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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3468/2018

ATA/114/2019 du 05.02.2019 ( DIV ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3468/2018-DIV ATA/114/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 février 2019

 

dans la cause

 

M. A______

contre

AUTORITÉ CANTONALE DE SURVEILLANCE DES FONDATIONS ET DES INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE



EN FAIT

1. La Fondation genevoise « B______ » pour la coopération et le développement (ci-après : la fondation) est une fondation de droit suisse dont le siège est à Genève, constituée le ______ 2010, par MM. C______ et D______ et Mme C______, tous trois également initialement membres du conseil de fondation (ci-après : conseil). La fiduciaire E______ SA (ci-après : E______) en était l’organe de révision.

Selon ses statuts, la fondation a pour but d’effectuer des dons en faveur de projets humanitaires initiés dans le canton de Genève et liés à l’aide au développement en faveur des populations démunies (art. 2).

2. M. A______ a été employé par la fondation dès sa création pour un salaire annuel brut de CHF 120’000.- afin d’accomplir toutes démarches susceptibles d’encourager des dons, des subventions et des allocations liées à l’activité de la fondation.

3. Le 23 mars 2010, la fondation a été inscrite au registre du commerce
(ci-après : RC) de Genève. M. C______ disposait de la signature individuelle en tant que membre président du conseil et M. A______ était mis au bénéfice d’une procuration individuelle, sans fonction particulière mentionnée.

4. Par décision du 16 avril 2010, le service de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance, devenu depuis lors l’autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (ci-après : ASFIP), a assujetti la fondation à sa surveillance.

5. Le 27 août 2010, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a exonéré de l’impôt la fondation à compter de la période fiscale 2010.

6. Le 1er décembre 2011, M. C______ a constitué l’F______(ci-après : association).

Le 2 décembre 2011, la fondation a consenti à l’association un prêt de
CHF 200’000.- sans intérêts, remboursable au plus tard le 1er décembre 2020.

Le 8 février 2012, l’association a été inscrite au RC. M. C______ disposait de la signature individuelle en tant que membre président et M. A______ d’une procuration individuelle, sans fonction particulière mentionnée.

7. Le 5 mars 2013, la fondation a conclu avec M. A______ un contrat aux termes duquel elle lui prêtait, pour le compte de la société G______ LLC (ci-après : G______) sise au Delaware, dans le but de la capitalisation de la société H______ SA (ci-après : H______) – laquelle a été radiée du RC ultérieurement, le 27 octobre 2015 –, un montant de CHF 150’000.- portant intérêts à 2.5 % l’an, remboursable à raison de CHF 3’000.- par mois, y compris les intérêts, sur une période d’au moins cinquante mois.

8. Pour les exercices 2010, 2011, 2012 et 2013, les comptes de la fondation ont fait l’objet de rapports de l’organe de révision. Ceux concernant 2010 ont été signés par M. A______, ceux portant sur 2011 et 2012 par M. C______.

9. Le 5 novembre 2013, M. A______ est devenu membre du conseil et a été inscrit à ce titre au RC avec signature individuelle.

10. Parallèlement, à partir de 2012, l’ASFIP a sollicité des documents ainsi que des renseignements, voire formulé des critiques, relativement à différents sujets, notamment concernant les comptes, et a échangé des courriers avec la fondation.

11. Le 14 septembre 2015, la fondation a en particulier répondu à l’ASFIP que le compte « fondateur » avait été créé pour rectifier de manière rétroactive une erreur, courante en comptabilité, dans les comptes de l’exercice 2010, qui mentionnaient, sous l’appellation erronée « dons reçus », le montant de
CHF 701’503.01. Par ailleurs, étant donné que M. A______ représentait divers investisseurs étrangers en Suisse à titre fiduciaire, un prêt avait été accordé à G______ qui avait, à son tour, financé les activités de développement d’un logiciel de négoce utilisable pour des loteries, dont la valeur devait être déterminée au moyen d’une expertise au plus tard à la fin du mois de mars 2016. H______ avait effectué le développement du logiciel et avait livré la disquette physique le contenant à la fondation en garantie des deux prêts accordés.

12. Le 25 septembre 2015, E______ a établi le rapport de révision sous contrôle restreint de la fondation pour l’exercice 2014. En l’état, aucune opinion de contrôle ne pouvait toutefois être émise au regard des divergences de vue entre l’ASFIP et le conseil sur ce point.

Les comptes 2014 faisaient état d’un résultat négatif, de – CHF 8’262.97.

13. Le 5 octobre 2015, le conseil a approuvé ces comptes, indiquant que la fondation, dont l’activité avait été déficitaire en 2014, n’avait effectué des dons que par CHF 350.-.

14. Le 15 octobre 2015, l’ASFIP a transmis à la fondation une note relative à la séance s’étant tenue la veille dans ses locaux en présence des membres du conseil.

Elle l’invitait notamment, d’ici au 30 novembre 2015, à procéder à diverses modifications dans ses comptes.

15. Par courriel du 15 octobre 2015, M. A______ a remercié l’ASFIP pour la séance de la veille, qui s’était révélée constructive. Il confirmait différents points de leurs discussions, ainsi que le fait que E______, dont les employés étaient désormais à la retraite, serait remplacée lors de l’exercice 2015.

16. Le 18 novembre 2015, E______ a établi le rapport de révision rectifié de la fondation pour l’exercice 2014, qui mentionnait deux réserves, l’une concernant le prêt à M. A______ et les intérêts y relatifs, dont les remboursements prévus n’avaient pas eu lieu, l’autre celui consenti à l’association et le montant de
CHF 186’000.- provisionné.

17. À compter du 19 novembre 2015, I______ SA (ci-après : I______) a remplacé E______ en tant qu’organe de révision de la fondation et a été inscrite à ce titre au RC.

18. Le 24 novembre 2015, le conseil a approuvé les comptes 2014. L’activité de la fondation ayant été déficitaire, seuls des dons d’un montant de CHF 350.- avaient pu être effectués.

19. Le 8 juillet 2016, la fondation a requis de l’ASFIP un délai pour la remise des documents de l’exercice 2015, attestant qu’elle n’était pas en situation de surendettement, ce qui lui a été accordé le même jour pour le 30 septembre 2016.

S’en est suivi un échange de courriers entre M. A______ et ladite autorité.

20. Le 14 octobre 2016, I______ a indiqué à la fondation et à l’ASFIP que le projet de comptes pour l’exercice 2015 n’était pas correct pour avoir été établi sur la base du rapport de révision 2014 qui avait par la suite été modifié à la demande de l’ASFIP. Le compte « fondateur » devait ainsi apparaître non pas dans les fonds étrangers mais dans les fonds propres. Il en résultait que la fondation n’était plus en situation de surendettement.

21. Les 14 et 18 octobre 2016, M. A______ a écrit à l’ASFIP, requérant un délai en attendant que la situation soit clarifiée, délai qui lui a été accordé au
7 novembre 2016 par ladite autorité mais dont la prolongation a été refusée par celle-ci le 8 novembre 2016.

22. Par décision du 9 novembre 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’ASFIP a nommé M. J______ commissaire de la fondation avec signature individuelle, considérant que le conseil ne remplissait pas ses engagements envers la fondation, et a destitué tous les membres du conseil et révoqué leurs pouvoirs de représentation.

Cette décision a été notifiée par courrier recommandé aux membres du conseil.

La nomination de M. J______ et la destitution des membres du conseil ont fait l’objet d’une publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du ______ 2016, ainsi que dans la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) du ______ 2016.

23. Par courrier expédié le 25 novembre 2016, M. C______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision du l’ASFIP du 9 novembre 2016, indiquant qu’elle ne lui avait été communiquée que dans le cadre d’un courrier d’avertissement, et concluant à l’octroi d’un délai pour compléter son recours.

Le 8 décembre 2016, il a complété son recours, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, principalement à l’annulation de quatre (sic) décisions (non désignées et non fournies) de l’ASFIP et subsidiairement au renvoi du dossier à l’ASFIP pour nouvelles décisions au sens des considérants.

Ce recours a été inscrit sous le n° de cause A/4041/2016.

24. Par courrier recommandé du 11 janvier 2017, l’ASFIP a procédé à une nouvelle notification de sa décision du 9 novembre 2016 à M. C______ et aux autres membres du conseil.

Bien que cette décision ait été envoyée à ces destinataires par courrier recommandé, il était apparu que La Poste avait déposé ceux-ci dans leur boîte aux lettres en tant que courrier simple.

25. L’ASFIP a conclu au rejet du recours de M. C______.

26. Dans le cadre de ladite procédure A/1______, des audiences de comparutions personnelles des parties et d’enquêtes se sont tenues.

Notamment, le 28 juin 2017, M. A______ et une experte-comptable au sein de I______ ont été entendus à titre de témoins par le juge délégué de la chambre administrative.

27. Le 21 août 2017, I______ a rendu son rapport sur le contrôle restreint de la fondation pour l’exercice 2015, émettant plusieurs réserves. Le prêt consenti à
M. A______ et les intérêts y relatifs n’avaient pas été remboursés, de même que le prêt en faveur de l’association, dont la relation directe avec le but de la fondation n’avait du reste pas été documentée ni justifiée. De plus, aucune expertise d’évaluation d’un tiers compétent n’avait pu confirmer la valeur du logiciel remis en garantie de ces prêts.

Les comptes, joints, indiquaient un résultat négatif, de – CHF 31’705.14, le bilan mentionnant des titres par CHF 179’522.04 dans les actifs circulants.

28. Par décision du 13 septembre 2017 faisant suite à une demande de la fondation du 29 août 2017, le juge délégué a appelé en cause celle-ci, soit pour elle M. J______, considérant qu’elle était directement intéressée à l’issue du litige.

29. Le 28 novembre 2017 a eu lieu une audience de plaidoiries, au cours de laquelle les parties ont persisté dans les conclusions et les termes de leurs écritures respectives.

30. Par arrêt du 18 septembre 2018 (ATA/946/2018), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 25 novembre 2016 par M. C______ contre la décision de l’ASFIP du 8 (recte : 9) novembre 2016.

Malgré les arguments de M. C______, la création du compte « fondateur » et l’affectation à celui-ci de ce qu’il restait du montant initial de CHF 701’503.01 en 2013 constituait ainsi une rétrocession des biens de la fondation au recourant, ce qui ne pouvait être admis.

La gestion des biens de la fondation par M. C______ et les autres membres du conseil avait conduit à des pertes patrimoniales considérables depuis sa constitution, sans que son but ait jamais été atteint. Ce faisant, les intéressés n’avaient pas œuvré dans l’intérêt de la fondation et de ses bénéficiaires statutaires, mais en fonction de leurs intérêts personnels, agissant contrairement aux statuts et aux dispositions légales applicables.

À cela s’ajoutait que, malgré une prolongation de délai accordée le 8 juillet 2016, le conseil n’avait pas remis à l’autorité intimée les documents de l’exercice 2015 avant le 30 septembre 2016, indiquant même que la fondation n’était pas en état de surendettement, ce qui s’était pourtant révélé être le cas.

Face à ces éléments, l’autorité intimée n’avait d’autre choix que d’intervenir en vue de sauvegarder le patrimoine de la fondation afin que son but puisse être atteint. La destitution de l’ensemble des membres du conseil et la révocation de leurs pouvoirs de représentation se justifiait pleinement afin de sauvegarder le patrimoine de la fondation et d’assurer que ses biens soient utilisés conformément à leur destination, une mesure moins incisive n’étant pas envisageable en vue d’atteindre ce but.

31. Cet arrêt a fait l’objet d’un recours formé par M. C______ auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt précité (cause 5A_875/2018), lequel est toujours pendant.

32. Par acte expédié le 3 octobre 2018 à la chambre administrative, M. A______ a formé « recours contre une décision de [l’ASFIP] », citant comme « moyens de droit » les art. 4 al. « i & ii », 4A al. « vi » et 64 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) « ainsi que toute autre disposition prévue en droit », et concluant à ce que ladite chambre « [annule] le compte des pertes et profits et le bilan pour la [fondation] pour l’exercice 2015 daté du 21 août 2017, ainsi que l’annexe aux comptes étant daté du 3 avril 2017 », « [annule] à l’identique les comptes et bilan pour l’exercice 2016 » et « [annule] la destitution [de M. A______] du Conseil de la [fondation] et [réinstitue
M. A______] dans ses fonctions antérieures à la décision non conforme voire illicite de l’ASFIP du 9.11.2016 ».

Son recours était « totalement indépendant de toute autre affaire pendante, jugée ou en attente d’appel, concernant toute autre partie ou plusieurs parties impliquées dans une procédure [A/4041/2016] ou des procédures parallèles ou connexes avec celle-ci desquelles [il n’était] pas partie ».

Par lettre du 23 juillet 2018, M. A______ s’était adressé à l’ASFIP. Premièrement, faisant suite à sa destitution du conseil par la décision du
9 novembre 2016 contestée en justice (cause A/4041/2016), il y sommait ladite autorité d’annuler immédiatement les comptes annuels « illicites » pour les exercices 2015 et 2016 et de l’en informer dans ce sens dans un délai de dix jours. Le commissaire M. J______ aurait signé le 3 avril 2017 à la place du recourant, au nom et sans l’autorisation de celui-ci et sans disposer de pièces justificatives, avec l’aval de l’ASFIP, un bilan partiellement contesté et des comptes concernant la fondation pour l’exercice 2015 couvrant sa propre période d’activité bénévole de douze mois pour l’année 2015. Sans disposer de la comptabilité, le commissaire aurait apparemment « fait de même couvrant les [onze] mois [des fonctions du recourant au sein de la fondation] pour l’année 2016 ». Deuxièmement, vu la poursuite introduite par M. C______ par commandement de payer la somme de CHF 531’332.10 signifié à M. J______ et frappé d’opposition et étant donné que les membres de l’ASFIP apparaissaient avec la fondation et le réviseur I______ comme étant codébiteurs solidaires poursuivis dans le cadre de la même poursuite avec une date fixée par le créancier au 9 novembre 2016, M. A______ sommait l’ASFIP de lui confirmer, dans un délai de dix jours, « des mesures » qu’elle allait prendre, notamment dans un premier lieu la radiation et le remplacement du commissaire et du réviseur à la suite de l’annulation des bilans 2015 et 2016 de la fondation et, par conséquent et par ricochet, ceux pour 2017 qui le concernaient personnellement par le fait de ses fonctions de membre bénévole du conseil durant les années 2015 et 2016. Il sommait en outre les membres de l’ASFIP de se référer à leur propre situation d’incompatibilité au Conseil d’État pour trouver la solution adéquate dans un délai raisonnable.

Le recours concernait uniquement le « premier volet » de ce courrier, donc « concernant le problème du bilan mensonger » étant précisé que, vu ses fonctions au poste de responsable des opérations en 2015, il était l’unique responsable avec la présidence pour l’approbation des comptes pour 2015 et 2016. Le « deuxième volet » était soumis séparément au Conseil d’État.

Par lettre du 16 août 2018, avec copie à l’ASFIP et au conseil de
M. C______, M. A______ avait informé I______ de sa « demande formelle d’annulation des bilans et annexes relatifs aux exercices 2015-16-17, datée du
23 juillet 2018 » et adressée à l’ASFIP. Il avait en outre reproché au réviseur des manquements dans le contenu de son rapport du 21 août 2017 concernant le bilan pour l’exercice 2015, à savoir l’omission de préciser que le prêt qui lui avait été consenti l’était pour G______, la non-comptabilisation du contenu d’un coffre auprès d’une banque, l’indication selon laquelle les deux prêts consentis par la fondation n’avaient pas été justifiés comme étant en relation directe avec les buts de celle-ci, de même que des déclarations fausses faites par l’experte-comptable de I______ en sa qualité de témoin devant la chambre administrative le 28 juin 2017 concernant la question de ce qui était le dernier rapport de révision pour 2014, la disquette (pour le logiciel) devant servir au remboursement des prêts et la phrase dudit témoin « Par ailleurs, nous n’avons pas demandé à l’ASFIP un quelconque accord pour établir notre rapport », enfin des fausses indications dans le courriel adressé le 18 octobre 2016 par ladite experte-comptable à M. A______. Ces preuves accablantes confirmaient l’entière soumission de I______ aux pressions exercées sur elle par l’ASFIP qui utilisait pécuniairement l’organe de révision pour abuser de son pouvoir par l’entremise de son mandataire M. J______ qui serait probablement « le deuxième fusible à sauter », après I______. L’association à trois constituée de l’ASFIP, de M. J______ et de I______, ressemblant à une société simple, était financée avec des fonds détournés appartenant à M. C______, en parallèle avec le détournement du site marchand H______. Les copies du présent courrier seraient transmises à qui de droit et, dans l’intervalle, M. A______ demandait à I______ de lui transmettre les coordonnées de ses assureurs en responsabilité civile couvrant les dommages causés par ses organes et employés au civil et au pénal dans les dix jours, y inclus toute assurance couvrant les dommages causés aux sociétés domiciliées aux USA.

Par courrier du 21 août 2018, I______ avait, « par pure courtoisie », accusé réception de cette lettre de M. A______ dont les termes catégoriquement contestés étaient évidemment inacceptables tant au fond qu’à la forme, et avait réservé tous ses droits, y compris ceux d’agir par toute voie de droit utile contre M. A______.

L’ASFIP n’avait répondu ni à sa lettre du 23 juillet 2018, ni à celle du
16 août 2018, « ce qui [impliquait] d’office une décision présumée négative », raison du présent recours, en vertu de l’art. 4 al. 4 LPA.

M. A______ demandait à la chambre administrative d’examiner et constater les faits mentionnés dans ses deux lettres susmentionnées, pour connaître les faits survenus entre le 9 novembre 2016 et le 16 août 2018.

S’agissant des faits subséquents, un document original manquant depuis 2010, à savoir le procès-verbal d’assemblée générale (ci-après : AG) de la fondation du 14 octobre 2010, avait été signé et « légalisé » le 5 septembre 2018 à Genève par M. C______ et par M. D______. Ce document attestait, selon le recourant, la réalité de l’accord interne au sein de la fondation daté du
14 octobre 2010, qui démontrait l’existence d’un contrat de fiducie de facto conclu dans le but de préserver le capital avancé par le fondateur M. C______ en fin d’année 2010 de plus de CHF 700’000.- en stipulant que la fondation jouissait uniquement des revenus sur ce capital. Par ce fait, il était démontré que les comptes de la fondation devaient inclure, depuis sa création, le poste « compte courant fondateur » et que son refus de signer les comptes litigieux pour 2015 était justifié, ce qui rendaient erronées les raisons de sa destitution du conseil par l’ASFIP et que les comptes et bilans signés par M. J______ pour 2015 et probablement pour 2016 étaient mensongers et illicites.

En tant que liquidateur de la société genevoise H______ radiée en fin de mission, chargée de la réalisation et de la livraison du logiciel pour le compte de son actionnaire G______ et l’enseigne américaine K______ appartenant à G______, il soumettait à l’attention de la chambre administrative des pièces concernant en particulier le coffre auprès de la banque et le logiciel du site marchand H______. Les documents techniques concernant ce logiciel étaient disponibles pour être expertisés professionnellement et contradictoirement « sur toute demande des parties ». Le disque physique du site marchand était quant à lui actuellement « capté », voire détourné, par M. J______. Étaient mis en évidence les dangers existant à Genève dans des cas analogues concernant des coffres bancaires « captés » par des tiers.

Outre les pièces produites, les écritures et les comparutions personnelles des parties, l’ASFIP devant être représentée par son directeur Monsieur M______, dont la décision du 9 novembre 2016 qu’il avait signée seul était illicite parce qu’il ne disposait pas de la signature individuelle, M. A______ sollicitait l’audition, en qualité de témoins, de M. J______, d’un collaborateur de la banque dépositaire du coffre, de M. L______, collaborateur de l’ASFIP disposant de la signature collective à deux, d’un membre de la fiduciaire E______ ainsi que de l’experte-comptable de I______.

33. Par écriture du 9 novembre 2018 faisant suite à une demande de précision de la chambre administrative, M. A______ a répondu que la décision attaquée était la décision présumée négative, rejetant sa demande du 23 juillet 2018, comme indiqué dans son recours, le silence d’une autorité étant, en vertu de l’art. 4 al. 4 LPA, assimilé à une décision. L’hypothèse d’un déni de justice éventuel pourrait quant à elle être développée au cours de l’instruction selon ce qui serait avancé comme argument et plaidé par la partie intimée.

34. Dans ses observations du 19 novembre 2018, l’ASFIP a conclu à l’irrecevabilité du recours formé le 3 octobre 2018 par M. A______, subsidiairement à son rejet et à la confirmation de sa décision du 9 novembre 2016, le recourant devant être débouté de toutes autres ou contraires conclusions et condamné en tous les frais et dépens de la procédure.

À teneur de la loi sur la surveillance des fondations de droit civil et des institutions de prévoyance du 14 octobre 2011 (LSFIP - E 1 16) et du règlement d’organisation de l’ASFIP, la décision du 9 novembre 2016 avait été signée par la personne compétente, en l’occurrence le directeur de l’ASFIP.

Interjeté plus de trente jours après la décision du 9 novembre 2016, le recours de M. A______ était tardif, ce à quoi s’ajoutait sa mauvaise foi car il avait attendu l’issue du recours de M. C______ pour former son propre recours.

Suivait une argumentation juridique visant à soutenir sa décision du
9 novembre 2016.

35. Par observations reçues le 3 janvier 2019 par la chambre administrative, soit dans le délai imparti par celle-ci pour formuler d’éventuelles observations au fond, M. A______ a demandé qu’elle exige une réponse écrite adéquate de l’ASFIP afin qu’un débat contradictoire approprié puisse avoir lieu, a persisté dans sa demande d’audition de témoins et sollicité un « débat public de plaidoiries ».

Son recours ne concernait absolument pas la décision de destitution mais uniquement sa demande adressée le 23 juillet 2018 à l’ASFIP restée sans réponse.

Dans sa réponse, ladite autorité, embarrassée, ne répondait pas aux allégués et motifs de son recours, mais se concentrait de manière inappropriée sur la période antérieure à la date de sa destitution du 9 novembre 2016, « justifiée ou pas justifiée ».

36. Par pli du 9 janvier 2019, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger sur mesures d’instruction et au fond.

37. Par écriture spontanée du 12 janvier 2019, M. A______ a réitéré la demande d’audition de témoins formulée dans son recours ainsi que, « formellement et d’une manière claire et indiscutable », sa demande d’organisation d’un débat contradictoire dans le cadre d’une audience publique, en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral et de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Il a par ailleurs conclu à l’appel en cause de la fondation représentée par M. J______ ainsi que de I______.

38. Par lettre du 22 janvier 2019, la chambre administrative a transmis cette écriture pour information à l’intimée.

EN DROIT

1. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

Sauf exceptions prévues par la loi ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), elle statue sur les recours formés contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA (art. 132 al. 2 LOJ).

Saisie d’un recours, la chambre administrative applique le droit d’office. Elle est liée par les conclusions des parties, mais non par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/583/2016 du 8 juillet 2016 consid. 1b ; ATA/909/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2).

2. a. Aux termes de l’art. 59 LPA, sont, notamment, susceptibles d’un recours les décisions finales (let. a), les décisions par lesquelles l’autorité admet ou décline sa compétence (let. b), les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c).

b. En vertu de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

Toujours selon l’art. 4 LPA, sont également considérées comme décisions les décisions incidentes, les décisions sur réclamation ou recours, les décisions prises en matière de révision et d’interprétation (al. 2) ; lorsqu’une autorité rejette ou invoque des prétentions à faire valoir par voie d’action judiciaire, sa déclaration n’est pas considérée comme une décision (al. 3).

c. En vertu de l’art. 4 al. 4 LPA, lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision.

Une partie peut recourir en tout temps à la chambre administrative pour déni de justice ou retard non justifié, si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 132 al. 2 LOJ ; art. 62 al. 6 LPA). Toutefois, lorsque l’autorité compétente refuse expressément de rendre une décision, les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) imposent que le recours soit interjeté dans le délai légal, sous réserve éventuelle d’une fausse indication quant audit délai (arrêt du Tribunal fédéral 2P.16/2002 du 18 décembre 2002 consid. 2.2 ; ATAF 2008/15 consid. 3.2).

Pour pouvoir se plaindre de l’inaction de l’autorité, encore faut-il que l’administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l’obtention de la décision qu’il sollicite (ATA/199/2010 du 23 mars 2010 consid. 4).

Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1 ; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3 ; ATA/595/2017 précité consid. 6b ; ATA 716/2016 du 23 août 2016 consid. 5b).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c ; ATA/609/2016 du 12 juillet 2016 consid. 2). En effet, conformément à l’art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/595/2017 précité consid. 6c ; ATA/260/2017 du 3 mars 2017).

La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60
consid. 3.1.2 ; ATA/796/2014 du 14 octobre 2014 consid. 6).

Au stade de l’examen de la recevabilité, la chambre de céans doit examiner si la décision dont l’absence est déplorée pourrait faire l’objet d’un recours devant elle au cas où ladite décision avait été prise et si le recourant disposerait de la qualité pour recourir contre elle (ATA/947/2014 du 2 décembre 2014 consid. 7).

d. Aux termes de l’art. 4A LPA – intitulé « droit à un acte attaquable » –, toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l’autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations : s’abstienne d’actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a), élimine les conséquences d’actes illicites (let. b), constate le caractère illicite de tels actes (let. c ; al. 1) ; l’autorité statue par décision (al. 2).

Ces deux alinéas correspondent aux al. 1 et 2 de l’art. 25a PA – qui a été introduit par le législateur pour garantir l’accès au juge prévu par l’art. 29a Cst. –, sauf le fondement sur le droit cantonal ou communal (ATA/76/2017 du 31 janvier 2017 consid. 3d).

3. a. En l’espèce, la dernière conclusion prise dans l’acte de recours du recourant tend à l’annulation de sa destitution du conseil de la fondation et à sa « réinstitution » dans ses fonctions antérieures à la décision de l’intimée du
9 novembre 2016.

b. Dans sa réplique reçue le 3 janvier 2019 par la chambre de céans, l’intéressé indique que son recours ne concerne absolument pas cette décision.

Il a ainsi, par cette réplique, renoncé à sa conclusion visant la décision de l’ASFIP du 9 novembre 2016.

c. Au demeurant, il ressort de sa lettre à l’ASFIP du 23 juillet 2018 qu’à tout le moins à cette date, il connaissait la décision de cette autorité du 9 novembre 2016 le destituant de sa fonction de membre du conseil de la fondation.

Partant, son recours formé le 3 octobre 2018 devant la chambre administrative, soit près de deux ans après le prononcé de la décision du
9 novembre 2016, et, au demeurant, au-delà du délai légal de recours de trente jours (art. 62 al. 1 let. a LPA ; art. 32 let. b LSFIP) si celui-ci commençait le
23 juillet 2018, est en tout état de cause tardif et donc irrecevable s’il portait sur la décision de destitution du 9 novembre 2016.

4. a. Reste à examiner, d’office et librement, la recevabilité des autres conclusions du recours (ATA/1256/2018 du 22 novembre 2018), qui tendent exclusivement à l’annulation des comptes de la fondation pour les exercices 2015 et 2016.

b. Le recourant, membre destitué du conseil de la fondation, n’indique pas former un recours pour le compte de la fondation.

Au demeurant, même si tel était le cas, il ne serait pas fondé à le faire, n’ayant plus le pouvoir de représenter la fondation à la suite du prononcé de la décision du 9 novembre 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours par l’ASFIP, seul le commissaire ayant depuis lors le pouvoir d’agir au nom de la fondation (ATA/935/2015 du 15 septembre 2015).

c. Comme l’admet le recourant, une décision au sens de l’art. 4 al. 1 LPA qui serait l’objet du litige est inexistante, puisque la décision serait « une décision présumée négative », référence étant faite à l’art. 4 al. 4 LPA relatif au déni de justice.

Ainsi, seul un éventuel déni de justice peut entrer en ligne de compte.

En conséquence, les conclusions ne pouvant, en cas de recours contre la seule absence de décision, tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer, ses conclusions sur le fond, qui visent l’annulation de comptes de la fondation, sont, pour ce motif, irrecevables (ATA/609/2016).

La question de savoir si, vu l’absence de conclusions tendant au renvoi de la cause à l’ASFIP afin qu’elle statue, l’entier du recours serait irrecevable ou non se pose. Toutefois, vu les circonstances particulières, notamment le fait que le recourant plaide en personne, et dans la mesure où un éventuel renvoi de la cause à l’autorité pour le prononcé d’une décision peut être considéré comme subsidiaire par rapport aux conclusions en annulation des comptes, il serait constitutif de formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. (ATA/1515/2017 du
21 novembre 2017 consid. 4d), de déclarer le recours irrecevable pour ce motif.

d. Il convient d’examiner quel serait l’éventuel objet de la décision dont l’absence est déplorée et si celle-ci pourrait faire l’objet d’un recours devant la chambre de céans au cas où ladite décision avait été prise et si le recourant disposerait de la qualité pour recourir contre celle-ci.

e. Dans le canton de Genève, la surveillance des fondations de droit civil est confiée à l’ASFIP (art. 1 et 2 LSFIP ; art. 230 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05), qui exerce les compétences prévues par les art. 83b, 84, 85, 86 et 88 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ainsi que leurs dispositions d’exécution s’il y a lieu (art. 3 let. b LSFIP). Sur cette base, l’ASFIP a adopté le règlement sur la surveillance des fondations de droit civil et les institutions de prévoyance du 29 mars 2012 (RSFIP-Surv. ; publié sur internet, https://www. asfip-ge.ch/fondations-classiques/bases-legales/). Selon l’art. 2 RSFIP-Surv. intitulé « mission », l’ASFIP s’assure que les fondations se conforment aux dispositions légales ainsi qu’aux dispositions statutaires et réglementaires des entités surveillées, et veille à ce que les biens de ces dernières soient employés conformément à leur but (al. 1) ; elle examine les documents annuels des fondations ; elle vérifie notamment (al. 2) : l’organisation (let. a) ; l’utilisation de la fortune conformément au but (let. b) ; la conformité aux statuts, à la législation, aux règlements et aux autres actes édictés par les entités surveillées (let. c). À teneur de l’art. 3 RSFIP-Surv. ayant pour titre « moyens de surveillance », l’ASFIP intervient d’office ou sur plainte de tout intéressé ; dans l’accomplissement de ses tâches, elle dispose des pouvoirs les plus étendus ; elle peut notamment accéder à tous les livres, registres, rapports, procès-verbaux, documents et correspondances et se les faire remettre en tout temps par l’organe suprême des fondations, par l’organe de révision, notamment s’agissant des documents annuels mentionnés aux art. 12 et 17 RSFIP-Surv.
(let. a) ; procéder à tous contrôles, tant réguliers qu’inopinés (let. b) ; donner des instructions ou édicter, lorsqu’elle l’estime utile, des directives, circulaires et instructions obligatoires, de portée générale ou particulière, pour les fondations, les organes de révision (let. d) ; annuler les décisions de l’organe suprême des fondations (let. f) ; prendre toutes mesures conservatoires ou provisionnelles propres à éliminer les insuffisances constatées (let. g) ; examiner les plaintes
(let. k). Conformément à l’art. 12 al. 1 RSFIP-Surv., les fondations sont tenues de remettre à l’ASFIP dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice annuel : les états financiers annuels, composés du bilan, du compte d’exploitation et de l’annexe (let. a) ; le rapport de l’organe de révision (let. b) ; le rapport annuel d’activité (let. c) ; le procès-verbal de la séance de l’organe suprême approuvant les états financiers annuels (let. d). L’al. 2 de cet article précise que l’annexe aux comptes annuels est obligatoire et doit contenir au moins les informations sur les points indiqués aux let. a à d du même alinéa, et, à teneur de l’al. 4, l’ASFIP peut en tout temps demander des informations et documents supplémentaires.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, dans le cadre de son pouvoir de surveillance, l’autorité dispose d’une large palette de mesures préventives et répressives (ATF 126 III 499 consid. 3a). Les mesures préventives comprennent les recommandations, l’obligation de rendre régulièrement un rapport de gestion, voire d’autres documents (par ex. rapport de l’organe interne de révision,
procès-verbaux). Quant aux mesures répressives, il s’agit de l’annulation des décisions prises par les organes, d’instructions, d’avertissements, d’amendes ou de la révocation des organes. Si l’autorité de surveillance jouit d’une grande liberté d’appréciation dans le choix de la mesure, elle n’en est pas moins tenue de respecter les principes généraux régissant l’activité administrative, parmi lesquels celui de la proportionnalité et de la subsidiarité (arrêts du Tribunal fédéral 5A_232/2010 du 16 septembre 2010 consid. 3.1.2 ; 5A_274/2008 du 19 janvier 2009 consid. 5.1 et les arrêts cités).

L’art. 84 al. 2 CC, à teneur duquel l’autorité de surveillance pourvoit à ce que les biens des fondations soient employés conformément à leur destination, est interprété par la jurisprudence et la doctrine en ce sens que toute personne ayant un intérêt personnel à la manière dont la fondation est gérée et à l’intervention de l’autorité de surveillance peut lui adresser une plainte (ATF 107 II 385 consid. 3 et 4 = JdT 1983 I 182 ; Loïc PFISTER, La fondation, 2017, n. 853 ss). La procédure de plainte, qui est une voie contentieuse sui generis, est soumise par analogie aux principes de la procédure administrative. À l’opposé de la dénonciation selon l’art. 71 al. 2 PA, elle confère la qualité de partie au plaignant susceptible d’être un jour effectivement placé dans une position lui permettant de solliciter une prestation ou un autre avantage de la fondation. Ledit plaignant doit par conséquent être en mesure de fournir aujourd’hui déjà des données – ou indications – concrètes quant à la nature de son futur intérêt (ATF 107 II 385 consid. 3 et 4 = JdT 1983 I 182 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_97/2018 du
10 septembre 2018 consid. 5, destiné à la publication ; 2C_684/2015 du 24 février 2017 consid. 6.5.2 ; ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 11d, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral précité).

Le vaste pouvoir d’examen dont bénéficie l’autorité de surveillance n’exclut pas la compétence du juge civil pour les litiges ayant pour objet l’exercice d’un droit subjectif à des prestations déterminées
(ATF 112 II 97 consid. 3 ; ACST/12/2015 précité consid. 11f). Tant les destinataires de la fondation que ses organes ou créanciers peuvent être titulaires de droits subjectifs à l’égard de celle-ci. Les droits subjectifs ont généralement leur fondement dans un contrat conclu avec la fondation, mais peuvent également résulter également du droit objectif. À défaut d’un droit subjectif à l’encontre de la fondation, la plainte à l’autorité de surveillance est la seule voie de droit à disposition, à l’exclusion de toute action civile (ACST/12/2015 précité
consid. 11f ; Parisima VEZ, La fondation : lacunes et droit désirable, 2004,
n. 827 ss). Subsidiairement par rapport à l’action civile, la plainte est irrecevable lorsque le litige porte sur l’existence de la fondation et, en principe, lorsque la violation d’un droit subjectif est alléguée (Parisima VEZ, op. cit., n. 824 ss). Ce principe est toutefois atténué de la manière qui suit. La possibilité d'ouvrir action ne s'oppose pas à une intervention de l'autorité de surveillance, lorsque le refus d'accorder les prestations statutaires représente en même temps une violation des obligations qui incombent aux organes dans la réalisation du but de la fondation (ATF 112 II 97 consid. 3). On peut en outre admettre, le cas échéant, la double compétence du juge civil et de l'autorité de surveillance et le droit – respectivement le devoir – de cette dernière d'intervenir et de donner aux organes de la fondation les instructions nécessaires, lorsque les prétentions des bénéficiaires s'avèrent manifestement bien fondées (ATF 112 II 97 consid. 3 ;
108 II 497 consid. 5 et 6, confirmé dans 111 II 97 consid. 3b in fine). Cependant, lorsque les prétentions invoquées devant l’autorité de surveillance ne sont pas manifestement bien fondées ou qu’il existe des doutes sérieux à leur sujet, seule est ouverte aux intéressés la voie de l'action judiciaire – civile
(ATF 111 II 97 consid. 3b in fine ; 108 II 497 consid. 7 in fine ; Parisima VEZ, op. cit., n. 832).

En vertu de l’art. 32 let. b LSFIP, les décisions de l’autorité de surveillance sont sujettes à recours auprès de la chambre administrative pour son activité de surveillance des fondations de droit civil.

f. La comptabilité constitue la base de l’établissement des comptes ; elle enregistre les transactions et les autres faits nécessaires à la présentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l’entreprise (situation économique ; art. 957a al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220). Elle constitue avant tout un instrument de gestion de la personne morale. Elle est un outil de travail pour ses dirigeants (Henri TORRIONE/Aurélien BARAKAT, in Commentaire romand, CO II, 2017, n. 3 ad art. 957a CO), ainsi qu’un outil d’information, sur le niveau d’activité, l’état patrimonial, la rentabilité, pour les lecteurs internes ou externes à la personne morale. Elle permet une appréciation de la situation financière de la personne morale (Rémy BUCHELER, Abrégé de droit comptable, 2015, p. 3 et 6). Elle joue également le rôle de preuve dans les relations juridiques, constituant un titre au sens de l’art. 110 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP -RS 311.0 ; Henri TORRIONE/Aurélien BARAKAT, op. cit., n. 5 ad art. 957a CO).

g. En l’occurrence, le « premier volet » de la lettre du recourant à l’intimée du 23 juillet 2018 peut être considéré comme une plainte au sens précité, puisque l’intéressé s’y plaint d’actes accomplis par les nouveaux organes de la fondation et demande qu’il soit remédié à des manquements de ceux-ci. En revanche, le courrier du 16 août 2018 de l’intéressé destiné à I______, et non à l’autorité, ne saurait, en tant que tel et à la forme, constituer une plainte.

C’est donc sur l’absence de décision sur plainte que porte le recours pour déni de justice, et non sur d’éventuels manquements, sous l’angle de
l’art. 4A LPA, de l’ASFIP, laquelle est, en vertu de l’art. 34 al. 1 LSFIP, placée sous la surveillance et le contrôle du Conseil d’État pour les aspects qui ne relèvent pas du droit fédéral de la prévoyance professionnelle, étant précisé que l’intéressé a, dans son recours, indiqué avoir soumis au Conseil d’État le « deuxième volet » de sa lettre du 23 juillet 2018.

h. Cela étant, ne pourrait être envisagé un intérêt personnel du recourant au dépôt d’une plainte selon la jurisprudence citée plus haut qu’en raison des circonstances qui suivent. D’une part, il a été employé de la fondation ainsi que membre du conseil de celle-ci avant sa destitution de cet organe prononcée le
9 novembre 2016 ; d’autre part, il s’est vu octroyer un prêt par la fondation, que ce soit pour lui-même ou pour une société.

En tant que personne qui a été employée de la fondation et à qui un prêt a été consenti par celle-ci, l’intéressé ne saurait être un jour effectivement placé dans une position lui permettant de solliciter une prestation ou un autre avantage de la fondation, puisque les prestations en cause, à savoir le salaire, respectivement le prêt, lui ont déjà été octroyées. Au demeurant, le prêt en cause constitue un contrat de droit privé (art. 312 ss CO), qui pourrait faire l’objet d’une action de droit civil, le cas échéant en constatation de droit. Dans le même sens, si par hypothèse le salaire dû à l’intéressé (art. 322 al. 1 CO) ne lui avait pas été entièrement versé par la fondation, il aurait à l’encontre de cette dernière une prétention découlant du contrat de travail (art. 319 ss CO), en versement du salaire dû, à faire valoir par la voie civile. La plainte est donc exclue pour le recourant en tant qu’il a été employé de la fondation, respectivement a bénéficié d’un prêt de celle-ci, que ce soit pour lui-même ou pour une société.

Par ailleurs, il n’est pas imaginable que l’intéressé, destitué du conseil de la fondation, puisse dans le futur, au titre d’ancien membre dudit organe, solliciter une prestation ou un autre avantage de la fondation qui ne puisse pas être réclamé sur la base du droit privé. Par surabondance, un intérêt personnel au dépôt d’une plainte ne saurait être reconnu à un membre exclu du conseil de fondation pour d’autres motifs que ceux liés à son exclusion (ATF 112 II 97 consid. 4 et 5, a contrario). Or, dans le cas présent, les motifs de la plainte portent sur des comptes annuels de la fondation et ne sont pas en rapport direct avec sa destitution du
9 novembre 2016, étant au surplus rappelé que des griefs concernant cette dernière seraient en tout état de cause tardifs.

Pour le surplus, n’est pas ici en cause un refus du conseil actuel de la fondation d’accorder des prestations statutaires à l’intéressé, et les prétentions, voire les conclusions et reproches de ce dernier à l’encontre de la fondation, contenus dans sa plainte du 23 juillet 2018 (« premier volet ») et dans son recours, ne sont pas manifestement bien fondés.

i. Vu ce qui précède, le recourant n’a pas droit à une décision de l’intimée à la suite de sa plainte du 23 juillet 2018 (« premier volet »), puisque faute d’un intérêt personnel à ladite plainte, cette dernière est irrecevable devant l’ASFIP, et que, pour le même motif, il n’aurait pas la qualité pour recourir devant la chambre administrative.

En conséquence, le recours, pour déni de justice, est irrecevable.

5. Cette issue rend sans objet les demandes de mesures d’instruction, de tenue d’une audience publique de plaidoiries et d’appel en cause de la fondation et de l’organe de révision, formulées par l’intéressé, étant au demeurant rappelé que la chambre de céans, en l’absence d’une décision rendue par l’ASFIP, n’aurait, par le présent arrêt, pas pu statuer au fond mais seulement renvoyer la cause à l’intimée afin qu’elle rende une décision.

6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 3 octobre 2018 pour déni de justice par M. A______ à l’encontre de l’autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément à l’art. 72 al. 2 let. b ch. 4 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière civile ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, ainsi qu’à l’autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :