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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2310/2023

ATA/1338/2023 du 12.12.2023 sur JTAPI/983/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.02.2024, 2C_86/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2310/2023-PE ATA/1338/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 décembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs C______, D______ et E______ recourants
représentés par Me Gaétan DROZ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 septembre 2023 (JTAPI/983/2023)

 


EN FAIT

A. a. Par décision du 5 juin 2023, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de A______ et de ses enfants mineurs C______, D______ et E______ et prononcé leur renvoi, un délai au 1er septembre 2023 leur étant imparti pour quitter le territoire.

b. Par acte daté du 7 juillet 2023, A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leurs trois enfants mineurs ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

c. Par lettre du 13 juillet 2023, envoyée sous pli recommandé, le TAPI a notamment imparti à A______ et B______ un délai échéant le 14 août 2023 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité de leur recours. Il était précisé que le moment déterminant pour constater l'observation du délai de paiement était celui auquel la somme due était versée à la Poste suisse ou débitée en Suisse d’un compte postal ou bancaire en faveur du TAPI.

Des délais au 24 et 28 juillet 2023 leur étaient par ailleurs impartis pour fournir une procuration de leur conseil et compléter leur recours, confromément à leur demande.

Selon le système du suivi des envois (« Track & Trace ») mis en place par la Poste, cette lettre recommandée a été distribuée le 17 juillet 2023 au conseil de A______ et B______.

d. Par courrier du 24 juillet 2023, le conseil de A______ et B______ a transmis au TAPI la procuration sollicitée.

Il a par ailleurs requis une prolongation du délai accordé au 28 juillet 2023 pour compléter le recours indiquant « je serai absent à cette date et vous prie dès lors de bien vouloir reporter ce délai à une date ultérieure à mon retour et aux féries judiciaires ».

e. Par courrier du 26 juillet 2023, le TAPI a refusé de faire droit à cette demande, relevant que ce conseil avait disposé d’un délai convenable pour parachever son recours et qu’il pourrait encore compléter ses arguments dans le cadre de sa réplique.

f. Le 28 juillet 2023, le conseil de A______ et B______ a transmis au TAPI une fiche de salaire récente de ce dernier qui avait vu son salaire augmenter de manière significative depuis le dépôt du recours.

g. Par correspondance datée du 14 août 2023, reçue le lendemain par le TAPI, ce même conseil a sollicité une prolongation de dix jours du délai imparti pour procéder au paiement de l’avance de frais, précisant « le paiement a été ordonné ce jour et sera exécuté demain ».

h. Par courrier du 15 août 2023, le TAPI a indiqué au conseil de A______ et B______ ne pas être en mesure de donner une suite favorable à sa demande de délai eu égard aux motifs avancés, le délai d’un mois initialement fixé pour interpeller ses clients en vue du paiement de ladite avance pouvant être considéré comme raisonnable.

i. Par courrier du 18 août 2023, le TAPI les a invités à lui transmettre d’ici au 4 septembre 2023 tout justificatif démontrant la date à laquelle ils s’étaient acquittés du paiement de l’avance de frais, dans la mesure où il ressortait de leur dossier que le compte bancaire de l’État de Genève-Pouvoir judiciaire avait été crédité le 15 août 2023 ce, sous peine d’irrecevabilité de leur recours.

j. Par courrier du 25 août 2023, le conseil de A______ et B______ a invité le TAPI à bien vouloir reconsidérer sa décision de refus de prolongation du délai du 15 août 2023, reçue le lendemain.

Il n’avait pas motivé sa demande du 14 août 2023 car il n'était pas « entré dans mon champ de conscience que le Tribunal eût pu refuser la très brève prolongation requise — pour un unique jour — d'un terme fixé, nous y reviendrons, durant les féries judiciaires ».

En substance, ayant reçu le 17 juillet 2023 l’ordonnance fixant un terme au 14 août 2023 pour fournir l'avance de frais, le délai de 28 jours imparti était inférieur à un mois et inusuellement bref. L'intégralité dudit délai était par ailleurs compris dans les féries judiciaires selon l'art. 63 al. 1 let b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ce qui devait apparaître comme un motif justifiant d'accueillir plus favorablement une demande de prolongation. Sachant que son client avait des difficultés financières pour réunir la somme demandée, il avait donné l'instruction de solliciter une prolongation du délai imparti si son client n’était pas en mesure d'amener cette somme avant le 14 août 2023, afin d'examiner l'opportunité d'une demande d'assistance judiciaire et/ou lui laisser le temps nécessaire à réunir cette somme. Il était parti en vacances le 30 juillet 2023 et rentré à Genève dans la nuit du 13 au 14 août 2023. Ne travaillant pas le 14 août 2023, il n’était passé à l'Étude que brièvement et avait alors appris que son client avait déposé auprès de son assistante la somme de CHF 500.- le jour même, vers 14h00. Le « trafic bancaire » était alors déjà fermé, il ne travaillait pas ou peu et était occupé à ses responsabilités de père. Nanti de cette information, dans l'après-midi, il avait donné l'instruction du paiement de l'avance de frais à UBS Switzerland SA. Conscient que l'ordre serait vraisemblablement exécuté le lendemain, il avait requis la prolongation du délai en précisant que le paiement serait exécuté le lendemain. Il n’avait pas jugé utile de payer l'avance de frais à un bureau de poste, pour des motifs qu’il détaillait.

Sur le plan juridique, la solution retenue dans l’ATA/213/2019 du 5 mars 2019, dont il rappelait la teneur, devait s’appliquer au cas d’espèce.

Il a joint la quittance attestant du versement à l’Étude de la somme de CHF 500.- le 14 août 2023 à 14h08.

k. Par jugement du 12 septembre 2023, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

A______ et B______ contestaient le caractère suffisant du délai pour s'acquitter de l'avance de frais mais pas avoir été dûment avertis des conséquences attachées à son non-paiement dans le délai imparti ni son versement le lendemain de l'échéance dudit délai. Leur requête de reconsidération de la « décision » leur refusant la prolongation du délai initialement imparti se confondait avec la demande de restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité de l’art. 16 al. 3 LPA.

Un terme de paiement avait été fixé au 14 août 2023 par pli recommandé distribué à leur conseil le 17 juillet 2023. Ce dernier avait requis par courrier du 14 août 2023, parvenu au TAPI le lendemain, la prolongation d’une semaine dudit délai en indiquant uniquement « le paiement a été ordonné ce jour et sera exécuté demain ». Un tel motif n’était ni fondé ni suffisant. Il n’était au demeurant pas démontré, ni même allégué, que A______ et B______ et/ou leur conseil n’étaient pas en mesure de verser l’avance de frais dans le délai, soit en particulier le jour en question auprès d’un guichet de la Poste. Ainsi, le délai de 28 jours, raisonnable au sens de la jurisprudence, était suffisant pour que ceux-là s’organisent afin de payer l’avance de frais requise ou, au besoin, déposent une demande d’assistance juridique s’ils ne disposaient pas de moyens financiers suffisants, ce qui n’avait pas été fait. Eu égard au respect du principe d’égalité de traitement et de l’intérêt public à une bonne administration de la justice, la demande de prolongation du délai pour procéder au paiement de l’avance de frais, formulée le dernier jour du délai imparti, ne pouvait, faute de motifs suffisants et fondés, recevoir une suite favorable.

Cette situation différait de celle de l’ATA/213/2019 concernant un avocat qui avait sollicité une prolongation du délai en raison d’une surcharge de travail et de difficultés à entrer en communication avec ses clients.

L’ordre de paiement, certes saisi le 14 août 2023, avait été exécuté le 15 août 2023. Partant, l’avance de frais n’avait pas été effectuée dans le délai imparti.

À teneur de l’art. 16 al. 3 LPA, la restitution d’un délai supposait la survenance de circonstances imprévisibles et l’absence de toute faute, tant de la part du justiciable que de son représentant. Tel n’était manifestement pas le cas. En effet, le conseil des recourants a admis avoir reçu le dernier jour du délai, à 14h08, la somme de CHF 500.- et, plutôt que de verser l’avance de frais au guichet d’un bureau de Poste suisse ou d’instruire un tiers ou ses clients dans ce sens, il avait préféré procéder par ordre bancaire, tout en sachant que cet ordre ne serait exécuté que le lendemain, soit hors délai. De même, en requérant, le dernier jour du délai sa prolongation sans faire valoir de motifs suffisants, il avait fautivement pris le risque de voir sa requête rejetée. Les instructions données par l’avocat en lien avec le règlement de l’avance de frais interpellaient. Il était en effet pour le moins risqué d’attendre le dernier jour du délai pour envisager une demande de prolongation afin d’examiner l’opportunité d’une demande d’assistance judiciaire et/ou lui laisser le temps de réunir cette somme.

En tout état, ni le départ en vacances du conseil, ni les féries judiciaires, ni les contraintes posées pour les transferts bancaires, ni les problèmes financiers allégués de A______ et B______ ne constituaient des événements imprévisibles dont leur avocat pouvait se prévaloir pour obtenir une restitution du délai de paiement. Il ressort des écritures du 25 août 2023 que l’ensemble de ces éléments était connu de celui-ci. En prenant les dispositions utiles, en dernier lieu le 14 août 2023, ce qu’il n’avait pas fait, l’avance de frais aurait pu être versée dans le délai imparti.

Dans ces circonstances, la demande de restitution de délai était refusée.

B. a. Par acte du 13 octobre 2023, A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit que leur recours du 7 juillet 2023 était recevable.

Les conséquences d’irrecevabilité de leur recours étaient gravissimes pour eux.

Ils ont ajouté à leurs précédentes écritures qu’un paiement de l’avance de frais au guichet postal ou autre était exclu compte tenu de l’important sous-effectif de l’étude en raison des féries et des vacances scolaires. Il était reconnaissable que la demande de prolongation de délai, formée avant son échéance, n’était que d’une journée. Si l’argent avait été versé via la Poste, il n’aurait pas été en mains du TAPI comme cela avait été le cas, de sorte que « cela ne correspond[ait] à aucun intérêt digne de protection de l’exiger ». Le guichet « clients commerciaux » auprès duquel les recommandés étaient déposés n’acceptait pas les paiements.

Ils se prévalaient de l’interdiction du formalisme excessif et d’une violation de l’art. 16 al. 2 LPA.

Si l’art. 101 al. 3 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) ne trouvait pas directement application, le délai imparti avait été inusuellement bref, puisqu’inférieur à 30 jours. Même en le prolongeant d’une journée, il demeurait inférieur à un délai pouvant apparaître comme usuel. De plus, pas un seul jour de ce délai n’avait couru hors des périodes protégées des féries judiciaires.

Leur conseil avait donné pour instruction à l’étude de solliciter une prolongation du délai « en raison des difficultés des recourants de réunir la somme exigée ». Si la demande avait été ainsi formulée, elle aurait été acceptée, « le croit-on du moins ».

Ils se prévalaient de l’ATA/213/2019 précité, « peu ou prou identique à la présente cause ».

Si leur conseil ne s’était pas prévalu des féries et des vacances scolaires dans la demande de prolongation de délai, il l’avait fait dans sa demnde de reconsidération du 25 août 2023.

b. Il est relevé que la chambre de céans a, par arrêt ATA/1119/2023 du 10 octobre 2023, dit que le recours déposé par A______ et B______ le 28 août 2023 contre le courrier du TAPI du 15 août 2023 refusant de prolonger le délai pour le versement de l’avance de frais était devenu sans objet et a rayé la cause du rôle, vu le jugement du TAPI du 12 septembre 2023, attaqué devant la chambre de céans.

c. L’OCPM a, de manière motivée, conclu au rejet du recours.

d. Dans leur réplique du 17 novembre 2023, les recourants ont ajouté qu’il appartenait à la chambre administrative d’examiner le refus du TAPI de prolonger d’un jour le délai de paiement de l’avance de frais. À l’appui de la demande de prolongation, il eût mieux fallu que leur conseil se prévale d’une formule creuse telle une surcharge de travail.

Leur conseil s’est dit navré de cette situation et ne pouvoir croire que ses clients et leurs trois enfants soient privés du contrôle judiciaire de la décision de l’OCPM parce qu’il n’avait pas simplement dit qu’il était en vacances.

e. Les parties ont été informées le 20 novembre 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI déclarant le recours irrecevable en l’absence du paiement de l’avance de frais dans le délai échéant le 14 août 2023.

2.1 L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

2.2 En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti (ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b ; ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c).

2.3 La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c).

2.4 Le moment déterminant pour constater l'observation ou l'inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l'autorité à la Poste suisse (que ce soit au guichet d'un bureau de poste ou lors d'un transfert depuis l'étranger) ou celui auquel l'ordre de paiement en faveur de l'autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire (ATF 139 III 364 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_884/2017 du 22 février 2018 consid. 3.1.1 et les arrêts cités ; ATA/1170/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3b).

2.5 La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

2.6 L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1 ; ATA/49/2017 du 24 janvier 2017). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3eéd., 2011, p. 261 n. 2.2.4.6 et les références citées).

2.7 De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2 ; ATA/564/2012 du 21 août 2012). De jurisprudence constante, la sanction de l’irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l’avance de frais ne procède pas d’un excès de formalisme ou d’un déni de justice, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1002 ad art. 86 LPA).

2.8 Le but de l'avance de frais est de garantir le paiement des frais de justice présumés ; il est donc arbitraire de ne pas tenir compte d'un versement fait à temps, mais à une autre autorité judiciaire que celle prévue par la loi, si cette autorité devait rectifier d'office cette erreur ou s'il était d'usage qu'elle le fît (ATF 101 Ia 112 consid. 5a ; 96 I 318 ; ATA/486/2022 du 10 mai 2022 consid. 6a).

3.             En l’espèce, les recourants soutiennent dans un premier grief que le délai qui leur aurait été fixé pour payer l’avance de frais était trop bref, d’autant plus qu’il s’écoulait pendant la période des féries judiciaires.

Il ressort du dossier, et ils ne le remettent pas en question, que leur conseil a reçu la demande d’avance de frais le 17 juillet 2023, laquelle avait été adressée le 13 juillet 2023 par le TAPI. Le délai de paiement était fixé au 14 août 2023.

La loi ne prévoit pas de délai minimal, mais un délai « suffisant ». Tel doit être considéré comme étant le cas d’un délai théorique initial de plus de 30 jours mais également, comme en l’espèce, d’un délai concret de 28 jours à compter de la réception de la demande d’avance de frais.

Les recourants ne soutiennent à juste titre pas que la suspension des délais légaux telle que prévue à l’art. 63 al. 1 let. b LPA pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement, s’appliquerait aux délais fixés par le TAPI.

Ainsi, les 28 jours dont les recourants ont bénéficié pour s’acquitter de l’avance de frais de CHF 500.- étaient un délai suffisant au sens de l’art. 86 al. 1 LPA.

4.             Les recourants contestent le bien-fondé du refus de la prolongation sollicitée le 14 août 2023 et reçue le lendemain par le TAPI. Ils invoquent des violations du principe de l’interdiction du formalisme excessif et de l’art. 16 al. 2 LPA.

4.1 Aux termes de l’art. 16 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé (al. 3).

4.2 L'une des conditions cumulatives posées par cette disposition est que la partie en fasse la demande avant son expiration. On peut se demander s'il ne découle pas de la ratio legis de cette disposition, qui est de permettre à l'autorité de prolonger le délai avant son expiration, que la demande de prolongation doive lui parvenir – et non seulement lui être envoyée – avant l'expiration du délai, question laissée ouverte dans l’ATA/848/2021 du 24 août 2021.

4.3 D’une manière générale, l’administré, lorsqu’il doit s’attendre à recevoir une décision, doit prendre des dispositions pour faire en sorte d’être atteint. Tel n’est pas le cas de celui qui, dans cette situation, part en vacances sans prendre de dispositions pour avertir l’autorité de son absence, ou pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant (ATF 134 V 49 consid. 4).

4.4 Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020 ; ATA/38/2020 du 14 janvier 2020 ; ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées).

4.5 Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 et ATA/916/2015 précités consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 133, n. 14 et 15 p. 1283).

4.6 Il ressort de la jurisprudence que tant la partie que son mandataire doivent avoir un comportement exempt de toute faute (ATF 119 II 86 consid. 2 ; 114 II 181 consid. 2).

4.7 Les principes de la représentation directe déploient tous leurs effets (arrêt du Tribunal fédéral 2C_511/2009 du 18 janvier 2010 consid. 5.3). S'agissant d'aspects aussi fondamentaux que le respect d'un délai unique pour effectuer une avance de frais, il incombe à l'avocat de s'assurer que la communication qu'il adresse à son mandant lui est bien parvenue (ATF 110 Ib 94 consid. 2).

4.8 Selon la jurisprudence, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres ; ce principe vaut également en droit public (arrêts du Tribunal fédéral 2C_577/2013 du 4 février 2014 consid. 6.1 ; 2C_280/2013 du 6 avril 2013).

4.9 Les principes de la représentation directe déploient tous leurs effets (arrêt du Tribunal fédéral 2C_511/2009 du 18 janvier 2010 consid. 5.3). S'agissant d'aspects aussi fondamentaux que le respect d'un délai unique pour effectuer une avance de frais, il incombe à l'avocat de s'assurer que la communication qu'il adresse à son mandant lui est bien parvenue (ATF 110 Ib 94 consid. 2 ; voir aussi arrêt 1D_7/2009 du 16 novembre 2009 consid. 4; au sujet de la transmission d'un jugement: ATF 106 II 173). Tout moyen utile peut être utilisé à cette fin, tel un appel téléphonique, la requête d'un accusé de réception ou un courrier électronique. Dans la mesure où il veut se dispenser de telles démarches, l'avocat peut simplement, d'entrée de cause, se faire provisionner à hauteur suffisante pour effectuer les avances de frais prévisibles auprès des tribunaux (arrêt du Tribunal fédéral H 208/1989 du 7 février 1990 consid. 2). De toute évidence, un mandataire qui ne prend pas de telles précautions n'agit pas de manière non fautive (arrêt du Tribunal fédéral 2C_911/2010 du 7 avril 2011 consid. 3).

Dans un cas où le recourant avait attendu deux jours avant l'échéance du délai, à 17h22, pour adresser à l'instance précédente par courrier A sa demande de prolongation du délai, reçue par cette dernière le dernier jour du délai, la chambre de céans avait retenu que, ne pouvant exclure qu'elle soit rejetée – la prolongation n'étant pas automatique, mais devant se fonder sur un motif fondé –, le recourant avait ainsi pris le risque de voir cette demande refusée (par analogie, arrêt du Tribunal fédéral 5D_87/2013 précité consid. 6.2 ; ATA/1306/2017 du 19 septembre 2017 consid. 4e ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 293 ad art. 16 LPA). Il ne serait pas conforme à la sécurité du droit et au bon déroulement de la procédure s'il suffisait à une partie recourante, pour obtenir une prolongation, d'invoquer un motif insuffisant de non-paiement de l'avance de frais et de mettre ainsi la juridiction devant le fait accompli le dernier jour du délai (ATA/1306/2017 précité consid. 4e).

4.10 Dans l’ATA/1226/2021 du 16 novembre 2021, la chambre administrative a retenu qu’en sollicitant, le dernier jour du délai, la prolongation de celui-ci pour procéder au versement de l’avance de frais, le recourant avait pris le risque de se voir refuser ladite demande de prolongation. En ne donnant pas suite à la demande de prolongation de délai et en la refusant en argumentant que le « coup dur » invoqué et tel que détaillé par le conseil dans son courrier ne remplissait pas les conditions des motifs fondés de l’art. 16 al. 2 LPA, le TAPI n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

5.             En l’espèce, le conseil des recourants a pris le double risque de n’expédier au TAPI une demande de prolongation de dix jours pour s’acquitter de l’avance de frais que le 24 août 2'023, jour de l’échéance du délai. Qui plus est, cette demande de prolongation de délai ne comportait aucune motivation. Elle précisait simplement que le paiement avait été ordonné le jour-même et serait exécuté le lendemain.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que le TAPI a refusé d’accéder à la demande de prolongation. Le refus du TAPI repose sur la base légale précitée (art. 16 al. 2 LPA), respectant ainsi le principe de la légalité (art. 5 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Les explications données subséquemment au TAPI, le 25 août 2023, dans une demande de reconsidération, n’y changent rien.

Le refus était en conséquence fondé, en application de l’art. 16 al. 2 LPA, étant rappelé qu’en sollicitant une prolongation le dernier jour d’un délai, le justiciable prend le risque de se la voir refuser.

Ce refus est proportionné. En effet, conformément à la jurisprudence précitée, l’administré, lorsqu’il doit s’attendre à recevoir une décision, doit prendre des dispositions pour faire en sorte d’être atteint. En l’espèce, les recourants savaient depuis le courrier recommandé du 14 juillet 2023 qu’ils devraient s’acquitter d’une avance de frais de CHF 500.- jusqu’au 14 août 2023.

Il est démontré par une quittance que les recourants ont versé à l’étude de leur conseil les CHF 500.- le 14 août 2023, peu après 14 heures. Dans ces conditions, le conseil, qui ne pouvait s’attendre à recevoir d’emblée une réponse favorable du TAPI, alors qu’il adressait sa demande de prolongation, pour rappel non motivée, le 14 août 2023 seulement, ne pouvait se permettre de prendre le risque de ne pas procéder avant 23h59 au versement dudit montant. Il avait conscience qu’un ordre de virement bancaire effectué le 14 août 2023 aurait pour conséquence un débit du compte le 15 août 2023 seulement, soit au-delà du terme fixé. Pour éviter cet écueil, il avait notamment la possibilité de se rendre dans un bureau postal ou de quérir un tiers de cette démarche. À cet égard, le fait qu’il soit passé « en coup de vent » à l’étude le 14 août 2023 ne l’empêchait pas de procéder lui-même à cette démarche ou de donner toutes instructions utiles au personnel de l’étude pour qu’elle soit accomplie. Le fait qu’il aurait eu la responsabilité de la garde de son enfant en période de vacances scolaires n’était nullement un obstacle, vu la possibilité de se rendre ensemble au bureau postal. Enfin, si tous les guichets ne permettent selon le conseil des recourants pas de procéder à des virements, une simple recherche sur Internet aurait suffi à savoir où un tel versement était possible, étant rappelé que les bureaux postaux étaient encore ouverts pendant plusieurs heures au moment de la réception du montant de l’avance de frais par ses mandants.

Les recourants ne peuvent pas se prévaloir de l’erreur de leur mandataire, qui, selon la jurisprudence précitée, leur est opposable. Ils ne peuvent ainsi pas se prévaloir d’un cas de force majeure justifiant la restitution du délai pour payer l’avance de frais.

Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que le TAPI a retenu, en application de l’art. 86 al. 2 LPA, que l’avance de frais requise n’avait pas été effectuée dans le délai imparti, de sorte que le recours devait être déclaré irrecevable.

Infondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et e LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 octobre 2023 par A______ et B______ contre le jugement du  Tribunal administratif de première instance du 12 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gaétan DROZ, avocat des recourants, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Cédric-Laurent MICHEL, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.