Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1753/2016

ATA/354/2017 du 28.03.2017 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1753/2016-PRISON ATA/354/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2017

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Madame Chrystel Nabor, curatrice

contre

OFFICE CANTONAL DE LA DÉTENTION

et

ÉTABLISSEMENT DE CURABILIS

et

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE

et

DÉPARTEMENT DE L’EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1. M. A______ a été incarcéré au sein de l’établissement de Curabilis (ci-après : Curabilis ou l’établissement) depuis le 2 juillet 2014, une mesure de traitement thérapeutique institutionnel ayant été prononcée par la chambre d’accusation de la Cour de justice le 26 mai 2009 et prolongée par le Tribunal d’application des peines et des mesures le 21 mars 2013.

2. Par acte daté du 15 mai 2016 et expédié au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le
17 mai 2016, M. A______ a formé cinq recours regroupés en un seul acte.

Premièrement, le 18 avril 2016, le surveillant chef – ou gardien chef – était venu lui annoncer une sanction pécuniaire. Le même jour, M. A______ avait écrit à la direction, d’une part en réitérant sa demande de sauvegarde de la vidéo surveillance du 16 avril 2016, d’autre part, en intimant à la direction, avec une « mise en demeure formelle de 48 h » de lui fournir, conformément à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le dossier complet de ladite sanction, lequel devait contenir les moyens de preuves de l’accusation et lui octroyer un délai pour faire usage de son droit d’être entendu, étant donné que le surveillant chef n’avait fait que lui signifier oralement la sanction pécuniaire sans même nommer le montant de celle-ci. Même si, à ce jour, aucun prélèvement n’avait été fait selon les extraits de compte fournis par la direction, celle-ci n’avait pas répondu à sa mise en demeure ni n’en avait accusé réception, ni annulé ladite sanction par écrit. C’est pourquoi, considérant que cette « sanction pécuniaire » avait encore cours, il déposait un recours à son encontre.

Deuxièmement, le même 16 avril 2016, la sous-chef était venue annoncer à M. A______ qu’il resterait confiné dans sa cellule jusqu’au lendemain, refusant de lui dire qui avait pris cette décision ni pourquoi il ne pouvait pas être entendu. Le même jour, M. A______ a écrit à la direction en lui intimant, avec une « mise en demeure formelle », de lui expliquer dans les quatre jours qui avait pris cette décision et pour quel motif. N’ayant pas reçu de réponse de la direction et en déduisant que c’était celle-ci qui avait décidé la sanction du 16 avril 2016,
M. A______ a déposé recours contre celle-ci.

Troisièmement, toujours le 16 avril 2016, deux « soi-disant » gardiens l’avaient agressé physiquement. Le même jour, il avait demandé la sauvegarde de la vidéo-surveillance du jour et déposé, à l’encontre de ces deux individus, une plainte administrative auprès de la direction, donnant à celle-ci deux semaines pour se prononcer, voire le contacter concernant sa plainte (« mise en demeure formelle »), faute de quoi il devrait en déduire que la direction refusait de poursuivre son personnel et devait en conséquence s’adresser à la chambre administrative. Un « constat médical de lésions traumatiques » avait été établi par un médecin et transmis à la direction ; c’était le onzième constat médical de brutalités de la part des « gardiens » sur sa personne en moins de deux ans. La direction refusant obstinément d’agir, il déposait recours contre la décision de refuser de poursuivre le personnel et déliait du secret médical le personnel médical et soignant concernant les « constats médicaux de lésions traumatiques ».

Quatrièmement, le 28 avril 2016, il avait écrit au directeur général des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), lui demandant, en tant qu’autorité administrative, de se prononcer sur la légalité de la décision prise par une de ses employées, une infirmière, de le priver de médicaments prescrits par le médecin responsable – en l’occurrence des antalgiques – et de lui avoir fait à deux reprises des « doigts d’honneur », le 16 avril 2016. Il annonçait audit directeur général que la vidéo-surveillance et plusieurs témoins prouveraient ses accusations et l’intimait, avec une « mise en demeure formelle » de vingt-et-un jours depuis le 21 avril 2016 d’y répondre, à défaut de quoi il déduirait que le destinataire de sa mise en demeure renonçait à toute sanction et considérait le comportement de l’infirmière comme illicite. Bien que sa lettre avait été envoyée en recommandé, il n’avait même pas reçu un accusé de réception des HUG. Il déposait donc un recours contre le refus de sanctionner un comportement fautif, adopté par le directeur général de ceux-ci.

Cinquièmement, le 7 avril 2015, il avait écrit au conseiller d’État en charge du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : DEAS), lui demandant son intervention en tant qu’autorité administrative sur la base des art. 4 et 5 LPA, car le personnel médical de Curabilis, dépendant de son dicastère, refusait obstinément de respecter ses droits de patient, tel qu’avoir un deuxième avis médical, un accès à son dossier médical et recevoir les soins auxquels il avait droit. Il intimait audit conseiller d’État, par une « mise en demeure officielle », de répondre favorablement dans les trente jours, faute de quoi il en déduirait que sa réponse était négative et serait forcé de recourir auprès de la chambre administrative. Bien que sa lettre ait été envoyée en recommandé, il n’avait même pas reçu d’accusé de réception. « Détail cocasse » : il aurait dû recevoir une infiltration dans son poignet droit le 27 mars 2016 mais celle-ci avait finalement été programmée pour le 4 mai 2016 ; l’intervention avait toutefois été annulée en raison de problèmes organisationnels ; on lui avait alors confirmé que cette intervention aurait lieu le 2 juin 2016, ce qui s’était effectivement passé. Il déposait un recours contre la décision du conseiller d’État en charge du DEAS d’approuver la violation de ses droits en tant que patient, exprimé par son refus de sanctionner les comportements dénoncés et même de les condamner.

Pour toutes ces mises en demeure, il avait conservé les accusés de réception dûment signés par le personnel pénitentiaire dans les formulaires de suivi de ces courriers.

3. Dans sa réponse du 1er juillet 2016, sous la signature de son directeur, l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD) a conclu à l’irrecevabilité du recours de M. A______ subsidiairement à son rejet.

Tout d’abord, était mise en doute la capacité de discernement et donc la capacité d’ester en justice de M. A______.

Le premier recours du recourant avait trait à un événement qui faisait l’objet de la cause A/1317/2016, ouverte par recours formé le 24 avril 2016.

L’événement visé par le deuxième recours avait d’ores et déjà fait l’objet de la cause A/1318/2016, suite au recours formé le 24 avril 2016 par M. A______.

S’agissant du contexte actuel relatif aux événements du 16 avril 2016, tel que notamment visé par le troisième recours, il était renvoyé aux observations de l’OCD du 16 juin 2016 dans la cause A/1318/2016. Concernant ces événements, étaient présentées des allégations de l’OCD dans sa réponse et produit un rapport d’incident d’une sous-chef de Curabilis du 16 avril 2016. Il ressort de ce dernier document ce qui suit : « 15h20, M. A______, mécontent de ne pas avoir reçu son traitement médical à 15h00, tenait des propos insultant à l’égard du personnel ; sa répondante l’avait alors informé que vu son comportement inacceptable il devrait "se poser en chambre" jusqu’au repas du soir et qu’il recevrait ses soins à ce moment-là ; l’intéressé, s’indignant de cette "mesure autoritaire et tortionnaire", avait décidé de s’assoir sur sa chaise au seuil de la porte de sa cellule pour empêcher la fermeture de celle-ci ; à 15h27, la sous-chef, accompagnée de deux agents de détention et de deux infirmières dont la référente de M. A______, lui avait réitéré la décision médicale et lui avait demandé de se reculer du seuil pour que la porte puisse être fermée ; le recourant avait refusé et résisté en s’accrochant au chambranle de celle-ci ; la chaise ayant été tirée par le personnel, il avait continué à s’accrocher, se mettant debout, hurlant et criant ; le personnel l’avait fait reculer, il s’était laissé tomber en position assise en agrippant une des chevilles d’un agent ; le personnel avait dégagé ses mains de cette cheville et repoussé M. A______ un peu plus loin dans la cellule, qui avait été fermée ; l’intervention, qui s’était faite dans le calme, de manière proportionnée et sans violence, avait pris fin à 15h32.

Le quatrième recours de M. A______ avait trait au même contexte que celui visé par la cause A/1318/2016, et notamment aux faits susmentionnés.

Concernant le cinquième recours de M. A______, une plainte administrative avait été déposée par celui-ci sur le même thème à l’intention du conseiller d’État en charge du département de la sécurité et de l’économie
(ci-après : DSE), plainte à propos de laquelle celui-ci s’était déterminé par courrier du 9 juin 2016. À teneur de ce courrier, lors du transfert avorté de
M. A______ du 4 mai 2016, le dispositif d’accompagnement (des agents qui auraient dû l’amener à l’hôpital à l’extérieur de Curabilis) avait été déployé sur un autre site, si bien que le rendez-vous avec le prestataire de soins médicaux avait dû être reporté à une date ultérieure, l’intervention n’étant au demeurant pas urgente du point de vue médical ; les soins programmés, qui avaient pu être obtenus lors d’une conduite qui avait eu lieu le 2 juin 2016, avaient donc été prodigués et le retard avait pu être corrigé ; ledit courrier ne valait pas décision au sens de l’art. 4 al. 1 LPA.

4. Le 11 juillet 2016, les observations du 1er juillet 2016 de l’OCD et le bordereau de pièces y afférent ont été transmis par la chambre administrative au recourant, chez sa curatrice au service des tutelles d’adultes, une copie étant également adressée au recourant personnellement à Curabilis.

Le directeur de la prison de Champ-Dollon s’est adressé à la chambre administrative le 17 août 2016, sollicitant le renvoi du même courrier que celui expédié le 11 juillet 2016. Dans le contexte d’un transfert de M. A______ à la prison de Champ-Dollon le 30 juin 2016, le courrier et ses annexes transmis par la chambre administrative à l’intéressé personnellement, avait été ouvert par le personnel d’un des deux établissements de détention, alors qu’en principe les courriers des autorités judiciaires devaient être remis fermés aux détenus.
M. A______ avait accepté de ne pas entreprendre d’autres démarches (plainte pénale) à la condition d’une prise de contact de la prison de Champ-Dollon avec la chambre administrative. Selon les dires de celle-ci, M. A______ n’avait pas enlevé les agrafes et n’avait pas pris connaissance du contenu de la missive.

Y donnant une suite favorable, la chambre administrative a, le 22 août 2016, transmis à M. A______, à la prison de Champ-Dollon, une copie de l’intégralité de sa correspondance du 11 juillet 2016 et de ses annexes ainsi que du courrier de la prison du 17 août 2016.

5. Par écriture du 1er septembre 2016, la curatrice de M. A______, intervenante en protection de l’adulte au service de protection de l’adulte, a ratifié le recours de M. A______, sans pour autant s’associer à son contenu et n’ayant pas d’observations à formuler.

6. Par lettre du 30 septembre 2016, le recourant n’ayant personnellement pas formulé d’observations, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

7. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

 

EN DROIT

1. Les questions de savoir si les cinq recours de M. A______ ont été interjetés en temps utile devant la juridiction compétente (art. 74 du règlement de l’établissement de Curabilis du 19 mars 2014 - RCurabilis - F 1 50.15 ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62
al. 1 let. a LPA) et si un tel regroupement est admissible peuvent demeurer indécises, pour les motifs qui suivent.

2. Il en va de même des questions en lien avec la capacité de discernement du recourant et de sa capacité d’ester en justice, invoquée par l’OCD.

3. a. Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Quant aux décisions fondées sur l’art. 4A LPA, elles portent sur des actes illicites de l’autorité compétente, qui sont fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et qui touchent les droits ou obligations d’une personne ayant un intérêt digne de protection (art. 4A
al. 1 LPA). Selon l’art. 4 al. 4 LPA, lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision.

Un acte matériel est défini comme un acte qui n’a pas pour objet de produire un effet juridique, même s’il peut en pratique en produire, notamment s’il met en jeu la responsabilité de l’État (ATA/549/2016 du 28 juin 2016 consid. 2d ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif,
vol. 1, 3ème éd. 2012, p. 12 s ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 52 ; cf. également MGC 2007-2008/XI 1 A - 10’926). Les mesures internes, qui organisent l’activité concrète de l’administration, sont assimilables aux actes matériels de celle-ci. Il en résulte qu’elles ne peuvent être attaquées en tant que telles par des recours, qui ne sont en principe ouverts que contre des décisions, voire contre des normes (ATA/549/2016 précité consid. 2d ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 666).

b. Le droit administratif connaît les principes de la force et de l’autorité de la chose jugée ou décidée. Une décision administrative prise par une autorité ou un jugement rendu par un tribunal devenus définitifs par l’écoulement du délai de recours ou par l’absence de toute autre possibilité de recours ordinaire, notamment, ne peuvent plus être remis en cause devant une autorité administrative ou judiciaire (ATA/1007/2015 du 29 septembre 2015 consid. 3a ; ATA/268/2014 du 15 avril 2014 consid. 7 ; ATA/168/2013 du 12 mars 2013 ; ATA/480/2012 du
31 juillet 2012 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_699/2012 du
19 novembre 2012). L’exception de chose jugée doit être considérée comme une condition de recevabilité de l’action (Prozessvoraussetzung), de sorte que, si l’exception est admise, la demande est irrecevable (ATA/1007/2015 précité consid. 3c ; ATA/685/2010 du 5 octobre 2010 ; ATF 105 II 159 consid. 4).

c. L’ouverture d’office de la procédure, voire le dépôt d’une requête ou d’un recours – même auprès d’une autorité incompétente si celle-ci doit transmettre d’office la cause à l’autorité compétente – a notamment pour effet de créer la litispendance. Elle fait naître un rapport de droit procédural entre l’autorité compétente et les parties, qui les contraint toutes deux à respecter les principes de la procédure et l’autorité à se saisir de l’affaire pour la conduire à un terme (décision) ; elle offre aussi aux parties la possibilité de soulever une exception à cet égard. En pratique, ce moyen est rarement invoqué par les parties puisque l’autorité doit constater la litispendance d’office lorsqu’elle procède à l’examen des conditions de recevabilité. La litispendance prend fin avec le terme formel de la procédure, c’est-à-dire par le prononcé d’une décision ou d’un jugement au fond, ou par celui d’une décision de procédure lorsque l’une des conditions préalables au prononcé d’une décision au fond fait défaut, ou encore quand les parties transigent (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 126 et 217, et les références citées).

4. En l’espèce, pour ce qui est du premier recours, force est de constater, comme l’OCD l’a fait, que son objet – recours après une « mise en demeure » à la direction de Curabilis à la suite d’une annonce de « sanction pécuniaire » qu’aurait prononcé oralement le surveillant-chef le 18 avril 2016 à l’intention du recourant – est le même que celui qui est traité par la chambre de céans dans la cause A/1317/2016, qui est du reste tranché par arrêt de ce jour.

Il y a donc exception de litispendance à l’encontre de la cause A/1753/2016 par rapport à la cause A/1317/2016, ce qui conduit à l’irrecevabilité du premier recours inscrit sous le numéro de cause A/1753/2016.

5. L’objet du deuxième recours – confinement du recourant dans sa cellule le 16 avril 2016 selon l’annonce de la sous-cheffe, suivi d’une lettre de « mise en demeure formelle » à la direction pour savoir qui avait pris cette « décision » et pourquoi, restée sans réponse – est le même que celui de la cause A/1318/2016, qui a été tranchée par l’ATA/220/2017 du 21 février 2017, selon lequel la mesure prise le 16 avril 2016 par les agents de détention n’était pas une décision sujette à recours, d’où l’irrecevabilité du recours.

Audit ATA/220/2017 est attachée l’autorité de chose jugée, l’exception de chose jugée devant dès lors être opposée au deuxième recours pendant dans la présente cause, ce qui entraîne son irrecevabilité.

6. a. Le troisième recours s’insère dans le même contexte que celui du deuxième, mais n’a pas déjà fait l’objet d’un recours devant la chambre administrative, voire d’un arrêt de celle-ci.

b À teneur de l’art. 73 RCurabilis, en tout temps, la personne détenue peut adresser, sous pli fermé, une pétition ou une dénonciation au directeur de Curabilis, au directeur général des HUG, à l’autorité de placement, au directeur général de l’OCD, au chef du département, au chef du département chargé de la santé, à la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil, aux autorités judiciaires ou à toute autre autorité (al. 1) ; la personne détenue peut également adresser en tout temps, sous pli fermé, une plainte à l’autorité compétente (al. 2) ; le directeur de Curabilis est l’autorité compétente en matière de plainte contre le personnel rattaché à l’OCD (al. 3) ; le directeur général des HUG est l’autorité compétente en matière de plainte contre le personnel rattaché aux HUG (al. 4) ; le directeur général de l’OCD est l’autorité compétente en matière de plainte contre le directeur de Curabilis ou contre les conditions de détention ; à réception de la plainte, celle-ci est communiquée au directeur de Curabilis en invitant ce dernier à produire, dans les vingt jours, ses observations et toute pièce en rapport avec les faits dénoncés (al. 5) ; l’autorité compétente diligente une enquête en procédant à toute mesure d’instruction utile et en dressant un procès-verbal de tous les actes d’enquête effectués (al. 6) ; l’autorité compétente peut refuser d’ouvrir une enquête si la plainte est manifestement mal fondée ou abusive ; elle en informe le plaignant (al. 7) ; le plaignant n’a pas qualité de partie à la procédure mais est informé par écrit de la suite donnée à sa plainte (al. 8) ; les conclusions de l’enquête ou le refus de donner suite à une plainte ne peuvent pas faire l’objet d’un recours (al. 9).

De jurisprudence constante, le dénonciateur n’a pas qualité de partie dans une procédure disciplinaire. Il ne possède aucun droit à une décision, de sorte que s’il n’est pas donné suite, il n’est pas atteint dans ses intérêts personnels (ATA/602/2016 du 12 juillet 2016 consid. 3 ; ATA/418/2016 du 24 mai 2016 ; ATA/300/2016 du 12 avril 2016 et les références citées).

c. Dans le cas présent, le recourant semble reprocher à la direction de ne pas avoir pris de décision à la suite des faits qu’il a dénoncés, singulièrement de ne pas avoir sanctionné disciplinairement les deux gardiens qui l’auraient brutalisé. Dans ces conditions, la situation du recourant est celle d’un dénonciateur. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, faute de droit à obtenir une décision de l’autorité, il ne peut se prévaloir d’aucun intérêt digne de protection en cas de refus de statuer (dans ce sens, ATA/602/2016 précité consid. 4).

Selon l’OCD, le refus de donner suite à ce type de plainte ne peut donner lieu à un recours au sens de l’art. 73 al. 9 RCurabilis. Aussi, le refus de statuer de l’établissement ne peut être considéré comme une décision virtuelle de refus. De plus, toujours selon l’OCD, ce n’est pas sans motif que l’établissement n’a pas donné suite à la plainte litigieuse, dans la mesure où le rapport d’incident du
16 avril 2016 fait état d’un usage de la force proportionné et justifié au regard du comportement récalcitrant du recourant.

Le défaut de l’information au plaignant du refus d’ouvrir une enquête, pourtant prescrite par l’art. 73 al. 7 RCurabilis, a en tout état de cause été réparé par la prise de position et les explications formulées par l’OCD dans sa réponse (dans ce sens, ATA/602/2016 précité consid. 4).

Ce troisième recours est donc irrecevable (dans ce sens, ATA/602/2016 précité consid. 5).

7. Les quatrième et cinquième recours font suite à une absence alléguée de réponses du directeur général des HUG, respectivement du conseiller d’État en charge du DEAS, aux mises en demeure que le recourant leur aurait adressées en raison de reproches faits à des collaborateurs de ces institutions.

Les considérants relatifs au troisième recours valent pour ces deux derniers recours. Conformément à l’art. 73 al. 8 et 9 RCurabilis, le recourant, plaignant, n’a pas qualité de partie à la procédure et le refus de donner suite à sa plainte ne peut pas faire l’objet d’un recours.

Pour ce motif, ces quatrième et cinquième recours sont d’emblée irrecevables, sans qu’il y ait lieu de requérir les déterminations des HUG, respectivement du DEAS (art. 72 LPA).

8. En définitive, tous les recours du recourant sont irrecevables.

9. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevables les cinq recours interjetés par M. A______ et contenus dans son acte daté du 15 mai 2016 et expédié au greffe de la chambre administrative le 17 mai 2016 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame Chrystel Nabor, curatrice de M. A______, à l’office cantonal de la détention, à l’établissement de Curabilis, aux Hôpitaux universitaires de Genève, au département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, ainsi qu’à M. A______, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :