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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2425/2022

ATA/52/2023 du 20.01.2023 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2425/2022-PRISON ATA/52/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ÉTABLISSEMENT B______

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1979, a été incarcéré dans l’établissement fermé B______(ci-après : B______ ou l’établissement), en exécution anticipée de peine, du 27 octobre 2021 au 21 septembre 2022, date à laquelle il a été transféré à C______, à la prison de D______.

2) a. Le 9 novembre 2021, il a signé un contrat de prestations avec l’établissement. L’incarcération à B______ entraînait l’obligation de travailler. En signant le contrat, il s’engageait, notamment, à respecter les règles de vie, les horaires en vigueur et le règlement de l’atelier dans lequel il travaillerait. En cas de non-respect du règlement des ateliers et selon la gravité de la situation, il pourrait être sanctionné et renvoyé en cellule, privé d’activités telles que le sport, les visites, les loisirs, notamment, voire perdre sa place en atelier et retourner en régime « Évaluation » ou « Arrivants ». Selon les besoins de l’établissement ou son comportement, il pourrait être déplacé temporairement ou définitivement dans un autre atelier en tout temps, sans préavis.

Un cahier des charges, spécifique à chaque atelier où le détenu était affecté, valant avenant, complétait le contrat précité.

b. Par avenant du 17 janvier 2022, M. A______ a été affecté à l’atelier « emballage ».

Celui-ci consiste à trier, puis emballer des couverts, notamment destinés aux Hôpitaux universitaires genevois (ci-après : HUG). Une machine (ci-après : la machine) permet de fermer les emballages en plastique. Dix à douze détenus sont affectés à cet atelier, la moitié étant chargée du tri et l’autre de l’emballage. Les rôles sont alternés chaque jour. Les horaires de travail sont, du lundi au vendredi, de 7h à 10h15, puis de 12h30 à 16h15. Les détenus sont rémunérés CHF 33.- par jour de travail desquels les frais afférents à leur pension, soit CHF 9.- sont déduits. Ils perçoivent en conséquence CHF 24.- net par jour, répartis entre différents comptes (disponible, réservé ou bloqué) du détenu.

3) a. Durant le printemps et l’été 2022, le surveillant en charge de l’atelier « emballage » a permis aux détenus d’ouvrir les fenêtres afin d’aérer l’atelier durant la matinée. Ceci permettait de rafraîchir l’atelier, notamment compte tenu de la chaleur produite par la machine, la température extérieure étant plus fraîche que celle de l’intérieur.

b. L’atelier comprend quatre fenêtres, sur un même mur qui donne sur le parking. Une clé spéciale, que seul le gardien a en sa possession, est nécessaire pour les ouvrir.

4) Les détenus ont droit à une promenade quotidienne. Ils ont accès à une salle de sport tous les deux jours et à un terrain de football tous les quatre jours. Pour les repas, des plateaux, avec ou sans viande, sont délivrés. Les détenus ont par ailleurs accès à une cuisine commune pour y préparer des repas avec des ingrédients qu’ils reçoivent ou achètent. Ils ont accès à une bibliothèque une fois par semaine. Un parloir hebdomadaire est autorisé, voire deux si le détenu a des enfants mineurs.

5) a. Le 16 juin 2022, le service du médecin cantonal a déclenché la première alerte canicule de l’année 2022. Ledit service y a mis fin le 21 juin 2022.

b. Les températures extérieures des jours pertinents pour le présent litige ont été de 36,4 ° le 14 juillet 2022 et 32,9° le lendemain.

c. La deuxième alerte canicule a duré du 18 au 25 juillet 2022.

6) Le surveillant habituellement en charge de l’atelier « emballage » a été absent et remplacé dès le 14 juillet 2022.

7) Selon un rapport d’incident du 14 juillet 2022, M. A______, ainsi que huit autres détenus de l’atelier « emballage », avaient cessé de travailler le même jour à 15h20. Ils considéraient avoir « beaucoup travaillé » et ne « [feraient] plus rien le jour même ». Le gardien chef leur avait expliqué que l’établissement avait une mission pour les HUG, lesquels comptaient sur leur travail. Le détenu C. avait répondu « on travaille trop, surveillant. On a déjà demandé pour entrer en cellule lorsque le travail est terminé. Et les groupes de travail ça va pas. On veut une chaîne hi-fi et des ventilateurs ».

Le responsable avait indiqué ne pas pouvoir intervenir pour les horaires, la chaîne hi-fi et les ventilateurs. Il leur avait soumis une liste mettant à jour les groupes de travail. Il avait rappelé ses attentes et exigé que les détenus n’arrêtent pas leur travail au prétexte qu’un membre de leur groupe fournirait moins d’efforts. Les sanctions étaient réservées. Ces règles avaient convenu à l’ensemble des détenus présents.

8) a. Le 15 juillet 2022, M. A______ a fait l’objet d’une sanction disciplinaire sous la forme d’une suppression des activités « de formation, sports, loisirs et repas en commun » pour une durée de sept jours, du 15 juillet 2022 à 8h45 au 22 juillet 2022 à 8h45. La promenade quotidienne d’une durée d’une heure, avec possibilité de téléphoner, était maintenue.

La sanction était motivée par un refus d’obtempérer, l’adoption d’un comportement contraire au but de l’établissement et un trouble à l’ordre ou la tranquillité de celui-ci.

M. A______ a été auditionné, par écrit, le jour même à 14h10. Le procès-verbal comporte ses dires manuscrits en italien. Il a signé tant cette déclaration que le document intitulé « notification de la sanction » qui lui avait été soumis à 14h15.

b. Selon le rapport d’incident du 15 juillet 2022, le même jour à 8h15, un gardien, après avoir ramené les chariots des couverts depuis le quai, avait constaté que les détenus ne s’étaient pas mis au travail. Il s’était rendu au local de pause et leur avait demandé de le faire. Le détenu C., porte-parole des détenus, avait indiqué : « on est descendu au travail alors vous pouvez rien faire. On refuse tous de travailler on veut voir le directeur ou Madame E______ ou le grand chef ». Le gardien leur avait ordonné de sortir du local de pause et de se mettre au travail, ce qu’ils avaient refusé. À 8h35, le sous-chef s’était rendu au local de pause pour entendre les exigences des détenus, lesquels revendiquaient l’ouverture permanente de la fenêtre du local de pause ainsi qu’un ventilateur. Ils se plaignaient d’avoir trop de travail. La fenêtre du local de pause étant fermée pour absence momentanée du responsable, le sous-chef leur avait proposé son ouverture s’ils se remettaient au travail. Face au refus catégorique des détenus de se remettre au travail malgré la proposition, le sous-chef avait déclenché l’alarme. Les gardiens avaient ramené les détenus de l’atelier à leur cellule, sous réserve de deux personnes qui avaient désiré rester pour travailler.

9) Par acte en langue italienne posté le 25 juillet 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.

À la demande de la juge déléguée, il a expédié, le 2 août 2022, une version française de ce recours.

Il en ressort qu’il considérait avoir été injustement sanctionné, non pas en raison d’un refus de travailler qui lui serait imputable, puisque lui travaillait, ce qui ressortait des images de vidéosurveillance, contrairement à d’autres détenus se droguant devant le gardien et restant toute la journée dans la salle de repos. Au lieu de sanctionner ceux qui ne travaillaient pas, les gardiens demandaient aux autres de faire leur travail. B______ avait prononcé une punition collective, ce qui était interdit par les règles internationales sur la prison. Il n’avait jamais reçu de règlement en italien, malgré ses demandes. Tous les documents qu’on lui soumettait étaient en français, ce qui était une discrimination manifeste, du racisme et un abus de pouvoir. Il se plaignait du comptable de l’établissement qui faisait ce qu’il voulait de l’argent des détenus et prenait les décisions de manière autonome.

Il émettait nombre de critiques sur le fonctionnement et la manière dont était géré l’établissement. Il avait une expérience de 25 ans de prison et n’avait jamais vu ça. Les règles changeaient tous les jours, sans réelle raison. Il était absurde qu’il ait été sanctionné (à d’autres reprises) pour ne pas avoir travaillé pour qu’ensuite la sanction soit annulée car il était malade.

Il demandait en conséquence que la sanction soit immédiatement levée, comme illégale car non formulée dans une langue qu’il connaissait, constitutive d’un abus de pouvoir, et « avec des motifs tout à fait différents ». On lui avait dit oralement que la sanction porterait sur 5 jours, alors qu’elle l’avait été sur 7, sans qu’on lui donne une explication logique et rationnelle.

Il espérait que la justice fasse la lumière sur « ce dysfonctionnement de la régulation de cette prison, en mandatant les inspecteurs du Ministère de la justice pour vérifier cette grave situation d’injustice que nous devons subir au quotidien [ ] ».

10) a. Par écritures du 5 septembre 2022, l’établissement a relevé qu’il ne ressortait pas du dossier que M. A______ aurait sollicité une copie du contrat de prestations, ni de l’avenant au contrat du 17 janvier 2022, en italien, ni demandé le recours à un interprète. De manière générale, le personnel de l’établissement ne rencontrait pas de problèmes de communication avec lui. Son droit d’être entendu n’avait pas été violé, étant encore relevé qu’il semblait avoir compris les faits reprochés et le motif de la sanction.

M. A______ avait fait l’objet d’une sanction disciplinaire le 1er juillet 2022, pour refus de travailler, s’étant vu supprimer pendant 2 jours les formations, le sport, les loisirs et les repas en commun, la promenade et l’accès au téléphone étant maintenus. Trois autres sanctions, prononcées pour ce même motif, avaient été annulées du fait que le recourant avait produit des certificats médicaux.

Il a conclu au rejet du recours. Au vu du refus des détenus de se mettre au travail le 15 juillet 2022 au matin, le GP avait appelé le sous-chef (ci-après : SC) B. Celui-ci avait écouté leurs revendications. Les détenus savaient que les fenêtres ne pouvaient être ouvertes qu’en présence du responsable d’atelier, pour des raisons de sécurité. Au vu du refus des détenus de se mettre au travail, le SC F avait dû sonner l’alarme Le recourant avait été auditionné par le SC F qui lui avait exposé les faits, soit qu’il n’avait pas voulu suivre les injonctions du personnel. M. A______ le reconnaissait dans son recours, cherchant toutefois en vain à justifier son comportement par la pression du groupe et les conditions de travail. Il ne s’agissait pas d’une sanction collective. Tous les détenus, à l’exception de deux, avaient refusé de reprendre le travail. Un nombre important d’agents de détention avaient dû se rendre à l’atelier, entrainant temporairement et légèrement un affaiblissement du dispositif de sécurité.

La quotité de 7 jours s’expliquait par le refus d’obtempérer du recourant et ses antécédents.

b. Il a transmis les images de vidéosurveillance de l’incident du 15 juillet 2022.

11) Lesdites images de vidéosurveillance portent sur les faits du 15 juillet 2022 à 8h28 sous deux angles différents, dans l’atelier d’emballage (extrait 1) et depuis le local de repos (extrait 3). Un troisième extrait montre l’atelier d’emballage, avec des mouvements en arrière-plan, dans le local de pause (extrait 2).

a. Le premier extrait montre l’atelier avec au fond le local de pause. Il commence à 8h22 et dure cinq minutes et vingt-cinq secondes (ci-après : 5’25’’). Au début de la séquence, un détenu (ci-après détenu 1 avec un tee-shirt noir) travaille dans un coin de l’atelier emballage, soit une pièce spacieuse et lumineuse, dont la taille doit approximativement être de plus de 100 m2. Quelques chariots et quelques tables sont visibles. Une petite machine (environ 4 m2 sur 2 m de hauteur) est sise au milieu de la pièce. Deux autres détenus (ci-après détenus 2 et 3) sont assis devant une porte-fenêtre fermée. Des chariots cachent la poignée de la fenêtre et partiellement le détenu 3. Le « surveillant, que l’établissement indique être, sans être contredit, le gardien principal, chef d’atelier (ci-après : le GP), se trouve au milieu de la pièce avec un chariot. Environ trois personnes sont visibles au fond, dans le local de pause. À 0’19’’, le détenu 2 interpelle le GP. Le détenu 1 se rapproche de la fenêtre. À 0’55’’ le GP et le détenu 1 sont debout devant la fenêtre, alors que les détenus 2 et 3 sont toujours assis à côté de celle-ci. Il y a une discussion, calme. À 0’57’’, le GP s’éloigne après avoir ouvert la fenêtre. Le GP rejoint le local de pause et, en passant, ouvre deux autres fenêtres. À 1’59’’, le GP revient vers les détenus 2 et 3, le détenu 1 étant retourné travailler. Le GP discute puis s’éloigne. Entre 3’00’’ et 3’30’’, le GP ferme les trois fenêtres, en commençant par celle du local et en terminant par celle devant les détenus 2 et 3, assis. Le détenu 1 est debout, mais ne travaille pas. Les détenus 2 et 3 se lèvent et se dirigent vers le local de pause. Le détenu 2 revient prendre une chaise et retourne vers le local de pause. Le détenu 1 s’assoit dans l’atelier. Aucune machine n’est utilisée par les détenus ni ne semble être en marche.

b. Le deuxième extrait montre l’atelier emballage avec, au premier plan, le détenu 1, assis. Il commence à 8h27 et fait suite au film 1. Il dure 8’05’’. À 0’10’’, deux gardiens supplémentaires entrent dans l’atelier et se dirigent vers la salle de repos. Dans ledit local, le détenu 2 du film précédent donne des explications au GP, gestes à l’appui. Deux autres détenus vont se mêler à la conversation avec les gardiens. Celle-ci dure toute la durée du film. Le détenu 1 les rejoint à 3’35’’. Un agent de détention s’éloigne pour faire un appel téléphonique à 4’50’’. La même personne fait l’objet d’un appel à 5’50’’. Un agent de détention les rejoint à la fin du film, lequel se termine vers 8h35, quelques minutes avant l’extrait n° 3.

c. Le troisième extrait, de six minutes, montre l’atelier emballage. À 8h41, trois gardiens et un détenu s’y trouvent. Les images montrent la sortie, à tour de rôle, de dix détenus du local de pause, accompagnés un à un hors de l’atelier par des gardiens, dans le calme, certains détenus dialoguant avec les gardiens.

12) En annexe à un « complément au recours » rédigé en langue française, expédié le 3 octobre 2022, le recourant a produit une « lettera aperta », en italien, à l’attention de la direction de B______, qui en a accusé réception le 27 juillet 2022, dans laquelle il demandait, soulignant cet élément, « [ ] del regolamento (che per altro a me non è mai stato consegnato in lingua italiana [ ] ». Il avait au mois de mai ou juin 2022 demandé tant le contrat de travail que le règlement de la prison en langue italienne et on lui avait répondu « je n’ai pas ». Il avait fait une grève de la faim pour obtenir une réponse sur le sujet. Il avait été sanctionné le 1er juillet 2022 car il n’avait pas voulu aller travailler après 5 jours de grève. En juillet 2022, il avait demandé au responsable de la comptabilité son contrat de travail en italien, de même que tous les relevés de compte. Il lui avait été répondu que l’on se trouvait dans un « canton français ». Au moins dix gardiens pourraient dire avoir rencontré des problèmes de langue avec lui.

Ils travaillaient au maximum 3 heures par jour et ne faisaient rien le reste de la journée, ce qui générait chez lui de l’anxiété et de la dépression. Il demandait que soit produite une vidéo pour constater ces heures d’inaction à l’atelier pendant les mois de juin et juillet 2022.

La sanction était bien collective. Seul l’organisateur de la protestation, le détenu C, aurait dû être sanctionné.

Il se demandait pourquoi les fenêtres avaient été laissées ouvertes « seulement un mois plus tôt ». La direction les avait peut-être fermées car elle était consciente que de la drogue et des téléphones portables entraient par les fenêtres.

Il avait été transféré car la prison avait compris qu’il pourrait gagner et faire connaître la vérité au directeur. Il demandait l’audition de témoins pour le démontrer et demandait l’assistance d’un avocat d’office vu sa détresse financière.

La direction de la prison n’avait pas respecté l’art. 4 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Il demandait une indemnisation de CHF 10'000.-, outre le paiement de tous les frais de la présente procédure, pour les dommages moraux, physiques et discriminatoires qu’il avait subis au cours des 9 mois et demi passés, en raison desquels il avait perdu 6 kg, ainsi que la suppression de la sanction du 15 juillet 2022.

13) Les parties ont été informées le 4 octobre 2022 que la cause était gardée à juger.

14) Par décision du 11 novembre 2022, la vice-présidente du Tribunal de première instance a mis M. A______ au bénéfice de l’assistance judiciaire, à compter du 7 novembre 2022, pour les seuls frais judiciaires, à l’exclusion de la prise en charge des honoraires d’avocat, vu que la procédure était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).

b. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). La jurisprudence admet toutefois que, dans des circonstances particulières, il se justifie d'examiner le recours au fond malgré la perte d’actualité du recours durant la procédure devant la juridiction saisie (ATF 137 I 296 consid. 4.2 et 4.3).

c. En l’espèce, le recourant a subi la sanction querellée et il n’est plus détenu à Genève. Il l’est toutefois encore dans le canton de C______. La sanction, objet de la présente procédure, est susceptible d’être versée dans son dossier et retenue comme antécédent, de sorte qu’il conserve un intérêt à ce que sa cause soit tranchée (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/770/2022 du 4 août 2022 consid. 2).

Le recours est donc recevable.

3) Le recourant soutient qu’il n’aurait pas reçu, malgré ses demandes, de traduction en langue italienne de son contrat de prestations, ni de l’avenant audit contrat. Il se prévaut de l’art. 4 Cst. La sanction serait illégale, car non traduite dans une langue qu’il connaissait.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit d'être entendu impose également à l'autorité judiciaire de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que le juge discute les griefs qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, selon la jurisprudence, que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que la personne concernée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 2C_126/2015 du 20 février 2015 consid. 4.1 ; 1B_295/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.2).

b. La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 141 V 495 consid. 2.2 ; 140 I 68 consid. 9.3). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1395/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4a ; ATA/541/2020 du 29 mai 2020 consid. 3).

c. Comme l'indique l'art. 61 LPA, le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit. Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4).

d. Selon l’art. 4 Cst, les langues nationales sont l’allemand, le français. l’italien et le romanche.

e. En l’espèce, il sera relevé que le recourant a été incarcéré dans l’établissement intimé depuis le 27 octobre 2021, a signé un contrat de prestations le 9 novembre 2021 et un avenant le 17 janvier 2022, en langue française, soit l’une des langues nationales. Il ressort du dossier qu’il n’a formalisé par écrit pour la première fois une demande de traduction « del regolamento », qui n’est donc ni le contrat ni l’avenant précités, que dans une « lettera aperta » reçue par la direction de B______ le 27 juillet 2022, soit ultérieurement à la sanction querellée. Il a ainsi travaillé durant plusieurs mois, dont près de 7 à l’atelier emballage, excepté les moments où il a bénéficié de certificats de travail, sur la base de ces documents, sans qu’il ne démontre avoir eu besoin d’une version traduite.

Par ailleurs, la lecture des actes qu’il a été en mesure de produire devant la chambre de céans, détaillés, en français, démontre qu’il disposait de tous les éléments nécessaires pour comprendre la teneur du contrat et de l’avenant précités, de même que de la sanction. Il a pu s’exprimer sur cette sanction tant par écrit, en italien, au moment de sa notification, qu’en français par deux fois, dans le cadre de son recours. Il a en particulier, dans son « complément au recours », été en mesure de développer point par point son argumentation en réponse aux écritures de la prison, le cas échéant avec l’aide d’un tiers.

Dans ces circonstances, ni l’art. 4 Cst, ni son droit d’être entendu n’ont été violés, étant encore relevé qu’une telle violation aurait été réparée devant la chambre de céans qui jouit d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit.

4) L’objet du litige est la sanction du 15 juillet 2022.

Ainsi, toutes les doléances, demandes d’indemnisation et d’auditions de témoins en lien avec les conditions de détention du recourant sont irrecevables.

Les faits pertinents ne sont pas contestés, la principale question étant de déterminer si le refus de travailler est fautif, ce que le recourant conteste au vu des conditions.

5) a. Aux termes de l’art. 46 du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), applicable à B______ (art. 1 let. c REPSD), si une personne détenue enfreint ce texte ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (al. 2).

b. En l’espèce, le document intitulé « notification de sanction », comporte au titre de motivation « refus d’obtempérer ; adopter un comportement contraire au but de l’établissement ; trouble à l’ordre ou la tranquillité dans l’établissement ou les environs immédiats », ainsi que les dispositions règlementaires pertinentes. Il a été établi le 15 juillet 2022, date de l’incident et comporte l’audition du détenu, en l’occurrence sous forme écrite, en italien, le même jour.

6) Le recourant se plaint d’avoir été l’objet d’une punition collective, prohibée par « les règles internationales ».

Il ne conteste pas avoir refusé de travailler et d’obtempérer, mais se prévaut de faits justificatifs. Or, le fait que plusieurs détenus, auteurs d’un même comportement interdit, soient punis pour le même contexte de faits ne répond pas à la définition d’une punition collective.

Le grief sera écarté.

7) Le recourant semble contester la légalité de la sanction dont il requiert l’annulation.

a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs – la faute étant une condition de la répression – qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

b. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 1er septembre 2015 consid. 7b).

c. En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/63/2021 précité consid. 3d), sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

8) a. Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du présent règlement, les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention, ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

La personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (art. 43 REPSD).

Aux termes de l’art. 44 REPSD, il est notamment interdit de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats (let. i) et d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (let. j).

b. Lorsqu'une personne détenue a une requête ou une remarque à présenter, elle s'adresse au directeur de l'établissement, verbalement ou par écrit. Si un différend subsiste, le directeur de l’établissement transmet les requêtes et remarques au directeur général de l'office cantonal de la détention (art. 47 REPSD).

En application de l’art. 48 al. 1 REPSD, en tout temps, la personne détenue peut adresser, sous pli fermé, une dénonciation ou une pétition au directeur de l’établissement, à l'autorité de placement, au directeur général de l'office cantonal de la détention ou encore au chef du département. L'autorité saisie est compétente pour connaître de la dénonciation ou de la plainte, sous réserve des al. 3 et 4 du présent article, non pertinents en l’espèce.

c. En l’espèce, le recourant soutient qu’il travaillait le jour en question, contrairement à d’autres détenus occupés à se droguer.

Ses dires sont en contradiction avec le rapport d’incident, établi par un agent de détention assermenté. Conformément à la jurisprudence constante, pleine valeur probante peut être accordée à ce rapport, aucun élément ne permettant de s’en écarter.

Il ressort des images de vidéosurveillance que le matin en question, aucun détenu ne travaillait, que la seule machine qui se trouve dans la pièce n’était pas en marche et que le GP a ouvert les fenêtres environ une minute et demie entre 0’58’’ et 3’30’’.

En conséquence, il est établi que le détenu a refusé de travailler alors qu’il y était tenu conformément au contrat de prestations qu’il avait signé et aux injonctions du personnel qui le lui avaient rappelé. Il a ainsi contrevenu aux art. 42, 43 et 44 let. i et j REPSD.

Il est enfin rappelé qu’en application de l’art. 81 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), les détenus en exécution de peine sont astreints au travail.

La faute du recourant est établie. Le principe de la sanction est donc acquis.

9) Le recourant soutient qu’on lui aurait dit oralement que la sanction porterait sur 5 jours et non 7 comme retenu.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public
(ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

b. La sanction porte sur la suppression de loisirs, expressément mentionnée à l’art. 46 al. 3 let. b REPSD.

Parmi les quatre sanctions, la suppression des loisirs est deuxième dans l’ordre de gravité après l’avertissement. Il ressort toutefois du dossier que le recourant avait déjà refusé de travailler la veille mais qu’un accord avait pu être trouvé avec les détenus, notamment à la suite du remaniement des groupes. En conséquence le choix d’une punition plus grave que le seul avertissement est proportionné.

L’autorité intimée justifie la quotité de la sanction d’une part, par le refus d’obtempérer du recourant, d’autre part par ses antécédents, en l’occurrence une sanction prononcée le 1er juillet 2022, qu’il n’a pas contestée, également pour refus de travailler, au terme de laquelle il s’est vu supprimer pendant 2 jours les formations, le sport, les loisirs et les repas en commun, la promenade et l’accès au téléphone étant maintenus.

Le premier critère justifie la prise d’une sanction et permet de qualifier la faute d’une certaine gravité. Le second est pertinent s’agissant d’un comportement réitéré. Enfin, à juste titre, l’établissement ne tient pas compte des trois autres sanctions annulées.

Le recourant ne démontre enfin pas avoir obtenu l’assurance que la sanction litigieuse ne porterait que sur 5 jours avant sa notification pour une durée de 7 jours.

Cette durée de 7 jours s’avère courte par rapport au maximum possible de trois mois. Par ailleurs, la suppression de loisirs n’a été que partielle et non complète comme l’art. 46 al. 3 let. b REPSD l’autorise, le recourant ayant pu conserver une promenade quotidienne, avec les autres détenus, d’une durée d’une heure avec possibilité de téléphoner. Les visites, la possibilité d’accéder librement au téléphone, d’emprunter des livres, d’accéder aux soins et à l’aumônerie n’étaient pas concernés. La sanction a ainsi été limitée aux formations, sports, loisirs et repas en commun.

Cette sanction était apte à atteindre le but d’intérêt public au respect de l’ordre et de la sécurité au sein de l’établissement, nécessaire pour ce faire et proportionnée au sens étroit, l’intérêt public au bon fonctionnement de l’établissement et au respect de la loi (art. 81 CP) primant sur l’intérêt privé du recourant à pouvoir bénéficier de formations, sports, loisirs et repas en commun pendant la durée de sept jours.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

10) La procédure est gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 juillet 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’établissement B______ du 15 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu’à l’établissement B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :