou morales (ATF 143 I 344 consid. 8.2). Ces droits et obligations ne découlent pas de la garantie de l'accès au juge elle-même, mais de ceux et celles que confère ou impose à l'intéressé un état de fait visé, notamment, par la Cst., la loi ou encore une ordonnance (ATF 136 I 323 consid. 4.3). L'art. 29a Cst. garantit l'accès à un juge disposant d'un pouvoir d'examen complet des faits et du droit (ATF 137 I 235 consid. 2.5). Elle ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action (ATF 143 I 344 consid. 8.2). Elle ne s'applique toutefois pas, notamment, aux actes internes de l'administration qui n'ont pas le caractère d'une décision (ATF 143 I 336 consid. 4.2).

2.8 Dans un arrêt ATA/1324/2019 du 3 septembre 2019, la chambre de céans a déclaré irrecevable le recours d'un détenu formé contre un refus de lui accorder le droit de disposer de son propre ordinateur, de sa « PlayStation » et de lui louer un ordinateur. Ce refus ne constituait pas une décision mais une mesure d'organisation interne à la prison, liée au statut même de détenus, soit des personnes privées de certaines libertés et ayant un rapport de droit spécial avec l'État et son administration.

2.9 En l’espèce, les explications du recourant concernant ce qu’il reproche à la Brenaz sont confuses. On comprend de ses écritures qu’il souhaiterait que certains de ses codétenus soient déplacés et mis dans une autre unité, afin de le protéger d’une attaque imminente de leur part qu’il ne peut pas prouver car les lettres décrivant les faits se seraient trouvées dans sa cellule et avaient été régulièrement subtilisées.

Or, le déplacement de détenus au sein du centre de pénitencier, relève de son organisation interne. En effet, la Brenaz doit pouvoir librement décider de la façon dont elle place les détenus et dans quelles unités. Elle doit notamment faire face à des contraintes de place, de sorte que la façon dont elle gère de manière générale le placement des détenus ne saurait constituer une décision. Elle ne concerne au demeurant pas directement le recourant, puisqu’elle ne crée ou modifie pas des droit ou obligations envers ce dernier et est dès lors exorbitante au présent litige.

Les conclusions en relation avec ces mesures sont dès lors irrecevables.

3.             L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1re phr. LPA).

3.1 Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2b et les arrêts cités).

3.2 En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision de sanction infligée le 8 février 2024. Cela étant, il a exposé qu’il s’y opposait, ce qui est suffisant pour comprendre qu'il est en désaccord avec cette décision et souhaite son annulation.

3.3 Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire ou de demande de libération conditionnelle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consis. 2 ; ATA/498/2022 du 11 mai 2022 consid. 2 ; ATA/50/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2).

Le recours est donc recevable à l’encontre de la décision de sanction du
8 février 2024.

4.             Le recourant sollicite que les images de vidéosurveillance pour la période du
2 février au 9 mars 2024 soient produites.

4.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

4.2 En l’espèce, le recourant n’indique pas ce que les images de vidéosurveillance seraient de nature à démontrer, mais se contente d’en demander la production. Or, au vu de ce qui précède, seule reste litigieuse la question de la validité de la sanction du 8 février 2024. Les images de vidéosurveillance ne permettraient ainsi pas d’apporter d’élément qui résoudrait le litige, puisqu’il n’est pas contesté que le recourant n’est pas allé travailler le 8 février 2024.

Il sera dès lors renoncé à ces mesures d’instruction.

5.             L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la sanction du 8 février 2024.

Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

6.             Le recourant conteste le bien-fondé de la sanction de deux jours de suppression d’activités.

6.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

6.2 Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/917/2023 du 29 août 2023 consid. 4.2 ; ATA/43/2019 du 15 janvier 2019).

6.3 En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/52/2023 du
20 janvier 2023 consid. 7b ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c).

6.4 En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 
130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1198/2021 du
9 novembre 2021 consid. 3b).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/1005/2023 du 15 septembre 2023 consid. 3.2), sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 (LOPP ‑ F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

6.5 Aux termes de l’art. 46 du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), applicable à la Brenaz (art. 1 let. c REPSD), si une personne détenue enfreint le REPSD ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (al. 2).

6.6 Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du REPSD, les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention, ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

La personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (art. 43 REPSD).

Aux termes de l’art. 35 REPSD, les personnes condamnées sont astreintes au travail, conformément à l'art. 81 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

6.7 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

6.8 En l’espèce, le recourant admet ne pas avoir été travailler le 8 février 2024. Il ne donne aucune explication supplémentaire que celle fournie lors de son audition le jour-même, à savoir qu’il avait une rage de dent. Aucun certificat médical ne figure au dossier, malgré le fait qu’il indique avoir fait appel au SMP et que lors de ses autres absences, il avait su produire un certificat afin que la sanction soit annulée. Son absence n’a ainsi pas été justifiée.

Le recourant ayant l’obligation d’aller travailler et n’étant pas en mesure de justifier son refus, c’est à juste titre que l’intimé a retenu une violation du règlement.

Le principe d’une sanction est acquis.

Le recourant ne conteste pas le type ou la quotité de la sanction. La suppression de certaines activités (formations, sports, loisirs et repas en commun) durant deux jours est, dans tous les cas, proportionnée au vu du comportement du recourant qui ne peut être toléré en régime carcéral. Le maximum autorisé de ce type de sanction étant de trois mois, deux jours semblent appropriés pour ne pas s’être rendu, sans excuse, au travail.

La sanction contestée était apte à atteindre le but d’intérêt public au respect de l’ordre et de la sécurité au sein de l’établissement, nécessaire pour ce faire et proportionnée au sens étroit, l’intérêt public au bon fonctionnement de l’établissement au respect de la loi (art. 81 CP) primant l’intérêt privé du recourant à pouvoir bénéficier de formations, sports, loisirs et repas en commun pendant deux jours.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

7.             La procédure est gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure au recourant qui au demeurant s’est défendu en personne (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 21 février 2023 par A______ contre les décisions des 9 décembre 2023 et 8 février 2024 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'établissement fermé de la Brenaz.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MEYER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :